Brevet blanc de français, épreuve commune. Sujet corrigé

DNBac

 

Épreuve commune de français 3e – janvier 2010


« Chocolat »

« Pourquoi vous surnomme-t-on Chocolat ? »

Julien allait répondre que c'était parce que son père possédait la plus grosse chocolaterie de la région quand Vairon le devança :
« C'est parce que son père l'a ramené du Brésil dans une cargaison de chocolat. »
Julien haussa les épaules avec agacement en croyant à une blague. C'est alors que Vairon ajouta :
« C'est un enfant adopté, un petit Brésilien miséreux qu'on a trouvé en creusant la terre pour extraire le chocolat. »
Le professeur entreprit d'expliquer que le chocolat ne se trouvait pas dans la terre, mais Julien n'écoutait plus. Sans savoir pourquoi, il venait d'avoir l'affreuse révélation que les paroles de Vairon n'étaient pas des mots en l'air. Il aurait dû protester, hurler son indignation. Il n'y parvenait pas. Un mur s'était subitement dressé, un mur qui l'encerclait, étouffait ses cris, un mur sur lequel allait se cogner le moindre argument qu'il tentait de formuler. Et, comme un boomerang, il lui revenait en plein coeur, lui provoquant d'affreuses blessures.
Le professeur continuait à parler sans se rendre compte de rien. Julien avait l'impression de ne plus exister, l'impression que tout ce qu'il voyait autour de lui n'était qu'illusion. La sueur commença à lui perler au front. Il se sentit mal, très mal. Sa vue se brouilla.
« M'sieur, cria une voix, y a Julien qui est tombé dans les pommes ! »
Quand Julien reprit conscience, il se sentait plein d'un désespoir effroyable. [...]
« Adopté. » C'est ce qu'avait dit Vairon. « Petit Brésilien miséreux. »
Ses dents se serraient si fort que sa mâchoire lui faisait mal. Il était en train de se rappeler que pour fêter son dixième anniversaire, il avait voulu se déguiser en Indien, et qu'en se regardant avec attention dans la glace pour appliquer ses peintures de guerre, il avait remarqué pour la première fois cette évidence : son teint était foncé, bien différent de celui de ses parents.
Une main se posa sur son front. Il ne bougea pas.
Il y avait eu cette autre chose... cette phrase terrible qui avait frappé son oreille et dont il ne comprenait le sens qu'aujourd'hui. Deux ouvrières de la fabrique avaient dit sans remarquer sa présence :
« Maintenant qu'il y a un bébé chez le patron, le Julien, il a intérêt à bien se tenir.
- Quand même, avait répondu l'autre, ils ne peuvent pas le virer comme ça ! »
Sur le moment, ça lui avait fait un effet terrible et il s'était persuadé qu'il avait mal entendu. Pourquoi, soudain, ses parents lui auraient-ils préféré sa petite soeur Agnès ?
À présent il comprenait.

Évelyne Brisou-Pellen, Deux graines de cacao, 2001.

Questions : (15 points)
Les questions sont à traiter dans l’ordre en reportant précisément le numéro et la lettre.
I. L’action (5 points)► 1. a) Dans quel lieu l'action se déroule-t-elle ? (0,5 point)
b) Relevez un indice qui le prouve. (0,5 point)
► 2. a) Qui est désigné par le terme « Chocolat » ? Qui emploie ce surnom ? (0,5 point)
b) Donnez la nature grammaticale de « Chocolat ». (0,5 point)
Dans quelle intention ce surnom a-t-il été choisi ? (0,5 point)
► 3. Lignes 8 à 9 :
a) Dans cette phrase, relevez les trois adjectifs qui caractérisent Julien. (0b) Dans la même phrase, relevez une autre expansion du nom «Brésilien» et indiquez sa nature grammaticale. (1 point)
c) Déduisez de ces indices les sentiments que Vairon éprouve à l'égard de Julien. (1 point)
II. Les souvenirs (5 points)► 4. De la ligne 29 à la fin du texte, trouvez deux passages de retour en arrière et indiquez leurs limites précises. (1 point)
► 5. a) Lignes 29 à 34 : quel est le temps verbal indiquant ce retour en arrière ? (0,5 point)
b) Ligne 35 : nommez et justifiez le temps verbal utilisé. (0,5 point)
► 6. a) Lignes 40 à 43 : qu'y a-t-il de « terrible » pour Julien dans les propos des deux ouvrières rapportés directement ? (1 point)
b) Indiquez le niveau de langue des répliques des ouvrières et justifiez votre réponse en relevant deux expressions du texte. (2 X 0,5 point)
► 7. Quelle est la révélation apportée à Julien par chacun des deux souvenirs ? (1 point)
III. Les réactions de Julien (5 points)► 8. Lignes 16 à 29 : relevez quatre termes ou expressions qui appartiennent au champ lexical de la souffrance physique. (1 point)
► 9. Lignes 14 à 18 : relevez deux figures de style différentes employées par l'auteur pour mettre en évidence l'intensité du choc émotionnel et nommez-les. (2 X 0,5 point)
► 10. Lignes 25-26 : dans l'expression « un désespoir effroyable ».
a) Décomposez l'adjectif « effroyable » en expliquant précisément sa formation. (0,5 point)
b) Quelle est la signification de cet adjectif dans son contexte ? Donnez deux raisons qui peuvent justifier l'emploi de ce terme. (1 point)
► 11. Les sentiments successifs éprouvés par Julien :
a) Lignes 1 à 3 : quel sentiment exprime la réponse que Julien voulait apporter au professeur ? (0,5 point)
b) Montrez par quels sentiments successifs il parvient au désespoir. (1 point)
Réécriture : (4 points)
Réécrivez le passage du texte lignes 14 à 16, de « Un mur » à « formuler » en remplaçant « un mur » par « des murs » et en apportant toutes les modifications qui s'imposent.,5 point)


