Les deux Coqs, La Fontaine, oral EAF : En quoi est-ce une réécriture  ?

Un apologue qui plait, une parodie, une réécriture, un récit de basse-cour, parodie de la poésie épique, un apologue qui instruit, une critique de la guerre, une critique des femmes et des courtisans

 

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«  Les deux coqs  » est une fable de La Fontaine issue du livre VII des Fables (Les fables sont composées de trois recueils publiés entre 1668 et 1694)

Les deux coqs

Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie ; et c’est de toi que vint
Cette querelle envenimée,
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint :
Le bruit s’en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d’une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu’un rival tout fier de sa défaite
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage.
Il aiguisait son bec, battait l’air et ses flancs,
Et s’exerçant contre les vents
S’armait d’une jalouse rage.
Il n’en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S’alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l’ongle du Vautour.
Enfin par un fatal retour
Son rival autour de la Poule
S’en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
La Fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d’une bataille.

La Fontaine, Fables , Livre VII

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«  Les deux coqs  » :

Les fables = un sous-genre de l'apologue

La morale est un court récit suivi d'une morale.

La fable est versifiée contrairement à Esope qui écrivait en prose

La fable a deux fonctions = plaire et instruire

Problématiques possibles à l’oral :

En quoi est-ce une réécriture  ?

Quelles sont les critiques de la fable  ?

En quoi cette fable est-elle un apologue ?

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La fable les deux coqs

Compréhension de la fable de La Fontaine

Questionnaire sur la fable =

Un apologue qui plait

Une parodie

La fable est-elle une parodie  ?

On sait que c'est une réécriture de la guerre de Troie ainsi que le suggère la métaphore filée = vers 3 «  Amour, tu perdis Troie  ». Les autres références à la guerre de Troie sont, Hélène, vers 9 et Xanthe, vers 5, le fleuve qui passe tout près de Troie.

Le cadre de la fable fait donc référence à la guerre de Troie mais la fable s'approprie la bataille de manière détournée.

Une réécriture

En quoi cette fable est-elle une réécriture  ?

Cette fable est une réécriture car elle fait référence aux épisodes de la guerre de Troie mais modernise par une registre burlesque le tragique des batailles. On peut parler d'une réécriture burlesque et La Fontaine fait du récit de guerre de L'Iliade un épisode burlesque.

Un récit de basse-cour

Comment le burlesque est-il mis en avant dans la réécriture  ?

Le symbolisme animalier permet à La Fontaine de suggérer le burlesque. Il choisit des coqs, le récit mythique, héroique devient un récit de basse-cour. Les animaux nobles présents dans le mythe fondateur de la guerre de Troie sont les tigres et les lions. Nous en sommes bien loin. Il traite de manière légère un sujet grave.

Le fabuliste fait du coq le héros de guerre car il parvient à gagner la poule mais il se fait attraper par un vautour. L'héroisme est tourné en ridicule = à la mort du premier coqu, le second devient le héros et tout se fait par hasard.

Parodie de la poésie épique

En quoi peut-on parler d'une parodie de la poésie

Dans le but de valoriser la querelle de basse-cour, La Fontaine utilise le champ lexical de la guerre = «  guerre allumée  » , «  querelle envenimée  » , «  vainqueur  » , «  vaincu  » , «  gloire  » , «  défaite  » dans le but de la tourner en dérision. Il ne fait pas l'éloge des héros de guerre mais pastiche la poésie épique. Nous voyons les deux coqs se battre pour une poule.

Le récit est-il rythmé  ?

Le rythme du récit renforce la parodie de la fable = à cet égard, La Fontaine alterne les vers courts et les vers longs = hétérométrie. Cela contribue à accélérer le récit encore valorisé par les changements de temps, imparfait et passé simple.

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Un apologue qui instruit

L'enjeu de la critique

De quelle(s) critique(s) s'agit-il  ?

Critique de la guerre

Dans cette fable, La Fontaine remet en question de façon critique la guerre et l'héroïsme ainsi que le suggère la morale implicite.

Les motifs de la guerre = une poule

Le héros est héros par hasard

Fin de la guerre de manière imprévisible = le vautour.

