Dossier pédagogique en philosophie, le réel et le virtuel

 

DNBAC

 

Réel, réalité, virtuel, réalité virtuelle, réalité modifiée, réalité augmentée, hyper-réalité ... de quoi parlons-nous ?

 


Cette ressource propose de clarifier et de réfléchir les notions de réel, réalité, virtuel, réalité virtuelle, réalité modifiée, réalité augmentée et d’hyper-réalité si difficiles à définir aujourd’hui compte tenu de l’avancé des techniques modernes faisant bouger les frontièresentre naturel et artificiel.
Cette fiche pédagogique imprimable est un document augmenté. Ilsuffit de flasher les QR codes à l’aide de votre Smartphone ou de votre tablette pour accéderaux différents documents illustratifs qui vous permettront de préciser, d’approfondir ou de prolonger la réflexionen classe ou hors classe.
Bonne «lecture».
 

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Reel realite augmentee hyper2Reel realite augmentee hyper2 (337.21 Ko)

 

La raison et le réel
1 : La raison est-elle égale en chacun ?        
2 : La science abolit-elle la superstition ?        
3 : Faut-il avoir peur de l'imagination ?        
4 : Faut-il douter de tout ?        
5 : Comment accéder au savoir ? (1)        
6 : Comment accéder au savoir ? (2)        
7 : L'homme, objet de science ?        
8 : Le rationnel se confond-il avec le raisonnable ?   

A propos du réel :

 
Le réel est, par définition, ce qui est. Mais il ne faut pas réduire ce qui est à ce qui est matériel. Dans la tradition rationaliste qui est la nôtre, nous apprenons à distinguer théoriquement, pour mieux les articuler pratiquement, le réel abstrait idéel (en idée, en esprit, disons-nous), d'une part, et le réel concret matériel (de fait, empiriquement), d'autre part. C'est ce que « La ligne de la connaissance » de Platon et son illustration - l'Allégorie de la caverne - (dans La République) veulent nous faire comprendre. Autant le réel concret matériel est impensable sans le réel abstrait idéel, sans la pensée ou l'esprit, autant le réel abstrait idéel est irreprésentable pratiquement sans le premier. Ni l'un sans l'autre, ni l'autre au détriment de l'un : l'un et l'autre doivent donc être pensés ensemble, notamment pour que l'homme puisse comprendre sa place et son rôle dans le monde en général et dans le monde qui est là, en particulier, et puisse y agir.
 

Platon le mythe de la caverne

Platon, République, Livre VII, - intégralité

 

 

A propos de la réalité :

 
On a l'habitude d'associer réel et réalité, voire de les confondre. Là est l'erreur, source de bien des incompréhensions. Car il ne faut pas confondre, là non plus, ces deux domaines. Si le réel est bien ce qui est et, en tant que tel, un et absolu, la réalité en est la représentation, et même la reconstruction de plus en plus « approchée ». On parle ainsi de réalités physiques, chimiques, économiques, sociales, culturelles, sensibles, intelligibles, individuelles, collectives,  ... La réalité n'est donc pas une et absolue comme l'est le réel, elle est multiple et change avec les époques et les différentes civilisations, selon l'état des moyens d'investigation scientifiques et d'opération techniques. La réalité est donc bien une re-présentation, sensible ou/et intelligible, individuelle ou/et collective, du réel, qui, lui, ne change pas en lui-même. Or si nous cherchons à atteindre ce qui est (le réel en soi) nous ne parvenons jamais qu'à atteindre ce qui est « pour nous », en fonction de nos représentations et opérations, c'est-à-dire des réalités, nos réalités. Cela nous conduit à toujours poser le principe d'incertitude comme préalable à toute connaissance du réel et à toute action envisageable en son sein.
 
A propos de la virtualité :
 
Classiquement, le virtuel s'oppose à ce qui est en acte, de sorte que le virtuel est en puissance et contient toute les conditions de son actualisation, sans, pour autant, être encore réalisé. Si je peux obtenir le diplôme sanctionnant la fin d'un cycle de formation, tant que je n'ai pas réalisé ou achevé celui-ci en acte, mon succès n'est qu'une virtualité. 


