Dossier les sentiments et le savoir

DNBAC

 

LES SENTIMENTS ET LE SAVOIR

 

- fiche synthèse bac -

 

 

Nous n’avons pas d’idée de notre âme, mais seulement un sentiment intérieur comme conscience de soi, comme conscience de sa propre existence. Mais, ainsi que semble vouloir dire Malebranche, si la conscience est expérience immédiate de notre existence en cela que le sentiment nous touche sans nous éclairer vraiment, le sentiment reste avant tout l’acte et le résultat du sentir, de la prise de conscience immédiate, sans intermédiaire sans distance des choses et de nous-mêmes la conscience d’une présence, d’un « il y a », la conscience consciente d’un « il y a ». Husserl ne disait-il pas, « toute conscience est conscience de quelque chose »? Une conscience peut-elle être consciente de quelque chose sans être consciente d’elle-même? « tout existe par la pensée » selon Schopenhauer car enfin, si le monde existait indépendamment de moi, si la conscience ne percevait pas les choses, cela ne reviendrait il pas à affirmer l’existence d’un perçu qui ne serait pas perçu?

 

Conscience et sensibilité

 

Ainsi, la sensibilité, en cela qu’elle se définit comme l’aptitude d’un organisme à réagir à des excitations internes et externes, relève, tout comme le sentiment de l’acte et du résultat du sentir, d’une prise de conscience immédiate, c’est-à-dire, de la sensation : à cette seule différence que les modes qui lui correspondent sont les sensations et les perceptions, l’intuition sensible qui ne sont pas des sentiments réalisés, « tel l’amour, qui pourrait on dire est la réalisation spirituelle de notre sensation première. Un sentiment tel l’amour se sentant déjà être sans même savoir ce qu’il est réellement, ni ce vers quoi il tend sinon vers une communication, une communion avec une autre conscience. Toutefois, nous pouvons conférer à l’intuition son second sens celui d’être affecté par quelque chose, ressentir de la honte, un bien être, en tant que l’on pressent quelque chose sans toujours savoir pourquoi. Nous rejoignons en cela le sens premier d’intuition. Nous prenons dès lors conscience d’une valeur éprouvée par le sentiment. Mais sentiment signifie également une manière d’être au monde à la fois totale et durable. Cette conscience intentionnelle nous oriente vers le monde. Le sentiment sous toutes ses formes est toujours conscience immédiate d’une existence dont la valeur nous engage d’une certaine manière.

 

Un certain rapport au monde

Ce rapport au monde fait que la conscience consciente d’elle-même se tourne vers le monde dont elle prend conscience : la conscience subjective pleine de notre moi prend conscience de la réalité objective en la pressentant sans encore la connaître. Entendons par connaître, le fait d’entrer pour la conscience avec un objet extérieur. Au sens philosophique du terme, le savoir signifie généralement science au sens le plus abstrait; sans doute y aurait-il lieu de le réserver pour la philosophie elle-même dans la mesure où, même scientifique, elle n’est pas une science, ni la science. Par exemple, on dira utilement du système de Hegel qu’il tend à constituer le savoir absolu et non plus la science. Au sens le plus courant, ne disons nous pas d’un homme instruit qu’il a un grand savoir? En d’autres termes, qu’il est savant dans sa discipline? Ainsi, ne serait-il pas plus juste d’affirmer que l’homme instruit en médecine est savant en sa discipline, et que son savoir égale une infinie partie de la connaissance au sens le plus absolu du terme? Enfin, ne devrions nous pas plutôt dire qu’il est un mode de la connaissance?

 

De quelle source nous vient la connaissance?

Mais de quelle source nous vient la connaissance? Naît elle de notre expérience sensible plutôt que de notre expérience intelligible? Dans la mesure où une connaissance de quelque chose existe par rapport à un objet, ne devons nous pas entendre qu’un objet perçu l’est nécessairement par un sujet distinct de lui? Car enfin, comment un objet perçu se peut-il l’être indépendamment de notre présence au monde? Cela ne signifierait-il pas qu’il soit perçu sans être perçu? Si »le monde est ma représentation » ainsi que le pense Schopenhauer alors, les objets sensibles se rattachent à la conscience qui les perçoit. mais pour reprendre la célèbre formule du cogito, « je pense donc je suis », Descartes doutant du monde extérieur va jusqu’à douter de sa propre existence. Trompé par un malin génie dont l’énergie ne lui sert qu’à truquer la réalité, comment ne pas douter d’un monde qui se pourrait n’être qu’une illusion? Mais comment douter davantage de ma présence au monde? Si un malin génie emploie sa force à me tromper, n’est-ce pas la preuve que j’existe? Comment se pourrait-il me tromper si je n’existais pas?