Le motif de la guerre est banalisé, on peut penser que le fabuliste se réfère à Louis XIV qui était à l'origine de nombreuses campagnes militaires et entrait en guerre pour des motifs territoriaux et par vanité, quête de gloire.

Analogie du facteur déclenchant de la guerre dans la guerre de Troie et dans la réécriture de La Fontaine

Critique des femmes

Hélène de Troie dans le mythe est pour beaucoup le facteur déclenchant de la guerre de Troie mais dans la fable, c'est une poule = dans les deux cas de figure, il s'agit de personnages féminins. On peut donc parler d'une critique des femmes. Dévalorisation de la femme = «  Hélène au beau plumage  »

Critique des courtisans de la cour = critique de la cour

les courtisans sont moqués et abaissés à la basse-cour = «  la gent qui porte crête  », figure de style appelée la métonymie. A force de chercher sans cesse les faveurs du roi, La Fontaine leur donne la place qu'ils méritent, des êtres méprisables qui ne valent pas mieux qu'un vulgaire coq.


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Commentaire littéraire

Jean de la Fontaine est né le 8 juillet 1621 dans un milieu bourgeois de province. Son père est conseiller du roi et maître des Eaux et Forêts ; sa mère est veuve d'un premier mari, négociant à Coulommiers. La Fontaine a connu ses premiers succès littéraires avec Adonis (1658), le Songe de Vaux (1659) ou encore Fables (1668). C'est d'ailleurs de ce recueil qu'est issu le poème "Les deux coqs", écrit à l'attention du dauphin du roi Louis XIV, afin de l'instruire en l'amusant. A cette époque, le courant littéraire en vogue était le classicisme. A travers ce texte, et comme dans la plupart de ses fables, La Fontaine critique des aspects de la société, et notamment certains comportements des Hommes. Dans quelle mesure peut-on dire que La Fontaine fait du drame qu'il relate une épopée de basse-cour?

Questions possibles sur l'introduction

  • De quel siècle La Fontaine est-il?
  • A quel milieu social appartient-il?
  • Quels sont ses premiers succès littéraires?
  • Quelle est son oeuvre majeure?
  • A l'attention de qui, la fable “Les deux Coqs”, a t'-elle été écrite? Pourquoi?

Dans un premier temps, nous allons étudier les différents mélanges de registres mis en place par l'auteur dans ce texte. Nous commencerons par nous arrêter sur le registre héroï-comique, qui consiste à traiter un sujet vulgaire de manière noble, avant d'analyser la confusion entre le monde animal et le monde humain. Dès le début du texte, (v. 1 à 5), La Fontaine établit un parallèle entre une épopée (long poème au style soutenu qui raconte les exploits d'un héros historique ou légendaire), plus particulièrement l'épisode de la guerre de Troie, et une vulgaire querelle de basse-cour. Le comique naît de l'usage décalé que fait le poète du code littéraire traditionnel. Ce parallèle commence par l'identification de deux coqs à Ménélas et Pâris d'une poule à Hélène. Les termes "Xante", " Hélène" et "Troie" sont des références directes au texte antique, mais on trouve également des références plus discrètes à l'épopée homérique à travers, pour commencer, l'utilisation du champ lexical du conflit : "guerre", "sang", "querelle" etc... L'adverbe "longtemps", projeté en avant dans la phrase insiste sur la durée du combat et fait référence au dix années que dura le siège. L'utilisation de l'allégorie "Amour" est en complète rupture avec une banale bataille de coqs. L'expression "la gent qui porte crête" est un parallèle très clair entre les gallinacés et le panache surmontant le casque des guerriers Grecs. La périphrase "plus d'une Hélène au beau plumage" évoque dans l'Illiade, la tradition d'offrir aux vainqueurs des femmes comme trophées de guerre. Le style noble est représenté par l'évocation des préparatifs de la revanche : les sentiments et le comportement du coq sont calqués sur ceux du taureau vaincu décrit par Virgile. Nous voyons ainsi que l'épopée est bien présente dans le poème bien que l'action se déroule dans une basse-cour.

