Brecht, la vie de Galilée, questionnaire sur le tableau 8

ORAUX EAF

 

Bertold Brecht : la vie de Galilée

 Oral EAF : questionnaire sur le passage à présenter à l'oral

Berthold Brecht, La vie de Galilée (1938)

 

 

Lecture du texte :

Lecture du texte :

Tableau 8
Dans le palais de l'ambassadeur florentin à Rome, Galilée écoute le petit moine, celui-là même qui lui avait chuchoté à
l'oreille ce qu'avait dit l'astronome papal, après la séance du Collegium Romanum.
Galilée. Parlez, parlez ! L'habit que vous portez vous donne le droit de dire tout ce que vous voulez.
Le petit moine. J'ai étudié la mathématique, monsieur Galilée.
Galilée. Cela pourrait ne pas avoir été inutile si cela vous amenait à reconnaître que deux et deux font de temps en
temps quatre !
Le petit moine. Monsieur Galilée, je n'en dormais plus depuis trois nuits. Je ne savais comment concilier le décret que
j'ai lu et les satellites de Jupiter que j'ai vus. J'ai décidé de dire la messe ce matin tôt, et puis de venir chez vous.
Galilée. Pour me faire savoir que Jupiter n'a pas de satellites ?
Le petit moine. Non. J'ai réussi à pénétrer la sagesse de ce décret. Il m'a révélé quels dangers recèle pour l'humanité
une recherche sans entraves, et j'ai résolu d'abandonner l'astronomie. Pourtant, il m'importe encore de vous soumettre
les mobiles qui peuvent pousser même un astronome à renoncer au développement de certaines théories.
Galilée. Ces mobiles me sont connus, je crois.
Le petit moine. Je comprends votre amertume. Vous songez à certains moyens de pression extraordinaires de l'Église.
Galilée. Nommez-les sans crainte : instruments de torture.
Le petit moine. Mais je voudrais avancer d'autres raisons. Permettez que je parle de moi. J'ai grandi en Campanie, je
suis fils de paysans. Ce sont des gens simples. Ils savent tout de l'olivier, mais pour le reste, bien peu de choses. Alors
que j'observe les phases de Vénus, je me représente mes parents assis avec ma sœur autour du feu, mangeant leur plat de
fromage. Je vois au-dessus d'eux les poutres noircies par la fumée de plusieurs siècles, et je v^ois parfaitement leurs
vieilles mains usées par le travail et la cuiller dans leurs mains. Tout ne va pas bien pour eux et pourtant, un certain
ordre gît, caché, dans leur misère même. Elle a ses différents cycles : allant des grandes lessives à celui de l'impôt en
passant par celui des saisons dans les champs d'oliviers. Il y a de la régularité dans les malheurs qui les frappent. Le dos
de mon père s'est tassé, non pas en une seule fois mais un peu plus à chaque printemps passé dans les champs
d'oliviers ; tout comme les naissances qui ont fait peu à peu de ma mère une créature sans sexe, ont eu lieu à des
intervalles bien précis. La force de traîner, ruisselants de sueur, leurs paniers en haut du chemin pierreux, la force de
mettre au monde des enfants, oui, de manger même, ils la puisent dans le sentiment de permanence et de nécessité que
leur procurent le spectacle de la terre, la vue des arbres qui verdissent à nouveau chaque année, et celle de leur petite