 

De même comment une conscience consciente de quelque chose peut elle ne pas avoir conscience de sa propre conscience? La présence du monde en moi n’est possible que si j’ai conscience de ma propre présence. On ne peut percevoir le monde extérieur que si la conscience est immédiatement donnée à elle-même. Ainsi la formule du cogito ne serait qu’une intuition. L’intuition sensible est tributaire d’une intuition psychologique d’une vision directe de l’esprit par lui-même sur lui-même autrement appelée conscience immédiate. Dire d’une conscience qu’elle est toujours « conscience de quelque chose » ainsi que le pense Husserl, cela revient à dire que toute conscience est conscience de quelque chose de transcendant à elle. Dès lors, le monde apparaît comme extérieur à ma conscience. Ainsi se construit un monde objectif dont la réalité est saisie de façon réfléchie par le sujet. Il n’en reste pas moins que conscience de soi ne signifie aucunement connaissance de soi au sens spirituel et métaphysique mais seulement conscience de soi comme première certitude de notre expérience immédiate.

 

De la conscience immédiate à la conscience attentive

Ainsi, la conscience immédiate en se tournant vers le monde devient conscience attentive en se tournant vers l’objet, en même temps que conscience intentionnelle pour reprendre l’expression d’Husserl. D’un point de vue empirique, la conscience reçoit un monde qui s’offre à elle par des sensations. Condillac conçoit toute attention sur le modèle de l’attention passive; le sujet pourrait on dire subit ses propres perceptions des objets. Il reçoit passivement ce que l’expérience extérieure lui apporte. L’empirisme fonde la connaissance intelligible sur l’expérience sensible. Hume affirme que nos représentations sont issues de l’expérience immédiate ou s’en réduisent en dernière limite. Ainsi, les perceptions de l’esprit en ce qu’elles sont impressions et idées, simples ou complexes sont tout le pouvoir de notre esprit; car « tout le percevoir créateur de notre esprit se réduit en définitive à rien de plus qu’à la faculté de composer, de transposer, d’accroître ou diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l’expérience. Toute chose est déjà sentie sans être encore connue; il assure le passage de la connaissance sensible à la connaissance intelligible par la relation causale qui consiste en un procédé d’identification de nos expériences sensibles du passé à celles du présent. Ainsi, la sensation comme donné le plus élémentaire ce qui est vécu immédiatement par le sujet situé dans le monde; elles sont les matériaux concrets de la construction perceptive; sans elles, la perception risquerait de se confondre avec le souvenir; dans certains cas, percevoir finit par n’être plus que le souvenir pense Bergson, car la mémoire intervient dans la perception habituelle de l’objet au point qu’ils vont jusqu’à recouvrir les sensations présentes si l’on ne prend pas soin de les écarter pour voir l’objet à neuf. Donc avec le souvenir et avec l’image comme le prétend la psychologie classique, la perception est autant une révélation subjective qu’une position d’un objet dans l’espace, ainsi, la chaise située à un mètre de moi devient objet de ma perception.

 

C’est ainsi que les sensations ne nous laissent que très vaguement entrevoir l’existence autonome de la réalité autre que notre réalité subjective : en terme sartrien, « nous sommes englués dans le sensible », alors que les perceptions nous livrent de façon objective le monde extérieur dont l’existence ne peut-être mise en doute sur le plan psychologique et empirique. Cependant, ces facultés intuitives premières selon la théorie intellectualiste de la perception à laquelle nous pouvons rattacher Lalande, sont des ensembles de jugements, tout comme les illusions des erreurs de jugement. Elles sont des formes confuses de l’intelligence ainsi que le pense Leibniz. Cette thèse héritée du cartésianisme considère la perception comme une construction mentale par laquelle les sensations vécues s’extériorisent, ce qui aboutit à la perception d’un objet dans l’espace.

