La liberté, méthodologie pratique

Cours de théorie pratique : Travailler les plans dialectiques en philosophie. La liberté

 

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Théorie et applications possibles autour d'un thème en philosophie :


 
 
Théorie : les arguments et les contre-arguments pour élaborer les plans dialectiques en philosophie
 
 
*** Cours fiche bac

 

 

LA LIBERTE

Introduction :

La liberté semble être ce qui peut être expérimenté à tout instant par une simple décision de la volonté qui oriente nos actions en fonction d'un choix qui est nôtre, qui peut à tout moment donner son assentiment ou le refuser à ce qui se présente. Comme le fait remarquer Descartes : " La liberté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons.". L'immédiateté de ce sentiment lui donne t-il pour autant un fondement ? La liberté comme libre décret de la volonté n'est-elle pas une illusion liée à la conjonction de la conscience de nos actes et de l'ignorance des contraintes qui s'exercent sur nous quand nous choisissons ? La liberté est-elle plus grande lorsqu'apparemment rien ne nous pousse à choisir ? Avons-nous plus d'indépendance de la volonté dans la résistance à ce que notre entendement nous impose ou au contraire dans l'acceptation de ce qui est nécessaire au déploiement de l'être ? Pouvons-nous alors être libres dans l'ignorance de ce qui constitue l'essence des choses et la nôtre ? Être libre, n'est-ce pas vouloir ce qui s'impose de sa seule nécessité à être ainsi et pas autrement parce que le déploiement de l'être l'exige ? N'est-ce pas lorsqu'un acte ou une décision ne nous laissent plus la possibilité d'être refusés que nous choisissons le plus pleinement ? Socrate ne pouvait pas vivre sans philosopher parce que philosopher était l'expression la plus profonde de son être, Van Gogh n'aurait pu concevoir de peindre autrement parce que c'est ainsi qu'il était à sa juste place dans l'existence. Si la liberté réside dans l'aptitude à choisir ce qui nous accomplit et nous réjouit à la fois, n'est-elle pas le résultat d'une conquête et d'une libération progressive qui nous apprend à discerner ce qui nous détourne de nous-même tout en se présentant sous l'apparence d'une liberté immédiate (l'accomplissement sans frein de pulsion, la volonté de domination et de pouvoir, la paresse, l'absence de contraintes et de discipline aussi bien dans nos actes que nos pensées, l'absence d'exigence pour notre vie) ? Loin d'éliminer la contrainte, la liberté ne peut se concevoir qu'à partir d'elle mais elle substitue à une contrainte imposée de l'extérieur (hétéronomie) une contrainte nécessaire que l'être s'impose à lui-même (autonomie). Comme le fait remarquer Rousseau : "l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi que l'on s'est prescrite est liberté". La liberté relève bien davantage de l'exigence que l'on s'impose à soi et du devoir concernant ce que l'on a à être que de l'immédiateté et de la facilité. En ce sens, nous pouvons comprendre que "nous sommes condamnés à être libres" comme le dit Sartre. Nous devons répondre de nos actes et de nos engagements malgré les déterminismes agissants sur nous, bien que nous n'ayons jamais la connaissance de la totalité des paramètres comme si nous en étions pleinement les auteurs. Pouvoir répondre de nous, voilà l'impératif exigé par la morale et la vie avec nos semblables et cela doit pouvoir l'être de tout homme quelque soit son effectif degré de liberté. Kant va même jusqu'à reconnaître qu'il n'existe peut-être aucun acte libre (dont nous serions la cause initiatrice) au monde, c'est pourquoi nous devons postuler la liberté humaine comme condition de l'exigence morale elle-même condition de la valeur de la personne humaine à partir de laquelle le devoir de respect prend sens. Lorsqu'un homme est jugé dans un tribunal, on le suppose libre d'avoir agi autrement sans quoi on ne pourrait pas le punir et en ce sens la punition est un droit, une reconnaissance de son humanité. Si l'expérience de la liberté n'est pas humainement possible, il est toutefois spécifiquement humain de l'exiger et de l'attendre en dépit des exemples d'aliénation multiples. Nous nous donnons les lois qui nous punirons lorsque nous les enfreindrons mais cette contrainte nous libère toutefois de l'arbitraire du pouvoir humain. Ainsi que le dit Rousseau "un peuple obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force de lois qu'il n'obéit pas aux hommes." N'avons-nous pas finalement la liberté que nous exigeons de nous, que nous nous donnons pour notre grandeur et pour notre malheur ?

