Zola, l'argent l'incipit, commentaire

Zola : l'incipit : en quoi cet incipit est-il original?

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Séquence le roman : Zola, l'argent, l'incipit


Oeuvre intégrale : L'argent

Perspective d'étude :
Les caractéristiques du personnage de roman

Textes complémentaires :
Question d'ensemble : le but d'une dernière page de roman est il uniquement de donner un dénouement à l'histoire?

Ouvrages de référence pour vous entrainer à cette réflexion
Madame de la Fayette, la Princesse de Clèves, quatrième partie
Emile Zola, Germinal, septième partie, chapitre VI
Jean Giono, regain, deuxième parite
André Malraux, la condition humaine, septième partie
Albert Camus, la peste, cinquième partie, chapitre 5

La nature du roman
"La nature du roman, si elle était connue, les romans seraient écrits par des fonctionnaires. Les thèmes des romans seraient enregistrés sur logiciel, les romans composés par ordinateur. La nature du roman est inconnue. Elle fuit sous l'esprit de celui qui écrit le roman comme la femme fuit, tout en s'abandonnant aux mains de son amant, tandis que sa propre imagination divague. La nature du roman est l'absence. Le roman n'est pas seulement mobile, il est mouvant, il se transforme en même temps qu'il se déroule, il ignore à jamais le prochain mot. La nature du roman est l'infini. Le roman est l'autobiographie en acte. Le romancier est une création de chaque instant. Il dit « Je » pour mentir. Il s'affirme homme et femme, ange et monstre, jeune homme et vieillard. Il meurt autant de fois qu'il faut. Il aime infatigablement. La nature du roman est le sexe. Le roman est un acte sexuel. La nature du roman est une femme rousse, dans une salle obscure, qui convoite un acteur de cinéma. « Tout à l'heure, chez moi, Lexington Avenue. » Elle ferme les yeux et s'enfonce les ongles dans les paumes. La nature du roman est un vieil homme, assis sur un pliant, la nuque protégée du soleil par un mouchoir, qui regarde, immobile, le paysage poussiéreux. Il boit une orchiatta, que lui apporte un jeune garçon de café, en qui il croit vaguement se reconnaître, et tirant de sa poche un carnet, il tente de noter un souvenir qui vient de lui traverser l'esprit. Sa main tremble. La nature du roman est la guerre entre le désir et la mémoire, entre l'écriture et le temps. La nature du roman est l'impossible."

Pierre Bourgeade, La nature du roman

Quelques définitions :

Roman : long texte en prose la plupart du temps imagé où l'auteur cherche à éveiller l'intérêt par la peinture des moeurs, l'analyse des caractères et la singularité des aventures.
Le héros
Le héros tragique :
Il est exemplaire mais il doit affronter un destin où tout est perdu d'avance. Il est à la fois coupable et innocent alors la seule solution qui lui reste pour faire disparaitre ses malheurs est la mort.
Le héros problématique
Le héros de roman : Le sens de sa vie a perdu son côté transparent. Il n'a pas de destin. Il n'a pas non plus de modèles de destin. Il ne sait pas pourquoi il vit et ne connait aucunement ses valeurs. Son moi est changeant et son être instable.
Anti héros :
Personnage de fiction n'ayant pas les caractéristiques habituelles du héros
Naturalisme :
Mouvement littéraire qu prolonge le réalisme et qui s'attache à peindre la réalité en s'appuyant sur un travail de documentation et de méthode du psychologiste.

Problématique :
En quoi cet incipit est il particulier?

Plan de l'étude :
I - Un incipit original
1 - le personnage principal
2 - les adjectifs qualificatifs
3 - Un conflit familial

II - Incipit vivant grâce à l'utilisation du discours indirect libre
1 - La focalisation
2 - Le discours indirect libre

III - Portrait d'un héros problématique
1 - Les défauts
2 - Une intrigue romanesque
3- L'ironie de Zola

L’argent - Emile Zola

Incipit : lecture analytique

Introduction:

Au début du roman, Saccard entre dans un restaurant croyant être en retard à son rendez-vous avec Huret mais se rend compte que ce dernier n’est pas encore arrivé. Saccard se rend compte du peu d’égard qu’on a pour lui depuis sa ruine racontée par Emile Zola dans La Curée.

Problématique :

Nous allons voir en quoi cet incipit est  particulier.

Pour répondre à cette question, nous verrons d’abord que cet incipit est original car Zola présente son personnage au sein du roman L’Argent mais aussi dans la série les Rougon-Macquard, ensuite nous montrerons que l’incipit est rendu vivant grâce à l’usage du discours indirect libre enfin nous verrons que le personnage de Saccard est problématique, cette ambiguïté correspond bien au projet naturaliste (réaliste appuyé sur les sciences)

Texte :