Une autre conception du virtuel est aussi possible. Le reflet d'une chose dans un miroir est là : il est actuel, mais il n'est pas la chose elle-même. Il en est la simulation, le simulacre, qui nécessite, pour être en acte, un média : le miroir, ici. Dans le monde numérique qui est le nôtre, ce sont les techniques informatiques qui actualisent la chose. Ce qu'il faut donc comprendre, c'est que les images qui nous entourent ne sont pas réelles au sens propre : elles ne sont pas les choses mais leurs simples reflets. Ce sont des simulacres, des simulations des choses, non pas les choses telles qu'elles sont "en-soi", mais les choses telles qu'elles apparaissent "pour nous".
 
A propos de la réalité virtuelle :
 
Là où les choses se compliquent aujourd'hui, c'est que nous pouvons associer deux termes apparemment contradictoires, puisque nous parlons maintenant de « réalité virtuelle ». Or la réalité est en acte et le virtuel n'est qu'en puissance.
Lorsque nous parlons de réalité virtuelle nous parlons en fait de la numérisation du réel concret matériel ou du réel idéel.
Deux types de réalités virtuelles se distinguent donc.
a) Réalités virtuelles de premier ordre :
Cette réalité virtuelle consiste à numériser le réel concret matériel. Procédant de la sorte à l'aide d'appareils techniques adaptés une simulation du réel concret est alors possible. C'est ce qui permet la visualisation en trois dimensions d'un paysage, d'une ville et bientôt des fonds marins, etc. Les simulateurs de vols sont sur ce point des exemples d'utilisation possible de cette première réalité virtuelle. Les images générées par Google Earth sont les plus connues et les plus spectaculaires. Mais des applications en médecine et, en particulier, en chirurgie sont d'une très grande importance aujourd'hui. Nous pouvons opérer du cœur un patient situé à une distance très grande. Et bien d'autres applications sont possibles.
b) Réalités virtuelles de second ordre : 
Le second type de réalité virtuelle ne consiste pas comme dans la première à numériser le  réel concret matériel existant. Cette seconde réalité virtuelle consiste dans la numérisation de réel abstrait idéel, en esprit, n'existant donc que potentiellement. Cela consiste alors à imaginer des mondes, des êtres, des objets, des actions possibles en idée et d'en simuler la réalité numériquement à l'aide d'ordinateurs et d'objets et de machines techniques adaptés. Les films d'animation dits d'« images de synthèses », les jeux vidéo en sont de bons exemples.

Maintenant que le réel concret matériel et le réel idéel sont numérisables, toutes les combinaisons en sont désormais possibles puisqu'il ne s'agit plus que de "1" et de "0". C'est ce qui va donner naissance à la réalité augmentée.

 

VIII. Réflexion et débat


1. Présentez l'explication de Michel-Elie Martin
2. Répondez aux questions suivantes
3. Etudiez le texte, ci-dessous
4. Débattez

 

Présentation : Le terme de "nouménotechnie" est un néologisme forgé à partir de la réflexion de Bachelard sur les sciences contemporaines. Les "noumènes" dépassent les phénomènes. Ils en constituent la "raison profonde" ; "raison" de type mathématique qui non seulement démontre un phénomène, mais encore le réalise techniquement. Cette définition recouvre un enjeu épistémologique : la "nouménotechnie" peut fonder un "réalisme scientifique". Les sciences recréent la réalité elle-même. Le rationnel se fait réel.

Question n°1 : Comment les mathématiques qui sont des sciences abstraites de la réalité peuvent-elles si bien rendre compte de la réalité ?

Qestion n°2 : Comment par la technique le rationnel devient-il réel, aujourd'hui ?
Texte :
 
"Déjà l’observation a besoin d’un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n’est jamais la première observation qui est la bonne. L’observation scientifique est toujours une observation polémique, elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d’observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l’immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.
Naturellement, dès qu’on passe de l’observation à l’expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique."

 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique (1938)

Débat : Quelles fonctions et quelle(s) valeur(s) devons-nous attribuer aux techniques de numérisation du monde réel, aujourd'hui ?