 

LES SENTIMENTS ET LE SAVOIR

 

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Deuxième partie

 

 

Introduction

 

Position du problème

 

A partir d’une donnée inétendue de l’âme, on perçoit un objet étendue par un ensemble de jugements qui rapporterait la qualité sensible à l’objet; l’espace égale l’objet d’un jugement non d’une sensation. Bien que nous percevions des objets à distance, ceux-ci ne seraient pas sentis mais jugés par une représentation des données sensibles. Ainsi que nous le montre l’analyse du morceau de cire, il s’agit d’une inspection de l’esprit, d’un jugement de l’entendement.

Au contraire la psychologie moderne, d’inspiration phénoménologique, se propose de saisir ce qui est réellement vécu, de concevoir la perception telle une donnée globale immédiatement offerte à nos yeux; mais la gestalt théorie a minimisé le rôle du sujet vivant dans la perception. En réalité, la perception dépend tout autant de la structure de l’objet que du sujet percevant; les objets ayant un sens humain sont volonté dans la perception. La perception devient une adaptation de l’être aux prises avec l’univers, elle m’exprime moi-même tout comme elle exprime le monde, non une adaptation biologique comme le pensent Weber et Fechner, pour qui la sensation n’a pas de valeur de connaissance dans la mesure où selon la loi du seuil elle se manifeste lorsque l’excitation a atteint un seuil d’intensité.

 

La position rationaliste

D’une certaine façon, Kant s’oppose à ces thèses pour rejoindre le rationalisme par cette activité reconnue à l’esprit de mettre en ordre la musique désordonnée, la rhapsodie des données empiriques; la connivence sensible ne saisit que des phénomènes, c’est-à-dire, les choses telles qu’elles nous apparaissent et non telles qu’elles sont réellement. Une connaissance intuitive portant sur l’être dans sa réalité intrinsèque n’est pas donnée à l’entendement humain. Son relativisme s’inspire du rationalisme pour qui la raison est la source exclusive de la connaissance. De même, nous pourrions distinguer et par la même opposer ces thèses à la solution du type cartésien, leibnizien qui admet que nous avons en nous des idées innées en fonction desquelles on forme des concepts au réactif de l’expérience. Les concepts d’homme, de justice, de beauté présupposent la vision par l’esprit des essences qui les commandent et servent de modèle a priori. Des idées qui ne viennent ni de l’expérience sensible, ni de l’activité de la raison mais qui sont inscrites dans notre nature et reposent dans notre esprit.

 

La conscience attentive et intentionnelle

Ainsi, cette conscience immédiate, pleine de notre subjectivité s’oriente vers la réalité objective et devient conscience attentive et intentionnelle. Merleau Ponty ne disait-il pas, « le senti est immédiatement communication avec le monde »? D’une certaine façon, toute conscience répond à un état de la connaissance. Ainsi pourrions-nous dire qu’à la conscience immédiate correspond une connaissance de soi en tant que la conscience se sait être conscience de sa propre existence au monde; à la conscience attentive une connaissance relative au monde et à la conscience intentionnelle non plus seulement une manière d’être au monde, de le connaître mais une connaissance en rapport avec autrui. Il ne s’agit plus d’une connaissance relative mais relationnelle, en rapport avec un sujet non plus un objet en tant qu’il s’agit d’une communication construite exclusivement sur des sentiments réalisés tels que l’amour, la haine… mais non l’émotion. Bien que le sentiment puisse être une source d’émotions, l’émotion pour ce qu’elle est au présent, une exaltation momentanée d’un sentiment n’est pas un sentiment.

