Le mensonge : Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire : imposture, fraude et calomnie

Rousseau

Commentaire philosophique : Rousseau, les rêveries du promeneur solitaire.

BAC

Le mensonge : Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire

 

Rousseau

Lecture du texte

« Dire faux n’est mentir que par l’intention de tromper, et l’intention même de tromper loin d’être toujours jointe avec celle de nuire a quelquefois un but tout contraire. Mais pour rendre un mensonge innocent il ne suffit pas que l’intention de nuire ne soit pas expresse, il faut de plus la certitude que l’erreur dans laquelle on jette ceux à qui l’on parle ne peut nuire à eux ni à personne en quelque façon que ce soit. Il est rare et difficile qu’on puisse avoir cette certitude ; aussi est-il difficile et rare qu’un mensonge soit parfaitement innocent. Mentir pour son avantage à soi est imposture, mentir pour l’avantage d’autrui est fraude, mentir pour nuire est calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge. Mentir sans profit ni préjudice de soi ni d’autrui n’est pas mensonge, c’est fiction. »

Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, quatrième promenade.

 

Travail à faire

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes

1) Dégagez l’idée principale du texte en insistant sur le raisonnement de Rousseau et en dégageant les différentes parties

2)

a) Pourquoi « dire faux » n’est-il pas toujours « mentir » ?

b) Expliquez : « mentir pour nuire est une calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge ».

3)

Mentir est-il toujours immoral ?

Rousseau

Explication du texte

Question 1 :

Ce texte a pour objet le mensonge , il en propose une définition en distinguant trois sortes de mensonges du point de vue moral. Mentir est dire le faux dans l'intention de tromper

La thèse de Rousseau = mentir n'est pas seulement dire le faux mais avoir l'intention de tromper, de se tromper soi-même ou de tromper autrui. Même si l'intention n'est pas de nuire avec le mensonge, il n'est jamais innocent, (deuxième partie du texte). Dans la dernière partie du texte, Rousseau fait une classification des trois mensonges en mettant en avant leur gravité morale, l'imposture pour « mentir pour son avantage à soi », la fraude, « mentir pour l'avantage d'autrui et la calomnie avec le mensonge pour nuire. En dernier lieu, le penseur distingue le mensonge de la fiction qui consiste « à mentir sans profit, ni préjudice de soi ni d'autrui »

Question 2 :

a) Expliquez :

Pourquoi « dire faux » n’est pas toujours « mentir » ?

Dire faux n'est pas toujours mentir car c'est aussi affirmer quelque chose qui ne correspond pas à la réalité.

Donc on appelle faux énoncés, nos mensonges et nos erreurs. Le «dire faux » est aussi assimilé à la fiction à la fin du texte.

On peut d'une manière générale distinguer le «dire faux » du mensonge par l'intention de tromper.

b) Expliquez :

« mentir pour nuire est une calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge ».

Nous savons que le mensonge se caractérise par son intention de tromper, « la pire espèce de mensonge » mais pas forcément de nuire puisqu'il peut chercher un avantage pour soi ou pour autrui, c'est le cas des deux premières formes de mensonge que sont le fait de « mentir pour son avantage à soi-même » et celui de « mentir pour l’avantage d’autrui ». La pire espèce de mensonge est la troisième «mentir pour nuire » C'est le mensonge le plus condamnable moralement, il s'appelle la calomnie (tentative de nuire à autrui par des descriptions fausses qui le rendent pire qu'il n'est en réalité). Le contraire de la calomnie est l'imposture.

Rousseau

Question 3 : Mentir est-il toujours immoral ?

Si l'on considère la question du mensonge du point de vue de la morale, on doit envisager si mentir est toujours immoral. Si l'on se réfère au texte de Rousseau, on distinguera le mensonge en tant que propositions fausses ne correspondant pas à la réalité et le mensonge avec intention de tromper. Cette volonté de tromper peut nous concerner ou s'adresser à autrui. Il est donc clair que ce genre de mensonge est toujours immoral, condamnable contrairement au mensonge « fiction » comme autre mode de « dire faux ». La fiction qui cherchera à donner avant tout de la crédibilité et de la vraisemblance à ses histoires sans vouloir faire passer le faux pour le vrai.

On ne peut donc pas assimiler ces façons de dire faux avec la vérité car dans la simple erreur, si l'on se trompe c'est sans intention de nuire, de tromper. Prendre le faux pour le vrai n'est pas moralement condamnable contrairement au menteur qui tout en connaissant la vérité, dit délibérement le faux dans l'intention de tromper.

Ainsi seul le mensonge qui falsifie de manière délibérée la vérité serait une faute morale car il trompe la confiance d'autrui. Cette tromperie est immorale car elle inverse les valeurs du bien et du mal et transpose la réalité.

Seule la calomnie est-elle immorale ? Faut-il une intention de tromper et une intention de nuire pour qu'un mensonge soit immoral ? Il semblerait que oui. L'intention de tromper ne suffit pour qualifier le mensonge d'immoral.

Quels sont les autres motifs qui peuvent pousser l'homme à mentir ? Pourquoi parfois préférer dire les choses autrement que comme elles sont sans pour autant avoir l'intention de tromper autrui mais plutôt soi-même? Tenter de chercher un profit, un avantage pour nous-même ne serait pas immoral. Qu'en est-il lorsque nous visons à tromper autrui ?

Mais si nous ne cherchons pas à nuire à autrui pour autant avec notre mensonge mais seulement à l'induire en erreur, nous ne pouvons pas considérer ce dernier comme une faute morale.

Ce que Rousseau appelle la «fraude », le «mentir pour l'avantage d'autrui », sauf dans le cas ou l'on chercherait à nuire, ne serait donc pas immoral, car il est fait pour le bien de l'autre.

Ainsi mentir pour ménager la sensibilité d'autrui ne serait pas condamnable moralement. On cherche à ne pas faire souffrir l'autre en ne disant pas l'exacte vérité. Ce genre de mensonge presque innocent n'a pas la prétention de nuire mais n'est-ce pas une illusion ? Car si l'on ment pour son avantage, ce que Rousseau appelle imposture, ne se fait-on pas du mal malgré tout ? Ce mensonge me fait apparaître sous une fausse identité, je me trompe moi-même et je me fais du tord.

Cette dissimulation peut avoir de facheuses conséquences et m'obliger à jouer un rôle sous une identité déguisée. Ce mensonge n'est donc pas si bénin et il est en fait immoral par ses conséquences et ses effets si l'on tient compte du devoir que l'on a envers soi-même et des autres.

Quant au mensonge appelé fraude par Rousseau, il n'est pas innocent non plus. En cherchant à dissimuler à autrui une vérité qui pourrait faire mal, nous ne pouvons pas être certain des retombées de ce mensonge. Comment pouvons-nous être certain du bénéfice ? Ne dépassons-nous pas nos droits en le faisant ? On ne peut donc pas s'assurer que nos mensonges ne finissent pas par nuire. Il semblerait donc qu'aucun mensonge ne soit innocent. Mentir pour l'avantage d'autrui semble dangereux par les conséquences et effets possibles. Favoriser quelqu'un par un mensonge est appelé fraude par Rousseau. Le terme parle de lui-même.

 

Ainsi, ne pas avoir l'intention de nuire ne suffit pas pour ne pas nuire à soi-même ou à autrui. Les mensonges sont moralement condamnables, c'est une faute morale de mentir car c'est un non respect du devoir envers soi-même et autrui. Il nous faut donc conclure au caractère immoral du mensonge.

 

Rousseau

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