 

 

 

 

 Sujets de réflexion :

 

 

La raison et le réel :


1.    En quoi la réflexion sur les sciences nous instruit-elle sur l'esprit humain ?
2.    Est-ce au réel que les mathématiques ont affaire ?
3.    Est-ce toujours légitimement que l'on invoque la réalité des faits contre les spéculations de la raison ?
4.    La réalité est-elle un fait ou une idée ?
5.    La science nous livre-t-elle le réel tel qu'il est ?
6.    La vérité est-elle différente de la réalité ?
7.    L'art nous révèle-t-il quelque chose du réel ?
8.    L'art qui reproduirait la réalité serait-il encore de l'art ?
9.    Le langage sert-il à exprimer la réalité ?
10.    Le passé a-t-il plus de réalité que l'avenir ?
11.    Le passé est-il encore réel ?
12.    Le réel se réduit-il à ce que l'on perçoit ?
13.    L'imaginaire nous éloigne-t-il du réel ?
14.    Peut-on accéder à la réalité sans passer par l'abstraction ?
15.    Peut-on dire de l'art qu'il a pour fonction de produire une représentation illusoire de la réalité ?
16.    Quels sont les obstacles à la prise de conscience de la réalité ?
17.    Qu'est-ce que le réel pour un esprit scientifique ?
18.    Se pourrait-il que le réel ne soit pas rationnel ?

Vérité :


1.    Douter, est-ce renoncer à la vérité ?
2.    Est-ce la vérité qui confère la puissance, ou bien la puissance qui décide de la vérité ?
3.    Est-il raisonnable de combattre toute illusion ?
4.    Faut-il chercher la vérité à tous prix ?
5.    Faut-il être sceptique ?
6.    La philosophie recherche-t-elle la vérité ?
7.    La recherche de la vérité explique-t-elle à elle seule le développement des sciences et des techniques ?
8.    La recherche de la vérité peut-elle se confondre avec la recherche de la sécurité ?
9.    La science est-elle un discours sans illusion ?
10.    L'homme a-t-il besoin de se faire des illusions ?
11.    L'illusion s'oppose-t-elle à la réalité ?
12.    L'imagination est-elle l'ennemie de la vérité ? 
13.    L'unanimité est-elle un critère de vérité ?
14.    L'usage de la raison est-il une garantie contre l'illusion ?
15.    Peut-on reconnaître le droit à l'erreur quand on a le souci de la vérité ?
16.    Que faut-il entendre par « vérité objective » ?
17.    Quelle idée le sceptique se fait-il de la vérité ?
18.    Toute conscience de soi est-elle une illusion sur soi ?
19.    Toutes les illusions sont-elles dangereuses ?
20.    Une vérité scientifique est-elle indépendante du temps ?
21.    Y a-t-il une contradiction entre l'évolution des sciences et leur prétention à la vérité ?
22.    Y a-t-il une vérité des apparences ?

Le vivant :


1.    Doit-on concevoir des limites à l'expérimentation sur le vivant ?
2.    Doit-on limiter le pouvoir de l'homme sur la vie ?
3.    En quoi la connaissance du vivant contribue-t-elle à la connaissance de l'homme ?
4.    La connaissance scientifique du vivant exige-t-elle que l'on considère l'organisme comme une machine ?
5.    La pensée de la mort a-t-elle un objet ?
6.    Le biologiste peut-il prétendre connaître la vie en étudiant les êtres vivants ?
7.    Le cerveau pense-t-il ?
8.    Quelles différences fait-on entre un corps mort et un corps vivant ?
9.    Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?
10.    Une connaissance scientifique du vivant est-elle souhaitable ?
11.    Y a-t-il continuité de l'être vivant à la personne ?
 

La technique :


