Musset. Entretien sur on ne badine pas avec l'amour, II, 5. Les questions, l'oral de français. Un renversement de situation et le discours de Perdican

 

Musset

 

 

 

 

L'entretien sur "on ne badine pas avec l'amour", II, 5 - Musset

 

Lecture du texte :

PERDICAN

Pauvre enfant, je te laisse dire, et j'ai bien envie de te répondre un mot. Tu me parles d'une religieuse qui me paraît avoir eu sur toi une influence funeste; tu dis qu'elle a été trompée, qu'elle a trompé elle-même, et qu'elle est désespérée. Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui tendre la main à travers la grille du parloir, elle ne lui tendrait pas la sienne ?

CAMILLE

Qu'est-ce que vous dites ? J'ai mal entendu.

PERDICAN

Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui dire de souffrir

encore, elle répondrait non ?

CAMILLE

Je le crois.

PERDICAN

Il y a deux cents femmes dans ton monastère, et la plupart ont au fond du cœur des blessures profondes ; elles te les ont fait toucher ; et elles ont coloré ta pensée virginale des gouttes de leur sang. Elles ont vécu, n'est-ce pas ? et elles t'ont montré avec horreur la route de leur vie ; tu t'es signée devant leurs cicatrices, comme devant les plaies de Jésus; elles t'ont fait une place dans leurs processions lugubres, et tu te serres contre ces corps décharnés avec une crainte religieuse, lorsque tu vois passer un homme. Es-tu sûre que si l'homme qui passe était celui qui les a trompées, celui pour qui elles pleurent et elles souffrent, celui qu'elles maudissent en priant Dieu, es-tu sûre qu'en le voyant elles ne briseraient pas leurs chaînes pour courir à leurs malheurs passés, et pour presser leurs poitrines sanglantes sur le poignard qui les a meurtries ? ô mon enfant ! sais-tu les rêves de ces femmes qui te disent de ne pas rêver ? Sais-tu quel nom elles murmurent quand les sanglots qui sortent de leurs lèvres font trembler l'hostie qu'on leur présente ? Elles qui s'assoient près de toi avec leurs têtes branlantes pour verser dans ton oreille leur vieillesse flétrie, elles qui sonnent dans les ruines de ta jeunesse le tocsin de leur désespoir, et qui font sentir à ton sang vermeil la fraîcheur de leurs tombes, sais-tu qui elles sont ?

CAMILLE

Vous me faites peur ; la colère vous prend aussi…

PERDICAN

Sais-tu ce que c'est que des nonnes, malheureuse fille? Elles qui te représentent l'amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu'il y a pis encore, le mensonge de l'amour divin ? Savent-elles que c'est un crime qu'elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t'ont fait la leçon ! Comme j'avais prévu tout cela quand tu t'ès arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance; et le masque de plâtre que les nonnes t'ont plaqué sur les joues me refusait un baiser de frère ; mais ton cœur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t'asseoir sur l'herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t'ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m'en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n'est pas pour elles.

CAMILLE

Ni pour moi, n'est-ce pas ?

PERDICAN

Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : " J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. "

Il sort.

 

Deuxième partie de l'entretien :

Plan de l'étude :

  • I - le renversement de la situation
  • II - Le discours de Perdican

Problématique :

  • En quoi est-ce une scène de drame romantique?

Les questions en fonction du plan

Le renversement de situation :

  • - Quels sont les procédés qui permettent à Perdican de prendre le dessus?
  • - Relevez les marques du ton paternaliste
  • - Relevez les expressions qui reflètent un ton didactique
  • - Que peut-on dire du questionnement systématique et rhétorique?
  • - Quel est le but?
  • - Relevez une anaphore
  • - Analysez l'élargissement de la prise de parole
  • - Quel est le style de Perdican?
  • - Quelle est la osition de Camille?
  • - Que se passe t'-il à la fin de la scène?
  • - Etudiez la didascalie : "il sort"
  • - En quoi le ton est-il ironique

Le discours de Perdican :

  • - Analysez la relation triangulaire
  • - Que pensez-vous de la position de Camille?
  • - A qui le discours s'adresse t'-il?
  • - Comment l'amour divin est-il perçu?
  • - Citez pour justifer votre réponse
  • - Montrez que Perdican inverse la scène de Camille ainsi que son discours
  • - Analysez l'effet de miroir
  • - Sur quoi repose la supériorité de Perdican
  • - Etudiez l'argumentation de Perdican
  • - En quoi la scène est-elle un drame romantique

 

bac de français

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Date de dernière mise à jour : 03/11/2018

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