église où l'on écoute le dimanche les textes bibliques. On leur a assuré que l'œil de la divinité est posé sur eux,
scrutateur, oui, presque angoissé, que tout le théâtre du monde est construit autour d'eux afin qu'eux, les agissants,
puissent faire leurs preuves dans leurs rôles grands ou petits. Que diraient les miens s'ils apprenaient de moi qu'ils se
trouvent sur un petit amas de pierres qui, tournant à l'infini dans l'espace vide, se meut autour d'un autre astre, petit
amas parmi beaucoup d'autres, passablement insignifiant de surcroît. A quoi serait encore utile ou bonne alors, une telle
patience, une telle acceptation de leur misère? A quoi serait bonne encore l'Écriture Sainte qui a tout expliqué et tout
justifié comme étant nécessaire, la sueur, la patience, la faim, la soumission et en qui maintenant on trouve tant
d'erreurs? Non, je vois leurs regards s'emplir de crainte, je les vois poser leurs cuillers sur la pierre du foyer, je vois
comme ils se sentent trahis et trompés. Il n'y a donc aucun œil posé sur nous, disent-ils. C'est à nous d'avoir l'œil sur
nous, incultes, vieux et usés comme nous le sommes? Personne ne nous a pourvus d'un autre rôle que celui-ci, terrestre,
pitoyable, sur un astre minuscule, dans la dépendance de tout, autour duquel rien ne tourne ? Il n'y a aucun sens à notre
misère, la faim, c'est bien ne-pas-avoir-mangé, ce n'est pas une mise à l'épreuve ; l'effort, c'est bien se courber et tirer,
pas un mérite. Comprenez-vous alors que je lise dans le décret de la Sainte Congrégation une noble compassion
maternelle, une grande bonté d'âme ?
Galilée. Bonté d'âme ! Sans doute voulez-vous simplement dire qu'il n'y a plus rien à manger, que le vin est bu, que
leurs lèvres se dessèchent, et qu'ils n'ont
plus qu'à baiser la soutane ! Mais pourquoi n'y a-t-il jamais rien? Pourquoi l'ordre dans ce pays est-il seulement l'ordre
d'une huche vide, et la seule nécessité, celle de travailler jusqu'à en mourir? Entre des vignobles chargés de fruits, au
bord des champs de blé ! Vos paysans de Campanie payent les guerres que le vicaire du doux Jésus mène en Espagne et
en Allemagne. Pourquoi met-il la terre au centre de l'univers? Pour que le Saint-Siège puisse être au centre de la terre !
C'est de cela qu'il s'agit. Vous avez raison, il ne s'agit pas des planètes mais des paysans de Campanie. Et ne me parlez
pas de la beauté des phénomènes que l'âge a magnifiés ! Sa-vez-vous comment l'huître margaritifére produit sa perle?
Au cours d'une maladie qui menace sa vie, elle enrobe dans une boule de glaire un corps étranger insupportable, un grain de sable par exemple. Elle en crèverait, presque. Au diable ^a perle, je préfère l'huître saine. Les vertus ne sont pas
liées à la misère, mon cher. Si vos gens étaient prospères et heureux, ils pourraient développer les vertus de la prospérité
et du bonheur. Pour l'heure, ces vertus de gens épuisés proviennent de terres épuisées et je les refuse. Mes nouvelles
pompes à eau peuvent faire plus de miracles que votre ridicule harassement surhumain. « Croissez et multipliez », car
les champs sont stériles et les guerres vous déciment. Dois-je mentir à vos gens ?