1.    En quoi la technique peut-elle constituer un danger pour l'homme ?
2.    Est-il raisonnable d'avoir peur du progrès technique ?
3.    La diffusion croissante des résultats scientifiques et techniques rend-elle l'homme plus rationnel ?
4.    La technique ne produit-elle que les effets qu'on en attend ?
5.    La valeur d'une civilisation se réduit-elle au développement de sa technique ?
6.    L'activité technique vous paraît-elle être la caractéristique essentielle de l'homme ?
7.    Le développement des techniques nous donne-t-il plus de liberté ?
8.    Le développement technique peut-il être un facteur d'esclavage ?
9.    Le progrès technique suscite-t-il de nouvelles questions philosophiques ?
10.    Les progrès de la technique sont-ils nécessairement des progrès de la raison ?
11.    Les techniques modifient-elles notre rapport au temps ?
12.    Les techniques ne sont-elles qu'une application des sciences ?
13.    L'homme a-t-il le droit d'utiliser sur l'homme tous les pouvoirs que le progrès des sciences et des techniques lui donne ?
14.    L'idée de performance n'a-t-elle qu'une valeur technique ?
15.    Notre rapport au monde est-il essentiellement technique ?
16.    Peut-on critiquer la puissance de la technique ?
17.    Peut-on s'opposer au progrès technique ?
18.    Qu'est-ce que les techniques peuvent nous apprendre sur l'homme ?
19.    Tout ce qui est possible techniquement est-il, pour autant, légitime ?
20.    Y a-t-il une place pour la philosophie dans une société qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique et à la réussite technique ?

 

La raison et le réel par Joël GAUBERT

mis à jour le 28/11/2008


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Quels rapports peut-on observer (de fait) mais aussi doit-on instaurer (en droit) entre la raison et le réel ?


 

LA RAISON ET LE REEL     (Contribution à la table ronde des journées philosophiques du Mans des 8-9 décembre 2003) 
                                                                           Joël GAUBERT  

