Sujet 1 - Séries technologiques, Objets d’étude : le théâtre : texte et représentation, Marivaux et Beaumarchais

 

Vincent Voiture

 

 

 

Sujet 1 - Séries technologiques

  • Objets d’étude : le théâtre : texte et représentation ;
  • convaincre, persuader et délibérer

Textes

  • A. Marivaux (1688-1763), La Colonie, scène 13, 1750, Bibliothèque de la Pléiade, N.R.F.
  • B. Beaumarchais (1732-1799), Le Mariage de Figaro, Acte III, scène 16, 1784, Editions Garnier-Flammarion.

A. Présentation du sujet

Le sujet retenu présente la particularité d’inscrire le travail au croisement de deux objets

d’étude, « Le théâtre, texte et représentation » et « Convaincre, persuader, délibérer ». Il

propose en effet à l'élève d'étudier le théâtre comme lieu d’enjeux politiques et sociaux, comme

une tribune ouverte sur les débats de société. Il permet donc d'aborder la dimension

argumentative, voire polémique du dialogue théâtral, mais aussi de réfléchir sur les différentes

formes que peut revêtir l'argumentation, et particulièrement sur la spécificité du théâtre : le lien

entre texte et représentation n'est pas absent de cette problématique. En outre, les textes du

corpus présentent une riche palette de registres : le correcteur pourra ainsi évaluer les

capacités de l'élève à les identifier mais aussi et surtout à en comprendre l'enjeu, à en

apprécier les procédés et à les mettre en rapport avec le jeu de l'acteur.

Le texte de Marivaux s’inscrit dans une tradition antique - l’émergence d’une conscience

politique féminine déjà présente dans Lysistrata d’Aristophane - mais surtout dans un thème à

la mode au XVIIIème siècle : l’émancipation des femmes et des filles. Nous retrouvons ainsi

certains thèmes de l’Ile des esclaves et de l’Ile de la raison, thèmes ardemment débattus dans

le salon de Mme de Lambert que fréquentait Marivaux.

L’extrait de la pièce de Beaumarchais inscrit la revendication féminine dans un contexte

économique préindustriel, celui de la révolution artisanale qui, par l’émergence des

manufactures, privait les femmes de métiers traditionnellement féminins exécutés dans les

campagnes.

Le sujet offre donc une réflexion qui allie dans un registre mi-comique mi-sérieux des

inquiétudes, des ressentiments, des revendications destinés à affirmer les « droits des

femmes » d’une part dans l’univers anhistorique de l’utopie, d’autre part dans un enracinement

économico-social préindustriel.

B. Question

Reformulez les principaux arguments d'Arthénice, de Madame Sorbin et de Marceline.

La question appelle un travail de repérage et de reformulation qui pousse l’élève à entrer

dans la stratégie argumentative de trois personnages ; ce faisant il découvre la place, la nature

et la forme des principaux arguments, travail qui lui permettra de mieux cerner la deuxième

piste du commentaire (« Cette scène a été en partie censurée lors de sa création en 1784.

Analysez quels éléments du texte ont pu entraîner cette interdiction » ), la problématique

centrale de la dissertation (« Le théâtre est-il selon vous une bonne tribune possible pour

défendre des idées ? » ) et la composante majeure du texte de Beaumarchais, point d’appui

pour mener à bien l’écriture d’invention (« Ecrivez une courte scène théâtrale dans laquelle une

Marceline moderne intervient devant un auditoire masculin hostile pour réclamer une insertion

de plus en plus réelle des femmes dans la société » ).

Proposition de corrigé

Arthénice

- Les femmes ont le droit de participer à la vie publique, à la vie de la cité.

- Les femmes n’ont pas moins de courage que les hommes mais elles ne bénéficient pas

d’un apprentissage aux métiers de la guerre.

- Les femmes jouissent de toutes les aptitudes nécessaires pour confectionner les lois.

- La justice se montre inégalitaire envers les femmes en favorisant les hommes.

Madame Sorbin

- Les femmes ont des capacités équivalentes, sinon supérieures à celles des hommes (par

exemple dans le maniement de la parole) pour exercer les fonctions de la justice,

notamment celle d’avocat.

Marceline

- Les hommes exploitent la détresse des femmes de condition sociale modeste, maintenues

dans l’ignorance et la pauvreté.

- Les femmes pauvres ne sont pas responsables de leurs fautes car les hommes ne leur

laissent pas le choix.

- La justice se montre inique en sanctionnant des femmes victimes de la place inférieure qui

leur est donnée par la société.