Questionnaire possible sur le mélange des registres

  • Expliquez le registre héroï-comique
  • Quelle parallèle La Fontaine fait-il?
  • D'où vient le comique?
  • Selon La Fontaine, peut-on traiter de façon légère un sujet sérieux?
  • Quelles sont les références littéraires, historiques de la fables?
  • Relevez le champ lexical du conflit. Que traduit-il?
  • Expliquez “la gent qui porte crête"
  • Relevez une périphrase et expliquez la
  • Comment le style noble est-il représenté?

 

Nous allons désormais nous attacher à mettre en avant la confusion entre le monde animal et le monde humain.

Dès le premier vers, l'humanisation commence : La Fontaine attribue des sentiments et un comportement humain à ses gallinacés : en effet, chaque animal est personnifié, notamment à l'aide d'une majuscule comme par exemple "Coqs" ou encore "Poule" au vers 1. De plus, l'auteur attribue des comportements humains à ces mêmes animaux personnifés : "Un Vautour entendit sa voix" (v. 21), "S'alla percher, et chanter sa voix" (v.20). La personnification de l'expression "femmes en foule" (v.28), ou encore "ongle du Vautour" (v.23), ne fait qu'accentuer le mélange hommes/animaux.

Questionnaire possible sur la confusion entre le monde animal et le monde humain

  • A quel vers peut-on parler d'humanisation ?
  • Comment se traduit dans la fable la personnification? Citez pour justifier votre réponse
  • Le coq est-il toujours associé aux mêmes valeurs ?
  • Citez une autre fable dans laquelle il fait figure de héros, rusé à l'image d'Ulysse

Dans un second temps, nous allons analyser la critique des Hommes faite dans ce texte par La Fontaine. Nous commencerons par mettre en lumière la dénonciation de la vanité masculine, avant de basculer sur la frivolité féminine. Tout d'abord, La Fontaine met en avant l'insignifiance du motif de la querelle ainsi que la disproportion entre cause et effet. La banalité de la poule est mise en avant par le déterminant indéfini "une" : elle ne mérite pas que l'on se batte pour elle. De plus, le vainqueur est rendu odieux par sa manière de se vanter et de se pavaner avec sa conquête comme le montre le verbe "posséder". La précision "à ses yeux" marque la volonté d'humilier le vaincu. Son manque de modestie est également mis en avant par le pluriel "sur les toits" et la métonymie "tout cet orgueil". L'impuissance rageuse du vaincu est toute aussi démonstrative : après une phrase d'abbatement, il se prépare à venger son orgueil vaincu. Il lance à son adversaire un défi, il aiguise son bec, il frappe dans le vide, à la fois pour se motiver lui-même mais aussi pour impressioner toute la basse-cour. Mais au vers 19, on nous suggère que tout ceci est inutile. Au vers 26, le petit coq revient dans une communauté sans rival, ce qui lui permet de jouer à nouveau le séducteur.

Questionnaire possible sur la dénonciation de la vanité masculine

  • Comment La Fontaine met-il en avant l'insignifiance du motif de la querelle ainsi que la disproportion entre cause et effet?
  • Comment la banalité de la poule est-elle soulignée?
  • Relevez une métonymie et expliquez la

Nous allons maintenant nous attacher à mettre en lumière la dénonciation de la frivolité féminine.

Au vers 1, la poule est présentée comme l'élément perturbateur avec l'opposition du temps (imparfait, passé simple). Au vers 8, La Fontaine met en relief la curiosité des femmes pour les duels comme si tout prétexte était bon pour se divertir. Le verbe "accouru" marque un empressement voyeuriste. Les vers 9 et 10 suggèrent que les poules font partie du butin du vainqueur. Au vers 28, le texte évoque de façon moqueuse les manèges féminins : alors que la poule du vaincu est l'objet des attentions du coq, les autres femelles cherchent à attirer l'attention du coq vainqueur.

Questionnaire possible sur la frivolité féminine

  • Quelle image La Fontaine donne t-il de la femme? Citez les éléments de la fable qui le prouve
  • Que suggère le verbe “accouru”?
  • Que peut-on dire du vers 28?
  • La poule est-elle assimilée à Hélène de Troie et englobe t'-elle l'image de la femme à l'origine des querelles, des conflits et des guerres ?