 

Sinon dans le cas contraire, le sentiment correspondrait à une émotion atténuée. Même le sentiment le plus fort n’atteint jamais cet aspect paroxystique de l’émotion. Autant l’émotion trouble l’action, autant le sentiment intervient comme un régulateur de la conduite qui alimente la vie intellectuelle. Ainsi la crainte, sans pour autant nous faire perdre nos moyens, nous prédispose par le seul fait que nous pressentons quelque chose à éviter, à nous abriter du danger ou d’une menace. Pascal ne disait-il pas, en substance, que le sentiment ne se réduit pas à une sensibilité corporelle ni à une idée rationnelle mais qu’il comporte une signification intuitive? De même, la théorie de Scheler rejoint ce courant pascalien en ce qu’elle analyse le sentiment comme un principe d’orientation, une prévoyance rendant possible toute connaissance. Les termes « sens » et « senti » expriment que l’on a saisi quelque chose et que l’on se rend quelque part. le sentiment répond à une sorte d’attention affective supposant à la fois un état suivi d’un acte.

 

Il ne faut pas réduire les phénomènes affectifs

Il faut donc renoncer à la réduction de tous les phénomènes affectifs, en états organiques ou intellectuels et faire intervenir une métaphysique prématurée. Après Janet, Pradines a fortement insisté sur le caractère fonctionnel et adaptatif du sentiment, sur les adaptations circonstanciées des attitudes subjectives à des évènements ou à des modèles sociaux. La psychologie freudienne affirme que l’on ne saurait rendre compte des sentiments sans les rattacher à certaines tendances dans la mesure où, les sentiments plongeant leurs racines dans l’inconscient sans être inconscients la tendance contrariée peut se muer en narcissisme infantile, en aspiration esthétique, religieuse. L’affectif n’est inconscient au stade de latence dans la pulsion. Lorsque le sentiment apparaît, on est passé de l’antichambre au salon.

 

Complexité de la notion de sentiment

Toutefois, la notion de sentiment dans la philosophie reste une notion très complexe. Alors que chez Descartes, le sentiment apparaît comme certains états mentaux liés aux besoins de l’organisme telles la faim, la soif, chez Pascal, au contraire, il est la vue immédiate, naturelle qui nous met en contact profond avec la réalité. Le sentiment est la clef de l’amour, de l’espoir, enfin de tout ce qui s’éprouve et de tout ce qui est l’objet d’une certitude immédiate par opposition à la raison qui n’est qu’un ordre second et artificiel de la connaissance. En tant que le sentiment répond à une intuition capable de saisir les valeurs spirituelles, il se rattache au courant métaphysique du sentiment du XVIIème siècle auquel se joint Scheler. Ils affirment que les sentiments possèdent un sens une signification et une intention. Il appartient à ce que l’on appelle, « l’ordre du coeur ». Selon Bergson, le sentiment en tant qu’élan nous transporte vers certaines réalités et en tant que lumière,il nous permet de saisir les totalités les plus complexes. Il est aussi dans les deux sources de la morale et de la religion, une intuition au sens d’une forme, d’un sentiment créateur, d’un message spirituel tout comme chez Pascal et Scheler, Bergson donne à cette notion une portée métaphysique qui le confond avec l’immédiateté de l’expérience affective, en tant que connaissance première dépourvue de toute argumentation, de tout engagement intellectuel.

 

En quoi les sentiments peuvent-ils être connaissance d’autrui?

Mais si ces sentiments sont l’expression d’une conscience immédiate, attentive et intentionnelle, en quoi peuvent-ils être connaissance d’autrui? En un certain sens, nous pouvons dire du sentiment qu’il est connaissance d’autrui de la même façon que la perception est connaissance du monde à cela près que la première suppose une relation avec un sujet alors que la seconde est relative à un objet. Il convient de distinguer le sentiment de la contagion affective tel que l’effet de la panique qui n’est rien d’autre qu’une communication inconsciente et involontaire, collective d’un état général. Alors qu’il y a dans l’amour un approfondissement qui nous révèle des valeurs supérieures méconnues pense Scheler. Ainsi l’intuition d’une valeur spirituelle l’amour nous révèlera l’être aimé comme irremplaçable. L’amour n’en est pas pour autant aveugle, mais clairvoyant. L’objet aimé possède une valeur unique dont l’amour permet la réalisation. Le choix de cet être est irrationnel, spirituel il répond au pressentiment d’une valeur irremplaçable.