- Les hommes sont coupables d’accaparer les métiers traditionnellement réservés aux

femmes.

- Les hommes méprisent et oppriment les femmes, quelle que soit leur condition sociale.

C. Commentaire

Vous commenterez l’extrait du Mariage de Figaro à partir du parcours de lecture suivant :

- Montrez que le texte relève du genre de la comédie.

- Cette scène a été en partie censurée lors de sa création en 1784. Analysez quels éléments du texte ont pu entraîner cette interdiction.

Le texte retenu utilise le théâtre comme une tribune. On comprend que ce passage,

prononcé à une époque et dans une société ouvertement inégalitaires, ait suscité la censure.

Les axes directeurs sont donnés par le libellé du sujet.

Le présent travail ne propose que quelques pistes destinées à organiser l’étude.

Proposition de corrigé

I. Un texte qui relève du genre de la comédie

La comédie est définie par les personnages, les questions en jeu, les registres.

1. On attend qu'un élève définisse les personnages de la comédie.

Ils appartiennent à l'univers quotidien (un père, une mère, un médecin au contraire des

personnages de la tragédie qui appartiennent à l'univers des grands. L'élève trouve dans le

texte les indices lui permettant de prouver que les personnages appartiennent bien à l'univers

de la comédie.

2. Les questions en jeu dans la comédie relèvent de la vie quotidienne

(ici, l'éducation des filles).

3. La comédie est définie par les registres comique et satirique :

a. Registre comique :

- Comique de situation : une scène de reconnaissance - mettant en scène un coup de

théâtre - entre un enfant trouvé et ses parents ; comique de la déception de Figaro.

- Comique de langage : traits d’esprit (« Est-ce que la nature ne te l’a pas dit mille fois ?

jamais » « on serait tenu d’épouser tout le monde »), noms ridicules (Brid’oison), répétitions de

mots, anaphores, expressions en écho (« ni moi non plus/ni vous » ; « épouser tout le monde »

/ « personne n’épouserait personne » ; « Elle a raison !/ que trop raison ! ») ; vivacité du rythme

par la brièveté des répliques (gaieté, énergie du jeu théâtral).

b. Registre satirique :

Satire de la justice à travers le personnage ridicule de Brid’oison dont les répliques

expriment des évidences de manière burlesque. Satire renforcée par le discours de Marceline

qui met en cause les « magistrats, si vains du droit de nous juger ».(Ce qui mène à la seconde

partie).

On valorisera les élèves qui prendront en compte la question de la représentation dans la

mise en oeuvre d'effets comiques.

II. Un texte polémique, ce qui explique la censure

1. Le réquisitoire de Marceline contre les hommes et une société discriminatoire.

- Violence polémique de Marceline qui se traduit par le nombre important des exclamatives

et un vocabulaire dépréciatif à l’égard des hommes («séducteurs », « ingrats », « nous fait

horreur »), l’hyperbole et l’apostrophe (« Hommes plus qu’ingrats »), la gradation dans les

didascalies (« s’échauffant par degrés », « vivement », « exaltée »).

- Marceline accuse les hommes d’être les oppresseurs et les bourreaux des femmes,

responsables de leurs misères et de leurs égarements.

2. Le plaidoyer pour les femmes : l'utilisation du pathétique.

Beaumarchais utilise des images propres à frapper les esprits (effet de scandale).

- La situation misérable des femmes perceptible dans le champ lexical du malheur :

« déplorable », « la misère », « infortunées », « malheureuses », « servitude ».

- Les métaphores pathétiques hyperboliques : « la misère nous poignarde », « qui flétrissez

par le mépris les jouets de vos passions ».

- Les antithèses frappantes : « traitées en mineures pour nos biens, en majeures pour nos

fautes ».

Les femmes sont présentées victimes de l’égoïsme et du cynisme des hommes, victimes

d’une société et d’une justice inégalitaires qui les privent de tout droit, de tout pouvoir et d’un

légitime emploi.

On pourra valoriser les élèves qui dégagent la contradiction entre le genre de la comédie et

le registre pathétique.

3. Un texte audacieux et engagé.

Le texte a été censuré dans la mesure où il remet en cause l'ordre social.

- Marceline semble le porte-parole des idées de Beaumarchais sur la condition inégalitaire et

injuste des femmes au XVIIIème siècle. Pamphlet féministe.

- Texte audacieux également par ses attaques contre la justice.

D. Dissertation

Le théâtre est-il selon vous une bonne tribune possible pour défendre des idées ?