Ainsi, il en était là, après la débâcle qui, en octobre, l'avait forcé une fois de plus à liquider sa situation, à vendre son hôtel du parc Monceau, pour louer un appartement les Sabatanis seuls le saluaient, son entrée dans un restaurant, où il avait régné, ne faisait plus tourner toutes les têtes, tendre toutes les mains. Il était beau joueur, il restait sans rancune, à la suite de cette dernière affaire de terrains, scandaleuse et désastreuse, dont il n'avait guère sauvé que sa peau. Mais une fièvre de revanche s'allumait dans son être ; et l'absence d'Huret qui avait formellement promis d'être là, dès onze heures, pour lui rendre compte de la démarche dont il s'était chargé près de son frère Rougon, le ministre alors triomphant, l'exaspérait surtout contre ce dernier. Huret, député docile, créature du grand homme, n'était qu'un commissionnaire. Seulement, Rougon, lui qui pouvait tout, était-ce possible qu'il l'abandonnât ainsi ? Jamais il ne s'était montré bon frère. Qu'il se fût fâché après la catastrophe, qu'il eût rompu ouvertement pour n'être point compromis lui-même, cela s'expliquait ; mais, depuis six mois, n'aurait-il pas dû lui venir secrètement en aide et, maintenant, allait-il avoir le cœur de refuser le suprême coup d'épaule qu'il lui faisait demander par un tiers, n'osant le voir en personne, craignant quelque crise de colère qui l'emporterait ? Il n'avait qu'un mot à dire, il le remettrait debout, avec tout ce lâche et grand Paris sous les talons.

" Quel vin désire monsieur ? demanda le sommelier.

-- Votre bordeaux ordinaire. "

I) Un incipit original

1) Dans l’incipit, le romancier présente notamment le personnage principal, ici Saccard (l.1) « Ainsi, il était là », il s’agit d’un constat de départ. C’est la situation initiale du récit. Le protagoniste est ruiné « La débâcle »; « La catastrophes ». Dans une énumération (l. 1), on trouve la situation économique de Saccard, autour du champ lexical de l’économie « vendre, liquider, louer ».

Cette énumération montre que Saccard pour payer ses dettes, il passait du statut de propriétaire à locataire. « il n'avait guère sauvé  que sa peau »(l. 5) , et la cause de sa ruine est citée.

2) Les adjectifs qualificatifs, péjoratifs riment pour mettre en valeur une allusion au roman La Curée ( désastre économique +scandale de l’adultère encouragé par Saccard entre son épouse, riche , et son fils Maxime)

3) Zola présente également un conflit familial qui se réfère à la série des Rougon-Macquard (l. 8) « Frères Rougon » ; (l .10) « Jamais il ne s’était montré bon frère ». C’est une référence au roman La fortune des Rougon, l’histoire de leurs parents alcooliques, fous et meurtriers « Saccard redoute une crise de colère de son frère » (l. 14) Cela renvoie à l’atavisme, la théorie de l’hérédité utilisée par Zola.

Transition: Nous voyons que la présentation du personnage est originale car elle s’inscrit dans l’histoire, dans l’histoire naturelle d’un famille du Second Empire.

II) Incipit vivant grâce à l’utilisation du discours indirect libre.

1) Dans cet extrait, tout est vu depuis les yeux et les pensées de Saccard. Le texte est rédigé à la 3eme personne du singulier et au passé, il s’agit d’un point de vue interne. Ainsi le narrateur se confond avec le personnage pour que le lecteur s’identifie au personnage plus aisément (l. 5-8). Le narrateur livre l’état d’esprit de Saccard « fièvre de revanche », sa situation « l’absence d’Huret » et son sentiment de colère « exaspérer ». Dans cette phrase, on trouve un point de vue interne.

2) S’ajoute également le discours indirect libre

- Certaines expressions populaires « Tourner toutes les têtes » (l. 3) , « Sauvez que sa peau » (l. 5)

- La négation restrictive « n’est …que » (l.9) montre le mépris de Saccard pour Huret

- (l.10) L’adverbe « jamais » qui ouvre l’accusation

- (l.10-14) Une longue phrase qui montre l’emportement de Saccard.

« Qu'il se fût fâché après la catastrophe, qu'il eût rompu ouvertement pour n'être point compromis lui-même, cela s'expliquait ; mais, depuis six mois, n'aurait-il pas dû lui venir secrètement en aide et, maintenant, allait-il avoir le cœur de refuser le suprême coup d'épaule qu'il lui faisait demander par un tiers, n'osant le voir en personne, craignant quelque crise de colère qui l'emporterait ? »

Cette phrase est une question rhétorique construite autour de la conjonction de coordination « mais » et d’un parallélisme « que…que »

III) Portrait d’un héros problématique

Implicitement se dessine le portrait de Saccard à travers le discours indirect libre.

1) Il y a de multiples de défauts : (l .4) « beau joueur, sans rancune ».

Saccard est un vantard qui fait son propre éloge (l.8)..

Il est méprisant envers Huret (l.14) « N’osant le voir en personne » il est lâche.

Il est aussi matérialiste (l.2)

2) Toutefois, ce personnage ambitieux se prête parfaitement a une intrique romanesque, l’élément perturbateur (l.15).

Par la personnification « ce lâche et grand Paris sous les talons », on voit que Saccard doit affronter tout Paris.

3) La chute de l’extrait montre l’ironie de Zola envers son personnage. Cette chute est comique car elle montre que Saccard rêve de grandeur mais il est sans sous, en outre , ce peut-être une allusion à l’alcoolisme ordinaire de Rougon-Macquard

Conclusion:

Cet incipit est original pour les 3 raisons (I , II, III)

Le narrateur ironique s’introduit dans le discours indirect libre pour annoncer le dénouement.

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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