Micromégas, Voltaire, l'incipit, ch.2 et 6 oraux EAF

DNBAC

 

Voltaire, Micromégas

La tradition du conte philosophique

Biographie de Voltaire

 

  • Quelles sont les dates de Voltaire ?
  • 1694/1778
  • Quel est son vrai nom ?
  • François Marie-Arouet
  • Qui est-il ?
  • Un philosophe, écrivain du siècle des lumières. Il a marqué la mémoire collective française. Il représente l'intellectuel engagé et défend l'idéal des lumières, la liberté de penser, la tolérance et combat l'obscurantisme, l'intolérance religieuse, le fanatisme. Il est le symbole des Lumières.
  • Quel est son idéal politique ?
  • La monarchie modérée et libérale
  • Quelles sont ses convictions religieuses ?
  • Il était déiste.
  • Citez une affaire célèbre représentative du combat de Voltaire pour la défense des victimes de l'intolérance religieuse et de l'arbitraire
  • L'affaire Calas


un conte philosophique sur la relativité

Micromégas est un conte philosophique qui a été publié en 1752. Voltaire à cette époque s'intéresse à la pensée de Newton, il s'inspire aussi des Voyages imaginaires (par exemple, Cyrano de Bergerac et autres) qu'il exploite pour affirmer ses idées philosophiques comme la modération, la tolérance, le relativisme. On retrouve les deux fonctions du conte, plaire et instruire. Dans ce conte, il est question de la condition humaine et de l'insatisfaction des hommes quant à leur condition. Voltaire à travers ce récit nous transmet une leçon de sagesse = la relativité des situations car le philosophe se plait à imaginer des durées de vie différentes selon les planètes «Avoir vécu une éternité ou avoir vécu un jour, c'est précisément la même chose ». La réflexion engagée est celle du tragique du temps qui passe mais avec la relativité nécessaire pour appréhender de manière positive notre condition, celle des êtres vivants. De l'instant à l'éternité, ce conte appelle la relativité qui n'est pas sans nous rappeler le thème des deux infinis de Pascal. Vivre un instant ou avoir une longue durée de vie n'est rien au regard de l'univers.

Tout n'est qu'un point de vue, tout est métamorphose, la vie et la mort ne sont que des points de vue et tout renaît sous une autre forme. Son déisme est illustré à travers l'idée «d'un auteur de la nature », il n'est pas nommé mais il s'agit d'un Dieu.

 

Questionnaire possible :

  • Quel est le genre littéraire de Micromégas ?
  • Quand a t'-il été publié ?
  • De quoi et de qui Voltaire s'inspire t'-il ?
  • Dans quel but ? Quelle est l'intention de Voltaire ?
  • Quelles sont les fonctions du conte ?
  • De quoi est-il question dans ce conte philosophique ?
  • Quels sont les thèmes et réflexions abordés ?
  • Y a t'-il une leçon de sagesse ?
  • Comment le déisme de Voltaire s'illustre t'-il dans Micromégas ?

 

Micromégas, Voltaire.

 

**** Lecture analytique et oral EAF

L'incipit

Lecture du passage

Voyage d'un habitant du monde de l'étoile Sirius dans la planète de Saturne

1.1 Dans une de ces planètes qui tournent autour de l'étoile nommée Sirius , il y avait un jeune homme de beaucoup d'esprit, que j'ai eu l'honneur de connaître dans le dernier voyage qu'il fit sur notre petite fourmilière; il s'appelait Micromégas, nom qui convient fort à tous les grands. Il avait huit lieues de haut: j'entends, par huit lieues, vingt-quatre mille pas géométriques de cinq pieds chacun.

1.2 Quelques algébristes, gens toujours utiles au public, prendront sur-le- champ la plume, et trouveront que, puisque monsieur Micromégas, habitant du pays de Sirius , a de la tête aux pieds vingt-quatre mille pas , qui font cent vingt mille pieds de roi , et que nous autres, citoyens de la terre, nous n'avons guère que cinq pieds , et que notre globe a neuf mille lieues de tour, ils trouveront, dis-je, qu'il faut absolument que le globe qui l'a produit ait au juste vingt-un millions six cent mille fois plus de circonférence que notre petite terre. Rien n'est plus simple et plus ordinaire dans la nature. Les Etats de quelques souverains d'Allemagne ou d'ltalie, dont on peut faire le tour en une demi heure, comparés à l'empire de Turquie, de Moscovie ou de la Chine, ne sont qu'une très faible image des prodigieuses différences que la nature a mises dans tous les êtres.

1.3 La taille de Son Excellence étant de la hauteur que j'ai dite, tous nos sculpteurs et tous nos peintres conviendront sans peine que sa ceinture peut avoir cinquante mille pieds de roi de tour: ce qui fait une très jolie proportion.

1.4 Quant à son esprit, c'est un des plus cultivés que nous avons; il sait beaucoup de choses; il en a inventé quelques-unes; il n'avait pas encore deux cent cinquante ans, et il étudiait, selon la coutume, au collège des jésuites de sa planète, lorsqu'il devina, par la force de son esprit, plus de cinquante propositions d'Euclide. C'est dix-huit de plus que Blaise Pascal, lequel, après en avoir deviné trente-deux en se jouant, à ce que dit sa soeur, devint depuis un géomètre assez médiocre, et un fort mauvais métaphysicien. Vers les quatre cent cinquante ans, au sortir de l'enfance, il disséqua beaucoup de ces petits insectes qui n'ont pas cent pieds de diamètre, et qui se dérobent aux microscopes ordinaires; il en composa un livre fort curieux, mais qui lui fit quelques affaires. Le muphti de son pays, grand vétillard, et fort ignorant, trouva dans son livre des propositions suspectes, malsonnantes, téméraires, hérétiques, sentant l'hérésie, et le poursuivit vivement: il s'agissait de savoir si la forme substantielle des puces de Sirius était de même nature que celle des colimaçons. Micromégas se défendit avec esprit ; il mit les femmes de son côté; le procès dura deux cent vingt ans. Enfin le muphti fit condamner le livre par des jurisconsultes qui ne l'avaient pas lu, et l'auteur eut ordre de ne paraître à la cour de huit cents années.

1.5 Il ne fut que médiocrement affligé d'être banni d'une cour qui n'était remplie que de tracasseries et de petitesses. Il fit une chanson fort plaisante contre le muphti, dont celui-ci ne s'embarrassa guère; et il se mit à voyager de planète en planète, pour achever de se former l'esprit et le coeur, comme l'on dit. Ceux qui ne voyagent qu'en chaise de poste ou en berline seront sans doute étonnés des équipages de là-haut: car nous autres, sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au-delà de nos usages. Notre voyageur connaissait merveilleusement les lois de la gravitation et toutes les forces attractives et répulsives. Il s'en servait si à propos que, tantôt à l'aide d'un rayon du soleil, tantôt par la commodité d'une comète, il allait de globe en globe, lui et les siens, comme un oiseau voltige de branche en branche. Il parcourut la voie lactée en peu de temps, et je suis obligé d'avouer qu'il ne vit jamais à travers les étoiles dont elle est semée ce beau ciel empyrée que l'illustre vicaire Derham se vante d'avoir vu au bout de sa lunette. Ce n'est pas que je prétende que Monsieur Derham ait mal vu, à Dieu ne plaise ! mais Micromégas était sur les lieux, c'est un bon observateur et je ne veux contredire personne. Micromégas, après avoir bien tourné, arriva dans le globe de Saturne . Quelque accoutumé qu'il fût à voir des choses nouvelles, il ne put d'abord, en voyant la petitesse du globe et de ses habitants, se défendre de ce sourire de supériorité qui échappe quelquefois aux plus sages . Car enfin Saturne n'est guère que neuf cents fois plus gros que la terre, et les citoyens de ce pays-là sont des nains qui n'ont que mille toises de haut ou environ. Il s'en moqua un peu d'abord avec ses gens, à peu près comme un musicien italien se met à rire de la musique de Lulli quand il vient en France. Mais comme le Sirien avait un bon esprit, il comprit bien vite qu'un être pensant peut fort bien n'être pas ridicule pour n'avoir que six mille pieds de haut. Il se familiarisa avec les Saturniens après les avoir étonnés. Il lia une étroite amitié avec le secrétaire de l'Académie de Saturne , homme de beaucoup d'esprit, qui n'avait à la vérité rien inventé, mais qui rendait un fort bon compte des inventions des autres, et qui faisait passablement de petits vers et de grands calculs . Je rapporterai ici, pour la satisfaction des lecteurs, une conversation singulière que Micromégas eut un jour avec M. le secrétaire.

