Freud, analyse de Malaise dans la civilisation

DNBAC

 

 

FICHE DE LECTURE

MALAISE DANS LA CIVILISATION - SIGMUND FREUD




Nous partirons d’un constat, la vérité concernant l’homme, l’homme est un être agressif. Il a au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité. Il est ici question d’analyser l’hostilité de l’homme vis-à-vis de l’homme en tant que loi de la nature invincible. Cette agressivité est l’entrave la plus redoutable pour la civilisation. Freud s’interroge sur le destin du genre humain : « la question du sort de l’espèce humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions d’agression et d’autodestruction ». Il s’agit par conséquent d’étudier les pulsions comme force inconsciente qui détermine le comportement humain dans l’évolution de la société civilisée qui dans son développement exige le sacrifice des pulsions agressives sans mettre en inertie l’instinct d’agressivité. La civilisation désignant « la totalité des œuvres et l’organisation dont l’instinct nous éloigne de l’état d’animal de nos ancêtres et qui servent à deux fins : la protection del’homme contre la mort et la réglementation des relations des hommes entre eux. « L’homme, affirme Freud, aurait donc à son compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité ». Il faut en effet distinguer à côté de la pulsion d’agression d’autres pulsions car lorsque l’homme est le lieu d’un combat inlassable entre pulsions de vie et pulsions de mort. Il existe à l’origine des premières communautés une pulsion d’amour et une tendance à la nécessité (contrainte de travail). Éros et Anankè ont pour fonction d’assurer les premières institutions de la société (famille, communauté de travail). L’instinct d’amour, éros a pour essence de faire un seul être de plusieurs, de deux. Mais la civilisation exige d’autres modes d’union et souhaite unir les membres de la société par un lien libidinal.

Comment mobiliser la libido inhibée ?


La société civilisée exige de mobiliser la libido inhibée quant au but sexuel afin de renforcer le lien social par des relations amicales. La forme modifiée de l’amour devient amitié. Cela engendre certaines hostilités comme la jalousie, l’envie car l’amour génétique n’a plus l’exclusivité. Le renoncement sur lequel repose l’édifice de la civilisation, le renoncement aux pulsion instinctives est également cause d’agressivités diverses. Les mesures restrictives imposées engendrent hostilité, c’est pourquoi ajoute Freud, « l’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend lorsqu’on l’attaque mais un être au contraire qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité. A côté d’éros, pulsion sexuelle, se trouve thanatos, pulsion agressive.

Une violence inhérente à la nature humaine

La violence dont l’homme est capable n’est pas seulement réactive, il y a une agressivité inhérente à la nature humaine : « le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possible mais un objet de tentation ». Il existe une violence qui n’est pas exercée comme l’animal par instinct de survie mais par instinct d’agressivité; Il faut en outre faire le constat de l’impossibilité pour l’homme de s’abstraire de son instinct d’animalité. L’agressivité comme donnée instinctive fait partie de sa constitution psychique. Le prochain est objet de tentation, l’homme est tenté de satisfaire son besoin d’agression à ses dépens, « d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son contentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer ». L’homme est un loup pour l’homme et le prochain est utilisé par l’homme en vue de ses fins comme un moyen de réaliser sans scrupules pour ses plaisirs et dans ses intérêts. L’égoïsme et l’indifférence concomitant à l’instinct d’agressivité forgent la relation entre les hommes.

« Tu aimeras ton prochain » un idéal chrétien utopique

Il semble que l’adage, « tu aimeras ton prochain comme toi-même », base de l’idéal chrétien de la société soit une pure fiction. Le précepte du christianisme est inconcevable à appliquer et à respecter dans la vie quotidienne du fait de la nature intrinsèquement agressive de l’homme. Le prochain reste un étranger, un inconnu qui ne nous attire par aucune qualité personnelle, affective mais seulement dans un but intéressé, celui de satisfaire notre besoin d’agression en vue d’obtenir ce que l’on souhaite. Le principe de plaisir régit l’ensemble de notre vie active et détermine notre intérêt pour l’autre. Il parait dès lors inconcevable à l’homme d’accorder de l’amour à un étranger autant que la raison l’autorise à en retenir pour lui. Au contraire, le prochain a plus souvent droit à l’hostilité et la haine. Il n’a pour l’homme aucune affection. Il ne témoigne pas le moindre égard et lorsque cela lui est utile il n’hésite pas à le nuire, pire encore, même sans profit, pourvu qu’il y trouve un plaisir quelconque, il ne se fait aucun scrupule de le railler, de l’offenser, de le calomnier, ne fût-ce que pour se prévaloir de la puissance dont il dispose contre lui.

Le second commandement, « aime ton ennemi »


C’est aussi la raison pour laquelle l’obéissance au second commandement « aime tes ennemis » reste affirme Freud inadmissible. Le prochain étant indigne d’être aimé le plus souvent, il est notre ennemi. L’agression constitue le sédiment qui se dépose au fond de tous les sentiments de tendresse ou d’amour unissant les hommes. IL substituera toujours le privilège sexuel d’où émane la plus violente jalousie et l’hostilité la plus vive entre des être occupant le même rang.

La loi du plus fort

Il s’agit de régler les rapports sociaux. Mais les forces morales sont mises hors d’action, les rapports sociaux sont soumis à l’arbitraire individuel, c’est la loi du plus fort, le plus fort règle ses rapports avec les autres dans le sens de son intérêt et des ses pulsions instinctives les plus cruelles. Il faut donc sacrifier les pulsions instinctives mais c’est parfois un échec. Il y a substitution de la force individuelle à la puissance collective car l’homme est toujours enclin à défendre son droit à la liberté individuelle contre la volonté de masse. La tendance à l’agression en nous et chez autrui constitue le facteur principal de perturbation de nos rapports avec nos prochains. C’est elle qui impose à la civilisation tant d’efforts. Les pulsions d’agression sont toujours présentes et la société civilisée est de ce fait sans cesse menacée.

La fonction de l’éthique

L’éthique intervient donc, elle a pour fonction principale d’inhiber les pulsions agressives inhérentes à l’homme et « tant qu’elles ne seront pas supprimées, l’obéissance aux lois éthiques supérieures conservera toujours la signification d’un préjudice porté à la civilisation car cette obéissance encourage encore directement la méchanceté ». Et pourtant lorsque ces forces morales qui inhibent ces pulsions n’agissent plus, la violence en est d’autant plus cruelle à l’égard d’autrui.

Conclusion
La signification de l’évolution de la civilisation doit nous montrer la lutte entre éros et thanatos telle qu’elle se déroule dans l’espèce humaine. L’agressivité constitue une disposition instinctive primitive et autonome de l’être humain, elle est la descendante et la représentation principale de l’instinct de mort que nous trouvons à l’œuvre à côté de l’éros et qui se partage avec lui la domination du monde.
DNBAC

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

Les commentaires sont clôturés