Toute vérité est-elle démontrable?
Sujet :
Toute vérité est elle démontrable?
Dissertation
Introduction
La question de savoir si toutes les vérités sont démontrables est un leitmotiv en philosophie. En effet, c’est une interrogation essentielle car elle nous conduit à ce à quoi, le penseur travaille, la vérité au sens d’une quête, mais la vraie question est de savoir comment y parvenir, comment démonter la vérité? La raison peut elle suffire à l’homme? Est elle un passage obligé? L’homme peut il avoir recours à autre chose qu’à la raison? La raison suffit elle à tout démontrer si toutefois nous convenons que tout est démontrable? Nous nous tournerons vers le système rationaliste chez Spinoza et Descartes pour tenter de résoudre notre problématique. Il nous faudra sans doute poser une limitation au système rationaliste cartésien. Comment poser et convenir des limites de l’entendement humain? Le système rationaliste lui-même convient il pour tout démontrer? Nous confronterons le thème du sentiments et celui de l’incompréhension divine au concept de raison qui semblent la contredire dans le sens de son incomplétude et de ses limites à une éventuelle et totale démonstration. Nous partirons du système rationaliste et tenterons de prouver que tout est démontrable avec le principe de raison suffisante qui le caractérise et en opposition à celui-ci, nous nous tournerons vers le penseur Pascal qui tente de s’opposer à ce principe absolu de la démonstration de toutes choses par la raison au profit d’un autre ordre de connaissance.
I - la raison peut tout démontrer, la vérité est démontrable
Le système cartésien
Descartes en partant du doute arrive à poser une vérité indubitable. Nous savons en effet que partant de l’ambition de fonder une mathématique universelle, il souhaite montrer qu’il existe en philosophie une certitude égale à celle des mathématiques. Il pose le doute hyperbolique, méthodique de façon à faire table rase de tout et ne retenir que ce dont il ne peut plus douter. Il parvient à retrouver les déductions et les intuitions ou notions simples des mathématiques en philosophie. En effet, du doute le cogito est né, « je doute mais tandis que je doute, je ne peux douter que je pense et si je pense, je suis car pour penser il faut être », « je pense donc je suis ». L’existence est première, c’est une notion simple, ou intuition tandis que la pensée est seconde, c’est une déduction faite à partir de l’intuition non déduite. « Pour penser il faut être ». Nous retrouvons donc la conjonction nécessaire entre les deux propositions qui rendent le cogito indubitable, vérité démontrable sur les principes, les bases de la déduction et de l’intuition, il parvient donc à montrer qu’en philosophie, la vérité est démontrable à condition de respecter le raisonnement hypothético déductif propre aux mathématiques. Nous retrouvons de même cette ambition première à vouloir tout démontrer de façon rationnelle au niveau des principes rationalistes eux-mêmes.
Ainsi, pour les rationalistes comme Spinoza, l’idée vraie est révélée dans l’évidence intellectuelle. La méthode géométrique renvoie à l’instrument de démonstration le plus parfait pour notre connaissance philosophique. Les démonstrations sont les yeux de l’âme. Si nous aspirons à une connaissance réelle et que nous apportons le salut, il est nécessaire de parvenir à une idée particulière d’où nous pourrons déduire la totalité des connaissances, c’est l’origine et la source de toutes nos idées. La méthode déductive comme celle de la géométrie prend donc son point de départ dans l’idée de l’être infini. La méthode de recherche fait place au système. Il a systématisé, il a développé l’intuition originaire du tout comme unité immanente à ses parties.
Le principe de raison suffisante
Le rationalisme est une doctrine qui pose que la connnaissance relève de la raison par opposition à l’empirisme; les principes qui le caractérisent sont le principe de raison suffisante autrement appelé principe d’universelle intelligibilité; Par ce dernier, nous posons un principe métaphysique qui nous permet de tout comprendre et de rendre compte de tout, il y a en effet, le principe de finalité, il nous permet justifier les choses selon la fin, de même que le déterminisme exclut le hasard, la probabilité. Le principe du tiers exclu intervient également comme essentiel dans le rationalisme, une chose ne peut ainsi pas être et ne pas être. Enfin, le principe de causalité permet de justifier les choses selon leur cause. En fait le principe de raison suffisante permet de tout rationaliser de manière à rejeter l’irrationnel au sens de ce dont on ne peut rendre compte. De cette façon, l’homme adhérant aux principes de cet ordre peut rendre compte de tout, exclure les irrationnels et de ce fait tout comprendre et tout démontrer. Mais ne faut il pas admettre certaines limites au système rationaliste et cartésien?