 

Commentaire et questionnaires EAF

Notes introductives

Le voyage du baron de Gangan = titre premier de Micromégas, version envoyée à Frédéric de Prusse II avec qui il entretenait une importante correspondance.

Le conte est au service des idées, il s'agit de combattre, les préjugés, l'obscurantisme qui empêche la science d'avancer. Il entreprend donc d'écrire un conte, bref et léger, un conte philosophique néanmoins qui plaît, divertit mais instruit. Sa fantaisie attire, le conte met en scène un récit de voyage entre deux extra terrestres. Il tente de proposer une stratégie de transposition car dans ce récit est intégré le regard de l'autre (Saturne/Vénus/ Terre).

Questions possibles :

  • Quel est le premier titre de Micromégas ?
  • A qui Voltaire a t'-il envoyé la première version ?
  • Quel combat Voltaire veut-il mener ?
  • Ce récit intègre t'-il le regard de l'autre?

 

  • Problématiques possibles  :
  • Cet incipit est-il traditionnel ?
  • Est-ce l'incipit d'un conte philosophique ?

 

  • Plan :
  • I- Les éléments d'un conte traditionnel
  • II- Les éléments d'un conte philosophique

 

I- Les éléments d'un conte traditionnel

  • Relevez les indices spatiotemporels d'un conte traditionnel
  • Concernant le lieu, nous apprenons que nous sommes dans une planète autour de l'étoile de Cyrus = domaine des extra-terrestres. Nous sommes en pleine science fiction.
  • Quelle est la formule classique des contes traditionnels ?
  • « Il était une fois «  est ici remplacée par « il y avait » : Cette formule est celle du conte traditionnel, elle sert de formule introductive au conte.
  • Que savons-nous sur le temps ? Avons-nous des indications ?
  • Les extra terrestres voyagent « aller de globe en globe », « commodité d'une comète », « parcouru la voie lactée ». Il s'agit du temps d'un voyage interstellaire jusqu'à Saturne. Donc au niveau du temps, on ne peut pas dire grand chose, il est difficile de dater le voyage, il y a cependant quelques allusions qui montrent que ce dernier se situe après Blaise Pascal, M. Dérame, début du 18e. Des relations entre eux sont évoquées par le narrateur.
  • Mais le temps est celui du conte, il est invraisemblable, « 220 ans », « vers 450 ans au sortir de l'enfance ». L'irréel et le fantastique dominent. Les durées sont aussi fantastiques.
  • Quels sont les éléments relatifs au décor ?
  • Nous sommes dans l'espace, dans l'immensément grand, « Saturne ».
  • Que peut-on dire sur les personnages ?
  • Le narrateur nous donne quelques indications concernant la taille du personnage, « 8 lieux de haut », ce qui correspond à une taille disproportionnée du point de vue humain, sachant qu'un lieu est équivalent à 4,8km. « Les Saturniens sont des nains ».
  • Micromégas = micro= petit et « mégas »= grand. Le nom est un oxymore, le héros, Micromégas est un petit grand littéralement. Ses qualités sont mises en avant, elles sont d'ordre intellectuel, son esprit est grand, il est cultivé, c'est un mathématicien et un savant, un physicien. D'autres qualités lui reviennent, il est aventurier, aime l'inconnu.
  • Un récit extraordinaire qui a toutes les caractéristiques du conte, les temps sont ceux du récit, imparfait et passé simple. Il obéit au schéma narratif dont l'élément perturbateur est la condamnation à l'exil du héros qui va évoluer et respecter un certain ordre chronologique. Le voyage est raconté par le narrateur, nous avons une succession d'actions = 600 ans en 15 lignes.
  • Relevez les traces et les manifestions du narrateur
  • Le narrateur est celui qui raconte l'histoire = « j’ai eu l’honneur de le connaître »,
  • « dis je », « je prétend », « je rapporterai », « je suis obligé d’avouer », « je ne veux contredire personne ».
  • Il est omniscient, il sait tout des personnages et instaure une complicité avec le lecteur en utilisant « notre », « nos ».
  • Qui sont les lecteurs ?
  • Les terriens « nous autres sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au delà de nos usages ». Voltaire souhaite que le lecteur se remette en question et réfléchisse sur l'univers en sortant de « son petit tas de boue » pour s'ouvrir à un questionnement plus large et plus philosophique.

 

II- Les éléments d'un conte philosophique

Le fantastique domine mais Voltaire invite le lecteur à s'interroger. Nous retrouvons donc les éléments d'un conte qui est aussi philosophique.

  • De quelle nature sont les interrogations de Voltaire ? Quels sont les thèmes ciblés ?
  • L'homme, le terrien, doit s'interroger « nous autres citoyens de la terre », « notre globe », « notre petite terre ». L'être humain doit s'ouvrir l'esprit et se questionner sur le thème de la création. Il y a donc une allusion au thème de la religion. Mais la question politique est également visée = «les états de quelques souverains d'Allemagne », « empire », « cour du roi », il s'agit donc de remettre en question le système politique non tolérant, en outre l'énumération des pays nous montre que les français ont tendance à se prendre pour le centre du monde, «le muphti de son pays »....Nous avons donc des allusions à la France de l'époque.
  • Quelles expressions montrent que la justice dépend de la religion ?
  • « Juriste consulte », « homme de loi ».
  • Pourquoi le terme d'Académie a t'-il une majuscule ?
  • Voltaire se moque de Fontenelle, il fait une allusion à l'académie des sciences en mettant une majuscule au mot.
  • Peut-on dire que le conte soit une satire ?
  • Oui Micromégas est une satire.
  • C'est une satire de la politique. On se rend compte qu'elle est liée à la religion ainsi qu'au juridique. Il est question ici de dénoncer le régime dictatorial.
  • La question des écrivains est aussi évoquée, il est question de la difficulté des auteurs souvent victimes d'amende, de prison, de censure.
  • Qu'est-il reproché aux terriens en général ?
  • Leur ignorance, ils ne sont pas capables de relativité. Ils manquent de connaissance.

 

Le siècle des Lumières

I - L'esprit des lumières Définition des lumières :

Les penseurs du 18ème siècle éclairaient les hommes en les aidant à lutter contre l'ignorance ainsi qu'en témoigne le projet de l'Encyclopédie. Les philosophes veulent asseoir le règne de la raison.

Contexte historique : on voit la philosophie de John Locke s'imposer progressivement en France. Le peuple est selon lui le souverain véritable et l'homme a des droits naturels inaliénables. Nous sommes dans ce contexte historique, sous Louis XIV qui meurt en 1715. La régence s'ouvre mais au début du règne de Louis XV, la France est secouée par les guerres et les famines, guerre de sept ans. Louis XVI tente de réorganiser les finances du royame en s'appuyant sur Turgot et Necker. Mais les difficultés persistent, nous arrivons à la crise de 1789 et à la convocation des Etats généraux.

Le philosophe éclairé : L'état d'esprit des lumières est très particulier, le philosophe doit s'engager et proposer des solutions pour réformer le système politique. La réflexion critique permet de libérer l'homme des croyances diverses. La tyrannie est ainsi pensée comme indissociable de l'ignorance. Voilà comment Kant définit les lumières : "Qu'est ce que les lumières? La sortie de l'homme de sa minorité dont il est lui même responsable. Minorité, c'est à dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d'autrui, monorité dont il est lui même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l'entendement, mais dans un manque de décision et de courage de s'en servir sans la direction d'autrui. "

II - Le projet de l'encyclopédie

"Monument des progrès de l'esprit humain" dit Voltaire pour décrire le projet de l'encyclopédie. Il s'agit d'une entreprise collective de longue haleine qui veut rassembler l'ensemble des connaissances pour proposer une connaissance universelle, un savoir encyclopédique. Diderot et D'Alembert deviennent ersponsables de sa publication et recrutent des collaborateurs, comme Rousseau, Montesquieu, Voltaire... Le 28 juin 1751, parait le premier volume de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences des arts etdes métiers. Le 23 janvier 1759, le parlement de Paris présente L'Encyclopédie comme subversive. Mais Diderot continue son travail et le dernier volume parait en 1722. Elle se présente comme une apologie des progrès; une dénonciation du fanatisme, de la superstition de la tyrannie et des entraves à la liberté et au bonheur.