I - Qu'est ce que la liberté ?

1. La liberté est une absence de contrainte.

** Liberté au sens physique
La liberté se définit au sens physique comme une absence de résistance, comme l'absence de rencontre d'obstacles. La chute libre est la chute d'un corps que rien ne freine. Métaphoriquement, la liberté se définit dans un autre champ comme le fait de n'être soumis à aucun pouvoir et à aucune autorité contraignante.

** Liberté de droit
Dans le domaine juridique, la liberté se définit par ce que les lois permettent de faire sans contrainte. C'est une liberté formelle indépendante de la liberté de fait

** Liberté de fait
Cette dernière porte sur la liberté effective de faire telle ou telle chose sans rencontrer d'obstacles dans la possibilité de réaliser ses désirs.

Transition :
Cette définition de la liberté de réaliser ses désirs sans rencontrer de contraintes extérieures est insuffisante. Ne puis-je pas être contraint de l'intérieur ? N'est ce pas dans la capacité à choisir sans être contraint à choisir que se situe la liberté ?

2. Le libre arbitre

** Liberté d'indifférence
Nous avons un libre arbitre infini, comme celui de Dieu (cf Descartes). Nous pouvons nous refuser à l'évidence rien que pour manifester la puissance de notre libre arbitre. Une proposition évidente comme "Je pense donc je suis" paraît exiger mon assentiment. Mais j'ai toujours la liberté de m'abstenir de la considérer, d'en détourner mon attention. Je crois ce que je vois clairement et distinctement par les lumières de mon entendement, mais je ne vois que ce que je regarde et je ne regarde que ce que je veux. Même l'évidence du Vrai est donc soumise au bon vouloir de ma libre attention.

** L'acte libre = un choix réfléchi = un choix intelligent
- Andromaque = stratagème habile = acte libre
- Antigone = solidarité actes/pensées = liberté
Mourir libre plutôt que de vivre en n'étant plus solidaire avec elle-même.
- Don Juan

**La liberté disjointe de l'entendement
Suis-je alors contraint comme le pense Platon à choisir le bien et le vrai dès que je les connais ? Ne suis-je toujours méchant qu'involontairement en ignorant ce qu'est mon véritable bien et en me méprenant sur lui ? Descartes envisage la possibilité que nous aurions de refuser notre assentiment au vrai ou au bien pour faire l'expérience de l'épreuve maximale de la liberté. Comme il le dit dans la Lettre au Père Mesland, "lorsqu'une raison très évidente nous porte d'un coté, bien que moralement parlant nous ne puissions guère aller à l'opposé, absolument parlant néanmoins, nous le pourrions. En effet, il nous est toujours possible de poursuivre un bien clairement connu, ou d'admettre une vérité évidente pourvu que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre arbitre." De même Kant nous parle de la possibilité que nous aurions de choisir en toute liberté à priori, non par faiblesse mais par choix libre, le mal radical c'est à dire l'opposé de ce qu'exige clairement la loi morale à savoir ne jamais traiter autrui seulement comme un moyen mais seulement comme une fin en soi. Cette possibilité du mal radical (la loi morale n'est en nous qu'une disposition que nous pouvons accueillir ou refuser) est ce qui donne sa valeur à l'assentiment à la loi morale et sons sens à l'exigence de responsabilité.


II - La nécessaire détermination de ma volonté

1. L'acte gratuit

Dans Les caves du Vatican, Gide fait commettre à Lafcadio un meurtre dans le train de Rome. Il jette Amédée Fleurissoire hors du train sans raison aucune. Lafcadio laisse la décision au hasard : "Si je puis compter jusqu’à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu, le tapir est sauvé. Je commence une; deux; trois; quatre; (lentement, lentement) cinq ; six ; sept ; huit ; neuf … dix, un feu ! » Et le crime s’accomplit.
=> Un acte gratuit est-il possible ?
Les motifs qui nous font agir sont inconscients. (cf Psychanalyse)


