Rabelais, Gargantua, ch. 25 au bac

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Rabelais

  • Rabelais, Gargantua : Commentaire, niveau bac, toutes séries. Note obtenue, 13/20

  • Première partie de l'entretien de français

  • Gargantua, Rabelais, chapitre 25
  • Lecture du texte :
    Sur ces paroles, il  ôta sa grande robe et se saisit du bâton de la croix, qui était en cœur de  sorbier, long comme une lance, tenant bien en main et parsemé de fleurs d lys,  presque toutes effacés. Et il sortit ainsi, vêtu de sa casaque, le froc  accroché à sa ceinture. Et du bâton de la croix, il donna si brusquement sur les  ennemis, qui, sans ordre, ni enseigne, ni tambour, ni trompette, grappillaient  dans l’enclos _ car les porte-drapeau et les porte-enseigne avaient posé leurs  drapeaux et leurs enseignes le long des murs, les tambourineurs avaient défoncé  leurs tambours pour les emplir de raisin, les trompettes étaient chargés de  ceps, chacun de son coté _, il les chargea donc si rudement, sans crier gare,  qu’il les renversait comme des porcs, frappant à tort et à travers, selon  l’ancienne escrime. Aux uns il écrabouillait la cervelle, aux autres il  rompait bras et jambes, à d’autres il démettait les vertèbres du cou, à d’autres  il disloquait les reins, ravalait le nez, pochait les yeux, fendait les  mâchoires, renfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, brisait  les jambes, déboitait les hanches, émiettait les tibias. Si quelqu’un  voulait se cacher au plus épais des ceps, il lui froissait toute l’épine dorsale  et l’éreintait comme un chien. Si un autre voulait se sauver en fuyant, il  lui réduisait la tête en miettes à travers la suture lambdoïde. Si quelque  autre grimpait dans un arbre, pensant y être en sureté, de son bâton il  l’empalait par le fondement. Si quelqu’un de ses connaissances lui criait : « ha, Frère Jean, mon ami, Frère Jean, je me rends ! _ Tu y es, disait-il,  bien forcé. Mais tu vas aussi rendre ton âme à tous les diables ! » Et d’un coup  il l’étendait. Et s’il y en avait d’assez téméraires pour lui résister en  face, il démontrait là la force de ses muscles. Il leur transperçait la poitrine  par le thorax et le cœur. A d’autres, en frappant au bas des cotes, il  retournait l’estomac, ce dont ils mouraient aussitôt. D’autres, il les frappait  si férocement au nombril qu’il leur faisait sortir les tripes. A d’autres, à  travers les couilles il perçait le boyau culier. Croyez bien que c’était le plus  horrible spectacle qu’on ait jamais vu.
    Analyse
    Extrait du chapitre 25 de  Gargantua

     
    Problématique :
    En quoi  ce passage est-il une parodie des romans de chevalerie et une satire de la  guerre?
     

    Plan de l'étude ;
  • I/ LA PARODIE DU ROMAN DE  CHEVALERIE
  •  1- Une parodie des romans de chevalerie.
  •  2. La lâcheté  des combats
  •  3. Un vocabulaire familier, voire grossier
    Transition
    II/LA SATIRE DE LA RELIGION ET DE LA GUERRE
  •  1- Critique de la religion
  • 2. Un comique satirique:
    Conclusion avec ouverture

 

 

 

Extrait du chapitre 25 de Gargantua

 

INTRODUCTION

 

Le texte que nous allons étudier est un extrait du chapitre 25 de Gargantua, écrit en 1534 par François Rabelais, écrivain humaniste de la renaissance et auteur de Pantagruel, œuvre condamnée la même année par la Sorbonne. Rabelais a étudié chez les Franciscains et chez les Bénédictins.

Dans cet extrait, Picrochole, le roi voisin de Grandgousier, a déclaré la guerre pour une fausse raison et ses hommes s'attaquent à l'abbaye de Seuillé. Frère Jean, la défend en se battant avec contre les pillards.

Nous allons montrer comment cette scène de combat est comique et critique: dans un premier temps, nous verrons la parodie que fait Rabelais du roman de chevalerie, puis nous étudierons la satire de la religion qui s'en dégage.

