Brevet blanc de français, Maupassant, Bel-ami, sujet corrigé

DNBac

 

Sujet de Brevet des collèges 3e A – 01/12/2005
Guy de Maupassant, Bel-Ami



Le héros, Georges Duroy, est journaliste dans un grand quotidien parisien à la fin du XIXe
siècle. Provoqué par le rédacteur d’un autre journal, il décide de se battre en duel, au
pistolet, pour défendre son honneur. Le duel aura lieu le lendemain matin, à l’aube.
Dès qu'il fut au lit, il souffla sa lumière et ferma les yeux.
Il avait très chaud dans ses draps, bien qu'il fît très froid dans sa chambre, mais il
ne pouvait parvenir à s'assoupir. Il se tournait et se retournait, demeurait cinq
minutes sur le dos, puis se plaçait sur le côté gauche, puis se roulait sur le côté
droit.
Il avait encore soif. Il se releva pour boire, puis une inquiétude le saisit : "Est-ce
que j'aurais peur ?"
Pourquoi son coeur se mettait-il à battre follement à chaque bruit connu de sa
chambre ?
Quand son coucou allait sonner, le petit grincement du ressort lui faisait faire un
sursaut ; et il lui fallait ouvrir la bouche pour respirer pendant quelques secondes,
tant il demeurait oppressé.
Il se mit à raisonner en philosophe sur la possibilité de cette chose : "Aurais-je
peur ?"
Non certes il n'aurait pas peur puisqu'il était résolu à aller jusqu'au bout, puisqu'il
avait cette volonté bien arrêtée de se battre, de ne pas trembler. Mais il se sentait si
profondément ému qu'il se demanda : "Peut-on avoir peur malgré soi ?"
Et ce doute l'envahit, cette inquiétude, cette épouvante ! Si une force plus
puissante que sa volonté, dominatrice, irrésistible, le domptait, qu'arriverait-il ?
Oui, que pouvait-il arriver ?
Certes il irait sur le terrain puisqu'il voulait y aller. Mais s'il tremblait ? Mais s'il
perdait connaissance ? Et il songea à sa situation, à sa réputation, à son avenir.
Et un singulier besoin le prit tout à coup de se relever pour se regarder dans sa
glace. Il ralluma sa bougie. Quand il aperçut son visage reflété dans le verre poli, il
se reconnut à peine, et il lui sembla qu'il ne s'était jamais vu. Ses yeux lui parurent
énormes ; et il était pâle, certes, il était pâle, très pâle.
Tout d'un coup, cette pensée entra en lui à la façon d'une balle : "Demain, à cette
heure-ci, je serai peut-être mort." Et son coeur se remit à battre furieusement.
Il se retourna vers sa couche et se vit distinctement étendu sur le dos dans ces
mêmes draps qu'il venait de quitter. Il avait ce visage creux qu'ont les morts et
cette blancheur des mains qui ne remueront plus. Alors il eut peur de son lit, et
afin de ne plus le voir il ouvrit la fenêtre pour regarder dehors.
Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1ère partie, ch.7 (1885)
Questions (15 points)
A. U n récit :
1. a) Qui raconte et à quelle personne est faite la narration ? Justifiez votre
réponse par une citation du texte.
b) Relevez un passage au discours direct. Qui s’exprime ?
2. Justifiez l’emploi du présent « ont » (l.30) dans un récit écrit au passé.
3. a) Relevez au début du texte (l. 1 à 7) les connecteurs temporels qui font
progresser le récit.
b) Expliquez pourquoi le texte est découpé en de nombreux paragraphes.
c) Caractérisez à l’aide d’un adjectif le rythme ainsi obtenu.
B. U n sentiment :
4. a) Quel sentiment domine le personnage ? Expliquez à quelles
circonstances il est lié.
b) Relevez tous les termes qui marquent cette émotion.
c) Citez au moins trois exemples qui montrent que cette émotion se traduit
physiquement.
5. Dans les lignes 24 à 26 (« Quand il aperçut… énormes ») :
a) Relevez deux termes de nature grammaticale différente qui traduisent le
trouble du personnage.
b) Dites quel est le point de vue adopté par le narrateur.
6. Diriez-vous de la fin du texte qu’elle est fantastique, tragique ou
dramatique ? Justifiez votre réponse.
C. U n discours :
7. Dans le passage argumenté (l. 15 à 22), relevez les mots qui prouvent que
le héros essaye de faire appel à sa raison.
8. À part le vocabulaire, quels sont les indices qui montrent son sentiment de
doute ?
9. Identifiez avec précision les formes verbales en « -rais » à la ligne 13 et en
« -rait » aux lignes 15, 19 et 21. Justifiez ces trois dernières formes.
Réécriture (4 points)
Recopiez le passage de la ligne 23 à la ligne 25 (« Et un singulier besoin…
jamais vu. ») en effectuant simultanément les transformations suivantes :
- le récit sera à la 1ère personne et fait par une narratrice
- « visage » sera remplacé par « traits »
- « dans le verre » sera remplacé par « sur la surface »