 

 

LES SENTIMENTS ET LE SAVOIR

 

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Troisième partie

 

 

Introduction

 

Position du problème

L’amour tout comme d’autres sentiments nous met en relation avec l’être sans pour autant le réduire à la seule forme de la pensé. Connaître suppose que l’on soit en relation avec l’objet, avec la réalité, la valeur et les autres aspects de l’être. Alors que la connaissance ne nous fait pas sortir de la relation, elle ne nous y condamne pas non plus. Le connaître est au cœur de l’être. Connaître signifie participer de l’être et à l’être dans une sorte de communion; ainsi, affirme Leibniz, « j’ai dit que nous sommes pour ainsi dire innés à nous-mêmes et parce que nous sommes des êtres, l’être nous est inné et la connaissance de l’être est enveloppée dans celle que nous avons de nous mêmes ». L’amour est aussi chez Bergson « une sympathie avec ce que la réalité à de plus intérieur ».

 

Les sentiments et la connaissance

La connaissance n’est pas autre chose enfin que la lumière à l’intérieur de l’ordre et son modèle est bien l’acte du cogito, la prise de conscience de l’esprit par lui-même : cela signifie se présenter à l’être et saisir sa présence. Husserl semble justifier cette idée en affirmant que « de même que toute conscience est conscience de quelque chose, de même notre conscience reconnaît l’existence d’autres consciences dans un sentiment de cœxistence. Platon dans le banquet pose le problème de l’amour sans poser celui de la personne. L’amour pour une personne ne s’adresse pas à la personne elle-même mais à travers la personne à l’Idée de l’amour dont la personne est un reflet passager. Le progrès, la purification de l’amour consiste à dépersonnaliser ce sentiment. Platon invite tous ses disciples à passer de l’amour à un beau corps à l’amour de tous les beaux corps puis à l’amour belle forme en soi à travers les beaux corps, enfin à l’amour des belles vertus, des belles sciences puis de l’idée du beau en soi. Ainsi, ce n’est pas Socrate que ses disciples aiment mais à travers lui une certaine sagesse. Nous pouvons voir que l’expérience de l’amour est communication avec l’idée et non communication des consciences entre elles. Pourtant, l’expérience de l’amour, de l’amitié serait susceptible de nous procurer une communication authentique avec d’autres consciences. Saint Augustin ne disait-il pas, « on ne connaît personne sinon par amitié »? Scheler ne développe t’il pas la thèse selon laquelle la sympathie serait la forme privilégiée de la connaissance? Ce qui ne rejoint en rien la niton de camaraderie qui, pense Lacroix est « ce que l’on fait ensemble, non ceux qui le font ».

 

Une communication directe et intuitive

La sympathie tout comme l’amour sont des communications directes, intuitives, extra rationnelles. Mais cette impression vécue est-elle fondée?

Nous imaginons que la signification d’un visage par exemple nous est donnée par intuition immédiate. Pensons au visage un peu vulgaire de Socrate, ses lèvres épaisses, ce visage peut attirant n’éveille pas en nous son âme de sage, de philosophe. De même, l’amour, l’amitié, la sympathie ne sont pas toujours des moyens de connaissance mais des facteurs d’illusions. Le vieil adage selon lequel l’amour est aveugle semble le justifier; c’est une faculté qui n’existe pas que celle d’une sympathie définie comme une intuition émotionnelle et infaillible de soi. Je ne vois pas la personne aimée telle qu’elle est réellement, mais telle que j’aurais voulu qu’elle soit. Je la recouvre de mes songes. Il s’agit d’une erreur de la perception d’autrui. Je prends pour intuition ce qui est projection. Mais pouvons nous parler d’erreur, d’illusion de l’amour? Sans doute la vie serait elle « un cauchemar » si on ne transformait pas nos perceptions en rêve, ainsi que le pensait Nédoncelle, « la perception que nous avons de l’homme doit finir par être transformée en rêve pour être tolérance ». Ainsi la psychologie moderne semble avoir raison d’affirmer que nous connaissons immédiatement l’existence d’autrui mais en est il réellement de même pour ce qui est de la connaissance de ce qu’est autrui ce la ne relève t’il pas plus des sensations ineffables plutôt que de la raison?