III - Les principes des lumières

- La raison : il y a une mise en avant de la raison et des sciences dans le but de lutter et de combattre l'ignorance. On voit Voltaire se battre contre le fanatisme et l'intolérance, traité sur la tolérance, 1763, il met en avant le respect de toutes les religions et le droit à la dignité humaine.

- Le modèle naturel : Montesquieu considère que l'homme doit s'inspirer pour fonder la société civile, des lois naturelles qui nous viennent de Dieu. On voit Rousseau distinguer l'homme de l'animal par sa perfectibilité. L'homme est bon selon le penseur, c'est la société civile qui l'a corrompu, il lui faut donc retrouver les lois naturelles.

- La critique de la religion : La religion est remise en question, on le voit avec le déisme de Voltaire, la question du mécanisme classique, de la théorie qui assimile l'univers à une mécanique, est remise en cause. Rousseau pense que l'homme est doté d'une conscience morale innée, il propose une religion naturelle.

 

  • L'exposé sur le siècle des lumières vous permet de répondre aux questions suivantes :

  • Définir les lumières
  • Situez le contexte historique
  • Qu'est-ce qu'un philosophe éclairé?
  • Quel est le projet de l'encyclopédie
  • Quels sont les principes des lumières?

 

Questions sur le siècle des lumières : 22 questions

  • I - L'esprit des lumières
  • Donnez une définition des lumières
  • Quel est le contexte historique?
  • Quel est l'état d'esprit des lumières?
  • Comment la réflexion critique est-elle perçue?
  • Quelle en est la finalité?
  • A quoi l'ignorance est-elle associée?
  • Quelle définition Kant donnait-il des lumières?
  • II - Le projet de l'encyclopédie
  • Comment Voltaire décrit-il le projet de l'encyclopédie?
  • Quel est son but?
  • Donnez un synonyme de savoir encyclopédique
  • Qui sont les responsables de la publication de l'encyclopédie?
  • Citez trois collaborateurs
  • Quand le premier volume parait-il?
  • Comment l'encyclopédie a t'-elle été présentée par le parlement de Paris?
  • Quand le dernier volume parait-il?
  • III - Les principes des lumières
  • Quel concept est-il mis en avant?
  • A quoi la raison et les sciences sont-elles associées?
  • Vers quels idéaux Voltaire se tourne t'-il?
  • Quel est son combat?
  • Que met-il en avant?
  • Que pouvez-vous dire du concept de "modèle naturel"?
  • Comment Montesquieu le perçoit-il?

 

Micromégas, Voltaire

Un voyage philosophique plein de fantaisies

 

Les questions de Micromégas:

Comment peut-on situer l’homme par rapport au cosmos et quelle sagesse tirer de cette confrontation ? Quel rapport la lecture de Micromégas établit-il entre raison et déraison?

Quelles sont les intentions de l’auteur?

Voltaire, philosophe des lumières accorde une place privilégiée à la raison, faculté essentielle car elle donne la liberté de penser et d’expression à l’homme qui se libère par la compréhension des choses de l’univers. Dans son ouvrage Micromégas, la raison voltairienne est entendue au sens de bon sens, faculté de bien juger et de distinguer le vrai du faux afin de mieux connaître le monde.  Il ne s’agit cependant pas d’une connaissance dogmatique révélée par la foi religieuse mais basée sur l’expérience et l’usage des sciences.

En opposition à cette raison Voltaire oppose la déraison, les excès et folies des hommes.

Questionnaire : la compréhension du conte philosophique : Critiques et dénonciations de l’œuvre voltairienne

Micromégas : un monde déraisonnable

1 -

Montrez que Voltaire nous propose un conte fantastique synonyme de voyage cosmique

C’est un voyage cosmique, le conte nous offre un mélange d’astronomie, de réflexion philosophique et littéraire. Il nous présente un monde dont le désordre est apparent.

2 -

De qui s’inspire Voltaire dans sa tradition du gigantisme?

De Swift ( les voyages de Gulliver) et Rabelais (Gargantua).

3 -

Où vont les héros sirien et saturnien?

Sur la planète Terre

4 -

A quoi vont-ils être très vite confrontés?

Aux grandeurs et folies des terriens.

5 -

Voltaire dénonce t’-il les injustices?

Oui. 

"faim, fatigue, intempérance", il dénonce l’irrationnelle distribution des travaux et des richesses, l’obscurantisme  religieux et l’intolérance.

6 -

Qu’arrive t’-il à Micromégas? Pourquoi doit-il s’exiler?

Il s’exile à la suite de publications savantes qui ont déplu à Muphti

7 -

Qui Muphti représente t’-il?

L’archevêque de Paris

8 -

La justice est-elle dénoncée?

Oui pour ses lenteurs et son ignorance

9 -

Quel épisode de Micromégas le prouve?

La condamnation de Micromégas au bannissement pour un délit d’opinion par des jurisconsultes. Ces derniers n’ont pas étudié les pièces du procès

10 -

Voltaire condamne t’-il la guerre?

Oui, il considère que les buts et enjeux des guerres sont méprisables. Selon le philosophe la gloire militaire est sans valeur et la guerre se voit réduite à l’expression capricieuse des gouvernements souvent liés aux  chefs religieux.

11 -

Cette dénonciation est-elle l’expression chez Voltaire des mécanismes d’une machine infernale?

Oui, c’est cette idée qu’il met en valeur. Il souligne l’absurdité de la guerre et de ses prétentions. La guerre est une folie expression d’un monde déraisonnable.

12 -

Quelles sont les autres folies dénoncées dans cet ouvrage?

- Le fonctionnement de l’esprit humain concernant les préjugés relatifs à l’éducation.

13 -

Quel épisode le prouve?

lorsque Micromégas s’adresse aux humains, sa voix de géant crée l’épouvante sur le bateau, l’aumônier croit au diable, les matelots à leurs superstitions et "les philosophes du bateau firent des systèmes".

14 -

Quel épisode montre notre méconnaissance de nos sens dans notre rapport à la réalité?

Le compagnon de Micromégas tire de fausses conclusions à partir d’observations imparfaites ; La terre est pour lui déserte « puisque leurs yeux et leurs mains n’étant point proportionnés aux petits êtres qui rampent ici, ils ne reçurent pas la moindre sensation qui pût leur faire soupçonner que nous et nos confrères les autres habitants de ce globe avons l’honneur d’exister ».

15 -

Montrez à travers un épisode précis que Voltaire dénonce les préjugés relatifs aux raisonnements des hommes

le Saturnien n’ayant aperçu qu’une baleine sur Terre en déduit que notre globe n’abrite que ces mammifères. Il met ainsi en avant les dangers des généralisations.

16 -

Voltaire dénonce t’-il les systèmes métaphysiques?

Oui, Voltaire les systèmes métaphysiques, il leur reproche de ne pas refléter la réalité et de ne pas pouvoir en rendre compte.

17 -

Quels sont les auteurs visés dans le conte?

Le "poète" Derham et  "son beau ciel empyrée". Fontenelle qui faisait des raisonnements par métaphores : "La nature est comme la nature.

Les systèmes métaphoriques sont contradictoires ainsi que le montre la folle cacophonie du chapitre VII

18 -

A quoi les discours métaphysique de Pangloss dans Candide sont-ils assimilés?

A des discours tautologiques sans consistance et vide de sens

19 -

Pourquoi de manière générale la métaphysique et les discours métaphysiques sont-ils vains? Justifiez votre réponse en citant

ils sont obscurs et prétendument savants

le vieux péripatéticien, disciple d’Aristote, n’hésite pas à affirmer qu’« il faut citer ce qu’on ne comprend point du tout dans la langue qu’on entend le moins ».