Sujet de Brevet des collèges
Guy de Maupassant, Bel-Ami
Corrigé des questions

A. U n récit :
1. a) Le récit est rédigé à la 3e personne par un narrateur extérieur à
l’histoire : « Il se mit à raisonner en philosophe sur la possibilité de cette
chose… » (l. 13)
b) Dans le passage au discours direct « Aurais-je peur ? » (l. 13-14), c’est le
personnage, Georges Duroy, qui s’exprime.
2. Il s’agit d’un présent de vérité générale. Le fait est présenté comme étant
toujours vrai.
3. a) Les connecteurs temporels qui font progresser le récit sont « Dès qu’ »
(l. 1) et « puis » (l. 4 et 6). [N.B : « cinq minutes » indique une durée, il
n’indique pas que l’on passe à une autre étape.]
b) Le texte est découpé en de nombreux paragraphes afin de montrer
l’agitation du personnage. Chaque paragraphe développe un autre sujet, tout
comme Georges Duroy passe sans cesse d’une idée à une autre, sans en
développer aucune.
c) Il s’agit d’un rythme heurté, saccadé.
B. U n sentiment :
4. a) Le personnage est dominé par la peur que cause l’approche d’un duel
dans lequel il risque de perdre la vie.
b) Les termes qui marquent la peur sont « inquiétude » (l. 6 et 1Cool, « peur »
(l. 7, 14, 15, 17 et 31) et « épouvante » (l. 1Cool.
c) Les manifestations physiques de la peur sont « lui faisait faire un
sursaut » (l. 10-11), « il demeurait oppressé » (l. 12) et « son coeur se remit
à battre furieusement » (l. 2Cool.
5. Dans les lignes 24 à 26 (« Quand il aperçut… énormes ») :
a) Le trouble du personnage est marqué par les modalisateurs « à peine »
(adverbe) et « il lui sembla » (verbe) de la ligne 25.
b) Le point de vue adopté par le narrateur est interne, car le narrateur nous
livre les pensées du personnage (discours direct et indirect libre) ainsi que
ses sensations (« il avait très chaud » l. 2) et sentiments (« il eut peur » l.
31).
6. La fin du texte est fantastique car Georges Duroy voit son propre double
étendu sur son lit, comme s’il avait une vision prémonitoire de l’issue du
duel. Il s’agit sans doute d’une hallucination due à la peur, mais le récit (en
point de vue interne) présente cela comme un fait réel.
C. U n discours :
7. Dans le passage argumenté (l. 15 à 22), les connecteurs logiques
« puisqu’ » (l. 15), « mais » (l. 16), « Si » (l. 1Cool et « certes » (l. 15)
prouvent que le héros essaye de faire appel à sa raison.
8. Les indices qui montrent son sentiment de doute sont les points
d’interrogation (l. 17, 19, 20, 21 et 22) qui indiquent que le personnage se
pose beaucoup de questions.
9. Ces formes verbales sont toutes au conditionnel présent. Les trois
dernières, à la 3e personne, correspondent à un « futur dans le passé » (« il
n’aurait pas peur », « qu’arriverait-t-il ? » et « il irait »). Georges Duroy
imagine le duel du lendemain (« je n’aurai pas peur, qu’arrivera-t-il ?
j’irai… ») [N.B : le conditionnel présent de la ligne 13 exprime, lui, une
hypothèse.]

 

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Date de dernière mise à jour : 01/05/2021

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