Maintenant que nous avons fini d'étudier la critique des Hommes que La Fontaine fait dans ce texte, nous allons nous attacher à mettre en évidence la méditation sur le destin.

Tout d'abord, Jean de la Fontaine présente une causalité immanente (qui trouve sa cause en elle-même) dans ce texte. L'orgueil du coq vainqueur est sanctionné par la métonymie de l'ongle souligne la disproportion entre le prédateur et le vainqueur. De même, la répétition du mot vautour au vers 21 et 23 montre que le coq est cerné. La Fontaine fait fonctionner une justice immanente qui punit le coq de sa vantardise ; il n'est la victime que de son propre caractère. Comme il se croit invulnérable, il oublie d'être prudent. De plus, Jean de la Fontaine fait aussi apparaitre une causalité transcendentale (au-delà du perceptible)

Pour justifier le destin du petit coq, le fabuliste évoque comme principale causalité l'intervention de la Fortune, qui est transformée en divinité moqueuse comme le montre l'emploi du verbe "se plaire". Le qualificatif "fatal" appliqué au mot retour met également en relief l'intervention de la Fortune. Le texte laisse coexister deux types de causalités avec la référence à la Fortune et l'emploi du verbe "travailler", qui insiste sur la part de responsabilité qu'ont les hommes dans leur destin. Pour finir, La Fontaine montre une certaine réversibilté du sort dans son poème.

Il met en effet en lumière la réversibilité des situations : les deux coqs sont si peu individualisés qu'ils paraissent interchangeables : opposés par leur fonction (vainqueur et vaincu), ils apparaissent finalement comme semblables. Malgré l'emploi de l'adverbe "enfin" (v.4), qui semble stabiliser la situation, La Fontaine laisse planer une menace puisque le nouveau triomphateur ne semble pas avoir retenu la leçon : il reste donc exposé au même risque que son prédécéceur.

Questionnaire possible sur la méditation du destin

  • Comment la réflexion sur le destin est-elle suggérée ?
  • Comment la Fortune transparaît-elle dans la fable ? A quoi est-elle associée ?
  • La Fontaine réduit-il selon vous l'agir de l'homme à un simple déterminisme ou admet-il le libre arbitre ?

 

Pour conclure, nous avons vu qu'à travers ce texte, Jean de la Fontaine fait non seulement plusieurs mélanges (de registres ainsi que hommes/animaux) mais dénonce aussi la vanité masculine, ainsi que la frivolité féminine, avant de d'inciter le lecteur à méditer sur le destin, en confrontant une causalité immanente et une causalité transcendentale. En dernier point, nous avons vu que La Fontaine insiste également sur la réversibilité du sort.

 

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Travailler l'ouverture

Ouvertures possibles

Le coq dans les autre fables de la Fontaine est-il toujours assimilé aux mêmes valeurs anti-héroïques?

Autre ouverture possible

Le coq fait-il figure d'un anti-héros dans le Coq et le Renard? 

Complément d'étude

Le coq et le Renard

L'aspect didactique de la morale

Instruire = deuxième fonction de la fable

 

Le récit amusant et valorisé par les mises en scène du symbolisme animalier divertit le lecteur qui, arrivé à la fin de la fable, découvre en lecture le sens profond de ce jeu versifié. Derrière les rôles inversés, l'incroyable se révèle, c'est le Renard qui est le plus faible et le coq est vainqueur et menaçant. La Fontaine confère de réelles qualités humaines au coq, on voit le renard devenir plus humain également car on le voit apprendre de son échec, «il tire ses grègues », il a voulu manipuler mais il a perdu.

Nous avons donc une symbolique, un échelle de valeurs qui se met en place. Le coq représente la sagesse, la ruse. Le trompeur est trompé. Voici la morale de la fin. La surprise est complète, le lecteur satisfait, la morale est sauve. Le faible est en fait le gagnant grâce à sa supériorité en esprit sur le renard. La Fontaine valorise le duel en affichant sa nette adhésion à la supériorité intellectuelle. L'homme peut réussir un combat par la ruse, ainsi d'Ulysse devenu symbole de la ruse et de la force par l'intelligence pratique dans la littérature Grecque.


 

 

 
 

Pour aller plus loin 

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Date de dernière mise à jour : 30/07/2021

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