Alice Ferney, Grâce et dénuement

 

 

ORAUX EAF

 

 

Alice Ferney, Grâce et dénuement Oral EAF  

Lecture du texte :

Les matinées étaient devenue glaciales mais les femmes poussaient les enfants dehors dès qu'ils étaient habillés. Ils devenaient fou s'ils restent enfermés, disait Missia. C'était assez cruel de les donner au vent tout le jour, il fallait à cela au moins une raison. Dans le froid vif, Michael et Sandro couraient et se battaient. Plus nombreuses les filles faisaient cercle pour chercher à quoi jouer. Elles n'avaient ni corde à sauter ni élastique, ni poupées et poussettes et quand le vent était trop piquant, elle pleurnichaient. De temps en temps, elles s'essuyaient le nez d'un revers de bras. Chaque mercredi (vers onze heures) Esther les installait l'un après l'autre dans la voiture. Elle laissait tourner le moteur et mettait le chauffage au plus fort. Tu vas bousiller ta batterie disait Sandro. TU crois ? s'inquiétait Esther. Il hochait la tête. Je coupe ? demandait elle. Non ! hurlaient les enfants. Ils riaient. C'était toujours le même plaisir. La petite soufflerie ronflait. Esther prenait son livre. Ils ne bougeaient plus et hormis quelques reniflements, le silence était total. Elle ignorait qui, de la chaleur ou de l'histoire, les apaisait d'un seul coup, sans qu'ils ne demandent rien? Ils ne sont pas difficiles, se disait elle. Jamais ils ne réclamaient, jamais ils n'avaient soif ou faim comme d’autres enfants qui ont sans arrêt besoin de quelque chose . Elle lisait dans le calme. On entendait juste le ronflement d'air chaud. Les enfants avaient posé leurs mains sur leurs cuisses. "Un âne comme Cadichon est un âne à part. - Bah! tous les ânes se ressemblent et ont beau faire, ils ne sont jamais que des ânes. ". Ils entraient petit à petit dans la chose du papier, ce miracle, cet entre deux-deux. "Il y a âne et âne. " Certaines tournures leur semblaient drôle. Ils riaient sans retenue. Esther ne s'arrêter de lire pendant près d'une heure, et quand elle finissait, ils s'étiraient, revenant de l'autre monde, plus enveloppant, plus rond, plus chaud que celui dans lequel ils retournaient à peine sortis de la voiture et qui les mordait au visage comme un chien fou. D'ailleurs Esther ne trouvait pas facilement le courage de s'arrêter et de dire: C 'est fini pour aujourd’hui, et de rompre en une phrase le charme créé par toutes les autres. "Je commence à devenir vieux, mais les ânes vivent longtemps...." Esther referma le livre. Voilà, dit-elle, on a fini. Vous m'avez épuisée, je n'ai plus de voix. Elle regardait les enfants sortir du rêve, engourdis par sa lecture. Les ânes en vrai ça peut pas écrire, dit Hana d'une voix assurée. On ne sait pas dit Michael. Anita dit" est ce que ca existe un âne qui pense comme Cadichon ? Elle attendait d’Esther une réponse. Les ânes n'écrivent pas, dit Esther, mais on ne sait pas ce qu'ils pensent, alors peut être sont ils plus malin que ce qu'on ne le croit? Elle ouvrit la portière. Je suis en retard dit elle, filez vite. Ils sortirent les uns après les autres en grommelant.. Mais lorsque la voiture fut hors de vue, ils étaient à rire et à danser : ils avaient pris deux livres et Esther n'avait rien vu, une fois de plus. Ils coururent trouver Angeline, c'était à leur grand mère qu'ils portaient leur butin. Elle prenait les livres, les couvertures usées : elle tenait là un trésor. C'est une gadjé ! c'est une gadjé, elle y voit rien ! disait elle en riant

ORAUX EAF

 

 

 

Les premiers repères d’une lecture niveau bac :

Thème : cadre social et thème = le monde des Gitans

Type de texte  = description

Orientation sociologique  Présentation et représentation données du peuple Gitan

En quoi leur histoire véhicule t’-elle une vision de l’homme et du monde?

Récit d’un univers singulier. La caravane campe un univers nomade et précaire

Ancrage réaliste du roman = pacte d’objectivité et de réalisme

Imprécision géographique = ville non identifiée = Pourquoi? L’enracinement géographique indiffère les Gitans

Imprécision temporelle = Epoque non déterminée = Permanence d’un mode de vie = les générations se succèdent. 