 

Questionnaire sur le passage 

Plan possible :

I- Une conversation
1- Galilée (ironique)
2- Le Moine
3- Un accord sur les faits
 
II- La raison Poétique
1- Le pathos
2- La raison
3- Le théâtre épique
 
III- Un différend politique
1- L’église face au peuple
2- La science face au peuple
3- Le théâtre face au peuple
Questionnaire dans le respect des axes proposés :
 
I- Une conversation
1- Galilée (ironique)
2- Le Moine
3- Un accord sur les faits
 
I -
Une conversation
1 - 2 et 3
Dans quel contexte sommes-nous?
Dans un moment de crise entre l'Eglise et la science.
2 -
Que veut montrer le moine?
Il essaye de montrer à Galilée que le différend  épistémologique n'est pas le problème mais qu'il y a bien un différend politique
3 -
Quelle est la position du moine?
Il est tiraillé entre sa croyance en la science et la religion : il décide d'aller chez Galilée
"Le petit moine. Monsieur Galilée, je n'en dormais plus depuis trois nuits. Je ne savais comment concilier le décret quej'ai lu et les satellites de Jupiter que j'ai vus. J'ai décidé de dire la messe ce matin tôt, et puis de venir chez vous." 4 - Quel parallélisme notons-nous dans ces premières lignes? "le décret que j'ai lu et les satellites de Jupiter que j'ai vus" : effet renforcé dans le contraste. 5 - Quelle question l'anime? Il se demande comment concilier la science et la religion : la science est vraie mais le décret est sage.  6 - A quoi cette conversation s'apparente t'-elle? A du théâtre Aristotélicien.  7 - De quoi le moine cherche t'-il à convaincre Galilée? Expliquez en justifiant Le petit moine est venu convaincre Galilée d'abandonner la recherche pour des raisons politiques et non pas scientifiques : "j'ai réussi, j'ai résolu" -  " la sagesse du décret n'est pas évidente" : il se met du côté de Galilée. Il montre que c'est difficile, "J'ai réussi à pénétrer la sagesse de ce décret. Il m'a révélé quels dangers recèle pour l'humanité une recherche sans entraves, et j'ai résolu d'abandonner l'astronomie". Il préconise la prudence car la recherche peut s'avérer dangereuse : le ton est emphatique, il se dévoile comme un sauveur du peuple. 
II-
La raison Poétique
1-
Le pathos
1 -

Analysez les deux types de poésie de Brecht - Mimesis : lors du dialogue il y a une scène. Le temps est synchronisé - Tirades : Elles montrent deux manières différentes de considérer l'argumentation. Brecht oppose deux types de poésie : il y a une critique de la poésie pathétique du petit moine à quoi il oppose la théorie didactique de Galilée. Il met en contraste la poésie pathétique et la poésie didactique. 

2 - Comment le pathos est-il souligné? pathos : "je" : registre lyrique pour créer un lien entre le pathétique de manière à susciter l'empathie de Galilée.  Il oppose ainsi la vérité scientifique et le mode de vie simple rustique des paysans.

3 - La simplicité du monde de vie évoquée par le petit moine est-elle considérée comme une aliénation? Non.

4 - Pourquoi? Il ne faut pas condamner la misère car il y a un ordre créé par Dieu : ordre caché, nous avons deux registres, le visible et le caché. La vérité visible de la science et un ordre plus profond car caché. 

5 - A quoi s'oppose la simplicité du mode de vie des gens simples? Il y a une isotopie de la simplicité qui s'oppose à la science perçue comme compliquée. 

6 - Y a t'-il une syllepse sur le mot cycle? Oui : des paysans - mode de vie simple - et cycle de la planète : compliqué

7 - Comment la régularité du malheur est-elle présentée? "Il y a de la régularité dans le malheur qui les frappent" : Il y a le malheur mais derrière, il y a l'ordre : du sens caché malgré le malheur. 

8 - Relevez une figure de style du petit moine par laquelle cette dernière idée se voit ainsi renforcée "je vois... je vois " anaphore

9 - De quelle nature le point de vue du petit moine est-il? Omniscient : comme Dieu

10 - Relevez une citation du texte qui souligne l'idée de simplicité en étant associée à l'isotopie du corps "Le dos de mon père s'est tassé...." Isotopie du corps, du corps qui souffre. Nous avons ainsi l'idée suggérée d'une simplicité animale. L'homme est tel un animal créature soumis au bon vouloir de son créateur

11 - Analysez ce passage : "La force de traîner, ruisselants de sueur, leurs paniers en haut du chemin pierreux, la force de mettre au monde des enfants, oui, de manger même, ils la puisent dans le sentiment de permanence et de nécessité que leur procurent le spectacle de la terre, la vue des arbres qui verdissent à nouveau chaque année, et celle de leur petite église où l'on écoute le dimanche les textes bibliques" Le petit moine met l'effort en scène pour en dégager l'aspect pathétique, le corps est la référence. La régularité dans le cycle de leur vie permet aux paysans de supporter les choses.  La construction lyrique du petit moine est stratégique.  la vie paysanne est difficile mais grâce à la religion qui leur donne un cycle régulier, ils trouvent la force. 

