Brevet blanc de français, texte de Robert Merle. Sujet corrigé

DNBac

 

BREVET BLANC 2001
DISTRICT de CHOISY le ROI




Je suis le point de mire de ce cercle et, comme chaque fois qu’on me regarde avec insistance, j’éprouve un sentiment de gêne.
Je ne sais si on se rend compte combien c’est une chose affreuse que d’être laid. De la minute où je me lève et me rase devant ma glace à la minute où je me couche et me lave les dents, je n’oublie pas une seconde que tout le bas de mon visage, à partir du nez, me donne une ressemblance fâcheuse avec un singe. Si je l’oubliais, d’ailleurs, les regards de mes contemporains se chargeraient à chaque instant de me le rappeler. Oh, ce n’est même pas la peine qu‘ils ouvrent la bouche ! Où que je sois, dès que j’entre dans une pièce, il suffit que les gens tournent les yeux vers moi : j’entends aussitôt ce qu’ils pensent
Je voudrais arracher mon physique comme une vieille peau et le rejeter loin de moi. Il me donne un sentiment intolérable d’injustice. Tout ce que je suis, tout ce que je fais, tout ce que j’ai accompli- dans le domaine du sport, de la réussite sociale et de l’étude des langues -, rien de tout cela ne compte. Un seul coup d’œil à ma bouche et à mon menton, et je suis dévalorisé. Peu importe aux gens qui me regardent si le caractère bestial et lubrique de ma physionomie est démenti, en fait, par l’humanité qu’on peut lire dans mes yeux. Ils ne s’attachent qu’à la difformité du bas de mon visage et portent sur moi une condamnation sans appel.
J’entends leur pensée, je l’ai dit. Dès que je parais, je les entends s’exclamer en eux-mêmes : « Mais c’est un orang-outan ! » Et je me sens devenir aussitôt un objet de dérision.
L’ironie c’est qu’étant si laid, je sois en même temps si sensible à la beauté humaine. Une jolie fille, un enfant gracieux me ravissent. Mais, de peur de les effrayer, je n’ose approcher les enfants. Et très peu souvent les femmes. Je note pourtant que les animaux, dont je raffole, n’ont aucunement peur de moi et qu’ils s’apprivoisent très vite. De mon côté, je me sens à l’aise avec eux. Je ne lis rien d’humiliant dans leur yeux. Uniquement de l’affection – demandée, reçue, rendue. Ah, quel beau monde ce serait, et combien je m’y sentirais heureux, si les hommes pouvaient avoir le regard des chevaux !
Je fais sur moi-même un violent effort, je relève les paupières, je regarde à mon tour mes regardeurs. Aussitôt, avec cette hypocrisie des gens que vous surprenez à vous fixer, ils détournent les yeux et prennent un air indifférent- et d'autant plus vite que ma hure leur fait peur. Ce n'est pas que mes yeux soient féroces, bien au contraire. C'est le contexte qui les contamine et leur donne un air menaçant.

Robert MERLE Madrapour
Seuil 1976

In Littérature et Expression, Hachette éducation, p. 130, 131


Première partie Questions (15 points)

Toutes les réponses doivent être rédigées. Il sera tenu compte de la présentation et de l'orthographe. Vous n'oublierez pas d'utiliser les guillemets lorsque vous citerez le texte.

I. La souffrance du narrateur

1) a) Pourquoi le narrateur souffre-t-il dans ce texte ? (0,5 point)
b) Relevez trois mots ou expressions qui témoignent de cette douleur.(1,5 pt)
2) A quoi le narrateur se compare-t-il à plusieurs reprises dans le texte ? Justifiez votre réponse en citant deux fois le texte. (1,5 point)
3) Dans la phrase : " Je voudrais arracher mon physique comme une vieille peau et le rejeter loin de moi. " :
a) Quelle est la réaction du personnage face à son physique ? Quels sont les deux verbes qui le montrent ? (2 points)
b) Quelle figure de style utilise-t-il pour qualifier son physique?(0,5 pt)
c) Quelle est la valeur du conditionnel "voudrais" dans cette phrase?(0,5 pt)

