Roland Bacri, Fable électorale, oral EAF

ORAUX EAF

 

 

Roland Bacri, Fable électorale

 

Questionnaire sur Roland Bacri

Quelles sont les dates de Bacri ?

1925/2014

Qui était-il ?

C'était un poète et journaliste algérien à l'époque de l'Algérie française.

Où a t'-il exercé son métier de journaliste ?

Au Canard Sauvage à Alger, puis au Canard enchaîné où il publia.

Combien de temps a t'-il travaillé au Canard enchaîné ?

Il sera chroniqueur au Canard enchaîné, chroniqueur satirique de 1956 à 1990

 

Lecture de la fable

*** Roland Bacri, « Fable électorale » publiée par le Canard enchaîné, 1995.

 

Fable électorale

La cigale ayant chanté tout l’été

Son programme à satiété

Se trouva fort dépourvue

Quand l’élection fut venue.

Pas un seul petit morceau

Prévu dans son bel canto.

Elle alla crier famine

Chez la fourmi à l’usine,

La priant de lui prêter

Quelque grain pour affronter

La conjoncture nouvelle.

« Voyez mes trous ; lui dit-elle,

De Sécu, Crédit Lyonnais

Dans quelle chienlit on est !

Je vous rendrai l’abondance

Au premier temps de croissance

Trois quatre ans, foi d’animal,

 

Intérêt et principal.

La fourmi n’est pas prêteuse,

C’est là son moindre défaut :

« Que faisiez-vous au temps show

D’élection si prometteuse ?

- Nuit et jour à tout venant,

Je chantais « La Marseillaise »,

- Vous chantiez ? j’en suis fort aise :

Présidensez maintenant !

 

 

 

 

I – Une parodie de la fable de La Fontaine

- Montrez qu'il s'agit d'une parodie de la fable de La Fontaine

Le titre de la fable, « Fable électorale », est évocateur du thème à venir, celui de la politique. Ce dernier se confirme par la présence du champ lexical de la politique « programme », « élection », « temps show », « D'élection », « chienlit », « présidensez ».

Mais au champ lexical de la politique s'ajoute celui de l'économie des vers 11 à 19. Nous pouvons souligner, «conjoncture », « abondance », « trou », «De sécu », «Crédit lyonnais », « croissance », « intérêt et capital ».

L'importance des ces deux champs lexicaux nous informent de la nature de cette fable : c'est une parodie de la fable de La Fontaine.

L'expression « chienlit » par exemple nous ramène à l'époque du général de Gaulle, Roland Bacri tente de restituer l'atmosphère politique et économique avec les déficits de la sécurité sociale, les scandales financiers de l'époque avec le « Crédit lyonnais », les promesses électorales, « je vous rendrai l'abondance. ». La critique est acerbe car elle se donne en spectacle, c'est un « show » où tous les travers et les coups bas sont permis. L'image de la politique est dévalorisée pour le profit de celui qui est au pouvoir ainsi que les représentants financiers importants. Le peuple la subit et comprend qu'elle fait l'objet d'une manipulation médiatisée. Tout est dans les apparences c'est le « temps show d'élection ». Mais les néologismes, mots nouveaux, inventés par Bacri caricaturent La Fontaine.

Nous nous en éloignons non pas tant par la situation de la fable car la cigale demande l'aide à la fourmi pour survivre mais par le contexte de la France du Xxe siècle bien loin de la France rurale du XVIIe.

Les famines de ce siècle ont laissé place à une agitation sociale et un contexte politique malsain plus soucieux de réélection que d'assurer le bien-être et le bien vivre du peuple. La politique se résume ici à sa volonté de gagner les élections à venir. Nous sommes dans un cadre d'explosion socio-politique réaliste au point que la cigale ne cherche même pas à gagner la confiance de son peuple pour son propre électorat. Elle chante, elle est heureuse et peu soucieuse des autres, « Nuit et jour à tout venant/ Je chantais », « La Marseillaise ».

La politique devient outils de manipulation et non un art du bien vivre ensemble. Nous sommes en pleine désinvolture de la part de la cigale c'est pourquoi la fourmi refuse l'aide demandée par cette dernière. Cette fable électorale est une parodie. La cigale et la Fourmi les personnages qui symbolisent la France à deux niveaux différents. Par conséquent l'hypotexte n'est respecté qu'en partie, le contenu de la fable diffère et les personnages deviennent des symboles et fonctionnement de manière allégorique, quant à la morale, elle concerne le domaine politique et son complet manque de responsabilité

- « Vous chantiez ? j’en suis fort aise :

Présidensez maintenant ! »

La morale au jugement de l'auteur, critique acerbe qui se traduit dans la morale qui est en fait une invitation à exercer la fonction de président, ce qui aurait dû être fait. Le président cigale chantait, il est à présent temps d'exercer sa fonction de président, ce qui s'exprime dans l'impératif « présidensez », invitation urgent renforcée par l'adverbe de temps « maintenant » ! suivi d'un point d'exclamation.

- Quels sont les registres de cette fable ?