12 - Quel est le point de vue de Brecht? Le petit moine dit que la théorie de Galilée rendrait inutile la patience et l'acception de la vie des paysans. Mais derrière cette empathie apparente, il y a l'exploitation des paysans. Le petit moine justifie ainsi les choses par l'intermédiaire de la religion et de l'écriture Sainte;  Elle est cependant condamnable pour Brecht. C'est perçu comme une condition de possibilité de la misère = vision imaginaire prophétique.

II-
La raison Poétique
2-
La raison
1 -
De quelle nature le discours de Galilée est-il?
Le discours de Galilée est politique : il procède à une critique de l'Eglise qui repose sur la dénonciation de son pouvoir "siège...".  Il souhaite ainsi révéler le scandale politique qu'il y a derrière.
2 -
Quelle figure de style Galilée utilise t'-il pour procéder à sa dénonciation du pouvoir de l'Eglise?
La métaphore filée : l'huître : poésie didactique car la beauté est le résultat de la maladie donc la beauté n'est pas le critère, ce n'est pas une valeur = critique de la prétention à la beauté "peuvent faire plus de miracles".
3 -
Relevez l'expression l'expression ironique de Galilée
"Croissez et multipliez" : exploitation par l'Eglise = condamnation. Polémique sur le fait que les justifications de la misère sur la Bible sont absurdes. Critique du lyrisme + métaphore didactique. L'idée de Galilée est la suivante : les progrès scientifiques vont améliorer la vie des gens.
II-
La raison Poétique
3-
Le théâtre épique
1 -
Analysez l'effet de distanciation chez Brecht : la poésie au service de la raison
Réflexion personnelle.
III-
Un différend politique
1-
L’église face au peuple
1 -
Quel est le message de Brecht concernant l'Eglise face au peuple?
L'Eglise transmet des textes qui ont une valeur de propagande : c'est le point de vue de Galilée par opposition au petit moine qui estime qu'au contraire les textes réconfortent.
III-
Un différend politique
2-
La science face au peuple
1 -
Qu'en est-il de la science face au peuple?
Selon Galilée, la science dit la vérité au peuple contrairement à l'Eglise "Dois-je mentir à vos gens?"
La science ne ment pas alors que l'Eglise s'approprie le peuple, la science la libère "mes nouvelles pompes à eaux peuvent faire plus de miracles...".
2 -
Quel est le double enjeu de Galilée?
L'enjeu est double : "pourquoi... parce que..."
Il s'agit d'une libération de l'oppression. Le progrès technique peut libérer le peuple  et l'amener vers la prospérité et le bonheur par opposition à la résignation, à l'effort et à la misère;
Le double enjeu de Galilée est donc de libérer le peuple par la vérité et la technique : fruit de la science.
III-
Un différend politique
3-
Le théâtre face au peuple
1 -
En quel sens peut-on dire de Galilée qu'il est un symbole?
Il est un symbole auquel on se réfère. Le théâtre aussi doit libérer le peuple. Les paysans de campanie désignent ici le peuple. Par conséquent, la pensée de Brecht transparaît, il s'agit de mettre en avant le genre théâtral comme un outil : le théâtre doit avoir un rôle politique et libérer les hommes des oppressions par la vérité.  Brecht comme Galilée refusent le lyrisme au profit de l'argumentation. 
Le théâtre a donc le même rôle que la science. 
 
 

 

 

 
 
 
   

 

Pour aller plus loin 

Date de dernière mise à jour : 27/02/2021

Les commentaires sont clôturés