II -Les limites du système rationaliste, toute vérité n’est pas démontrable
Les sentiments et l’incompréhensibilité divine
Il y a une réduction aux idées claires et distinctes possibles au sens de la vérité chez Descartes mais il nous faut admettre des éléments qui sont eux-mêmes obscurs et confus. Il nous faut distinguer les éléments du réel de façon lucide et avec clarté, or le sentiment par exemple ne s’y prête pas, il est en effet rebelle à toute intellection, par conséquent, c’est le privilège d’une vérité que la raison est incapable d’atteindre. La vérité du sentiment serait donc indémontrable, l’entendement doit s’incliner. Mais si l’entendement doit s’incliner devant la vérité du sentiment, c’est en vertu de la connaissance intellectuelle que l’entendement a de Dieu, c’est-à-dire de son incompréhensibilité. Mais il nous faut distinguer l’incompréhensibilité et l’inconnaissabilité, cela signifie qu’il est possible de le reconnaître mais pas de le comprendre. Dans une lettre à Mersenne, le penseur affirme, « nous ne pouvons comprendre la grandeur encore que nous la connaissons ». Comprendre, c’est embrasser par la pensée. Reconnaître c’est toucher par la pensée. Pour savoir une chose, il suffit de la toucher par la pensée. Il nous faut donc poser une certaine distance de l’homme à Dieu. La raison cartésienne est donc autonome sans être toute puissance, elle fonde ses limites, mais ce n’est pas un précurseur du criticisme kantien. La liberté infinie est égale en l’homme et en Dieu. Dieu, l’homme et le monde ne font pas système, pas plus que l’homme ne fait système avec lui-même. Il est impropre de parler de système cartésien en fait.
À l’ordre de la raison, s’oppose l’ordre du cœur
Nous savons que tout n’est donc pas démontrable si l’on se réfère aux limites de la raison et du rationalisme lui-même, nous venons en effet de démontrer que tout n’est pas compréhensible. En outre, nous pouvons mentionner l’imagination dont Pascal affirme qu’elle est maîtresse d’erreur et de fausseté; c’est une grande puissance trompeuse. Il en est d’ailleurs de même chez Descartes. Chez Pascal, c’est une manière de penser qui n’est pas toute la pensée de l’homme. La volonté est entendue au sens large de désir. Le cœur enfin, ordre privilégié de connaissance chez Pascal, c’est une manière d’être et de penser, c’est le fondement de toute pensée, nous pouvons à cet égard, citer le penseur, « le cœur a des raisons que la raison elle-même ignore ». Il renvoie à l’intimité, l’intériorité, l’immédiateté. C’est la faculté de la vérité indémontrable, le cœur est nécessaire à l’interrogation de l’homme. A ce niveau de réflexion, nous sommes en opposition entre le cogito pascalien et le cogito cartésien, la dualité est antinomique. Chez Descartes, du doute sort la certitude. Pour Pascal, les principes ne tiennent pas d’eux-mêmes, si la science est l’œuvre de la raison, elle n’est pas fondée en raison. Les principes sont donnés au cœur. Il nous faut donc admettre un autre ordre de connaissance, le cœur contre la raison qui fait que tout n’est plus démontrable. Il s’agit en effet d’admettre que l’homme qui croit n’a pas besoin de preuve et celui qui ne croit pas n’a pas non plus besoin de preuve aussi rationnelle soit elle, il ne le croirait pas non plus. Il n’y a pas de preuve de Dieu. La nature est le pur objet de la science cartésienne, en ce sens seulement Pascal s’accorde avec Descartes. Pour Descartes la raison n’a rien à voir avec le cœur, ce dernier pour le penseur cartésien n’est pas un ordre de connaissance. Dieu est sensible au cœur plus qu’à la raison. En fait Pascal se révèle comme un philosophe rationaliste du cœur. Le philosophe considère qu’il existe deux excès, exclure ou ne voir que la raison. Nous pouvons pour illustrer cette idée pascalienne, citer « la dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpasse ». La raison serait d’autant plus elle-même si elle admettait qu’il y a une autre chose au dessus d’elle. Descartes nous parle de vérité philosophique, Pascal est en totale opposition avec la pensée cartésienne. Selon lui, la vérité n’est pas philosophique, au contraire, la vraie religion est la vraie philosophie. Il entend par vraie religion, non pas celle qui donne tout pouvoir à la raison, mais celle qui nécessite outre la raison, l’intervention du cœur.
Conclusion
Le rationalisme cartésien est donc caractérisé par la confiance dans le pouvoir intuitif de l’entendement et la méfiance des facultés sensibles. Il reconnaît donc que toute vérité est démontrable, la vérité étant les idées claires et distinctes grâce à l’effort d’attention. Mais il nous faut poser une nécessaire limitation au rationalisme cartésien qui prétend que toute vérité est démontrable sur le modèle mathématique; au-delà de la raison, il existe un autre ordre de connaissance selon le philosophe pascalien, le cœur, ce dernier devient un nouvel ordre de connaissance qui dépasse l’entendement humain et nous rend humble en acceptant le fait que toute vérité n’est pas démontrable.
Date de dernière mise à jour : 16/05/2019