Ils sont vains car l’univers dépasse l’entendement humain.

c’est le sens de la parabole du livre blanc qui clôt le conte. La raison ne peut pas tout expliquer. Micromégas en ce sens est une leçon d’humilité.

20 -

L’anthropocentrisme est-il critiqué? Comment?

Oui l’anthropocentrisme est vivement critiqué par Voltaire. Il s’y réfère en faisant allusion au « sourire de supériorité » des Saturniens.

Voltaire critique l’anthropocentrisme à travers sa description de notre globe terrestre montré comme : "irrégulier", "d’une forme (…) ridicule", "où des gens de bon sens ne voudraient pas demeurer". L’homme est minuscule face à l’univers et cela transparait à travers l’intervention du disciple de Saint Thomas : "soutint que leurs personnes, leurs mondes, leurs soleils, leurs étoiles, tout était fait uniquement pour l’homme". L’anthropocentrisme nous montre à quel point la terre est déraisonnable et l’humanité ignorante, orgueilleuse et vaniteuse.

 

Questionnaire sur Micromégas, le héros de la raison

1 -

Peut-on considérer Micromégas comme un adepte de la raison?

Oui, c’est un adepte de la raison

2 -

Comment exerce t’-il sa faculté?

En voyageant  il trouve matière à réflexion et concentre ses efforts sur les sciences de la nature.

3 -

Sur quoi se base sa philosophie.

Sur les faits. L’observation, l’empirisme sont mises en avant mais il faut éviter de projeter nos a priori sur ce que nous observons.

"Le Saturnien et le Sirien s’épuisèrent alors en conjonctures, mais après beaucoup de raisonnements fort ingénieux et fort incertains, il en fallut revenir aux faits".

4 -

Quelle vision du cosmos, Voltaire nous donne t’-il?

La vison d’un cosmos newtonien dominé par la science et régi par les lois de la gravitation universelle.

5 -

A quelle autre vision du cosmos cette dernière s’oppose t’-elle?

A la vision du cosmos de Pascal que Voltaire critique.

6 -

A quoi Voltaire oppose t’-il l’anthropocentrisme?

Au relativisme. Selon Voltaire tout existe selon deux infinis, il en va de même pour Micromégas qui est un « grand petit ». 

Micromegas s’étonne que ces « infiniment petits eussent un orgueil infiniment grandi ».

7 -

Quelle est la mission du philosophe vis-à-vis des hommes trop orgueilleux?

La mission du philosophe est de donner une leçon d’humilité, l’homme ne doit pas vouloir dépasser ses limites, il doit respecter une certaine mesure.

8 - Quelle est la position de Voltaire vis-à-vis de la religion?

Voltaire était déiste, il est contre les religions révélés. Sa religion est fondée sur la raison et la reconnaissance d’une intelligence supérieure.

 

Chapitre 2 de Micromégas: Conversation de l'habitant de Sirius avec celui de Saturne

2.1 Après que Son Excellence se fut couchée, et que le secrétaire se fut approché de son visage : « Il faut avouer, dit Micromégas, que la nature est bien variée. – Oui, dit le Saturnien ; la nature est comme un parterre dont les fleurs... – Ah ! dit l'autre, laissez là votre parterre. – Elle est, reprit le secrétaire, comme une assemblée de blondes et de brunes , dont les parures... – Eh ! qu'ai-je à faire de vos brunes ? dit l'autre . – Elle est donc comme une galerie de peintures dont les traits... – Eh non ! dit le voyageur; encore une fois la nature est comme la nature. Pourquoi lui chercher des comparaisons ? – Pour vous plaire, répondit le secrétaire. – Je ne veux point qu'on me plaise, répondit le voyageur ; je veux qu'on m'instruise : commencez d'abord par me dire combien les hommes de votre globe ont de sens . – Nous en avons soixante et douze, dit l'académicien, et nous nous plaignons tous les jours du peu . Notre imagination va au-delà de nos besoins ; nous trouvons qu'avec nos soixante et douze sens , notre anneau , nos cinq lunes , nous sommes trop bornés ; et, malgré toute notre curiosité et le nombre assez grand de passions qui résultent de nos soixante et douze sens , nous avons tout le temps de nous ennuyer. – Je le crois bien, dit Micromégas; car dans notre globe nous avons près de mille sens , et il nous reste encore je ne sais quel désir vague, je ne sais quelle inquiétude , qui nous avertit sans cesse que nous sommes peu de chose, et qu'il y a des êtres beaucoup plus parfaits . J'ai un peu voyagé ; j'ai vu des mortels fort au- dessous de nous ; j'en ai vu de fort supérieurs ; mais je n'en ai vu aucuns qui n'aient plus de désirs que de vrais besoins, et plus de besoins que de satisfaction. J'arriverai peut-être un jour au pays où il ne manque rien ; mais jusqu'à présent personne ne m'a donné de nouvelles positives de ce pays-là .» Le Saturnien et le Sirien s'épuisèrent alors en conjectures ; mais, après beaucoup de raisonnements fort ingénieux et fort incertains, il en fallut revenir aux faits. «Combien de temps vivez-vous ? dit le Sirien . – Ah! bien peu, répliqua le petit homme de Saturne. – C'est tout comme chez nous, dit le Sirien ; nous nous plaignons toujours du peu. Il faut que ce soit une loi universelle de la nature. – Hélas! nous ne vivons, dit le Saturnien, que cinq cents grandes révolutions du soleil. (Cela revient à quinze mille ans ou environ, à compter à notre manière.) Vous voyez bien que c'est mourir presque au moment que l'on est né ; notre existence est un point, notre durée un instant, notre globe un atome. À peine a-t-on commencé à s'instruire un peu que la mort arrive avant qu'on ait de l'expérience. Pour moi, je n'ose faire aucuns projets ; je me trouve comme une goutte d'eau dans un océan immense. Je suis honteux, surtout devant vous, de la figure ridicule que je fais dans ce monde.»

 

Commentaire du chapitre 2 de Micromégas

Situation du texte

Dans ce chapitre Micromégas rencontre un habitant sur Saturne, ils entament une conversation. Dans le cadre de notre étude, nous allons étudier l'intérêt de cet échange entre les deux personnages extra-terrestres qui dure 300 ans. Nous verrons dans un premier temps que cet échange est une réelle mise en scène et que cette conversion présente un intérêt au niveau philosophique et pour le lecteur.

  • Problématiques possibles
  • En quoi cette conversion est-elle une mise en scène ?
  • Quel est l'intérêt philosophique du débat ?
  • En quoi cette conversation instruit-elle le lecteur sur le sens de la condition humaine ?
  • En quoi peut-on parler d'un débat ?
  • Quelle est la visée de Voltaire ?

Plan possible pour le commentaire :

I – Un échange mis en scène

II – Une conversation philosophique

Une façon de solliciter le lecteur

I – Un échange mis en scène vers un voyage philosophique

L'échange entre Micromégas et l'habitant de Saturne s'apparente à une conversation particulière, construite sous la forme d'un texte narratif. On y retrouve des discours directs et des discours rapportés. Ces derniers sont mis en scène ainsi que le suggèrent les didascalies. Le passé antérieur marque le récit qui s'enrichit des indications gestuelles du personnage, Micromégas doit s'adapter et nous retrouvons les positions de verticalité et d'horizontalité. La présence physique a son importance est se trouve soulignée par la position adoptée, marquant ainsi le face à face dans le sens d'une confrontation sans supériorité. Micromégas s'allonge. Le récit s'accommode d'un certain rythme, plutôt rapide grâce au discours direct, cela fait vivre les personnages dans l'instant et le lecteur en partage le moment dans les détails = ce qui constitue une différence avec le langage du texte théâtral. Nous pouvons souligner la rapidité du discours plus importante au début de la conversation puisqu'elle s'articule autour de questions qui se suivent, de réponses, d'interruption de la parole, d'interjection, de points de suspension, de phrases injonctives, puis de questions rhétoriques. Une énergie se dégage de l'échange lourd, riche, rapide, direct et la conversation devient débat.

