Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen-âge à nos jours. Groupement : qu'est-ce que la poésie?

L'oral sur Baudelaire
 
 
 
 
 

OBJET D’ÉTUDE : LA POÉSIE

Écriture poétique et quête du sens, du Moyen-âge à nos jours

Groupement : qu’est-ce que la poésie ?

 

Texte 1 : Nicolas Boileau, Art poétique (1674).

Texte 2 : Paul Verlaine, Art poétique (1874).

Texte 3 : Hugo, Les Contemplations, livre premier, VII, « Réponse à un acte d’accusation » (1856).

Texte 4 : Raymond Queneau, L'instant fatal, « Un poème » (1948).

Texte 5 : Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline, « Pour un art poétique » (1958).

 

  • Nicolas Boileau, Art poétique (1674).

 

[…]

Surtout, qu’en vos écrits la langue révérée

Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.

En vain vous me frappez d’un son mélodieux,

Si le terme est impropre ou le tour vicieux :

Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme,

Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.

Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin

Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.

 

Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,

Et ne vous piquez point d’une folle vitesse ;

Un style si rapide, et qui court en rimant,

Marque moins trop d’esprit que peu de jugement.

J’aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,

Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,

Qu’un torrent débordé qui, d’un cours orageux,

Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.

Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :

Polissez-le sans cesse et le repolissez ;

Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

 

C’est peu qu’en un ouvrage où les fautes fourmillent,

Des traits d’esprit, semés de temps en temps, pétillent.

Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;

Que le début, la fin, répondent au milieu ;

Que d’un art délicat les pièces assorties

N’y forment qu’un seul tout de diverses parties,

Que jamais du sujet le discours s’écartant

N’aille chercher trop loin quelque mot éclatant.

 

  • Paul Verlaine, Art poétique (1874).

De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles, C'est le grand jour tremblant de midi, C'est, par un ciel d'automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur, Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
O qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature.

 

 

 

  • Victor Hugo, Hugo, Les Contemplations, livre premier, VII, « Réponse à un acte d’accusation » (1856).

 

 

Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ; Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes, Les Méropes, ayant le décorum pour loi, Et montant à Versaille aux carrosses du roi ; Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires, Habitant les patois ; quelques-uns aux galères Dans l’argot ; dévoués à tous les genres bas, Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas, Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ; Populace du style au fond de l’ombre éparse ; Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef Dans le bagne Lexique avait marqué d’une F ; N’exprimant que la vie abjecte et familière, Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière. Racine regardait ces marauds de travers ; Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers, Il le gardait, trop grand pour dire : Qu’il s’en aille ; Et Voltaire criait : Corneille s’encanaille ! Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi. Alors, brigand, je vins ; je m’écriai : Pourquoi Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? Et sur l’Académie, aïeule et douairière, Cachant sous ses jupons les tropes effarés, Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire. Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier ! Je fis une tempête au fond de l’encrier, Et je mêlai, parmi les ombres débordées, Au peuple noir des mots l’essaim blanc des idées ; Et je dis : Pas de mot où l’idée au vol pur Ne puisse se poser, tout humide d’azur ! Discours affreux ! — Syllepse, hypallage, litote, Frémirent ; je montai sur la borne Aristote, Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs. Tous les envahisseurs et tous les ravageurs, Tous ces tigres, les huns, les scythes et les daces, N’étaient que des toutous auprès de mes audaces ; Je bondis hors du cercle et brisai le compas. Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?

 

  • Raymond Queneau, L'instant fatal, « Un poème » (1948).

 

Bien placés bien choisis quelques mots font une poésie les mots il suffit qu’on les aime pour écrire un poème on ne sait pas toujours ce qu’on dit lorsque naît la poésie faut ensuite rechercher le thème pour intituler le poème mais d’autres fois on pleure on rit en écrivant la poésie ça a toujours kékchose d’extrème un poème

 

  • Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline, « Pour un art poétique » (1958).

 

Prenez un mot, Prenez-en deux

Faites les cuire comme des œufs

Prenez un petit bout de sens

Puis un grand bout d’innocence

Faites chauffer à petit feu. Au petit feu de la technique

Versez la sauce énigmatique

Saupoudrez et mettez les voiles

Où voulez-vous en venir ?

À écrire

 

Vraiment ? À écrire ?

 

 

 

Question d’ensemble : quelle conception de la poésie est défendue par chacun de ces auteurs ?

 

Date de dernière mise à jour : 11/11/2018

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