les trophées, 1893, Les conquérants, José-Maria de Heredia

 

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  • les trophées, 1893
  • Les conquérants
  • José- maria de Heredia
  • (1842 - 1905)
  • Séquence : la poésie

 

Les conquérants

 

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.

José-Maria de Heredia
  • Plan de l'étude
  • Introduction
  • I - L’ivresse du départ
  • 1 - L’image du conquérant
  • 2 - L’ardeur du départ
  • Transition
  • II - La légende et le mystère
  • 1 - Le réalisme d’Heredia
  • 2 - le mythe des conquérants
  • Transition
  • III - Le mirage et les étoiles nouvelles
  • 1 - La magie d’ un monde nouveau
  • 2 - le symbole des étoiles
  • Conclusion
  • Ouverture
 
 
LECTURE ANALYTIQUE

les trophées, 1893


Les conquérants
José- maria de Heredia
(1842 - 1905)
 
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Introduction

Descendant de conquistadores espagnols, José Maria de Heredia naît à Cuba en 1842, dans une famille de planteurs aisée et cultivée. Il a un grand goût de l’érudition qui marquera toute son œuvre. En 1893, il rassemble sa production poétique, essentiellement des sonnets, dans un recueil, Les Trophées , qui connaît un grand succès. Il meurt en 1905 après avoir connu la gloire et être entré à l’Académie française. Dans le but d’étudier ce poème, nous verrons dans un premier temps, l’ivresse du départ, en second lieu, nous analyserons la légende et le mystère puis, nous nous intéresserons à la notion de mirage.

I - L’ivresse du départ

1 - L’image du conquérant


Le poème s’ouvre sur une comparaison qui donne un élan au poème, vers 1, « comme un vol de gerfauts hors du charnier natal ». C’est une image médiévale sanglante qui représente les conquérants comparés à l’envol d’une troupe de rapaces plein d’une existence sauvage, image mise en avant par les allitérations en « r », « gerfauts », « hors » et « charnier ». Le charnier désigne le lieu où les rapaces apportent leurs proies, image répugnante. Le départ des aventuriers est décrit comme un élan d’oiseaux de proie qui partent à la chasse.

2 - L’ardeur du départ

« De Palos de moguer » en Andalousie les capitaines et les routiers s’embarquent ver l’Amérique. Le poète nous renvoie l’image d’aventuriers sans scrupules. Leur condition misérable s’illustre à travers le vers 2, « Fatigués de porter leurs misères hautaines », ils gardent un certain orgueil. Nous avons un rejet au vers 4, « partaient », les vers 3 et 4 s’étendent en un mouvement de plus en plus long, nous distinguons trois groupes de syllabes. Cela traduit l’ardeur du départ et le souffle épique, on retrouve l’allitération en « r », « partaient », « ivres », « rêve héroïque et brutal ». Ils sont braves mais sans scrupules, notons la vigueur et l’abondance suggérées à travers la citation, « routiers et capitaines ». Ils ne connaissent que leur instinct, et leur sens de l’héroïsme s’accompagne toujours de violence, « un rêve héroïque et brutal ». On sait que lors de son premier voyage, Christophe Colomb devait composer un équipage constitué de prisonniers et de marins recrutés de force et terrifiés à l’idée d’affronter l’océan. Ce n’est qu’à l’époque de Cortez que la conquête évoquera cet enthousiasme brutal.

II - La légende et le mystère


1 - Le réalisme d’Heredia

L’impression de départ repose sur la fierté et la misère, Heredia n’idéalise pas les conquérants ainsi que le suggère le champ lexical dominant, « routiers et gerfauts ». Le nom « rêve et les adjectifs associés à l’ivresse exaltent les thèmes des tercets. Avec les verbes, « ils allaient », « ils partaient » nous avons une continuation du récit de la première strophe, mais à des moments différents. L’agitation est implicite dans cette strophe, « qui partent pressés d’aller conquérir » l’ or et toujours en quêtes d’aventures. Il y a deux degrés d’agitation, celle du départ à l’approche du voyage et la violence inquiétante du désir. Le rêve est associé à l’héroïsme et à la brutalité, « ils reviennent chargés d’étoiles nouvelles ». Ce voyage est également une aventure intérieure et spirituelle. Au début du vers 6, l’évocation conserve quelque chose de la brutalité initiale, elle est connotée par la rudesse du mot « conquérir » et mise en avant par les allitération en « m », « métal », « mûrit », « mines ». L’élan et l’enthousiasme sont renforcées par l’enjambement.

2 - le mythe des conquérants

Les sonorités dominantes en « l », « m » et « n » adoucissent et marquent subtilement le passage de la réalité au rêve, on passe de la brutalité au mystère, de la conquête violente à la quête, de l’évocation réaliste à l’enchantement poétique. Le verbe « mûrir » a pour objet l’or désigné par une périphrase, « le fabuleux métal », cela fait référence à la terminologie des alchimistes. Cet or est entouré de magie et de mystère et le monde est désormais celui des conquérants, le registre devient épique. « les vents alizés » se font les auxiliaires des hommes sans qu’ils sachent encore si c’est pour leur succès ou pour leur perte, le vent les guide vers un monde mystérieux. Les adjectifs du vers 8 sont mis en valeur et la construction subtile de ce vers souligne son importance. Nous pouvons souligner le diérèse, « mystérieux » ainsi que le rythme particulier. L’aventure est là au-delà des limites de ce qu’ils ont connu. Nous avons une véritable épopée humaine, les voyageurs sont transformés.

III - Le mirage et les étoiles nouvelles


1 - La magie d’ un monde nouveau

Au réalisme du départ succède les tercets avec les images harmonieuses du règne exotique. On constate le champ lexical du dépaysement et de l’illusion annoncé dans le deuxième quatrain, « L’azur phosphorescent », « un mirage doré », « un ciel ignoré », « les étoiles nouvelles ». Le soleil est maintenant couché à l’occident. Les « routier » atteignent à présent les limites de l’ancien monde, la réalité connue s’efface, le vocabulaire est celui de l’espoir, « espérant », « des lendemains épique » « enchantait », « mirage », l’ivresse de départ qui était aussi un oubli de leur misère laisse place à l’espoir qui enchante leur sommeil. Le monde qu’ils découvrent les transporte, ils deviennent malgré eux attentifs aux beautés qui les entourent. Les lendemains épiques renvoient en même temps aux rêves glorieux du départ.

2 - le symbole des étoiles

Les espagnols semblent attendre l’apparition qui les conduiront dans leur paradis, nous avons une sorte de peinture religieuse. Le ciel et l’océan se rejoignent et donnent une ampleur exceptionnelle à ce poème. L’horizon suit le mouvement des étoiles nouvelles. Cette image finale est renforcée sur le plan formel. Le poème s’achève sur un cri d’extase avec la symbolisation des étoiles c’est-à-dire, de l’idéal.

Conclusion


Heredia n’a pas voulu raconter la première expédition de Christophe colomb, il souhaite seulement recréer la poésie de l’époque des conquistadores et du nouveau monde. Ce poème reflète un épisode crucial de l’histoire des conquérants. Il met en valeur la notion dramatique de la composition, la force épique des images qui dépassent la réalité et la perfection formelle du sonnet en associant le thème universel du voyage à la révélation de l’inconnu.

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Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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