Un débat sur quoi ? Les points de vue s'affrontent sur la nature, la matière, la mort.... le débat évolue et le récit se calme pour s'orienter vers la fin de l'échange vers une décision « faire ensemble un petit voyage philosophique ».

II – Une conversation philosophique

Un voyage à deux dans les questionnements philosophiques

De quoi s'agit-il ?

L'affrontement verbal se poursuit entre Micromégas et l'habitant de la planète : leur réflexion est orienté sur la recherche du savoir et des connaissances à acquérir en vue d'une plus grande sagesse.

L'intérêt de Micromégas = les mathématiques et la physique. Il souligne l'importance des sciences sans pour autant négliger les faits. Ce texte est riche et s'articule autour d'images littéraires, caricatures, clichés, images artistiques pour montrer qu'il refuse le manque de rigueur ou la flatterie: «Je ne veux point qu'on me plaise, répondit le voyageur ; je veux qu'on m'instruise : commencez d'abord par me dire combien les hommes de votre globe ont de sens »

Le récit se poursuit malgré la pause (à l'intérieur du récit).

« Le Saturnien et le Sirien s'épuisèrent alors en conjectures ; mais, après beaucoup de raisonnements fort ingénieux et fort incertains, il en fallut revenir aux faits. »
Des conjectures sont exposées mais ils décident de revenir aux faits. La rectitude des raisonnements nécessite (« il en fallut ») de respecter et de comprendre les faits. Une autre question est posée : «Combien de temps vivez-vous ? dit le Sirien ». Un débat s'ouvre sur la durée de vie puis une évocation très relative de la durée de vie jusqu'à la mort. Le temps de vie est donc relatif car il varie mais la mort ou métamorphose, retour à la matière est la même pour tous. «  ce moment de métamorphose est venu, avoir vécu une éternité, ou avoir vécu un jour, c'est précisément la même chose. ». Les réponses sont chiffrées et précises
Par exemple : « Combien comptez-vous de ces propriétés diverses dans votre matière ? – Si vous parlez de ces propriétés, dit le Saturnien, sans lesquelles nous croyons que ce globe ne pourrait subsister tel qu'il est, nous en comptons trois cents » ou encore, 500 grandes révolutions du soleil pour le saturnien.

 

Les étrangers chiffrent leurs différences et leurs ressemblances viennent parfaire la question de l'universalité. Le débat est à présent plus c. entré sur leur condition de vie.

Ce débat cache une réflexion sur la condition humaine à laquelle le lecteur est confrontée. Il peut s'interroger et se remettre en question. La question des sens « combien les hommes de votre globe ont de sens . », trouve son développement de manière plaintive, « nous nous plaignons tous les jours du peu », peu de sens, « nous sommes bornés » et «nous trouvons le temps de nous ennuyer ». La question de l'imagination est envisagée du point de vue des besoins : « notre imagination va au-delà de nos besoins ». Les habitants sont présentés comme insatisfaits, en proie à l'ennui et inquiets quant à leur condition. L'imagination n'est pas la puissance trompeuse de Pascal mais une faculté qui permet de tromper les sens et d'accéder à plus de besoins. En ce sens, l'imagination génère de l'insatisfaction.

A la question des sens Micromégas répond : « Dans notre globe, nous avons près de 1000 sens, et il nous reste encore je ne sais quel désir vague, je ne sais quelle inquiétude, qui nous avertit sans cesse que nous sommes peu de chose, et qu'il y a des êtres beaucoup plus parfaits ». Les personnages sont toujours dans la plainte, étant « mortels », ils s'analysent comme, petits, imparfaits, peu de chose, en dessous de....., inférieurs, ayant une plus petite durée de vie... ; La finitude engendre une sensation de manque qui justifie l'insatisfaction. L'idée mise en avant est que la perfection n'existe pas : « J'ai un peu voyagé ; j'ai vu des mortels fort au- dessous de nous ; j'en ai vu de fort supérieurs ; mais je n'en ai vu aucuns qui n'aient plus de désirs que de vrais besoins, et plus de besoins que de satisfaction. J'arriverai peut-être un jour au pays où il ne manque rien ; mais jusqu'à présent personne ne m'a donné de nouvelles positives de ce pays-là .» (ce pays où il ne manque rien = paradis chrétien).

Quel est le sens de la vie ? Le temps de la vie ? Comment vivre la vie ? Ce qui domine est l'insatisfaction, beaucoup de sens, de temps, de facultés mais... du temps pour s'ennuyer, beaucoup de choses à apprendre et pas assez de temps...

Le mal être de l'homme est valorisé par l'infiniment grand puisqu'il est lui-même imparfait. La question est existentielle. Tous les hommes se plaignent, «je n'en ai vu aucun », « murmurer » et pourtant Micromégas par la litote « j'ai un peu voyagé » prouve que le monde entier est malheureux et se plaint de sa condition.

« j’arriverai peut être un jour a trouver un pays ou il ne manque rien » = Micromégas cherche la perfection mais en vain.

L'homme se situe dans l'infiniment grand et dans l'infiniment petit, c'est « une goutte d'eau dans l'océan ». L'allusion à Pascal est très nette. Une solution pour trouver le bonheur est proposée : « il y a partout des gens de bons sens qui savent prendre leur parti et remercier l’auteur de la nature ». Ainsi le remède à l'insatisfaction est dans l'acceptation et le remerciement de ce que l'on est.

 

Questionnaire sur le passage.

 

*** Les questions possibles de l'examinateur

Entraînez-vous à retrouver les réponses dans le commentaire et à les compléter avec votre compréhension après lecture de l'oeuvre

 

En quoi cet échange est-il philosophique ?

Quels sont les thèmes abordés ?

Comment l'échange évolue t'-il

Ce chapitre est-il selon vous essentiel au conte ?

Quel sens donne t'-il au conte ?

Comment le lecteur peut-il réagir ? Peut-il s'identifier ?

Comment se traduit la rencontre de l'Autre ?

Comment est-elle rendue possible ? Est-ce par les thèmes universels abordés ?

L'universalité est-elle le maître mot de la rencontre ?

Quelle vision du voyage avons-nous ? Permet-il l'ouverture à l'autre ? La rencontre grâce à la nature universelle des êtres ?

Les différences malgré l'universalité de la nature des êtres sont-elles perçues comme ce qui empêche l'ouverture à l'Autre ? Ou au contraire comme un facteur de tolérance et d'acceptation ?

Cette condition commune inclut-elle la complicité avec le lecteur ?

La condition mortelle et l'universalité suffisent-elle à une bonne compréhension des uns et des autres dans l'ouverture et la tolérance ?

L'expérience fondamentale du voyage autorise t'-elle une certaine quête de perfection et d'acceptation de soi à travers l'Autre et de l'Autre ?

Le voyage et la rencontre sont-elles les meilleures expériences pour mieux se connaître soi-même ? Est-ce le message du conte ?

Voltaire invite t'-il le lecteur à dépasser les apparences ? La fantaisie n'est-elle que superficielle ?