Introduction
 Si l'on entend communément par « la raison » la faculté la plus propre de l'esprit humain de rechercher la vérité et le bien, voire le beau, de façon méthodique en déterminant son objet selon des règles universelles et nécessaires, et si on entend par « le réel » la chose ou l'ensemble des choses qui existent effectivement (l'Être lui-même donc), ne peut-on pas penser que la raison règle le réel en s'y appliquant et même qu'elle le précède voire le produit, comme le soutient le rationalisme métaphysique antique et classique, qui fonde le double projet de la sagesse (personnelle) et de la justice (collective) sur une telle détermination du réel effectif par la raison ?
 Cependant, cette prétention de la raison de constituer le sujet absolu du réel effectif ou du monde (naturel et culturel) ne relève-t-elle pas d'une illusion, pour le moins inopérante en ce que les catégories et règles que la raison projette sur et dans le réel (en prenant ses raisons pour la réalité) lui seraient incommensurables et donc ne lui permettraient aucune prise sur ce même réel (comme le soutient le scepticisme), illusion pour le plus dangereuse en ce qu'elle soumettrait ainsi le monde et les hommes eux-mêmes à l'emprise violente d'une raison qui n'en fait qu'à sa tête, selon la logique folle de son Idée (ou idéo-logie), comme le révèle le « constructivisme » moderne, alimentant ainsi le nihilisme que la raison prétend pourtant combattre ? Plus encore : ne serait-ce pas le réel qui précéderait et réglerait une raison qui n'en serait qu'une émanation ou expression accidentelle, particulière et contingente comme telle, réel qui excéderait alors la raison de toute part, ce qui devrait donc faire revenir la raison à plus de lucidité et d'humilité à propos de ses propres capacités et de leurs limites ?
 Ainsi : quels rapports peut-on observer (de fait) mais aussi doit-on instaurer (en droit) entre la raison et le réel ? La raison et le réel sont-ils effectivement compatibles (ainsi que peut le laisser supposer la conjonction « et » de notre intitulé), ou bien sont-ils incompatibles, incommensurables l'un à l'autre en ce qu'ils seraient absolument séparés ontologiquement, épistémologiquement et pratiquement (le « et » de notre intitulé signifiant alors un « ou » exclusif) ? Si la raison et le réel sont compatibles, est-ce selon des rapports statiques et réciproques (et même égaux), ou bien selon des relations dynamiques et hiérarchiques ? S'il se révélait qu'ils procèdent l'un de l'autre, lequel estil le plus à l'origine et au fondement de l'autre ?
 Ce qui est ici en jeu, par-delà la détermination architectonique des rapports de la raison et du réel, n'est-ce pas la façon dont l'homme peut concevoir et doit pratiquer ces rapports pour accomplir au mieux son humanité (singulière, particulière et générique), dans la lucidité et la responsabilité à l'égard du réel ou encore du monde ?    Le mouvement de mon propos va (donc) consister ici en la reconstruction (ou l'évocation, plutôt) et la confrontation de différents types de raison et donc des différents types de réel qui leur correspondent, avec en « toile de fond » la question capitale de savoir si cette diversité peut être subsumée sous une quelconque unité (qui justifierait les articles définis de notre intitulé : « la » raison et « le » réel), et ce eu égard aux enjeux ontologiques, épistémologiques et pratiques de la recherche philosophique (académique comme telle) mais aussi de la constitution de l'homme et du monde, d'un point de vue cosmopolitique donc.   
I - La raison semble bien régler voire précéder et même produire le réel, jusqu'à l'englober et même le résorber tout entier en elle-même comme sujet transcendant infini.  
1 - La raison semble bien d'abord être de l'ordre de l'esprit subjectif si on l'entend comme faculté de l'esprit humain d'ordonner méthodiquement ses pensées, ses discours et ses actions selon le vrai, le bien et le beau, pour constituer un cosmos théorique et pratique intelligible, universel et nécessaire, en rupture avec le chaos sensible (de la matière et de la vie), conçu et répudié comme irréel ou ineffectif car particulier et contingent, relevant comme tel de l'inconsistance ontologique, de l'ignorance épistémologique et de l'impuissance pratique.
2 - Mais cette raison subjective n'est pas ici à elle-même son propre principe : elle provient ou procède elle-même d'une raison objective en quoi consiste le réel entendu comme structure de l'Être ou encore « ordre ou raison des choses », ordre duquel la raison subjective participe ontologiquement et auquel elle participe épistémologiquement (comme theoria spéculative épurée de toute expérience sensible) mais aussi pratiquement (comme sagesse et justice contemplatives, relevant de l'état de droit de la pensée et de l'action de la raison pure, c'est-à-dire purifiée de toute passion individuelle et collective), double participation qui fonde le sens rationnel et raisonnable de l'existence. 
3 - La raison apparaît ainsi comme sujet substantiel souverain (ou encore esprit absolu), produisant et résorbant en elle, finalement, tout le réel : si le réel est l'Être c'est en tant qu'il est intelligible (constitué par les Idées), le logos structurant l'ontos comme le theos, et si « tout le rationnel est réel » c'est parce que, d'abord, « tout le réel est rationnel » doit-on ajouter en inscrivant le devenir sensible dans le déploiement de l'Être intelligible lui-même, ce qui identifie la raison au réel effectivement advenu suivant son propre logos (selon la séquence descendante esprit-vie-matière). 