En ce que la haine se définie comme l’attitude contraire à celle de l’amour, avons-nous raison d’affirmer qu’elle peut-être une connaissance aussi négative que l’amour est une connaissance positive? La haine ne cherche qu’à déprécier, avilir, humilier son objet et par là ne semble n’être en rien une connaissance, elle cherche davantage à humilier plutôt qu’à expliquer la raison pour laquelle elle agit ainsi. Elle ne se justifie qu’en son agression. Mais sans doute se justifie t’elle au sens négatif du terme tout comme l’amour tend à le faire au sens le plus positif qui soit. Mais comme nous aurions tord de distinguer ce sentiment qu’est l’amour avec ce que l’on nomme être une passion. L’amour rapporté par le poète n’est-il pas une passion, « j’entends vibrer ta vois dans touts les bruits du monde ».

Ainsi, une femme médiocre apparaîtra divine à celui qui en est passionnément amoureux, car touts ses rêves, ses souvenirs se cristallisent sur l’objet de sa passion pour reprendre un terme de Stendhal. Nous pourrions presque dire que tout comme la joie, le plaisir, l’esour sont des modes de l’amour heureux, la peine, la tristesse et le désespoir sont des modes de l’amour malheureux.

 

de l’angoisse à la métaphysique

Souvent présente au début de l’amour, l’angoisse à ce point de vue conduit à la métaphysique. Elle naît à propos de ce qui va être mais n’est pas encore, les amants sont conscients des risques et de la puissance de leur engagement. L’angoisse est un désir dirigé vers quelque chose. C’est un sentiment paradoxal mélange amour et de haine, besoin d’autrui et peur d’autrui, de l’inconnu, elle est une synthèse de l’insatisfaction qui nous engage et de l’appréhension qui nous retient d’agir. En effet, l’émotion du possible peut se définir encore comme l’émotion de la liberté, voire même comme le désespoir. Toutefois, il n’en reste pas moins que la stimmung angoisse et la stimmung doute se répondent en ce qui sont chez Pascal et Descartes deux fondements différents de la connaissance. L’angoisse devient origine du savoir chez Pascal car elle suscite en nous une intuition première; en d’autres termes, l’angoisse est un avertissement de nos sens, une affectation presque similaire à celle de l’émotion en ce qu’elle se manifeste au stade paroxystique. La misère de l’homme sans Dieu chercher à échapper à l’incertitude par le divertissement. Ce thème de l’insatisfaction de l’homme est lié à celui de la finitude de l’homme et à sa faiblesse en face de ses désirs. c’est pourquoi l’inquiétude pascalienne comme vertige devant le néant de notre condition terrestre est déjà une angoisse. Les existentialiste mettent également l’accent sur le fait que l’avenir est une angoisse, une expérience par laquelle l’homme prend conscience de l’être. De même la philosophie chrétienne rattache le premier péché et il plique des notions éthiques et métaphysiques.

Mais cela engage t’il le problème de la vérité de la connaissance en terme d ‘absolu? Pouvons nous avoir une connaissance de Dieu? Quoiqu’il en soit, le terme d’absolu doté d’une majuscule ne peut désigner que Dieu. Si Dieu n’est pas il n’y pas d’absolu, l’absolu étant l’être de qui tout dépend mais qui n’a besoin d’aucune chose pour être conçu. La connivence de Dieu serait donc une prise de conscience divine comme être non comme objet. Quand bien même nous connaîtrions Dieu en tant que l’esprit de l’homme que peut saisir l’esprit divin, nous ne pourrions pas le comprendre car il nous est supérieur et que nous ne lui sommes point égal, ainsi que le pense Descartes. Cette interrogation ne relève pas véritablement de la connaissance mais de la croyance; seul le croyant sait que Dieu existe. Mais la connaissance ne nie t’elle pas elle-même la croyance? « nous ne pouvons pas croire ce que nous savons et nous ne pouvons pas savoir ce que nous croyons » écrit Pradines. Le mot absolu lui-même n’est -il pas trop fort pour la nature humaine? Même le mot absolu doté d’une minuscule signifiant la chose en soi, l’être en tant qu’il existe en lui-même indépendamment de la connivence qu’on en peut avoir n’engage t’il pas toute la théorie de la connaissance en terme de « relation avec », ou « relatif à »? Humainement parlant, l’absolu n’est-il pas ce vers quoi tend le relatif et ce dans quoi s’inscrit le relatif de la même façon que la pensée s’exprime et se situe par rapport à son idéal?