 

 

 

 

Commentaire littéraire du chapitre 6 de Micromégas

 

Lecture du texte

CHAPITRE SIXIEME

 
CE QUI LEUR ARRIVA AVEC DES HOMMES
 
Micromégas, bien meilleur observateur que son nain vit clairement que les atomes se parlaient; et il le fit remarquer à son compagnon, qui, honteux de s'être mépris sur l'article de la génération, ne voulut point croire que de pareilles espèces pussent se communiquer des idées. Il avait le don des langues aussi bien que le Sirien; il n'entendait point parler nos atomes, et il supposait qu'ils ne parlaient pas. D'ailleurs, comment ces êtres imperceptibles auraient ils les organes de la voix, et qu'auraient-ils à dire ? Pour parler, il faut penser, ou à peu près; mais s'ils pensaient, ils auraient donc l'équivalent d'une âme. Or, attribuer l'équivalent d'une âme à cette espèce, cela lui paraissait absurde. «Mais, dit le Sirien, vous avez cru tout à l'heure qu'ils faisaient l'amour; est-ce que vous croyez qu'on puisse faire l'amour sans penser et sans proférer quelque parole, ou du moins sans se faire entendre ? Supposez-vous d'ailleurs qu'il soit plus difficile de produire un argument qu'un enfant ? Pour moi, l'un et l'autre me paraissent de grands mystères. -- Je n'ose plus ni croire ni nier, dit le nain; je n'ai plus d'opinion. Il faut tâcher d'examiner ces insectes, nous raisonnerons après. -- C'est fort bien dit », reprit Micromégas; et aussitôt il tira une paire de ciseaux dont il se coupa les ongles et d'une rognure de l'ongle de son pouce, il fit sur-le- champ une espèce de grande trompette parlante, comme un vaste entonnoir, dont il mit le tuyau dans son oreille. La circonférence de l'entonnoir enveloppait le vaisseau et tout l'équipage. La voix la plus faible entrait dans les fibres circulaires de l'ongle; de sorte que, grâce à son industrie, le philosophe de là-haut entendit parfaitement le bourdonnement de nos insectes de là-bas. En peu d'heures il parvint à distinguer les paroles, et enfin à entendre le français. Le nain en fit autant, quoique avec plus de difficulté. L'étonnement des voyageurs redoublait à chaque instant. Ils entendaient des mites parler d'assez bon sens: ce jeu de la nature leur paraissait inexplicable. Vous croyez bien que le Sirien et son nain brûlaient d'impatience de lier conversation avec les atomes; il craignait que sa voix de tonnerre, et surtout celle de Micromégas, n'assourdît les mites sans en être entendue. Il fallait en diminuer la force. Ils se mirent dans la bouche des espèces de petits cure-dents, dont le bout fort effilé venait donner auprès du vaisseau. Le Sirien tenait le nain sur ses genoux, et le vaisseau avec l'équipage sur un ongle; il baissait la tête et parlait bas. Enfin, moyennant toutes ces précautions et bien d'autres encore, il commença ainsi son discours:
 
« Insectes invisibles, que la main du Créateur s'est plu à faire naître dans l'abîme de l'infiniment petit, je le remercie de ce qu'il a daigné me découvrir des secrets qui semblaient impénétrables. Peut-être ne daignerait- on pas vous regarder à ma cour; mais je ne méprise personne, et je vous offre ma protection. »
 
Si jamais il y a eu quelqu'un d'étonné, ce furent les gens qui entendirent ces paroles. Ils ne pouvaient deviner d'où elles partaient. L'aumônier du vaisseau récita les prières des exorcismes, les matelots jurèrent, et les philosophes du vaisseau firent un système; mais quelque système qu'ils fissent, ils ne purent jamais deviner qui leur parlait. Le nain de Saturne, qui avait la voix plus douce que Micromégas, leur apprit alors en peu de mots à quelles espèces ils avaient affaire. Il leur conta le voyage de Saturne, les mit au fait de ce qu'était monsieur Micromégas; et, après les avoir plaints d'être si petits, il leur demanda s'ils avaient toujours été dans ce misérable état si voisin de l'anéantissement, ce qu'ils faisaient dans un globe qui paraissait appartenir à des baleines, s'ils étaient heureux, s'ils multipliaient, s'ils avaient une âme, et cent autres questions de cette nature.
 
Un raisonneur de la troupe, plus hardi que les autres, et choqué de ce qu'on doutait de son âme, observa l'interlocuteur avec des pinnules braquées sur un quart de cercle, fit deux stations, et à la troisième il parla ainsi: « Vous croyez donc, Monsieur, parce que vous avez mille toises depuis la tête jusqu'aux pieds. que vous êtes un... -- Mille toises ! s'écria le nain; juste ciel ! d'où peut-il savoir ma hauteur ? mille toises! Il ne se trompe pas d'un pouce; quoi ! cet atome m'a mesuré ! il est géomètre, il connaît ma grandeur; et moi, qui ne le vois qu'à travers un microscope, je ne connais pas encore la sienne ! -- Oui, je vous ai mesuré, dit le physicien, et je mesurerai bien encore votre grand compagnon. » La proposition fut acceptée; Son Excellence se coucha de son long : car, s'il se fût tenu debout, sa tête eût été trop au-dessus des nuages. Nos philosophes lui plantèrent un grand arbre dans un endroit que le docteur Swift nommerait, mais que je me garderai bien d'appeler par son nom, à cause de mon grand respect pour les dames. Puis, par une suite de triangles liés ensemble, ils conclurent que ce qu'ils voyaient était en effet un jeune homme de cent vingt mille pieds de roi.
 
Alors Micromégas prononça ces paroles : « Je vois plus que jamais qu'il ne faut juger de rien sur sa grandeur apparente. O Dieu ! qui avez donné une intelligence à des substances qui paraissent si méprisables, l'infiniment petit vous coûte aussi peu que l'infiniment grand; et, s'il est possible qu'il y ait des êtres plus petits que ceux-ci, ils peuvent encore avoir un esprit supérieur à ceux de ces superbes animaux que j'ai vus dans le ciel, dont le pied seul couvrirait le globe où je suis descendu. »
 
Un des philosophes lui répondit qu'il pouvait en toute sûreté croire qu'il est en effet des êtres intelligents beaucoup plus petits que l'homme. Il lui conta, non pas tout ce que Virgile a dit de fabuleux sur les abeilles, mais ce que Swammerdam a découvert, et ce que Réaumur a disséqué. Il lui apprit enfin qu'il y a des animaux qui sont pour les abeilles ce que les abeilles sont pour l'homme, ce que le Sirien lui-même était pour ces animaux si vastes dont il parlait, et ce que ces grands animaux sont pour d'autres substances devant lesquelles ils ne paraissent que comme des atomes. Peu à peu la conversation devint intéressante, et Micromégas parla ainsi.

 

Vocabulaire :  

* « pinnules » = instrument de mesure de longueur.

* « toise » = unité de longueur du XVIIIe = environ 1m80.

* « le Dr Swift » = Jonathan Swift, , écrivain irlandais auteur des Voyages de Gulliver (1726, qqs passages censurés – héros se retrouve, ap un naufrage, sur une île inconnue puis au pays des géants notamment).

 

 

Problématiques possibles

Montrez que le regard sur l'autre par la rencontre fait l'objet d'un questionnement

En quoi cette scène est-elle une mise en scène ?

En quoi cette rencontre favorise t'-elle un questionnement philosophique ?

  • Plan du commentaire :
  • I – Un regard sur l'Autre à travers une rencontre
  • Heureuse
  • Mise en scène
  • II – La nature d'un échange avec l'Autre
  • Tolérant et ouvert
  • Respectueux
  • III – Les enjeux philosophiques de la rencontre
  • Ouverture d'esprit dans la :
  • Rationalité
  • Relativité

 

Commentaire et oral EAF

 

Introduction

Dans Micromégas, notre personnage éponyme issu de Sirius et son compagnon de voyage issu de Saturne arrivent sur terre. Cette découverte interplanétaire offre au lecteur un nouveau regard sur le monde. Dans notre passage nous assistons à une confrontation entre humains et extra-terrestres et par cet échange à un questionnement sur l'Autre.

Nous nous demanderons en quoi ce regard sur l'Autre est-il l'objet d'une véritable mise en scène et d'un questionnement philosophique

Dans le but de répondre à notre question, nous verrons dans un premier temps en quoi cette rencontre est heureuse et comment le regard sur l'autre dans le cadre d'un échange tolérant, ouvert est mis en scène. Enfin nous dégagerons l'intérêt philosophique de l'extrait en mettant en avant la rationalité et la relativité du texte. .