 Mais cette thèse, qui est celle du rationalisme métaphysique antique et classique ordonné au principe de raison dans son usage total et déterminant et selon lequel la raison est le réel, ne relève-t-elle pas d'une illusion dogmatique monologique (constructiviste en son fond), inopérante pour le mieux et dangereuse pour le pire en ce qu'elle soumettrait le monde (le réel) à la violence de l'Idéo-logie d'une raison qui prétend vainement à l'infinitude et qui devrait donc revenir ou en venir à plus de lucidité et donc plus d'humilité ?  
II - Ne serait-ce pas le réel qui serait au principe de la raison, qui la précéderait et la réglerait et même produirait, raison qui ne serait qu'une fonction-émanation-expression particulière et  contingente d'un réel qui l'excéderait finalement de toute part ? 
1 - En effet, le rationalisme métaphysique (qui fait de la raison le sujet ou même l'objet absolus) semble bien relever d'une illusion dangereuse de l'esprit humain (subjectif et objectif) qui finit par prendre ses raisons méthodiques pour la réalité (pour le réel) et par vouloir imposer méthodiquement au réel physique (naturel et culturel) son Idée méta-physique, selon une idéologie qui se radicalise ainsi en un « constructivisme » réduisant le réel au monde comme représentation démonstrative dogmatique et comme volonté politique et éthique autoritaire voire totalitaire. 
2 - Pour éviter un tel extrémisme, la raison ne doit plus se concevoir comme une substance métaphysique mais être perçue comme un accident physique : une simple fonction-émanationexpression, particulière et contingente, engendrée et réglée par le réel sensible universel (physique ou naturel et historique ou culturel), les impressions-sensations-perceptions et les émotions-désirssentiments-passions produisant et réglant les concepts, les catégories et même les idées de la raison, selon la séquence, ascendante cette fois, matière-vie-esprit ; la vérité n'est plus alors
l'adéquation de la représentation ou du discours du sujet à l'essence de l'objet mais la révélation de l'être de l'objet au sujet (selon l'enquête ou l'explicitation empirique ou encore l'interprétation herméneutique), et la culture n'est plus contemplation ordonnée à l'Idée théoréthique mais production subordonnée à l'intérêt technique d'une raison physique (comme dans l'empirisme) et/ou participation subordonnée à l'intérêt pragmatique d'une raison historique (comme dans le romantisme), ce qui fonde le sens sentimental de l'existence. 
3 - Le réel excède alors de toute part la raison, qui n'en est ni indépendante, ni autonome ni  surtout souveraine : seul est souverain un réel qui est, au fond, incommensurable à la raison puisqu'il est consubstantiel à la sensibilité universelle, dont la raison n'est elle-même qu'une modification, plus ou moins nécessaire ou aléatoire, sur fond d'un pluralisme ontologique et d'un perspectivisme épistémologique et pratique (éthique et politique) irréductibles car de nature intrinsèquement irrationnelle et même déraisonnable, et donc indiscutable c'est-à-dire inexaminable mais aussi, finalement, impraticable comme tel (comme le pense le scepticisme radical et donc le nihilisme). 
 Mais cette thèse, qui est celle du réalisme physique ou historique ordonné aux principes d'entendement et de sentiment, et qui fait de la raison un objet fini ou qui la réalise en en faisant une chose, une res extensa (simple accident d'un réel lui-même finalement aléatoire), n'est-elle pas elle-même qu'une illusion (physique cette fois) aussi dangereuse que le rationalisme métaphysique, la raison devant alors revenir à plus de clarté et de responsabilité ?  
III - Si le réel est bien à l'origine de la raison, il n'en est pas pour autant le fondement en ce que celle-ci s'auto-institue de façon autonome, auto-régulée sinon souveraine, en informant ou constituant le réel (thèse rationaliste critique et autocritique, ordonnée au principe de jugement selon son exercice réfléchissant, qui tâche de faire la synthèse de l'inscription de la raison dans la finitude et de son aspiration à l'infinitude). 
1 - Le réalisme physique et historique (ou "évolutionniste") semble bien relever de l'illusion d'une sensibilité qui prend ses désirs pour la réalité en se déclarant souveraine de la raison et du monde (naturel et culturel), illusion physique qui n'est pas moins illusoire et dangereuse que l'illusion métaphysique en matière d'épistémologie (principe d'erreur et de fausseté qu'une expérience sans théorie, qu'une enquête sans principe, qu'une interprétation sans explication, qu'une révélation sans démonstration ou que des fragments sans ordre), mais illusion dangereuse aussi en matière de pratique politique et éthique puisqu'un pluralisme radical ne peut que déboucher, destinalement donc, sur le conflit des interprétations, la guerre des sens ou des dieux, ou encore le choc des puissances ou des civilisations, selon un droit et même un contrat qui se révèlent alors comme étant ceux du plus fort et du plus rusé, plus différentiels finalement que discussionnels ou encore dialogiques, c'est-à-dire, au fond, selon une « real politic juridique et éthique ». 
