Commentaire philosophique : Freud Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse

Freud

La religion peut-elle prétendre apporter aux hommes une vérité ?

Commentaire philosophique

« On peut alors demander : pourquoi la religion ne met-elle pas un terme à ce combat sans espoir pour elle en déclarant franchement : « C’est exact que je ne peux pas vous donner ce qu’on appelle d’une façon générale la vérité ; pour cela, il faut vous en tenir à la science. Mais ce que j’ai à donner est incomparablement plus beau, plus consolant et plus exaltant que tout ce que vous pouvez recevoir de la science. Et c’est pour cela que je vous dis que c’est vrai dans un sens plus élevé ». La réponse est facile à trouver. La religion ne peut pas faire cet aveu, car elle perdrait ainsi toute influence sur la masse. L’homme commun ne connaît qu’une vérité, au sens commun du mot. Ce que serait une vérité plus élevée ou suprême, il ne peut se le représenter. La vérité lui semble aussi peu susceptible de gradation que la mort, et il ne peut suivre le saut du beau au vrai. Peut-être pensez-vous avec moi qu’il fait bien ainsi. »

S. Freud

Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse (Sur une Weltanschauung, pp. 229-230) trad. Rose-Marie Zeitlin, éditions Gallimard.

 

Questions

I - Présentation du texte de Freud

II - L’idée principale du texte et les grandes articulations du passage. Le problème majeur qu’il soulève

III - La religion peut-elle prétendre apporter aux hommes une vérité ?

Présentation du texte de Freud

Ce texte est une critique de la religion.

Freud ne voit en la religion que chimère collective, une simple consolation bien présente dans les désirs inconscients de l'homme.

Le mot clé est Consolation : la religion n'est qu'une consolation.

La religion est illusion, un grand mythe de l'humanité, une pulsion sublimée en un but spirituel socialement acceptée.

La religion est un beau mensonge qui berce la société dans l'illusion du réconfort. Pour reprendre les mots de Karl Marx, la religion « est l'opium du peuple » dont celui-ci se nourrit pour supporter ses souffrances et ses angoisses. Elle devient l'arme du faible qui projette sur l'idéal d'un Dieu créateur, père du monde, la consolation et la promesse d'un meilleur monde.

Quelle place lui donner ? Quelle certitude la religion peut-elle apporter ? Si nous reconnaissons l'ordre du cœur au sens Pascalien comme ordre de connaissance à côté de celui de la raison, faut-il donner à la raison le statut d'une connaissance intuitive et mystique, à défaut d'être rationnelle ?

Le texte de Freud ne laisse pas de doute : la religion relève de l'imaginaire et du désir, un rêve consolateur. On peut parler d'athéisme freudien. Une véritable critique de la religion qui n'est pas sans rappeler celle de Feuerbach, de Marx, de Nietzsche.

La religion est une simple production humaine prisonnière et inquiète de sa finitude ayant besoin d'aspirer à l'infini, à l'absolu.

L’idée principale du texte

Freud s’intéresse au devenir de la religion en s’interrogeant sur sa capacité à apporter aux hommes la vérité. Cela justifie son argumentation.

La religion est envisagée du point de vue de la science : la religion se présente comme détentrice d'une vérité absolue, supérieure, consolatrice, elle s'adresse à l'ordre du cœur de Pascal, elle répond aux besoins de l'homme. Elle s'éloigne de la notion de vérité au sens scientifique. Elle se révèle à ses fidèles par la divination ,la foi donc des moyens irrationnels. Elle serait une imposture aux yeux de la science, une illusion basée sur les désirs de l'homme.

la vérité scientifique est à même de venir à bout de la vision religieuse du monde. Le texte nous propose deux représentations de la vérité :

Tout d'abord, la vérité propre à la raison puis la vérité au sens de valeur qui est étrangère à la raison, la religion appartient à la deuxième. C'est une vérité religieuse qui ne se démontre pas mais s'éprouve par la révélation, le cœur, l'intuition.

Peut-elle apporter une vérité aux hommes, une vérité autre que celle qu'il ressent en son cœur et qu'il éprouve dans la transcendance affirmée d'un Dieu, d'une âme ?

La religion n’est comme le pense Freud, qu’un discours imaginatif qui ne peut que consoler et rassurer.

La religion peut-elle prétendre apporter aux hommes une vérité ?

Arguments thèse

  • Il faut reconnaître le pouvoir explicatif de la religion au niveau spirituel et moral : sans pour autant justifier d'un point de vue logique et rationnel sa vérité, la religion apporte l'idée d'une vérité sacrée, suprême, un message religieux, une évidence intime qui répond à l'ordre du cœur (Pascal).

  • La religion ne cherche pas à expliquer les lois de la nature mais se penche sur les phénomènes hors du commun comme les miracles. Elle offre aux hommes la vision d'un monde au sens d'une révélation qui s'appréhende par l'intuition, par le cœur, par la foi.

  • Au-delà de toute analyse elle est le fait d'une puissance souveraine : l'autorité d'un Dieu et de sa Providence. Dieu est la Vérité, il est Un, il est l'Etre, il est la Parole. « je suis venu au monde pour ceci : rendre témoignage de la vérité » Évangile selon St Jean = Dieu est la loi morale car par lui, le monde n'est pas absurde, il me dis quoi faire, comment faire pourvu que j'écoute mon cœur. Pascal : «le cœur a des raisons que la raison ignore ».

Arguments de l'antithèse

  • La religion n'est pas compatible avec le bon sens et la raison. La vérité du cœur, purement intuitive n'est pas une vérité démontrable et rationnnelle.

  • La vérité est accord avec la réalité, la vérité n'annonce rien mais dit ce qui est. Elle n'est pas un idéal, une consolation mais au contraire universelle, nécessaire et invariable. Elle n'est pas une valeur = Ramener la vérité à des catégories affectives, ce serait la ruiner ; le bon sens est là : « trop beau pour être vrai ! ». Il ne faut pas renoncer à la vérité objective. La foi est un « événement intérieur » qui n’a de vérité que pour delui qui croit mais la vérité scientifique est construite et universelle.

    La vérité de la religion n'est pas celle du savoir, elle n'éclaire pas sur le réel.

 

 

Pour aller plus loin 

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