II. Le regard des autres

1) Relevez quatre termes employés pour désigner les autres dans le texte, et précisez la nature grammaticale de chacun. (2 points)
2) Quel néologisme (=création de mot) désigne les personnes qui le fixent ? Comment est-il formé ? (1 point)
3) Quel double sens a le verbe entendre (lignes 12, 23, 24) ? (0,5 point)
4) a) Les autres parlent-ils vraiment dans l'expression " Mais c'est un orang-outan ! " ? Justifiez votre réponse. (0,5 point)
b) Qu'en déduisez-vous ? (0,5 point)

III. La difficulté de communiquer

1) Qu'apprécie le narrateur chez les animaux, qu'il ne retrouve pas chez les êtres humains ? (0,5 point)
2) Qu'est-ce que traduit le point d'exclamation à la fin de l'avant-dernier paragraphe ? (0,5 point)
3) Qu'est-ce que le narrateur aimerait que l'on prenne en compte pour l'apprécier ? Citez une phrase du 3ème paragraphe qui le montre. (1 point)
4) Que reproche-t-il aux gens qui le regardent, dans le dernier paragraphe?(0,5 pt)
5) Quel type de relations aimerait-il établir avec les gens ? (0,5 point)
6) Son sentiment d'être exclu vous paraît-il totalement justifié ? Développez votre réponse. (1 pt)



Réécriture (4 points) Transposez le début du dernier paragraphe, " Je fais sur moi-même un violent effort... " à " ma hure leur fait peur " au passé. Expliquez pourquoi on doit laisser le verbe " surprenez " au présent.


Deuxième partie : (15 points) Rédaction


Il vous est sans doute arrivé de rejeter quelqu'un à cause de son apparence, puis de changer d'avis en faisant plus ample connaissance.
Décrivez d'abord cette personne telle que vous la perceviez au départ, puis, dans une deuxième partie, exposez les raisons qui ont modifié votre première appréciation.

Il sera tenu compte dans la notation, de la présentation de la copie, de la correction de la langue et de l'orthographe.



Dictée (6 points)

Un jour Cosette se regarda par hasard dans son miroir et se dit: Tiens! Il lui semblait presque qu'elle était jolie. Ceci la jeta dans un trouble singulier. Jusqu'à ce moment elle n'avait point songé à sa figure. Elle se voyait dans son miroir, mais elle ne s'y regardait pas. Et puis, on lui avait souvent dit qu'elle était laide, Jean Valjean seul disait doucement:" Mais non!" Quoi qu'il en fût, Cosette s'était toujours crue laide, et avait grandi dans cette idée avec la résignation facile de l'enfance.

Victor Hugo. Les Misérables.

En gras : 12 mots à évaluer (notation positive)




CORRECTION

Première partie : (15 points) Questions



II. 1)gens : GN mes regardeurs : GN ils : pron.personnel eux : pron. personnel. (2 points)
2) "regardeurs" (0,5 point) radical + suffixe (0,5 p)
3) comprendre, ouïr (0,5 point)
4) a) non, "en eux-mêmes" (0,5 point)
b) Il préjuge de ce que pensent les autres.(0,5 point)

III.1) l'absence de jugement, l'affection. (0,5 point)
2) l'aspiration, le souhait, le désir, le regret, l'amertume. (0,5 point)
3) ce qu'il a accompli socialement, intellectuellement, humainement; "Tout ce que je suis...compte" (1 point)
4) leur hypocrisie, leur feinte indifférence (0,5 point)
5) des rapports d'affection vraie et sincère (0,5 point)


Dictée (6 points) : 12 x 0,5 point pour chacun des mots :
hasard - tiens - jolie - jeta - Jusqu'à - ce - songé - se - s'y - on - crue - résignation.


Réécriture (4 points)
6 transformations à 0,5 point = 3 points + 1 pt pour la valeur de "surprenez"




Deuxième partie : (15 points) Rédaction

soin, langue, expression :4 points
description :4 points
transition :1 point
argumentation : 4 points
conclusion :2 points

 

 

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Date de dernière mise à jour : 01/05/2021

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