Vous répondrez à cette question en un développement composé, prenant appui tout à la fois sur les textes qui vous sont proposés, ceux que

vous avez étudiés en classe, vos lectures personnelles et votre expérience de spectateur.

Proposition de corrigé

L'élève peut par exemple adopter une organisation selon le mouvement concessif :

« certes…, mais… ».

I. Le théâtre est un phénomène social, un art public et collectif qui se prête au débat d’idées.

1. Le dialogue théâtral se prête au débat d’idées.

Importance du dialogue argumentatif, forme vivante, héritière du dialogue philosophique.

Analyse des scènes du corpus.

Les élèves peuvent faire allusion aux scènes argumentatives chez Molière où chaque

personnage défend sa thèse.

2. La double énonciation théâtrale.

Les idées s'incarnent dans des personnages.

Le texte théâtral est principalement constitué de dialogues, mais les personnages

s’adressent autant, sinon davantage, au public qu’aux autres protagonistes. Le public est

interpellé, sommé de juger les situations, les discours et les comportements. Par exemple, à

travers Marceline, Beaumarchais interpelle ses contemporains.

3. L’action théâtrale repose sur le conflit et la crise.

Les conflits et les crises mis en scène reflètent les conflits et les crises de la société. Par

exemple, le conflit entre le héros aristocrate et le pouvoir royal dans le théâtre de Corneille ; ou

encore les conflits entre le maître et le valet de Molière à Hugo (Ruy Blas) sans oublier,

naturellement, le théâtre de Beaumarchais.

II. Le théâtre est une tribune efficace mais risquée.

1. Le théâtre permet de dénoncer les injustices sociales.

Marceline et la question des femmes.

Le monologue de Figaro qui pose le problème des privilèges de la naissance.

2. Le théâtre permet de poser des problèmes politiques.

Le théâtre d’Aimé Césaire qui dénonce le colonialisme ou celui de Genet.

Les Mains sales de Sartre qui montre les contradictions du parti communiste.

Tartuffe de Molière qui dénonce le pouvoir de la compagnie du Saint Sacrement.

3. Le théâtre s’expose à le censure et au malentendu.

Censure contre Molière, Genet.

Interprétations diverses de l’Antigone d’Anouilh ; le dramaturge est-il pour Créon ou

Antigone ? Ne commet-on pas des erreurs en faisant d’un seul personnage le porte-parole de

son auteur ?

Conclusion

Le théâtre est un miroir de la société, un porte-parole des idées de l’auteur dont il est

cependant difficile parfois de déceler les intentions. L’auteur s’exprime à travers plusieurs

personnages, il pose des questions sans forcément y répondre. Peut-on penser que le théâtre,

par les débats qu’il propose, est un art particulièrement propice à l’éveil d’une conscience

citoyenne ?

NB. Les exemples sont donnés à titre totalement indicatif. L'élève doit s'appuyer sur sa

culture et éventuellement sur sa propre expérience du théâtre. On attend essentiellement de

l'élève une argumentation qui repose sur la spécificité du genre théâtral. Dans la deuxième

partie, on admettra que l'élève considère le théâtre comme un genre divertissant et donc peu

propice à l'engagement.

Ecriture d' Invention

Ecrivez une courte scène théâtrale dans laquelle une Marceline moderne intervient devant un auditoire masculin hostile pour réclamer une

insertion de plus en plus réelle des femmes dans la société.

Indications complémentaires :

- Le dialogue théâtral fera alterner courtes tirades et échange de répliques. Vous pourrez donner des indications de mise en scène ou de jeu

d'acteur (didascalies).

- Vous imaginerez librement la situation dans laquelle se trouve placée cette Marceline contemporaine (cadre, interlocuteurs).

Critères d’évaluation

Le sujet d’invention s’inscrit dans la logique des textes retenus et se situe explicitement au

croisement des deux objets d’étude ; c’est la raison pour laquelle le professeur portera, dans

son évaluation, une attention toute particulière aux trois éléments qui constituent la particularité

du sujet :

- la forme dialoguée et la présence de didascalies, modalités textuelles caractéristiques de l’écriture théâtrale ;

- la dimension argumentative du propos qui permet d’inscrire l’écriture d’invention en relation

étroite avec le corpus du sujet ;

- les références précises à l’époque contemporaine qui permettent de voir si l’élève réussit à

transposer les formes, les codes et les enjeux du dialogue théâtral.

 

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Pour aller plus loin 

Date de dernière mise à jour : 10/10/2018

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