I – Un regard sur l'Autre à travers une rencontre

Mise en scène

Heureuse

Cette rencontre fait l'objet d'une mise en scène. Elle situe dans l'avant dernier chapitre du livre. Les deux extra-terrestres font la rencontre d'humains. Comment l'autre est-il perçu ? Qui est-il pour moi ? Que suis-je et qui suis-je pour l'autre ? La rencontre s'engage dans un questionnement. Des procédés sont mis en œuvre pour valoriser cette rencontre. Dès le départ nous voyons Micromégas mettre en œuvre un moyen d'entrer en contact avec les minuscules terriens. Ils entrent en contact avec une trompette fabriquée par Micromégas. Ingéniosité des extra-terrestres suivi de l'étonnement « brûlaient d'impatience » à l'idée de découvrir les êtres minuscules appelés terriens. Micromégas s'adresse ensuite aux humains « qui habite en dehors de la terre, qui vient d’ailleurs », le terrien est qualifié «d'insectes invisibles » pour décrire leur petitesse face au géant. Il les apostrophe ainsi : « Insectes invisibles, que la main de Créateur s’est plu à faire naître dans l’abîme de l’infiniment petit ». L'emphase se double d'assonances en «in » et en «i », «insectes invisibles », « main », «abîme de l'infiniment petit ». L'apostrophe est également solennelle car Micromégas fait allusion au Dieu créateur des petites créatures appelées «les terriens ». Ces derniers étonnés, s'interrogent ensuite sur l'origine de cette interpellation «ils ne pouvaient deviner d'où elles partaient ». Le contact se fait donc en deux temps : étonnement puis questions. Mais cette rencontre mise en scène est heureuse. C'est le temps de l'échange. Nous sommes dans le troisième paragraphe du texte. Les conditions semblent favorables à un échange serein, les humains vont jusqu'à se munir de pinnules pour mieux scruter l'autre : « observa l'interlocuteur avec des pinnules braquées sur un quart de cercle ». Tout se prête et favorise l'attention des terriens pour les extra-terrestres et inversement. Ils sont prêts à s'écouter et à se découvrir. Les éléments sont en place pour une véritable rencontre basé sur une ouverture d'esprit et une acceptation des différences.

 

II – La nature d'un échange avec l'Autre

Tolérant et ouvert

Respectueux

Le conte distrait mais il instruit, on retrouve dans cet échange les deux fonctions du conte. Le lecteur est à présent invité à découvrir la rencontre de deux mondes sur la base des valeurs essentielles pour qu'elle soit fructueuse et respectueuse. L'Autre est un inconnu mais il est assimilé à un égal car chacun fait preuve d'ouverture d'esprit. La curiosité que les uns manifestent vis-à-vis des autres ne se substitue pas au partage tolérant et ouvert. « si jamais il y eut quelqu’un d’étonné » ou encore de la part du saturnien « Mille toises ! s’écria le nain. Juste ciel !... ». L'étonnement est le point de départ du questionnement «des secrets qui semblaient impénétrables ».

La recherche de l'autre est bénéfique, elle s'organise progressivement par l'observation ainsi que le suggère le champ lexical de la mesure : « mille toises », « géomètre», « je vous ai mesuré » « dans un endroit que […] je me garderai bien d’appeler par son nom à cause de mon grand respect pour les dames ». La mesure favorise la rencontre et le contact avec l'autre malgré la différence de taille entre les extra-terrestres, le géant et les terriens. Micromégas va jusqu'à faire l'éloge des petits hommes à travers ces expressions, « intelligence », « esprit supérieur ». Le respect est total « il ne faut juger de rien sur sa grandeur apparente ». L'autre n'est pas un danger mais un ami potentiel qu'il faut prendre le temps de découvrir en acceptant les différences. La condition première est de faire preuve d'ouverture d'esprit.

III – Les enjeux philosophiques de la rencontre

Ouverture d'esprit dans la:

Rationalité

Relativité

L'ouverture d'esprit dont les personnages, terriens et extra-terrestres font preuve témoigne d'une certaine rationalité dans les enjeux philosophiques. En effet, la rencontre est rendue possible par la mesure mais également par l'observation car s'ils n'avaient pas pris le temps de regarder et d'observer l'autre,il y aurait eu le risque du préjugé ou des systèmes. Mais au contraire, l'observation et la mesure aboutissent à une réelle connaissance de l'autre : « il ne se trompe pas d’un pouce », « il connaît ma grandeur ». Le message de Voltaire est clair : il ne faut pas précipiter son jugement, il faut connaître avant de juger. L'acceptation des différences présuppose l'observation et la rationalité. L'homme doit faire confiance à sa raison avant de sombrer dans les préjugés ou d'adhérer aux systèmes tout faits. La rationalité est valorisée, elle permet à l'autre d'accepter les différences.

La relativité est un concept important dans le conte Micromégas, concept qui fait écho au philosophe Pascal : l'homme est un entre deux, il se situe entre deux infinis, l'infiniment grand et l'infiniment petit. Il est grand face aux plus petits que lui et petit dans le cas contraire. Mais c'est un être doué de raison, « un roseau pensant », fragile mais capable de grandeur et d'élévation par l'esprit.

Conclusion

Ce passage met en avant une vision optimiste de l'homme capable d'ouverture d'esprit et d'acceptation des différences grâce à son sens de l'observation et à la rationalité. Il peut sortir des préjugés et anticiper sur un bien vivre ensemble dans la paix. Si l'équilibre de l'homme est fragile, il est aussi capable de grandeur grâce à la raison. On retrouve ainsi l'idéal des lumières.

 

Questionnaire sur le passage.

 

*** Les questions possibles de l'examinateur

Entraînez-vous à retrouver les réponses dans le commentaire et à les compléter avec votre compréhension après lecture de l'oeuvre

 

I -

Comment la rencontre s'engage t'-elle ?

Comment la rencontre est-elle valorisée ?

Que traduit l'étonnement ?

Montrez que le discours de Micromégas est emphatique

Relevez les assonances

Quel effet ont-elles ?

L'apostrophe est-elle solennelle ?

En combien de temps le contact se fait-il ?

La rencontre est-elle heureuse ?

Avons-nous tous les éléments pour une véritable rencontre ?

II -

Sur quelles bases le lecteur découvre t'-il la rencontre des deux mondes ? Développez votre réponse en quelques lignes

Comment l'Autre est-il perçu ?

Peut-on parler d'ouverture d'esprit ?

La recherche de l'Autre est-elle bénéfique ?

Que traduit le champ lexical de la mesure ?

Relevez les expressions et phrases de Micromégas qui expriment son respect vis-à-vis des terriens

L'Autre est-il un ami potentiel ou un danger ?

III -

Quel rôle l'observation joue t'-elle ? Que favorise t'-elle ?

Comment échapper aux préjugés et aux systèmes ?

Quel est le message de Voltaire ?

Que présuppose l'acceptation des différences ?

Pourquoi la rationalité est-elle valorisée ?

Qu'en est-il de la relativité ?

A quel philosophe, le concept de relativité fait-il écho ?

Ce chapitre offre t'-il une vision optimiste de l'homme ?

Montrez que l'on retrouve les valeurs des Lumières

 

Ouverture avec Pascal

 

Blaise Pascal (1623-1662), Pensées : l’homme et les deux infinis

Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent, qu'il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que ces astres qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination passe outre. Tout ce monde visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature, nulle idée n'en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. C'est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part..

Que l'homme étant revenu à soi considère ce qu'il est au prix de ce qui est ; qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature, et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même, son juste prix. Qu'est-ce qu'un homme, dans l'infini ?  

 

Lecture : pour aller plus loin


Jonathan SWIFT, Voyages de Gulliver (1726)

 

Le narrateur vient d’échapper à un naufrage…il arrive à Lilliput.

Je fils près d’un quart de lieue dans découvrir aucune maison, ni aucun vestige d’habitants ; ou du moins j’étais trop exténué pour les apercevoir. La fatigue, la chaleur et une demie-pinte d’eau-de-vie que j’avais bue en abandonnant le vaisseau, tout cela m’excita à dormir. Je me couchai sur l’herbe, qui était très fine et très douce ; bientôt je fus enseveli dans le plus profond sommeil que j’eusse jamais goûté, et qui dura environ neuf heures, car je ne m’éveillai qu’au jour. J’essayai alors de me lever; mais ce fut en vain. Comme je m’étais couché sur le dos, je trouvai mes bras et mes jambes attachés à la terre de l’un et de l’autre côté, et mes cheveux, qui étaient longs et épais, attachés de la même manière. Je trouvai même plusieurs ligatures très minces qui entouraient mon corps depuis mes aisselles jusqu’à mes cuisses.