 

 

SENTIMENTS ET SAVOIR

 

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Quatrième partie

 

 

Introduction

 

Position du problème

Un objet déjà intuitioné par un un sentiment mais pas tout à fait connu nous fait dire que le savoir en tant qu’il est sentiment, sensation relève de notre expérience sensible et s’exprime en terme de connaissance sensible du monde extérieur. Du fait qu’un objet déjà intuitioné par le sujet n’est pas encore connu, sinon connu en tant que savoir immédiat, cette connaissance reste peu discutable. Ce savoir métaphysique, ontologique même dans la mesure où il est une interrogation de l’homme sur lui-même, mieux encore de l’entendement portant sur les limites et les pouvoirs de l’entendement, n’est rien d’autre qu’une connaissance qui s’exprime en terme « de pourvoir rendre compte » d’une chose pressentie mais pas encore connue ; une connaissance qui se propose de comprendre ce qui n’est pas encore compris, mais simplement intuitioné. Cet acte même de la compréhension préfigure le passage de la connaissance sensible à la connivence intelligible.

 

Un savoir intelligible rationnel est il possible à partir d’une connaissance sensible, irrationnelle, pascalienne?

Seule l’activité de notre esprit, notre raison et notre jugement permettent ce passage du sensible à l’intelligible. Seule notre aptitude à juger le vrai du faux, le bon du mauvais nous amène à rendre compte des choses senties dans le sens d’une compréhension profonde. Ainsi donc, la chose sentie devient connue de nous pourvu que notre esprit s’exprime dans notre langage plein de notre subjectivité. Cela revient-il à dire qu’une connaissance scientifique est impossible? Le passage graduel de la connivence sensible à la connaissance intelligible s’opérant par la raison, la question est de savoir si une connaissance peut s’exprimer objectivement, indépendamment de notre expression purement subjective? Ainsi, une connaissance scientifique serait possible à partir d’une intuition irrationnelle et engagerait tout entier le problème de la vérité. Schelling se réclamant du rationalisme de tendance idéaliste répondrait que le monde s’inscrit dans la pensée humaine que la valeur scientifique dépend de la valeur de la raison. Tout se passe comme si le sensible s’était converti en intelligible, le réel en rationnel et la nature en esprit. La solution réaliste, critique s’opposant par là même à l’empirisme affirmerait que la vérité est assurée en ce qu’il existe une symétrie entre les lois de l’esprit et celles du monde; cela suppose une correspondance, un accord entre le sujet et l’objet, le réel et le rationnel.

 

L’activité de l’esprit dans la connaissance

Il n’en reste pas moins que l’évolution récente de la science a montré qu’on ne pouvait pas faire abstraction de l’activité de l’esprit dans la connaissance d’un objet réel ou intelligible. La science étant placée sous le signe de l’impersonnel en tant qu’elle est indépendante de droit des notions d’opinions politiques, religieuses, esthétiques, morales, métaphysiques, on ne doit donc pas juger de la vérité de la science à partir des considérations de cet ordre,mais de l’objectivité, de l’universalité car elle tend à réduire le divers à l’identique, le multiple à l’un, le particulier au général. Aussi ne devons nous pas voir le monde en sa représentation mais tel qu’il est. Afin de parvenir à l’objectivité de l’esprit scientifique, il faut éliminer de la connaissance les projections psychologiques, spontanées et inconscientes. Il se doit d’opérer « une psychologie de la connaissance » car la connaissance spontanée du réel est anti-scientifique elle n’est rien d’autre qu’une connaissance sur laquelle nous projetons nos rêves, nos passions. Il faut donc opérer ce travail qui est celui de la science. L’idéal consiste à poser des relations objectives qui ne soient pas le reflet de mes dispositions subjectives; il y a nécessité d’une unification rationnelle, d’une activité de l’esprit qui n’a plus rien à faire avec la cosmogonie des physiologies la théorie des quatre éléments dont l’intuition immédiate non critiquée correspond à une pseudo simplicité.

