Y a-t-il un sens à débattre de la vérité ? La raison et le réel. Sujet corrigé philosophie ES, Centres Etrangers 2018

Le bac de français

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Philosophie BAC ES 2018 - Centres Etrangers

 

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  • Epreuve : BAC ES
  • Matière : Philosophie
  • Classe : Terminale
  • Centre : Centres Etrangers
  • Date :  juin 2018
  • Durée : 4h

 

Série E.S.


Sujet 1 : Le respect de la morale est-il une preuve de la liberté ?

Sujet 2 : Y a-t-il un sens à débattre de la vérité ?

Sujet 3: 

Expliquer le texte suivant :

 
Quand une oeuvre s'adresse au public, même si j'ai de l'amitié ou de l'inimitié (1) pour l'auteur, je dois me détacher de cette situation, et, me considérant simplement comme un homme en général, oublier, si possible, mon  être singulier et les circonstances qui me sont particulières. Un homme qui est sous l'emprise du préjugé ne se soumet pas à cette condition, mais garde avec obstination sa position naturelle, sans se placer à ce point de vue précis que l'oeuvre demande. A supposer que celle-ci soit destinée à des personnes d'une époque ou d'une nation différente, il ne tient aucun compte des conceptions et des préjugés qui leur sont propres, mais, tout pénétré des moeurs de son époque et de son pays, condamne avec rudesse ce qui paraissait admirable à ceux pour lesquels seulement le discours fut composé. Si l'oeuvre est faite pour le public, il n'élargit jamais suffisamment le champ de sa compréhension, et n'oublie pas suffisamment l'intérêt qu'il lui porte en tant qu'ami ou ennemi, en tant que rival, ou commentateur. Par ce biais, ses sentiments sont faussés, et les mêmes beautrés et les mêmes fautes n'ont pas sur lui la même influence que s'il s'était fait violence de la manière appropriée, en ce qui concerne son imagination, et s'était, pour un temps oublié lui-même. Son goût, bien évidemment, s'écarte pour autant de la véritable norme, et perd, par conséquent, toute crédibilité et toute autorité.

HUME, De la norme du goût (1757)

 

Correction du sujet n° 2 

 

Sujet 2 : Y a-t-il un sens à débattre de la vérité ?

 

Distinctions conceptuelles :

Sens : direction / but, finalité

Vérité / certitude

Débat / doute

Le raisonnement s’organise autour de la relation entre la vérité et la certitude

 

Reformulation : le débat peut-il aider à trouver la vérité ?

Problématisation : le sujet suggère d’une part qu’il est inutile de débattre de la vérité, car si on a déjà la vérité, à quoi bon la remettre en question dans le débat ? Mais d’autre part il suggère que la discussion philosophique peut permettre de se rapprocher de la vérité, qui est très différente de la certitude.

 

Plan possible :

I- Il n’y a pas de sens (direction) à débattre de la vérité puisque débattre revient à douter : le débat c’est presque la marche arrière de la vérité, il n’a pas de sens puisqu’il va dans la mauvaise direction

A/ Lorsqu’il y a un débat c’est qu’il n’y a pas certitude. Or la vérité se doit d’être certaine ; donc il n’y a pas de sens à débattre de la vérité puisqu’on sait déjà que ce qui est vrai est certain et ne peut être remis en question. Il est absurde d’en douter.

B/ En effet le doute nous éloigne de la certitude, c’est-à-dire de la vérité. On peut voir avec Descartes, dans ses Méditations Métaphysiques, qu’il y a en nous des idées nécessairement vraies, innées, telles le « je pense donc je suis ». Or le débat nous éloigne de ces vérités en les remettant en question.

C/ La Vérité se connaît comme Vérité. Pour Hegel, l’Idée absolue est la Vérité, qui se sait telle, toute Vérité ; la vérité qui doute n’est déjà plus vérité, elle est errance, illusion, erreur. La Vérité est ce qui nous éloigne du doute. Débattre nous éloigne de la vérité et nous rapproche du doute.

II- La vérité reste subjective, et différente de la certitude : débattre permet donc de parvenir à une vérité commune grâce aux vertus du dialogue. Il peut y avoir un sens (direction) à débattre de la vérité car, pour utiliser une métaphore géographique, le débat nous rapproche de la vérité

A/ le chemin à la vérité est tortueux ; la doute méthodique est une bonne manière d’y accéder. Descartes propose ainsi de douter, non pas de tout, mais de tout sauf des idées claires et distinctes. Méthodiquement rétablir la connaissance en partant du seul postulat que « je pense donc je suis », et voir comme dépasser l’erreur grâce au doute, en ne rétablissant que ce dont je suis absolument certain. Cela peut donc se faire par exemple par un débat suivant une méthode rigoureuse.

B/ Pour Merleau-Ponty, le dialogue est un acte philosophique et phénoménologique très fort par lequel on peut créer un « être-à-deux », c’est-à-dire : une union langagière et intellectuelle de deux êtres qui se rapprochent par là-même d’une vérité plus forte que leurs vérités individuelles, car la vérité du dialogue devient transcendante, surplombante.

C/ le débat contient certes intrinsèquement une forme d’erreur, d’incertitude, de doute, d’errance, etc. Mais on peut trouver la vérité par l’erreur encore mieux que par la certitude. Pour Bachelard, c’est en revenant sur un passé d’erreurs que nous trouvons la vérité. Le doute se fait rétrospection pour mieux nous voir nous-mêmes dans notre vérité.

III- La vérité est contenue dans le fait même de débattre : le débat est non seulement utile mais aussi nécessaire à la vérité. Il y a donc un sens (but, finalité) au fait de débattre de la vérité, puisque c’est précisément la manière par laquelle on peut la trouver.

A/ On peut ici distinguer vérité et certitude. La certitude est connaissance figée ; la vérité quant à elle se situe dans le mouvement perpétuellement renouvelé de la vie. On peut voir avec Bergson que chercher à figer le monde, à lui apposer des grilles de lectures sûres d’elles-mêmes, prédéfinies, ce n’est pas mieux le connaître dans sa vérité mais lui faire défaut. La vérité n’est pas certitude mais débat, elle n’est pas figée mais en perpétuel mouvement.

B/ La vérité est recherche de vérité : en débattant, en discutant, en dialoguant, en partageant les expériences ! Pour Spinoza, l’erreur provient d’un manque de connaissance. On peut alors tenter de définir la vérité dans ce chemin pour combler le manque de connaissance d’où surgit l’erreur. La vérité est quête de soi et de l’autre dans le geste intersubjectif du débat, et non pas certitude de son existence.

C/ Le privilège attribué à la clarté est un préjugé moral, nous dit Nietzsche. Tout se passe comme si le débat était dévalué dans son potentiel créateur, alors même que sans lui, il n’y aurait pas de vérité. Observer le monde dans un filtre clair, sûr, « vrai », c’est se bercer d’illusions et non pas trouver la vérité mais s’en éloigné. Ce n’est pas le débat qui éloigne de la vérité, mais la certitude elle-même.


 

 

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Spécial bac de philosophie, Centres Etrangers 2018

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