 

 

 

I/ LA PARODIE DU ROMAN DE CHEVALERIE

 

1- Nous pouvons parler d’une parodie de roman de chevalerie car, ici, l’objectif du combat n’est pas la gloire.

D'une part, les soldats ennemis attaquent et pillent comme s'ils n'étaient que des bandits, pour s'emparer de rien de plus que des raisins: "les tambourineurs avaient défoncé leurs tambours pour les emplir de raisin, les trompettes étaient chargées de ceps". C’est bien à ce niveau que l’on constate la parodie car, Frère Jean a pour seul but de sauver son vin.

On constate que les motivations des deux camps ne ressemblent en rien à la cause extrêmement noble pour laquelle se battent les héros chevaliers: le moine ne se bat que pour son vin, et les soldats pour les vignes. Aucun d'entre eux ne semble avoir d'honneur.

2- La bataille est surprenante et peu glorieuse. Les hommes ne montrent aucun courage. En effet, il n'y a aucun combat face-à-face: lorsque frère Jean attaque, tous les ennemis se mettent à s'enfuir. Ils ont un comportement lâche, certains se cachent "au plus épais des ceps", d'autres tentent de "se sauver en fuyant" et quelques uns vont même jusqu'à s'humilier en grimpant aux arbres.

3- Le vocabulaire utilisé pour décrire la bataille est plutôt familier et grotesque: par exemple, "comme des porcs", "écrabouillait", "la gueule". Le ton manque de sérieux et le récit est presque burlesque. Frère Jean fait preuve d'une violence et d'un manque de délicatesse anti-chevaleresques: "il les renversait comme des porcs, frappant à tort et à travers, selon l'ancienne escrime" . Plus tard, il empale un soldat "par le fondement" .

Transition: Il s’agit d’une critique de la guerre et de l’image qu’on lui donne, c’est-à-dire que le courage ne s’évalue pas à la détermination au combat. Rabelais critique aussi la religion.

 

 

 

II/ LA SATIRE DE LA RELIGON

 

1- Le comportement de frère Jean est une insulte à l'Eglise: non seulement l'intérêt du moine est purement matériel, mais en plus il se sert de la croix de procession comme arme contre les ennemis et comme marque d'opposition. ll y a désacralisation et déshonneur: "et du bâton de croix il donna si brusquement sur les ennemis". Frère Jean attaque ses adversaires "par le fondement", ne fait preuve d'aucune pitié ou de compassion et incarne dans cette scène plutôt le mal que le bien, utilisant le symbole de l'amour chrétien pour massacrer d'autres personnes.

2- La satire se poursuit à travers la critique des autres moines qui tout à fait indifférents « s’amusaient à confesser ». La souffrance les indiffère totalement et la confession est perçue comme un divertissement et non tel un rituel religieux. Cette idée est renforcée par « les petits moinillons » qui égorgent les mourants avec des canifs sur ordre de frère Jean.

Nous avons un comique satirique car Rabelais ridiculise les personnages. La satire se reflète dans le manque de conscience des personnages. Les scènes les plus atroces et cruelles sont illustrées sur un mode comique. La guerre Rabelaisienne devient donc grotesque, ce qui suscite le rire sans rien enlever à la profondeur du message.

Nous avons un exemple avec la défense de l’abbaye de Seuillé par frère Jean. En tant que moine, il se livre à un massacre. Les hommes sont éliminés sans scrupule. Il n’est pas sans nous rappeler les chansons de geste médiévale avec son bâton en forme de croix qui évoque les chevaliers chrétiens des croisades. Frère Jean ressemble à un héros d’épopée faisant l’objet dune parodie. Nous sommes bien sur très éloignés de l’épopée au sens propre du terme.

 

 

 

Conclusion

 

Dans cet extrait, Rabelais associe la parodie du roman de chevalerie à la satire de la religion. Il ridiculise les personnages qu’il critique et de ce fait dédramatise la guerre. Mais, derrière l’aspect burlesque des descriptions, l’auteur nous enseigne les vraies valeurs. On verra au chapitre 44, que Rabelais rejette les pratiques passés au nom du pacifisme, il condamne les guerres et les conquérants. Il nous montre que l’homme peut être meilleur reflétant ainsi l’idéal humaniste.

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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