2. L'homme n'est pas un empire dans un empire.

Croire pouvoir commettre un acte gratuit ou indépendant de ce que je considère à tort ou à raison comme un bien n'est-ce pas un leurre lié à l'illusion du libre-arbitre ? Ainsi que nous le fait remarquer Spinoza "les hommes se croient libres pour cette seule cause qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés". Ainsi "il n'y a dans l'âme aucune volonté absolue ou libre ; mais l'âme est déterminée par une autre, et cette autre l'est à son tour par une autre, et ainsi à l'infini." Il convient toutefois de distinguer le déterminisme du fatalisme. Ce dernier suppose une prédétermination complète des événements, et ne laisse aucune place à la liberté. Spinoza nous invite à considérer la liberté autrement que comme un libre décret de la volonté : "Je dis donc qu'un homme est pleinement libre dans la mesure où il est dirigé par la raison ; car c'est dans cette mesure qu'il est déterminé à agir par des causes qui peuvent être adéquatement comprises à partir de sa seule nature." Persévérer dans son être, voilà notre authentique liberté. Encore faut-il déceler ce qu'est notre authentique nature car l'aliénation se présente souvent sous la forme de la sensation de liberté. La liberté ne peut se concevoir sans la connaissance. Comme nous le rappelle Spinoza : "l'impuissance consiste en cela que l'homme se laisse conduire passivement par des choses extérieures à lui.". Ce qui est extérieur à moi me rend libre s'il s'incorpore à mon identité en devenir.

3. La liberté en actes

Sartre nous invite à considérer la compatibilité du déterminisme avec la liberté. La liberté n'est qu'en situation, c'est une aptitude à choisir parmi des facteurs déjà déterminés et à les orienter dans un projet qui leur confère rétroactivement le sens que nous choisissons de leur donner. S'en remettre au déterminisme pour ne pas assumer notre liberté (orienter notre avenir parmi une multitude de choix possibles génératrice d'angoisse) est une défense réflexive et de la mauvaise foi. Ne pas choisir, c'est encore choisir ; "nous sommes condamnés à être libre". L'homme n'est que ce qu'il fait "Je suis mon acte.". Toutefois si cette attitude est stimulante et nous encourage à être responsable, elle omet de tenir compte que l'aliénation affecte notre capacité à choisir. Dans l'aliénation, nous pouvons certes choisir mais ce que nous choisissons est davantage le reflet de l'aliénation que de la liberté. Pouvoir être tenu pour responsable quelque soit le degré effectif de liberté que nous ayons, n'est-ce pas ce qui peut transformer la liberté en fardeau ?


III - Liberté et contrainte

1. La liberté postulée

Commencer un acte à partir de soi, en être pleinement l'auteur, rompre avec le déterminisme agissant ne serait-ce pas cela la liberté ? N'est-ce pas pas ce que l'on doit exiger d'un homme duquel on s'attend qu'il puisse se comporter comme une personne qui traite autrui toujours comme une fin en soi et non comme un moyen (de mon plaisir, de l'affirmation de moi-même) ? Comment peut-on exiger une attitude moralement responsable d'un être qui serait incapable de rompre avec le déterminisme agissant ? L'exigence de moralité et de responsabilité sans laquelle la notion de dignité humaine s'écroule, rendent subjectivement nécessaire quoique indémontrable le postulat de la liberté humaine. L'exigence de lucidité me conduit à reconnaître que les agissements humains s'expliquent pour la plupart par des séries causales antécédentes et qu'il est possible qu'il n'existe pas un seul acte libre au monde. Toutefois, selon Kant nous pouvons à la fois postuler le déterminisme dans le champ des phénomènes afin de développer leur compréhension le plus loin possible et postuler la liberté dans le champ des noumènes (choses en soi) afin que l'exigence de respect de la loi morale indispensable à la valeur de la personne ne perde pas tout son sens. Nous sommes tenus de faire comme si nous étions libres. C'est la raison pour laquelle Kant nous dit que l'"on pourrait calculer la conduite future d'un homme avec autant de certitude qu'une éclipse de soleil et soutenir en même temps qu'il est libre".


