Apollinaire, Nuit Rhénane, commentaire

 

Apollinaire - Nuit Rhénane

Apollinaire - Alcools - Nuit rhénane - analyse

 

Dnbac commentaires

Lecture du poème

 

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme

Écoutez la chanson lente d'un batelier

Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

 

Debout chantez plus haut en dansant une ronde

Que je n'entende plus le chant du batelier

Et mettez près de moi toutes les filles blondes

Au regard immobile aux nattes repliées

 

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent

Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter

La voix chante toujours à en râle-mourir

Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

 


Dnbac commentairesGuillaume Apollinaire

  • Nom de naissance Wilhelm Albert Włodzimierz Apolinary de Wąż-Kostrowicki
  • Activité(s) = Poète
  • Naissance 26 août 1880 Rome, Royaume d'Italie
  • Décès 9 novembre 1918 (38 ans) Paris, France
 

 

Problématique :

En quoi la progression dramatique traduit-elle l'expression du surnaturel et la puissance magique du verbe?

 

Plan possible :

  • I. La progression dramatique  
  • II - Le surnaturel  
  • III - Enoncé et énonciation

 

 

Commentaire 

INTRODUCTION

"Nuit rhénane" appartient au recueil Alcools (1913). Cette poésie fut inspiré par le séjour d'Apollinaire dans le Rhin et par son amour pour Annie Playden.

Cette poésie est riche en symboles mythologiques germaniques comme les Ondines. Les ondines sont des figures qui ont un certain pouvoir maléfique et séducteur ce qui explique l'aspect surnaturel du poème.

Dans un premier temps nous verrons en quoi la progression est dramatique, puis nous verrons l'énonciation de la poésie et enfin sa puissance évocatrice dans le verbe

1) La progression dramatique

On note une réelle progression dramatique de strophe en strophe.

Ainsi dans la première strophe le cadre est paisible, la scène se passe le soir au bord du Rhin dans un cabaret. Le personnage s'adresse au lecteur "Ecoutez" et l'invite à partager cette scène. On le voit buvant et écoutant de la musique "la chanson lente d'un batelier" (v. 2). On retrouve l'allusion aux Ondines dès les vers 3 et 4 avec les "sept femmes" aux " cheveux
verts" : Elles faisaient des pêcheurs et des chevaliers des prisonniers.

Dans la seconde strophe, la progression dramatique est très nette, le personnage est en proie à la terreur : on peut à cet égard citer les vers suivants : "Debout chantez plus haut en dansant une ronde" (v. 5) faisant référence aux Ondines et à leur pouvoir maléfique qu'il tente de conjurer. Il y a une allusion à des femmes "blondes" qui accompagent les Ondines, elles sont effrayantes par leur "regard immobile", "leurs nattes repliées". Dans la seconde strophe le personnage s'adresse aux autres clients du cabaret. Il les met en garde contre les Ondines.

Nous avons dans la strophe 3 une sensation d'étrangeté qui se substitue à l'effroi de la strophe 2. Cette strophe met tout d'abord l'accent sur l'ivresse en référence à l'homme qui boit et l'ivresse qui personnifie le fleuve "le Rhin est ivre" vers 9 et le monde des cieux s'y reflète "l'or des nuits".

Les Ondines sont toujours présentes mais cette fois, ainsi que le suggère le vers 13, elles "incantent" et sont donc assimilées à des sorcières. Le thème de la mort apparaît également au vers 11 "à en râle mourir" par rapport au chant du batelier.

Les trois quatrains laissent place à un alexandrin qui constitue la quatrième strophe. Il n'y a plus aucune explication rationnelle, le surnaturel prend place avec l'éclatement du verre de l'homme qui se brise. Cet alexandrin semble célébrer le poème par cet éclatement du verre comme un éclat de rire abandonnant le jeune homme à sa plus grande surprise. Le surnaturel prend ainsi forme et domine à la fin de la poésie. L'éclatement du verre qui se brise semble être lié à l'effet des Ondines des strophes précédentes, peut-être un sort des "fées aux cheveux verts".

2) Le  surnaturel

Le surnaturel est très manifeste dès les strophes 1 et 3 en particulier avec les références répétéées aux Ondines, figures mythologiques qui sont les véritables actrices de ce monde fantastique. Le surnaturel se manifeste par la chansont du batelier sur les Ondines puis dans la Nature et enfin par l'éclatement du verre à la fin de la poésie;

Les ensorceleuses sont évoquées dans le chant du batelier qui témoigne de leur véritable nature et intention : "sous la lune", du fond du Rhin où elles vivent, "elles sont sept", elles ont les cheveux verts couleur qui se confond avec l'eau du fleuve. Elles sont là pour séduire "longs cheveux jusqu'à leurs pieds". La séduction est associée à la mort avec le vers "à en râle mourir". Leur activité surnaturelle est clairement nommée "elles incantent l'été".

Le surnaturel se manifeste également dans le paysage, dans les éléments de la nature, on trouve en effet la personnification du fleuve "ivre", "les vignes s'y mirent", "l'or des nuits", "se mirent", "tombe en tremblant", ce vers connote l'effroi. On peut ainsi noter que le regard et le thème du tremblement sont importants dans le poème. On a l'image du miroir :" Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter" (allusion à Lorelei : vision dans l'eau). Le regard semble être lié à un pouvoir magique.

Nous avons une évocation du surnaturel autour du chiffre 13 : en effet, le poème s'achève au treizième vers, par l'éclatement incompréhensible du verre qui se brise "Mon verre s‘est brisé comme un éclat de rire» = connotation de la moquerie signe du triomphe des puissances surnaturelles.

Le témoignage du batelier serait donc vrai.

3) Enoncé et énonciation

Le verbe est magique dans ce poème, il est en rapport avec le surnaturel.

Pour ce qui est de l'histoire racontée la chanson du batelier a son importance car c'est par elle et à travers elle qu'apparaissent les Ondines, personnages essentiels de l'histoire. Le chant est si important qu'il fait peur au jeune homme qui en appelle aux jeunes filles blondes et à une ronde en guise d'échapatoire. La ronde du vers 5 permet de couvrir le chant ensorcelleur des Ondines.

: « ... un vin trembleur comme une flamme / Écoutez la chanson
lente...» (v. 1-2) "tombe en tremblant s'y refléter".... Le tremblement semble être associé au chant qui d'abord évoque les femmes aux "cheveux verts", puis les nomme "des fées" pour évoquer ensuite la sorcellerie" elles incantent". Pour rompre l'envoutement le verre se brise.

Le chant fait apparaître une certaine magie. De nombreuses analogies apparaissent : par exemple entre le vin et la nature "le verre est plein de vin", "le Rhin est ivre", puis le tremblement, puis la couleur "le vin est comme une flamme", "les étoiles sont de l'or". Il n'y a plus de frontière entre l'animé et l'inanimé. L'ivresse se confond avec la magie. L'ivresse devient poétique. Le verbe est magique, "trembleur" est associ au vin, "râle mourir" est associé au chant. Le poème est suggestif, il se remplit des fantaisies d'Apollinaire. Chanter et enchanter la frontière est abolie, "la voix chante toujours " se rapporte à "râle mourir".

CONCLUSION

Nuit rhénane est une poésie en boucle, le lecteur n'accède pas au sens premier du poème, il doit sans cesse interpréter les suggestions du poète qui célèbre l'action magique du verbe mélant le fantastique et la force du verbe poétique.

La fonction de l'écriture poétique = évasion. la création est une recréation sans cesse renouvelée. La création poétique est une renouvellement, une renaissance du monde, celui du poète

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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