 

Questionnaire sur Alice Ferney

1 -

Quelles sont les dates d’Alice Ferney?

Alice Ferney est née le 21 novembre 1961 à Paris.

2 -

Quelle est sa véritable identité?

Cécile Brossollet

3 -

Qui est-elle?

C’est un écrivain français

4 -

Vers quelles études s’oriente t’-elle?

Vers les sciences économiques. Elle exerce comme maître de conférences à l’université d’Orléans.

5 -

Citez deux autres ouvrages de Ferney

Le Ventre de la fée en 1993

La Conversation amoureuse, 2000

L’Elégance des veuves, 1995

 

ORAUX EAF

Questionnaire sur l’œuvre : Grâce et dénuement

1 -

Que pouvez-vous dire sur le titre?

Le titre, Grâce et dénuement est une antithèse. Grâce = cela se rapporte à l’idée de don, faire une faveur : au sens religieux, il s’agit d’une faveur de Dieu mais on peut également admettre un autre sens, celui de remise de peine (l’amnistie). Le sens de dénuement est plus restreint : il est associé au besoin, au manque, à la misère. On a donc bien une antithèse, Grâce et dénuement = don et manque

2 -

Pourquoi le titre est-il énigmatique?

Le titre est énigmatique car il éveille la curiosité. Cette antithèse n’est pas explicite et éveille la curiosité du lecteur. Cela ne renvoie à rien : à quoi cela fait-il référence? Le lecteur ne sait rien. On peut mettre en avant la musicalité du titre et anticiper une lecture symbolique. 

3 -

Quand ce récit est-il paru?

En 1997

4 -

Sur quoi porte t’-il?

Sur une famille gitane installée de manière illégale sur un terrain privé près d’une grande ville.

  5 -

Que raconte t’-il?

Il raconte la vie de famille de ces gitans jusqu’à leur expulsion. Une bibliothécaire  qui vient lire des livres aux jeunes enfants  du quartier rencontre cette famille et c’est le début d’une grande aventure. Vont s’entremêler drames et passions

6 -

Quel prix, Ferney a t’-elle obtenu?

Le prix 1998 de la culture et bibliothèques pour tous. Ce livre est aujourd’hui au programme de littérature.

7 -

Quel est son premier livre?

Le ventre de la fée, 1993

 ORAUX EAF

 

Questionnaire sur le passage à présenter à l’oral :

Plan possible pour un commentaire :

I -  la précarité des gitans : 

Le jeu, l’environnement et le froid

II - La magie de la lecture  :

Un espace calme et chaud

Un espace éducatif

Un espace magique

Problématique possible :

En quoi  les lectures d’Esther représentent -elles  un exutoire à la vie des jeunes gitans?

Situation du passage :

Quelle est la situation du passage?

Une femme vient chaque semaine faire la lecture aux enfants gitans. Petit à petit, il apprennent à l’apprécier et elle  apprend à les apprivoiser. Esther doit faire face aux remarques des hommes mais également à la méfiance des femmes qui voient d'un mauvais œil  son intervention dans la communauté.  Dans l’extrait étudié, Esther vient une journée d’hiver, les enfants se réfugient dans la voiture bibliothèque et la lecture commence.

 

ORAUX EAF

 

 

 

  I -

La précarité des gitans

1 -

Quels sont les premiers signes de la misère matérielle dès les premières lignes du texte? 

Les premiers signes de la misère transparaissent à travers le jeu des filles et des garçons. 

2 -

Montrez que l’environnement et les jeux sont l’exact reflet de la précarité de vie des gitans

L'environnement dans lequel évoluent  les gitans trahit la misère matérielle. On constate que les enfants sont remis à eux-mêmes dehors sans jouets : « un terrain vague » dans « la banlieue parisienne ». Les enfants gitans sont constamment dehors : « ils deviennent fous s'ils restent enfermés ». Ils n'ont rien pour jouer : « Elles n'avaient ni cordes à sauter, ni élastique, ni poupées et poussettes ». On peut dès le début du texte les opposer aux enfants de la ville. Les filles se regroupent en bande pour trouver de quoi remédier à leur ennui comme on peut le voir dans la phrase suivante : elles faisaient  un cercle pour chercher à quoi jouer ».

3 -

Quelle autre caractéristique la misère manifeste t’-elle?