2. La liberté comme autonomie.

On parle de soumission à la loi morale mais cette soumission constitue notre liberté. C'est pour cela que cette soumission se donne à penser en termes de liberté et d'autonomie. Rompre avec le déterminisme et obéir à cet impératif d'universalité qui exige qu'en soi nous respections la personne humaine en faisant abstraction de ce qui nous place en situation d'hétéronomie (obéir à un commandement étranger qui peut cependant parler depuis nous-mêmes lorsque nous sommes aliénés) nous rend autonome. L'hétéronomie est toujours première (obéir à nos impulsions qui nous tyrannisent et que nous subissons, obéir à des exigences parentales, sociales, religieuses et aux pressions diverses qui s'exercent sur nous à notre insu quand nous choisissons et agissons). L'autonomie est donc toujours une conquête qui nécessite paradoxalement l'aide d'une hétéronomie bienveillante pour exister. Comme le dit Kant, l'homme a toujours besoin d'un maître qui lui impose d'abord de l'extérieur ce qu'il pourra ensuite s'imposer par lui-même, une fois qu'il aura été assez éduqué pour en reconnaître la nécessité. Le prisonnier dans l'allégorie de la caverne doit d'abord être tiré de force à la lumière du jour, ce n'est qu'ensuite qu'il peut prendre le relais et s'imposer la suite de l'ascension par lui-même ainsi que d'y découvrir une source de progression et d'accomplissement. Livré à lui seul, il serait toujours resté dans la caverne. Nous pouvons comprendre que la volonté de domination et de contrôle puisse préférer maintenir les hommes dans l'hétéronomie en s'assurant une séduction facile et démagogique. L'hétéronomie bienveillante nous donne les moyens de nous passer d'elle, c'est la finalité de l'éducation qui nous donne les moyens de résister aux diverses manipulations.

3. La liberté politique.

Dans le domaine politique, liberté et dépendance ne sont pas incompatibles. Il faut obéir pour ne pas servir, c'est par l'obéissance aux lois légitimement posées que l'on s'affranchit de la servitude à l'égard de l'arbitraire du pouvoir humain. Le contrat social nous montre l'intérêt de substituer la liberté civile fondée sur l'interdépendance et l'obéissance à des règles communes rationnellement établies à la liberté naturelle sans bornes prédéterminées si ce n'est que notre force nous permet d'atteindre et de défendre mais qui est sans cesse menacée. Là encore, pour être libres, il faut déterminer la contrainte que nous nous imposerons afin d'éviter de subir celle que nous n'aurons pas choisie.

Conclusion :
La liberté qui semblait devoir nécessiter l'exclusion de la contrainte pour exister l'exige en fait comme condition d'elle-même. Ainsi que l'illustre Kant : "la colombe légère, lorsque, dans son libre vol, elle fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle réussirait bien mieux encore dans le vide" mais cette résistance est la condition même de son vol. La contrainte nous impose de quitter le terrain de l'hétéronomie pour celui de l'autonomie, celui de l'apparente liberté facile et immédiate pour celui de la lente et difficile libération de ce qui nous aliène. Elle passe à la fois par la connaissance qui nous met en état de vouloir ce qui accomplit pleinement notre être, de refuser ce qui le détourne de lui-même malgré le plaisir immédiat et par l'exigence de supposition de sa présence en dépit de l'absence de preuves de son existence qui nous rend plus libres à force de faire comme si nous l'étions. Notre dignité et le respect que nous nous portons en dépendent, l'aptitude à la responsabilité morale et politique aussi. Il nous est toutefois aisé de comprendre que l'impossibilité d'honorer cette exigence nourrisse les plus belles tragédies et ainsi que Spinoza nous invite à le faire devant l'aveuglement des passions humaines : "ne pas louer, ne pas blâmer mais comprendre." et si "le sage s'émeut à peine", il s'émeut toutefois et peut-être est-ce ce qui rend sa tension vers la sagesse si humaine. Dans la pièce de Racine Phèdre, Phèdre se condamne d'éprouver une passion incestueuse et honteuse accompagnée d'une jalouse rage et confie ce dégoût qu'elle a d'elle-même à Oenone qui l'invite à plus de clémence vis à vis d'elle-même :
"Hé ! Repoussez, Madame, une injuste terreur.
Regardez d'un autre œil une excusable erreur.
Vous aimez. On ne peut vaincre sa destinée.
Par un charme fatal vous fûtes entrainée.
Est-ce donc un prodige inouï parmi nous ?
L'amour n'a-t-il encore triomphé que de vous ?
La faiblesse aux humains n'est que trop naturelle.
Mortelle, subissez le sort d'une mortelle."

 

 

 

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Quelques exemples :
 
  • L'homme est-il libre?
  • La liberté consiste t'elle à faire ce que l'on veut?
  • Etre libre, est- ce pouvoir choisir?
  • Etre libre, est-ce être indifférent au jugement d'autrui?
  • Dépendre d'autrui, est-ce aliéner la liberté?

 

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LA LIBERTE

  1. La question de Dieu et de la liberté
  2. La liberté comme aliénation
  3. La liberté en référence au mal
  4. La liberté et la pensée
  5. La question de la liberté en Dieu

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 14/08/2017

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