Le registre est ironique et polémique.

Quelles questions se poser pour retrouver les arguments du I ?

  • Quelle est le thème de la fable ?

  • Relevez le champ lexical de la politique

  • Relevez le champ lexical de l'économie

  • Ces champs lexicaux permettent-ils de répondre à la question : cette fable est-elle une parodie de la Cigale et la fourmi de La Fontaine ?

  • Quelle image Bacri donne t'-il de la politique ?

  • Peut-on parler de politique-spectacle ?

  • Quelle est la portée des néologismes ? Sur quoi nous renseignent-ils ?

  • Quelles sont les différences relatives au contexte de la France sous La Fontaine et à l'époque de Bacri ?

  • Relevez les expressions et phrases qui traduisent la désinvolture de la cigale

  • L'hypotexte est-il respecté ? A quels niveaux ? Justifiez et citez

  • Quels sont les registres présents dans la fable ?

  • Quelle est la morale ?

 

 

II – La portée symbolique des personnages: la cigale et la fourmi

- Que représentent la cigale et la fourmi?

La cigale et la fourmi sont les personnages essentiels de la fable. Ils ont une portée symbolique car ils représentent la France. Le président cigale et la fourmi travailleuse « la fourmi à l'usine ». Nous avons les acteurs d'une société gouvernée, mal gouvernée et sans scrupules puis les travailleurs victimes de la mauvaise gestion politique. La portée est donc clairement symbolique.

La cigale chante « ayant chanté tout l'été/ Son programme à satiété » et la fourmi « à l'usine », gouvernés et le gouvernant sont présents et souffrent d'une fracture sociale dont le gouvernant est responsable et que les gouvernés subissent. La fourmi est fidèle à sa réputation de travailleuse, le stéréotype n'est pas changé, la cigale chante mais elle est à présent en mal de réélection, c'est pourquoi, elle tente de séduire la fourmi. La trame de la fable s'inscrit dans cette opposition.

« Elle alla crier famine / Chez la fourmi à l’usine ». La cigale cherche à obtenir le suffrage de la fourmi en lui promettant l'abondance :

« Je vous rendrai l’abondance / Au premier temps de croissance ». La fourmi reste méfiante et n'accorde aucun crédit à la cigale. De ce point de vue, la fourmi reste fidèle à elle-même, tant chez La Fontaine que chez Bacri.

L'aspect « spectacle » de la politique se voit confirmé et dénoncé par la question de la fourmi « que faisiez-vous au temps-show/ D'élection si prometteuse ? « . La fourmi n'est pas naive et le néologisme « présidensez » le confirme et atteste de son refus et de son invitation à gérer le peuple sans sa voix.

Questions à se poser sur le II pour retrouver les arguments

  • Que représentent la cigale et la fourmi ?

  • Etudiez leur portée symboliquement

  • Quelles sont les différences entre Bacri et La Fontaine ?

  • Qu'en est-il des stéréotypes ?

  • Faire le portrait de la fourmi chez les deux auteurs

  • Justifiez votre réponse en citant

  • Qu'implique, quant aux décisions de la fourmi, le néologisme de la morale ? Expliquez en quelques lignes.


 

 

III - La critique et le jugement d'un chroniqueur

Nous comprenons que le journaliste s'exprime dans cet apologue, il dénonce et met en avant la légèreté des politiciens dans le Canard enchaîné. Un tableau est ainsi dressé sur le monde social et politique. L'actualité met en évidence l'insouciance et la désinvolture des représentants de l'Etat et du chef d'Etat trop soucieux de sa réélection. Au lieu d'agir et de protéger le peuple, ils sont en quête de voix et divulguent pour ce faire leurs belles paroles dans le « show ». L'abondance n'est pas économique mais seulement rhétorique, l'art de parler les caractérise, «à tout venant ». Un jugement de Bacri est formulé, il penche du côté de la fourmi, travailleuse et trahie, trompée par les belles promesses. Le pouvoir fait l'objet d'une critique virulente et Rolan Bacri transpose la fable de La Fontaine en la réactualisant dans le domaine politique contemporain.

Questions à se poser sur le III

  • Resituez la fable dans son contexte et montrez que cet apologue est une critique de la société. Expliquez et citez

  • Montrez que Bacri porte un jugement. Lequel ? Expliquez en développant et en citant le texte.

  • Montrez qu'il s'agit d'une transposition en matière de réécriture.

  • Quelles sont les limites de l'invention de Bacri dans le travestissement ironique ? (par quoi la «bise » est-elle remplacée ? Par «l'élection ». Par quoi «le temps chaud » est-il remplacé ? Par «temps show ». Par quoi «aise » est-il remplacé ? Par «Marseillaise ».

 

Dépassement de l'apologue : Jean Anouilh

 

- La réécriture de Jean Anouilh est-elle un travestissement ironique également ? Non, c'est une recréation. Les personnages ne collent pas au modèle initial, le sens de la fable change. C'est un hommage qui renouvelle complètement la fable de La Fontaine.

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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