Commentaire littéraire, les animaux malades de la peste, La Fontaine : En quoi est-ce un apologue?

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En quoi cette fable est-elle un apologue? L'art du récit, la satire : les animaux sont identifiables aux humains :prise de parole suit l’ordre hiérarchique 

 

Commentaire littéraire d'un membre du forum

Les Animaux malades de la peste 

Un mal qui répand la terreur, 
Mal que le Ciel en sa fureur 
Inventa pour punir les crimes de la terre, 
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom) 
5. Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, 
Faisait aux animaux la guerre. 
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : 
On n'en voyait point d'occupés 
A chercher le soutien d'une mourante vie ; 
10. Nul mets n'excitait leur envie ; 
Ni Loups ni Renards n'épiaient 
La douce et l'innocente proie. 
Les Tourterelles se fuyaient : 
Plus d'amour, partant plus de joie. 
15. Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, 
Je crois que le Ciel a permis 
Pour nos péchés cette infortune ; 
Que le plus coupable de nous 
Se sacrifie aux traits du céleste courroux, 
20. Peut-être il obtiendra la guérison commune. 
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents 
On fait de pareils dévouements : 
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence 
L'état de notre conscience. 
25. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons 
J'ai dévoré force moutons. 
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense : 
Même il m'est arrivé quelquefois de manger 
Le Berger. 
30. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense 
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : 
Car on doit souhaiter selon toute justice 
Que le plus coupable périsse. 
Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ; 
35. Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; 
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce, 
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur 
En les croquant beaucoup d'honneur. 
Et quant au Berger l'on peut dire 
40. Qu'il était digne de tous maux, 
Etant de ces gens-là qui sur les animaux 
Se font un chimérique empire . 
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir. 
On n'osa trop approfondir 
45. Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances, 
Les moins pardonnables offenses. 
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins , 
Au dire de chacun, étaient de petits saints. 
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance 
50. Qu'en un pré de Moines passant, 
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense 
Quelque diable aussi me poussant, 
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. 
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. 
55. A ces mots on cria haro sur le baudet. 
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue 
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, 
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. 
Sa peccadille fut jugée un cas pendable. 
60. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! 
Rien que la mort n'était capable 
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir. 
Selon que vous serez puissant ou misérable, 
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. 

 voici mon étude analytique : 

Introduction :

-Mise en scène de la réaction de la cour face à un fléau meurtrier : la peste. -Le lion, maître du royaume se prononce et avance à ses sujets la solution ultime pour éradiquer ce fléau : chacun des animaux doit se confesser. Le plus coupable doit se sacrifier pour expier les crimes de la Terre et ainsi calmer la colère divine. -Recours au registre didactique et satirique pour dénoncer l’injustice et l’abus de pouvoir de son époque. - arrière-plan politique : tableau grotesque de la cour de l’époque. 

Problématique : En quoi ce texte est-il un apologue? 

I. L’art du récit : Schéma narratif

a) Situation initiale (v1 _v14) 
• Temps utilisé : imparfait de second plan 
 Exposition d’une situation désastreuse + mise en place d’une intrigue. 
• Description de la peste ce qui souligne son caractère maléfique (peste = châtiment divin) 
 Recours à un vocabulaire violent + champs lexical du mal (terreur, fureur, mal, crime, achéron). 
 Rejet(V4) : mis en relief de la peste 
 Personnification (V6) : donne un caractère meurtrier et destructeur à la peste. 
 Chiasme(V7) : marque la fatalité de la peste 

• Conséquence de la peste : d’ordre psychologique : perte de la joie de vivre 
 Oxymore (V9) souligne l’effet destructeur de ce fléau. 
 Négation absolue (V10 –V11) : résignation des animaux/désespoir. 

b) Péripéties (V15-V58) : procès-verbal/tribunal. 
• Passage au passé simple (temps d’action) : la parole est au centre de l’action, la peste est en 2nd plan. 
• Prise de parole par ordre hiérarchique : disproportion entre les différents discours. 