Au contraire, la simplicité de l’électron n’et pas une simplicité initiale, mais elle est de l’ordre du résultat. Là où l’observation immédiate voit des êtres, la science établit des rapports, ainsi la couleur d’un objet dépend de la lumière qu’il réfléchit. La science s’opère travers les révolutions scientifiques, contre les obstacles épistémologiques pour se convertir en une coupure épistémologique. Ainsi s’exprime le rapport de l’homme à son savoir selon la théorie de la récurrence selon Bachelard. Les mathématiques n’ont-elles pas donné lieu à certaines thèses intuitionnistes qui se réclament d’une évidence rationnelle pour poser peur principe fondamentaux? L’intuition constructive n’a-t-elle pas été admise en mathématique par Poincaré? Brouwer lui-même reconnaît que l’intuition peut rendre compte par exemple pur les nombres d’un procédé direct de formation continuée dont aucun raisonnement logique, aucun procédé logique de définition ne aurait rendre compte. De même que Le Roy reconnaît l’imagination créatrice, la tendance cartésienne reconnaît l’intuition intellectuelle,l’initiative qui oriente la recherche.

 

De connaissance sensible à la connaissance intelligible

Ainsi, à condition que le passage graduel de la connaissance sensible à la connaissance intelligible s’opère par l’activité de la raison en faisant appel d’une part à nos facultés de juger, de discerner. D’autre part, à nos facultés pour « psychanalyser la connaissance » pour reprendre l’expression de Bachelard alors, une connaissance métaphysique et même scientifique est possible en tant qu’elle devient l’expression intelligible d’une donnée sensible. D’une certaine façon, ne pouvons nous pas dire de la connaissance qu’elle tend à s’exprimer en terme d’absolu humainement parlant réfuter toutes garanties intuitives comme fondement de l’édifice des mathématiques, voire de la science, cela ne revient-il pas à nier la possibilité d’un fondement de la science? Car enfin, comment concevoir qu’une chose perçue ne le soit pas autant dans son immédiateté que dans son authenticité? Si rien n’est dans l’entendement « qui n’ait été dans les sens », alors ne devrions nous pas douter des facultés de notre esprit plutôt que de la spontanéité de nos sens?

 

Se peut-il réellement que le savoir ait une autre origine que le sentiment?

 

Fonder et prouver

Comment poser la preuve de l’opération interne de la vérité? A tout argument il est possible de poser un contre argument. La logique du probable nous renvoie à la vérité, elle se développe dans la preuve. La pensée qui argumente est intéressée. Nous sommes renvoyés à la rhétorique. L’argument se reflète dans le vraisemblable. La preuve ne se détache donc pas du processus de la pensée. Que vaut une preuve contre un présupposée? C’est le problème de la relation de la preuve et de la vérité. Il faut se tourner vers la vérité. Mais est-ce la preuve qui fait la vérité ou la vérité qui fait la preuve? La preuve se tient elle au dehors de la vérité? La raison montre sa déchéance lorsqu’elle a besoin de preuve; pour Pascal dans le registre de l’intuition, du cœur, ce que nous ne pouvons plus sentir, nous sommes contraints de le prouver par différentes médiations et tout ce qui médiatise peut à son tour être médiatisé. C’est le triomphe du scepticisme, il faut prouver la preuve. Nous pouvons mettre en avant une contradiction, toute vérité exige la preuve mais toute preuve exige aussi qu’il y ait une vérité sans preuve. Pour Leibniz, il est possible d’obtenir des véritables preuves en philosophie mais le principe est indémontrable. L’intelligence démonstrative est faite de détours qui nous éloignent de la vérité. Nous pouvons critiquer la preuve. La preuve est toujours opposée à l’évidence car toute démonstration est une déperdition de l’évidence qui décroît le long des chaînes de raisons. La preuve n’étend pas l’évidence à des domaines qui n’étaient pas d’abord du domaine de la preuve. L’évidence ne peut être communiquée que dans la simplicité. Alain affirme, « on prouve tout ce qu’on veut, la vraie difficulté est de savoir ce qu’on veut prouver ». La fureur de prouver nous renvoie à la volonté de s’assurer de la vérité. La preuve risque de fonder la violence d’une maîtrise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 16/05/2019

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