Le plaisir de la lecture et l'identification du lecteur

 

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Dissertation intégralement rédigée  :

Le plaisir de la lecture ne dépend-il que de l'identification du lecteur aux personnages de roman ?

Depuis ses débuts, les personnages sont le ciment du roman. Dès lors, les lecteurs ont toujours eu une relation particulière avec ces personnages, notamment l’identification, c’est-à-dire se trouver des similitudes avec le personnage par la pensée ou parfois, devenir lui le temps d’une lecture. Mais petit à petit dans certains romans, les personnages ont évolué. Ce n’était plus les héros parfaits du Moyen-âge, mais des personnes banales du quotidien, puis ils sont devenus de plus en plus différents de nous, allant jusqu’à disparaitre. Une identification aux personnages est-elle donc nécessaire au plaisir de la lecture pour que le lecteur ? Nous tenterons de répondre à cette question tout d'abord en présentant les romans dans lesquels l'identification est centrale puis nous continuerons notre réflexion sur des romans desquels le caractère du personnage empêche une identification, ce qui ne limite néanmoins pas le plaisir, et enfin nous finirons par nous intéresser aux romans dont le personnage est très flou ou tend à disparaître ce qui permet une variation du plaisir de la lecture.

Premièrement, dans une majorité des romans l'identification au personnage est facile et omniprésente.

Certains romans présentent des personnages auxquels l’identification est évidente, ce qui permet au lecteur d’apprécier davantage sa lecture. Il a l’impression de vivre le récit avec le héros et se laisse emporter dans des aventures hors du commun, s’échappant du quotidien et de l'ordinaire. On peut le voir à travers certains romans qui le mettent en avant en faisant de l’intertextualité ; L’Enfant de Jules Vallès met en scène un enfant qui s’évade et fuit l’ennui en lisant Robinson Crusoé de Daniel Defoe, il en oublie même la notion du temps. Madame Bovary, dans l’œuvre de Gustave FLAUBERT, se plonge également dans des romans romantiques d'auteurs comme Lamartine qui lui font oublier sa vie banale et sans attrait de bourgeoise de province.

Dans d’autres œuvres, le lecteur se reconnait dans le personnage, de par ses qualités comme ses défauts et permet une lecture agréable, le lecteur comprend comment évolue le personnage et se sent proche de lui. Dans Bel Ami de Guy de Maupassant par exemple, nous reconnaissons les défauts de Georges Duroy comme étant des défauts propres à l’humanité ; cela nous aide à lire le roman en s’intéressant à un personnage si proche de nous, nous le suivons dans son évolution et nous aimons nous intéresser à sa vie.

Egalement, il arrive que le personnage et le lecteur partagent leurs émotions. Cette compréhension des sentiments accentue l'identification du lecteur au personnage. En effet on peut retrouver cela dans Les mots de Jean-Paul SARTRE, où le personnage exprime son amour de la lecture et l’évasion qu’elle permet ; les émotions décrites sont ressenties et partagées par le lecteur, elles retrouvent un écho en lui. Dès lors, l'identification au personnage est renforcée et joue un rôle dans le plaisir de la lecture.

En outre, l’identification aux personnages est essentielle pour le plaisir dans ces romans, elle aide le lecteur à faire partie du récit. Cependant, d’autres personnages de roman ne rendent pas cette identification possible, le personnage n’a pas les qualités nécessaires.

Parfois, le personnage nous est étranger, il nous est presque identique mais il manque quelque chose pour que nous puissions nous y identifier. Dans L’Etranger, roman d’Albert Camus publié en 1942, le personnage de Meursault n’exprime aucun sentiment bien qu’il soit le narrateur et qu'il utilise un point de vue interne, il parait stoïque en toutes circonstances même lors de la mort de sa mère. Un tel personnage, étranger à nos normes sociales et ne présentant aucune émotion, empêche l’empathie et par conséquent rend une identification très difficile voire impossible. Pourtant, le lecteur apprécie fortement découvrir ce personnage et ses péripéties. Sa différence donne au roman un aspect original qui n’est pas déplaisant.

Le personnage peut aussi paraitre absurde et rendre une identification laborieuse. En effet, Joseph K. personnage principal du roman de Joseph Kafka, Le procès, ne permet pas une identification immédiate. Le point de vue omniscient utilisé nous empêche d’avoir les mêmes pensées que lui. L’absurdité de la situation fait également que le lecteur ne comprend pas Joseph K. . Il réagit de manière bizarre et légèrement irrationnelle pour les lecteurs. Ceci exclut une indentification complète mais le roman reste intéressant à lire car il présente d’autres attraits comme sa réflexion sur l’absurdité de la justice.

Avec ou sans identification, le plaisir est toujours présent mais qu'en est-il quand le personnage est flou allant parfois jusqu'à disparaître ?

Quelques romans ne détaillent pas leurs personnages, le lecteur ne connaît donc pas le personnage et l'identification est plus qu'ardue. Par exemple, dans Moderato Cantabile de Marguerite DURAS, nous possédons très peu de détails de Chauvin, il nous est inconnu, il n'est pas possible de le cerner donc de s'y identifier ce qui n'est pourtant pas un obstacle à une lecture palpitante.

Il arrive aussi que le personnage ne soit pas présenté comme dans La Modification de Michel BUTOR où l'on ne retrouve aucune psychologie dans le personnage, le lecteur ressent un certain malaise vis-à-vis de l'emploi du pronom "vous" pour nommer le personnage sans pour autant qu'il soit le lecteur. L'identification est alors très étrange, si elle a lieu, elle reste énigmatique de par le peu d'informations données.

Enfin le personnage peut complètement disparaître, il n'est alors plus l'intérêt central du roman. Nous retrouvons cette situation dans les gommes d'Alain ROBBE-GRILLET, en effet au fil de la lecture, le personnage se décompose "déjà presque entièrement décomposé", "le reflet de ce fantôme", ce qui est caractéristique du nouveau-roman, mouvement qui remet en cause l'existence du personnage, sa personnalité et son intégrité au sein du roman.

Ainsi, certains romans utilisent le personnage pour que le lecteur s'y identifie et apprécie grâce à cela son roman, d'autres ont des personnages particuliers qui déroutent le lecteur et répriment l'identification mais présente une autre forme d'intérêt et enfin parmi les romans plus récents, le personnage est absent ou quasiment inconnu du lecteur ce qui lui offre un nouvel angle de lecture. L'identification peut être essentielle au plaisir de la lecture comme elle peut être superflue dans le cadre de certains romans, son absence peut même être l’attrait intriguant d’une œuvre. Mais le roman n’est-il pas centré sur le personnage, dans ce cas peut-on toujours parler de roman sans personnage ? Ou serait-ce un nouveau genre ?

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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