Discours du lion (V15-V33) : ouverture de la séance 
• Discours direct (vivacité du récit+ mise en perspective du statut social à travers la parole) 
• Jeu politique du Roi + stratégie argumentative = pousser ces auditeurs à réagir 
 Persuader 
• Ton solennel/grave=autorité+ rappel qu’il représente Dieu sur Terre « Ciel » V16 
• Ton familier= mise en confiance des auditeurs « Mes chers amis »V15 = manipulation/hypocrisie. 
• Jeu des pronoms « Je » : royauté /« nous » : implication + rôle de porte-parole /« on » : introduit vérité générale. – 
• Modalisation « je pense, peut-être, je crois » : donne débat, n’impose rien pour faire croire débat ouvert. 
• Il parle au nom d’une « justice » sévère et juste V23 « voyons sans indulgence » : objectivité. 
• Examen de la conscience : commet un péché capital(meurtre)+transgression 1 des 10 commandements(gourmandise)V25. 
• Intensification du crime : question rhétorique V27+ négation absolue 
• Exagération du forfait V23 « quelquefois» 
 Portrait d’un assassin brutal/sans scrupules 
 Convaincre 
• Discours construit logiquement : Expose la situation=explication+solution (V17-V18) + Invite ces auditeurs à la confession (V18-20) + délégue l’affaire à la cour(V30-34) 
• Connecteurs logiques « donc » « mais » « car » 
• Argument d’autorité (V21-V22) donne appui au discours par référence historique + Argument religieux (« Ciel » « infortune » « péché » « dévouement » « sacrifice »). 

Discours du renard (V34—V42) : plaidoyer pour la défense du Lion/ absolution 
• rusé/opportuniste cherche à s’épargner la confession et se fait complice du Roi/avocat. 
 Eloge : Hyperbole « trop bon Roi » V34-V35+ glorifie ses actes V35 + disculpe ces crimes+ Justification : suprématie du Roi V37 « Est-ce un péché ? Non, Non » : Insistance / « péché » « honneur » 
Accélération du récit (V43-V48) 
• Ellipse narrative « flatteurs d’applaudir »V43 = autres puissances ont évité la confession 
L’aveu de l’âne : victime expiatoire (V49_V53) 
Péché insignifiant : Date : passé lointain « J’ai souvenance »V49/Cause : « faim » V51 + tentation « diable » : il s’accuse/naïf/Lieu : pré de moine : plus grands propriétaires fonciers de l’époque= symbole de la religionhérésie/Faits : « je tondis de ma langue la largeur de ma langue » : futilité du crime. 
Réquisitoire pour condamner l’âne (V55-V59) 
• L’âne est coupable : cri de la foule « haro sur le baudet ». 
 Champs lexical du mal « maudit » « mal » + insultes « pelé » « gualeux » : incarnation du châtiment divin. 

c) Situation finale (V59-V62) : chute du récit 
• absurdité du dénouement : antithèse « peccadille »/ « pendable » + rapidité de la chute « o le lui fit bien voir »= euphémisme/caractère lapidaire de sa mort. 
Morale brève (V63-V64) 
• Explicite : dénonce l’injustice et l’abus de pouvoir 
 Antiphrase V64 « blanc ou noir » « puissant ou misérable » : rapport de force inégal faible/puissant 
 Recours au futur « serez » « rendrons »= annonce prophétique + « vous » pour interpeller les lecteurs + Éveillez les consciences et faire passer le message. 

II. La satire : les animaux sont identifiables aux humains :prise de parole suit l’ordre hiérarchique 

A. de la cour 

a. le lion : allégorie du Roi 
• suprématie fondée sur la force physique 
• joue la comédie V22-V24 
 dévoile son hypocrisie et annule sa confession « je me dévouerais donc s’il le faut, mais… » : valeur hypothétique. 
 dissimulation du jeu politique « accuse »/ « selon toute justice » 

b. les courtisans et l’église 
• « au dire de chacun » V48 : ironie, nuance distancée de l’opinion de l’auteur + « moins pardonnables offenses »/ « petits saints » : accentuation de l’absence de jugement. « Offenses » (Péché, manquement aux préceptes de la religion)/ « saints » marque une justice bafouée. 
 Ils ne vivent qu'en flattant le Roi par lequel ils sont entretenus et dépendants 
• Dénonciation d’une formation superficielle des hommes d’églises « quelque peu clerc » 
 Péché de l’âne=scandale d’autant plus qu'il touche à une propriété religieuse 
 La Fontaine attaque l’église et utilise un vocabulaire marquée à connotations morales : l’église sert l’intérêt des puissants 
B. De la justice : procès simulacre de la justice. 
• absurdité du crime de l’âne marqué par périphrase « Manger l’herbe d’autrui ! Quel crime abominable ! »peine capitale 
 Bouc émissaire : modèle le roi ignore les règles de la courtisanerie 

Conclusion 
- apologue : plaire + instruire 
-Recours à la satire pour dénoncer le système social de son époque marqué par l’abus de pouvoir et l’injustice. 
Démonstration de la loi sociale : raison du plus fort est infaillible. 
Ouverture : Chapitre 6 de Candide de Voltaire COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-FÉ POUR EMPÊCHER LES TREMBLEMENTS DE TERRE, ET COMMENT CANDIDE FUT FESSÉ 

 

 

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