Je ne pouvais regarder que le ciel ; le soleil commençait à être fort chaud, et sa grande clarté fatiguait mes yeux. J’entendis un bruit confus autour de moi ; mais dans la posture où j’étais je ne pouvais, je le répète, rien voir que le ciel. Bientôt je sentis remuer quelque chose sur ma jambe gauche, et cet objet, avançant doucement sur ma poitrine, monter presque jusqu’à mon menton. Dirigeant, comme je le pus, ma vue de ce côté, j’aperçus une créature humaine, haute tout au plus de six pouces, tenant à la main un arc et une flèche, et portant un carquois sur le dos! J’en vis en même temps au moins quarante autres de la même espèce qui la suivaient. Dans ma surprise, je jetai de tels cris, que tous ces petits êtres se retirèrent saisis de peur; et il y en eut même quelques-uns, comme je l’ai appris ensuite, qui furent dangereusement blessés par les chutes qu’ils firent en se précipitant à terre. Néanmoins ils revinrent bientôt; et un d’eux, qui eut la hardiesse de s’avancer assez pour voir entièrement mon visage, levant les mains et les yeux en signe d’étonnement, s’écria d’une voix aigre, mais distincte : hekinah degul. Les autres répétèrent plusieurs fois les mêmes mots ; mais je n’en compris pas alors le sens. J’étais pendant ce temps-là, comme le lecteur peut le penser, dans une position fort gênante. Enfin, par mes efforts pour me mettre en liberté, j’eus le bonheur de rompre les cordons ou fils, et d’arracher les chevilles qui attachaient mon bras droit à la terre ; car en le haussant un peu, j’avais découvert ce qui me tenait captif. En même temps, par une secousse violente qui me causa une douleur extrême, je lâchai un peu les cordons qui attachaient mes cheveux du côté droit, en sorte que je me trouvai en état de tourner un peu la tête. Alors ces insectes humains prirent la fuite avant que je pusse les toucher, et poussèrent des cris très aigus. Ce bruit cessant, j’entendis un d’eux s’écrier: tolgo phonac; et aussitôt je me sentis percé à la main gauche de plus de cent flèches qui me piquaient comme autant d’aiguilles. Ils en firent ensuite une autre décharge en l’air, comme nous tirons des bombes en Europe; plusieurs, je crois, me tombaient sur le corps, quoique je ne les aperçusse pas, et d’autres s’abattaient sur mon visage, que je tâchai de couvrir avec ma main…

 

Voyage à Brobdingnag

Quand nous fûmes à terre, nous ne vîmes ni rivière ni fontaine, ni aucuns vestiges d’habitants, ce qui obligea nos gens à côtoyer le rivage pour chercher de l’eau fraîche proche de la mer. Pour moi, je me promenai seul, et avançai environ un mille dans les terres, où je ne remarquai qu’un pays stérile et plein de rochers. Je commençais à me lasser ; et, n voyant rien qui pût satisfaire ma curiosité, je m’en retournais doucement vers la petite baie, lorsque je vis nos hommes sur la chaloupe, qui semblaient tâcher, à force de rames, de sauver leur vie, et je remarquai en même temps qu’ils étaient poursuivis par un homme d’une grandeur prodigieuse. La mer, dans laquelle il marchait, ne montait pas plus haut que ses genoux et il faisait des enjambées extraordinaires; mais nos gens avaient pris le devant d’une demi-lieue, et, la mer étant dans cet endroit pleine de rochers, le grand homme ne put atteindre la chaloupe. Ces détails me furent contés par la suite, car dans le moment je ne songeai qu’à aussi vite que je pus, et je grimpai jusqu’au sommet d’une montagne escarpée, d’où je découvris une partie du pays. Je le trouvai parfaitement cultivé; mais ce qui me surprit d’abord fut la grandeur de l’herbe, qui me parut avoir plus de vingt pieds de hauteur.

Je pris un grand chemin, qui me sembla tel, quoiqu’il ne fût pour les habitants qu’un petit sentier qui traversait un champ d’orge. Là, je marchai pendant quelque temps ; mais je ne pouvais presque rien voir, le temps de la moisson étant proche et les blés étant hauts de quarante pieds au moins. Je cheminai pendant une heure avant de pouvoir arriver à l’extrémité de ce champ, qui était enclos d’une haie haute au moins de cent vingt pieds pour les arbres, ils étaient si grands, qu’il me fut impossible d’en supputer la hauteur. Une borne séparait ce champ d’un autre enclos. Quatre marches conduisaient à une longue pierre, sur laquelle on passait d’un côté à l’autre; mais je n’aurais pu franchir ce passage, les degrés ayant six pieds de haut, et la pierre qui les couronnait plus de vingt pieds.

Je tâchais de découvrir un passage à travers la haie, quand j’aperçus dans le champ voisin un habitant de la même taille que celui que j’avais vu dans la mer poursuivant notre chaloupe. Il me parut aussi haut qu’un clocher ordinaire, et il faisait environ cinq toises par enjambée, autant que je pus en juger. Je fus frappé d’une frayeur extrême, et je courus me cacher dans le blé, d’où je le vis arriver à une ouverture de la haie, jetant les yeux çà et là, et appelant d’une voix plus grosse et plus retentissante que si elle fût sortie d’un porte-voix: le son était si fort et partait de si haut, que je crus entendre le tonnerre. Aussitôt sept hommes de sa taille s’avancèrent vers lui, tenant chacun une faucille de la grandeur de six faux. Ces gens n’étaient pas aussi bien habillés que le premier, dont ils semblaient être les domestiques. D’après les ordres qu’il leur donna, ils allèrent couper le blé dans le champ où j’étais couché. Je m’éloignai d’eux autant que je pus; mais je ne me déplaçais qu’avec une difficulté extrême; car les tuyaux du blé n’étaient pas quelquefois éloignés de plus d’un pied l’un de l’autre, en sorte que je me glissais très péniblement dans cette espèce de forêt. Je m’avançai cependant jusqu’à un endroit du champ où la pluie et le vent avaient couché le blé: il me fut alors tout à fait impossible d’aller plus loin ; car les tuyaux étaient tellement entrelacés, qu’il n’y avait pas moyen de ramper au travers, et les barbes des épis tombés étaient si fortes et si pointues, qu’elles perçaient mon habit, et m’entraient dans la chair. Cependant j’entendais même les moissonneurs qui n’étaient qu’à cinquante toises de moi. Epuisé, réduit au désespoir, je me couchai entre deux sillons, et je souhaitai d’y finir mes jours, me représentant ma veuve désolée, mes enfants orphelins, et déplorant la folie qui m’avait fait entreprendre ce second voyage contre l’avis de tous mes amis et de tous mes parents.

Dans cette terrible agitation, je ne pouvais m’empêcher de songer au pays de Lilliput, où j’avais été regardé comme le plus grand prodige qui eût jamais paru dans le monde, où j’avais été capable d’entraîner une flotte entière d’une seule main et de faire d’autres actions merveilleuses dont la mémoire sera éternellement conservée dans les chroniques de cet empire, et que la postérité croira avec peine, quoique attestées par toute une nation.

Je pensai combien il serait mortifiant pour moi de paraître aussi misérable aux yeux de la nation parmi laquelle je me trouvais alors qu’un Lilliputien le serait parmi nous ; mais je regardais cela comme le moindre de mes malheurs; car on remarque que les créatures humaines sont ordinairement sauvages et cruelles en proportion de leur taille ; et d’après cela, que pouvais-je attendre, sinon de n’être bientôt qu’un morceau dans la bouche du premier de ces hommes monstrueux qui me saisirait ?

En vérité, les philosophes ont bien raison quand ils nous disent qu’il n’y a rien de grand ou de petit que par comparaison. Peut-être que les Lilliputiens trouveront quelque nation plus petite à leur égard qu’ils ne me le parurent; et qui sait si cette race prodigieuse de mortels ne serait pas une nation lilliputienne par rapport à celle de quelque pays n’avons pas encore découvert?

 


 

 


 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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