2 - Si donc l'on peut accorder que la raison provient bien du réel (sensible), il n'en faut pas moins tenir qu'elle n'en découle pas tout entière et qu'elle s'auto-fonde en informant le réel (en lui donnant forme symbolique) en matière de connaissance et d'action (l'objectivité ou l'effectivité du réel relevant alors de l'objectivation ou de l'effectuation de la raison par la médiation de la théorie et de la pratique), ce qui nécessite un schématisme ou un symbolisme qui fasse la synthèse du sensible et de l'intelligible, ou encore du sentimental et du rationnel, en les subsumant sous le raisonnable (selon la diversité, certes, mais aussi l'unité de toutes les formes symboliques culturelles : mythe, religion, langue, art, technique, science, politique, droit, morale et philosophie elle-même), et ce par la médiation d'une réflexion qui intègre et dépasse alors l’explication et l'interprétation, mais aussi d'une action qui intègre et dépasse la production et la  participation.   
3 - Une telle synthèse schématisante ou encore symbolisante  nécessite, enfin, un sujet qui ne soit plus un objet (ni métaphysique ni physique) mais bien une subjectivité transcendentale raisonnable, qui s'auto-transcende du sein de l'immanence et « constitue » le réel en s'autoconstituant comme étant le plus propre de l'homme, en tâchant d'éviter à la fois la réification dogmatique (métaphysique et physique) et la dissolution sceptique-nihiliste de soi comme du monde et donc de la raison comme du réel, ce en référence aux Idées régulatrices du vrai, du bien et du beau, qui informent le double projet de la sagesse personnelle et de la justice collective comme relevant d'une tâche infinie de rationalisation et de réalisation conjointes de l'existence humaine et du monde.     Conclusion    Ainsi, on a d'abord pu penser que la raison est le réel, non seulement en ce qu'elle institue subjectivement et méthodiquement un monde de représentations, d'énonciations, d'actions et d'institutions universelles et nécessaires, qui rompt radicalement avec l'inconsistance, l'ignorance et l'impuissance d'une matière et d'une vie sensibles amorphes, mais aussi et surtout en ce qu'elle constitue l'ordre même des choses ou " la raison des choses » qui détermine tout (le tout de ce qui est effectivement réel) en tant que sujet transcendant ou esprit absolu qui rationalise jusqu'à la matière et la vie elles-mêmes.    Il nous est cependant apparu qu'une telle conception constitue le prototype-même de l'illusion transcendantale (et même transcendante) d'une raison subjective qui prend ses raisons pour la réalité objective ou le réel effectif, dans un mépris radical et une violence potentiellement totale à l'égard d'un réel sensible, d'une matière et d'une vie qui, bien plutôt que d'émaner de la raison ou même d'être structurés par elle, la précèdent et la règlent, la produisent et donc la commandent jusque dans ses propres éléments et démarches (concepts, catégories, idées et raisonnements), qui ne sauraient transcender la particularité et la contingence (la multiplicité, la variabilité, la caducité) des associations des impressions et émotions, dont la raison ne serait ellemême qu'une expression ou émanation finalement improbable et périssable.     Mais une telle réalisation physique de la raison nous a paru être au moins aussi illusoire et dangereuse que la rationalisation métaphysique du réel, en ce que la sensibilité y prend alors ses désirs pour la réalité, ce qui aboutit finalement à la dissolution conjointe de la raison et du réel dans un chaos (aléatoire donc) absolument insaisissable et impraticable comme tel. Si donc il nous a bien fallu, finalement, nous résoudre à accorder la priorité chronologique au réel sensible (ou à la matière et à la vie) sur une raison (ou esprit humain) qui certes en provient, il nous a surtout fallu tenir fermement que, bien loin que la raison découle tout entière du réel pour autant, elle se constitue progressivement dans son ordre propre en informant le réel lui-même, en actualisant ou réalisant ses facultés ou potentialités épistémologiques et pratiques selon un processus d'universalisation et de nécessitarisation, ou encore d'objectivation réalisante et de subjectivation rationalisante, la subjectivation (ou rationalisation) étant alors au fondement axiologique de l'objectivation (ou réalisation). Cette thèse (idéaliste critique et autocritique) semble bien être la plus susceptible de faire se ressaisir ou se reprendre les hommes comme sujets à la fois personnels (éthiques) et collectifs (politiques), sujets certes inscrits dans la finitude d'un réel qui les précède et les engloble de toute part, mais sujets capables aussi, et même obligés, de discipliner leur aspiration à l'infinitude par la médiation d'un exercice de la raison qui imprime le sceau de l'esprit humain sur un monde (ou un réel) qui lui devienne ainsi de plus en plus habitable, pour éviter que ne se lève et ne croisse au crépuscule un nihilisme qui pourrait bien finir par emporter avec lui la raison et même le réel. 
Je vous remercie de votre patiente attention                                                                                                                          

 

 

Le bac de français

Pour aller plus loin 

Date de dernière mise à jour : 26/10/2019

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