La misère se traduit également par le froid et le vent dans lesquels les enfants gitans sont plongés très tôt dans la journée « dès qu’ils étaient habillés» 

4 -

Quelle expression évoque le mieux la cruauté du froid

« C’était assez cruel de les donner au vent tout le jour » Ou, comparaison : « les mordait au visage comme un chien fou ».

5 -

Relevez les autres phrases et expressions du texte révélatrices de ces conditions météorologiques extrêmes

« Les femmes poussaient leurs enfants dehors dès qu'ils étaient habillés »alors que « les matinées étaient devenues glaciales ».Les enfants jouent dans « le froid vif ». Le froid les « mordait au visage comme un chien fou » Le froid dur, piquant et l’environnement sont les éléments essentiels  du quotidien des enfants gitans  qui oublient  la précarité du contexte par le jeu

. 6 -

Citez un exemple de jeu favori chez les  gitans

Ils courent et se battent : « couraient et se battaient ». Ces deux verbes d’action résument à eux seuls l’activité essentielle de la journée occupée par le jeu. Courir et se battre sont les deux jeux préférés des enfants, sans doute sélectionnés parmi d’autres pour se réchauffer et faire face au froid glacial. 

7 -

Cela contribue t’-il à susciter la pitié et la compassion chez le lecteur? 

Oui les enfants semblent abandonnés au froid et aux jeux les plus violents. L’adjectif « glacial » renforce cet aspect de lutte par le jeu et les verbes d’action « courir et se battre » semblent être les seuls moyens d’agir contre le froid torride.

8 -

Quel paradoxe ce texte met-il en avant?

Nous avons un paradoxe entre l’univers extérieur  froid, glacial, violent et l’univers intérieur de la voiture, chaud, calme, rassurant dans lequel se pratique une autre activité : la lecture.

9 - Montrez en citant le texte que la voiture et le terrain vague sont deux mondes différents et que les enfants se sentent en sécurité dans cet autre monde assimilé à un cocon bien protecteur. 

De la voiture, espace chaud, apaisant, les enfants sortent à regret: « ils sortirent l’un après l’autre en grommelant ».  Cela met en opposition  les deux mondes, le monde extérieur = le jeu dans le froid, le jeu synonyme de lutte contre le froid et le monde intérieur = activité de la lecture au calme et dans un univers chaud, chaleureux et apaisant.

 

II - La magie de la lecture

Un espace calme et chaud

1 -

Quel est l’effet produit par la lecture?

La lecture produit le calme « Ils ne bougeaient plus et hormis quelques reniflements, le silence était total » Cette activité a un pouvoir de métamorphose chez les enfants gitans devenus calmes, ils ne courent plus, ne se battent plus, ne luttent plus contre le froid mais s’abandonnent à la lecture comme s’ils étaient envoûtés.

2 -

Relevez toutes les expressions du texte représentatives de l’état d’apaisement total que suggère la lecture

« Ils ne bougeaient plus et hormis quelques reniflements, le silence était total »« On entendait juste le ronflement d'air chaud » « Elle lisait dans ce calme » « Elle ignorait qui ,de la chaleur ou de l'histoire, les apaisait d'un seul coup »

Un espace éducatif

1 -

Quelle urgence et prise de conscience l’intervention de la bibliothécaire suscite t’-elle?

Nous sommes confrontés aux thèmes de l’illettrisme et de l’éducation. Les jeunes gens ne sont pas scolarisés, ils représentent la jeunesse exclue d’une société dans laquelle ils ne s’intègreront jamais du fait de leur manque d’éducation. L’intervention de la bibliothécaire symbolise l’espoir par son apprentissage de la lecture et peut-être une ouverture sur le monde. Les séances de lecture trahissent bien l’orientation sociologique de ce passage, les jeunes des terrains vagues éperdus de liberté seront les oubliés de demain, les exclus de la société. Il y a cependant une note d’espoir : Ils s’ouvrent à une nouvelle forme de vie, celle de l’éducation par la lecture et sont à cet instant comme les autres enfants. Ferney souhaite faire réfléchir le lecteur relativement à la question de l’éducation et de la scolarisation. La réalité sociologique du texte trouve toute sa profondeur à ce stade de réflexion. Il y a urgence à sortir de l’illettrisme pour ces enfants qui n’auront pas leur place demain s’ils n’accèdent pas à un autre apprentissage de la vie.  La question est abordée avec beaucoup de réalisme : il faut peut-être en tant que lecteur porter un regard critique  sur l’exclusion de  la communauté des gitans  et ses impacts sur la société. 