Dictée
Félicité accueille pour quelques jours son neveu Victor.
Il arrivait le dimanche après la messe, les joues roses, la poitrine nue, et sentant l’odeur de la campagne qu’il avait traversée. Tout de suite, elle dressait son couvert. Ils déjeunaient l’un en face de l’autre ; et, mangeant elle-même le moins possible pour épargner la dépense, elle le bourrait tellement de nourriture qu’il finissait par s’endormir. Au premier coup des vêpres, elle le réveillait, brossait son pantalon, nouait sa cravate, et se rendait à l’église, appuyée sur son bras dans un orgueil maternel.

Gustave Flaubert, Trois contes, « Un coeur simple ».



Épreuve commune de français 3e – janvier 2010
Corrigé
Questions :
I. L’action

1.a) L’action se déroule dans une école, peut-être dans une salle de classe.
b) Parmi les personnages présents, on trouve un « professeur » (l. 10 et 19)
2.a) « Chocolat » désigne le personnage qui s’appelle Julien. Ce surnom est employé par les élèves. Au début du texte, c’est le professeur qui demande à Julien l’explication de son surnom.
b) « Chocolat » est un nom commun, employé ici comme un nom propre (un surnom). L’intention de ce surnom est manifestement moqueuse.
3.a) Les trois adjectifs qui caractérisent Julien dans cette phrase sont « adopté », « petit » et « miséreux ».
b) L’autre expansion du nom « Brésilien » est « qu'on a trouvé en creusant la terre pour extraire le chocolat ». C’est une proposition subordonnée relative.
c) Vairon éprouve pour Julien du mépris ainsi qu’un sentiment de supériorité vis-à-vis de lui.
II. Les souvenirs
4. Les deux passages de retour en arrière se trouvent de la ligne 30 à la ligne 34 (« il avait voulu … ses parents ») et de la ligne 36 à la ligne 46 (« Il y avait eu … Agnès ? »).
5a) Le temps qui indique le retour en arrière est le plus-que-parfait : « avait voulu », « avait remarqué ».
b) Ce temps est le passé simple. Il indique le retour à l’action principale et correspond à des actions ponctuelles dans le passé.
6.a) Ce qu’il y a de terrible dans ces propos, c’est qu’ils accordent à sa petite soeur une place plus élevée qu’à lui, qu’ils laissent entendre qu’il n’est pas à sa place et qu’il pourrait la perdre.
b) Les répliques des deux ouvrières appartiennent au registre familier comme le prouvent la tournure « le Julien, il … » et l’emploi du verbe « virer ».
7. Le premier souvenir révèle à Julien qu’il n’a pas le même teint que ses parents (et donc qu’il n’est pas leur fils) et le second que des personnes étaient au courant de son adoption avant lui.
III. Les réactions de Julien
8. Les termes ou expressions qui appartiennent au champ lexical de la souffrance physique sont « en plein coeur » (l.17), « affreuses blessures » (l.1Cool, « il se sentit mal » (l.22) et « faisait mal » (l.29).
9. L'intensité du choc émotionnel est mise en évidence par la comparaison « comme un boomerang » (l. 16-17) et par la métaphore « Un mur s'était subitement dressé, un mur qui l'encerclait, étouffait ses cris, un mur sur lequel allait se cogner le moindre argument qu'il tentait de formuler. » (l.14-16).
10.a) « Effroyable » est constitué du radical effroy- (du nom « effroi ») et du suffixe –able (qui provoque, qui cause).
b) Cet adjectif signifie « qui cause de l’effroi ». Dans le texte, cet adjectif indique le sentiment qu’on peut ressentir devant le désespoir de Julien et mesure l’ampleur de son désespoir.
11a) Cette réponse qu’il voulait apporter montre qu’au début du texte Julien ne se doute de rien et qu’il n’éprouve aucune inquiétude. Il va être pris par suprise.
b) Ensuite, Julien éprouve de « l’agacement » (l. 6) parce qu’il croit à une blague puis il réalise (l. 12-13) que ce n’est pas le cas. Il est alors incapable de montrer son « indignation » parce que la révélation l’a anéanti et lui donne « l'impression de ne plus exister » (l. 20). Lorsqu’il reprend ses esprits, il ressent du « désespoir » (l. 25).

Réécriture :
Des murs s'étaient subitement dressés, des murs qui l'encerclaient, étouffaient ses cris, des murs sur lesquels allait se cogner le moindre argument qu'il tentait de formuler.

 

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Date de dernière mise à jour : 01/05/2021

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