Candide Voltaire étude du chapitre 6

 

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Extrait du chapitre 6, Candide.

Commentaire littéraire

Voltaire

 

Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l’université de Coimbre que le spectacle de quelques personnes brulées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.

On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d’avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard ; on vint lier après le diner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l’un pour avoir parlé, et l’autre pour avoir écouté avec un air d’approbation : tous deux furent menés séparément dans des apparemment d’un extrême fraicheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé du soleil : huit jours après ils furent tous deux revêtus d’un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées et de diables qui n’avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique, suivi d’une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu’on chantait ; le Biscayen et les deux homes qui n’avaient point voulu manger de lard furent brulés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume.

 

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Extrait du ch. 6 de Candide: L'auto-da-fé

 

INTRODUCTION

 

Le texte que nous allons étudier est un extrait du chapitre 6 de Candide, conte philosophique de Voltaire écrit en 1759, en pleine période des Lumières. Le héros est un personnage naïf persuadé que "tout est au mieux dans le meilleur des mondes" comme lui a enseigné son maître Pangloss. Candide et Pangloss, victimes du raz-de-marée et du tremblement de terre de Lisbonne, sont en effet arrêtés par l'Inquisition pour avoir tenu des propos hérétiques, et condamnés lors d'un autodafé. Ce passage est l'occasion pour Voltaire de s'attaquer aux ravages causés par le fanatisme. Nous montrerons que derrière la forme plaisante de l'apologue, et grâce à des procédés ironiques typiquement Voltairiens, se cache une critique virulente de l'Inquisition et une remise en question de l'optimisme leibnizien.

 

 

 

I/UN RECIT SOUS FORME D'APOLOGUE

 

Voltaire met en scène un récit dont le schéma narratif est complet à savoir, la situation initiale, le tremblement de terre, les péripéties (Candide et Pangloss sont condamnés), l’élément perturbateur, de dénouement et la situation finale (Candide et Pangloss ont subi leur peine, mais l’autodafé né pas empêché un nouveau tremblement de terre

 

Quatre points principaux scandent le récit, c’est-à-dire, la décision d’organiser un autodafé, la réunion des accusés, la cérémonie et l’exécution de la sentence.

 

Cet extrait s’apparente donc à un apologue mais derrière cette forme plaisante se cachent les nombreux procédés ironiques de Voltaire.

 

 

II/ L'IRONIE VOLTAIRIENNE

 

La figure de rhétorique utilisée pour faire valoir l’ironie est l’antiphrase. Le philosophe n’hésite pas d’en abuser : « bel autodafé », « moyen efficace », « secret infaillible ». Cette figure de style consiste à faire semblant d’adopter le point de vue de l’adversaire pour mieux le contredire. Ici, le contexte est ironique et Voltaire fait semblant d’adhérer au point de vue de l’inquisition ;

 

Aux antiphrases succèdent les euphémismes : « les appartements d’une extrême fraicheur dans lesquels on n’était jamais incommodés de soleil ». La pénible vérité est bien atténuée car il s’agit en fait de cachots d’une prison. Le penseur feint de voir la scène du point de vue naïf de Candide qui perçoit l’inquisition comme un organisme plein de gentillesse et de sollicitude envers les prisonniers.

 

L’expression, Candide « est fessé », contribue à renforcer la parodie grâce à la connotation puérile qu’elle suscite. La procession devient une cérémonie plus qu’une condamnation avec les détails des coiffures des condamnés : « le san-benito ». La parodie se double d’un rapprochement satirique avec l’expression « spectacle de quelques personnes brulées ».

 

Le comble de l’ironie est ici de mettre en avant l’usage de faux rapports logiques qui consistent à faire un lien entre les tremblements de terre et les personnages incriminés alors qu’il n’existe aucun lien. L’absurdité atteint son paroxysme avec l’absence de sens des délits : Pangloss et Candide sont injustement accusés, « l’un pour avoir parlé, l’autre pour avoir écouté avec un air d’approbation » .

 

 

On constate donc que Voltaire joue sur les points de vue et use de beaucoup d'ironie dans le passage, ce qui fait sourire le lecteur. Mais les différents points de vue permettent au lecteur de juger la scène par lui-même, et l'ironie est avant tout une arme, utilisée par les philosophes des Lumières surtout, dans le but de dénoncer certains abus de la société de leur époque.

 

IlI/ ENJEUX CRITIQUES DU RECIT

 

On observe tout d'abord une critique des superstitions, que Voltaire nous fait ressentir à travers l'absurdité des châtiments et de la cérémonie, non fondés sur la raison:

 

L'auteur s'en prend aussi à l'intolérance culturelle qui se dégage de l'accusation d'un Biscayen (qui est donc étranger), et l'intolérance religieuse qui condamne les deux portugais juste parce qu'ils ont suivi une coutume juive.

 

3- Il s'attaque à l'Eglise, et notamment à l'Inquisition, en faisant ressortir

- les interdictions arbitraires, par ex le mariage entre le parrain et la marraine

- les tortures et exécutions, qui plus est pour des raisons dérisoires, alors que la religion chrétienne prêche sans cesse l'amour de son prochain.

Voltaire reproche en fait à l'Inquisition de ne plus rien à voir avec la foi; et c'est pour cela qu'il nous présente ce qui prétend être une cérémonie religieuse comme un défilé de carnaval vidé de tout contenu spirituel.

 

4- Enfin, Voltaire critique aussi la philosophie optimiste de Pangloss:

- accumulation des adjectifs, au début du 3ème et 4ème paragraphe, qui offrent un contraste marquant avec la description

- invocation de Candide, dans le 3ème paragraphe: "ô, mon cher Pangloss! le plus grand des philosophes ». De la même façon, il invoque d'autres personnes qu'il aimait tant comme l'anabaptiste et Cunégonde. Il emploie à chaque fois des hyperboles pour les décrire. Le fait que tous ces personnages, si chers pour Candide, soient morts de façon si injuste, insiste sur l'illogique de la philosophie optimiste: on ne vit pas dans le meilleur des mondes, et ce n'est pas parce qu'on est bon qu'il ne nous arrivera rien de mal.

L'opposition entre les termes mélioratifs ("le meilleur des mondes possibles", ou encore "le plus grand des philosophes") et l'atrocité des événements ("fessé, "pendre, "noyé,  éventré.) permet de souligner le fait que la philosophie optimiste et l'autodafé ne reposent que sur des principes absurdes et infondés.

 

 

CONCLUSION

 

Voltaire met dans ce passage sa fantaisie au service d'une violente satire de l'Inquisition, par les moyens de l'humour et de l'ironie. Il déteste en effet toute forme de persécution et cette page s'inscrit dans le combat incessant qu'il a mené contre l'intolérance et le fanatisme religieux.

Ouverture

Peu à peu, en effet, Candide commence à remettre en question les leçons de son maître. Dans le paragraphe qui suit ce texte, il s'écriera "si c'est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres?"

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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