2 -

De quoi la lecture devient-elle le ou les symboles?

La lecture devient le symbole de l’espoir et de l’éducation. Les histoires racontées, lues sont les premières bases d’une éducation par l’imagination, il s‘agit de distraire pour instruire. La lecture est un refuge, un apprentissage et une évasion hors du quotidien. « Ils entraient petit à petit dans la chose du papier, ce miracle cet entredeux ».  Le nom « entredeux » met bien en avant l’idée que la lecture est sacralisée dans le sens où elle permet le passage entre deux mondes, celui du quotidien, du froid et de la misère et l’autre, l’espace chaud, magique, cet autre apprentissage de la vie, l’inaccessible, l’espoir, celui qui reste à découvrir.

Un espace magique

1 -

Quel effet l’arrivée d’Esther produit-il?

Il produit un effet magique sur les enfants. 

2 -

Comment son arrivée contribue t’-elle à produire un tel effet?

Sa voiture est associée à la chaleur ainsi que le suggère le champ lexical : « chauffage », « chaleur », « soufflerie ». Le contraste avec le monde extérieur est ainsi créé. La magie peut alors s’opérer, la lecture commence. 

3 -

Comment la magie opère t’-elle?

La magie se manifeste dans le plus grand silence. Les verbes de paroles « riaient », « hurlaient » s’opposent au silence absolu que provoque la lecture d’Esther car dès l’instant ou la femme prend le livre dans ses mains, « le silence était total ».

4 -

Relevez les expressions métonymiques pour désigner le livre « ce miracle », « cet entredeux »

5 -

Relevez la périphrase pour dire « le livre »

« la chose du papier »

6 -

Montrez par une  ou deux expressions du texte que la lecture est investie de pouvoir

« Esther ne trouvait pas facilement le courage de s’arrêter… et de rompre en une phrase le charme créé par toutes les autres » Les mots charment et pénètrent les esprits des enfants. Le pouvoir charmeur de la lecture se poursuit, elle distrait et éveille l’imagination des jeunes plongés dans un autre monde. « Elle regardait les enfants sortir du rêve, engourdis par sa lecture ». Le pouvoir de la lecture est si grand qu’il hypnotise les jeunes esprits, les plonge dans un rêve au point de les engourdir.  Transportés par l’histoire, ils sont ailleurs et l’évocation magique est si forte que le retour vers le quotidien et l’ordinaire fait violence « sortir du rêve », « rompre », « le courage de s’arrêter ».

7 -

L’entrée dans le monde de la lecture est-il progressif?

Justifier votre réponse en citant le texte Oui l’entrée dans le monde de la lecture est progressif ainsi que le suggère l’expression « ils entraient petit à petit dans la chose du papier ».  La lecture engourdit très progressivement les jeunes.  L’assonance en « on » accentue l’état de somnolence et d’engourdissement : « ronflement », « monde », « ronfle ». Ces sons enveloppants connotent l’effet doux et magique que la lecture suggère. Elle les apaise et les transporte loin du chaos habituel. Elle les enveloppe et les glisse dans un autre monde, plus doux : « Ils s’étiraient, revenant de l’autre monde, plus enveloppant, plus rond, plus chaud que celui dans lequel ils retournaient à peine sortis de la voiture ».

 ORAUX EAF

Ouverture possible :

On peut  comparer cette vie pauvre et dure au livre de Victor Hugo, les misérables, cosette est dans cette misère mais elle  finit par être sauvée par Jean Valjean qui lui offre une éducation et une stabilité.

 

Intérêt du livre d’Alice Ferney : Grâce et dénuement

- Caractère engagé du roman

Les héros sont les Gitans = un peuple rejeté du fait de ses origines ethniques et de son mode de vie (nomadisme et non intégration économique).

C’est une réalité qui dérange.

= Aspect critique du livre.

- La soif de la connaissance est ancrée au plus profond de chaque être. L’apprentissage de la lecture en est le couronnement. La lecture est perçue comme une ouverture au monde.

- Intérêt du passage  = Urgence et importance de connaître l’autre. C’est un texte essentiel par les thèmes secondaires abordés, l’illettrisme, l’éducation et l’exclusion. 

Date de dernière mise à jour : 25/07/2021

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