Manuel de philosophie : ÉPISTÉMOLOGIE ( La raison et le réel) : la matière et l'esprit avec Saint Jean Damascène, Descartes et Hegel

Hegel

LA MATIERE ET L’ESPRIT

Autrefois, Dieu, incorporel et sans contours, n'était absolument pas représenté. Mais aujourd'hui, puisque Dieu a été vu dans la chair et qu'il a vécu parmi les hommes, je représente ce qui est visible de Dieu.     La sainteté du corps matériel du Fils de Dieu.       Ce n'est pas devant la matière que je me prosterne, mais devant le créateur de la matière, qui est devenu matière pour moi, qui a accepté de vivre dans la matière et qui a fait mon salut par la matière. Je ne cesserai pas de respecter la matière, par laquelle mon salut a été fait. Mais je ne la vénère pas comme un dieu allons donc ! Comment, en effet, ce qui a reçu l'existence du néant pourrait-il être dieu ? même si le corps de Dieu est Dieu, étant devenu par l'union selon l'hypostase, sans changement, ce qui lui a donné l'onction, mais tout en demeurant tel qu'il était par nature, une chair animée d'une âme raisonnable et intellectuelle, faite et non pas incréée. La matière sanctifiée par le contact avec le Christ.     Je vénère aussi et je respecte les autres parties de la matière par lesquelles est advenu mon salut, en tant qu'elles sont remplies d'énergie divine et de grâce. N'est-ce pas matière que le bois de la croix, trois fois béni et trois fois heureux ? N'est-ce pas matière que la montagne sainte et vénérée, le lieu du Calvaire ? N'est-ce pas matière que la pierre nourricière et porteuse de vie, le Saint-Sépulcre, la source de notre résurrection ? N'est-ce pas matière que l'encre noire et le très saint livre des Évangiles ? N'est-ce pas matière que la table porteuse de vie qui nous offre le pain de la vie ? N'est-ce pas matière que l'or et l'argent dont sont faits les croix, les patènes et les calices ? Et surtout, n'est-ce pas matière que le corps de mon Seigneur et son sang ? Supprime le culte et la prosternation devant tout cela, ou bien obéis à la tradition de l'Église et admets que l'on se prosterne devant les images sanctifiées par le nom de Dieu et des amis de Dieu, et qui sont pour cette raison recouvertes de la grâce de l'Esprit Saint.     La matière n'est pas indigne.     N'insulte pas la matière, car elle n'est pas indigne. Rien en effet n'est indigne, qui vient de Dieu. C'est là l'opinion des Manichéens. N'est indigne que ce qui ne tient pas sa cause de Dieu, mais que nous avons inventé en glissant volontairement de ce qui est conforme à la nature vers ce qui est contre nature, et en laissant dévier notre volonté : c'est-à-dire le péché.

Saint Jean Damascène, Discours apologétique de notre père saint Jean Damascène contre ceux qui rejettent les images

L'esprit est libre.

HegelRéaliser son être est le but que l'Esprit universel poursuit dans l'histoire universelle. Se connaître soimême est son oeuvre, et cette oeuvre ne s'accomplit pas d'un seul coup mais graduellement, par étapes. Chaque nouvel Esprit populaire déterminé représente une nouvelle étape du combat par lequel l'Esprit du Monde conquiert sa conscience et sa liberté. La mort d'un Esprit populaire est passage à la vie ; ce n'est pas comme dans la nature, où la mort d'un être appelle à l'existence un autre être, identique. L'Esprit du Monde s'élève des déterminations inférieures à des principes et à des concepts supérieurs à une présentation plus développée de son idée.

Hegel, La raison dans l’histoire

Il n’y a point de doute que tout ce que la nature m’enseigne contient quelque vérité : car par la nature considérée en général, je n’entends maintenant autre chose que Dieu même, ou bien l’ordre et la disposition que Dieu a établie dans les choses créées ; et par ma nature en particulier je n’entends autre chose que la complexion ou l’assemblage de toutes les choses que Dieu m’a données. Or il n’y a rien que cette nature m’enseigne plus expressément ni plus sensiblement, sinon que j’ai un corps qui est mal disposé quand je sens de la douleur, qui a besoin de manger ou de boire quand j’ai les sentiments de la faim ou de la soif, etc. Et partant je ne dois aucunement douter qu’il n’y ait en cela quelque vérité. La nature m’enseigne aussi par ces sentiments de douleur, de faim, de soif, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu’un pilote en son navire, mais outre cela que je lui suis conjoint très étroitement, et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui. Car si cela n’était, lorsque mon corps est blessé, je ne sentirais pas pour cela de la douleur, moi qui ne suis qu’une chose qui pense, mais j’apercevrais cette blessure par le seul entendement, comme un pilote aperçoit par la vue si quelque chose se rompt dans son vaisseau. Et lorsque mon corps a besoin de boire et de manger, je connaîtrais simplement cela même, sans en être averti par des sentiments confus de faim et de soif. Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de douleur, etc. ne sont autre chose que de certaines façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l’union, et comme du mélange de l’esprit avec le corps.

Descartes, Méditations métaphysiques (1641)

BAC
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