Jeannot et Colin, Voltaire

DNBAC

 

 

Voltaire- Jeannot et Colin.

Commentaire et préparation orale de l'incipit Document 1

 

Lecture de l'incipit

 

plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot et Colin à l'école dans la ville d'Issoire, en Auvergne, ville fameuse dans tout l'univers par son collège et par ses chaudrons. Jeannot était fils d'un marchand de mulets très renommé ; Colin devait le jour à un brave laboureur des environs, qui cultivait la terre avec quatre mulets, et qui, après avoir payé la taille, le taillon, les aides et gabelles, le sou pour livre, la capitation, et les vingtièmes, ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année. Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats ; ils s'aimaient beaucoup ; et ils avaient ensemble de petites privautés, de petites familiarités, dont on se ressouvient toujours avec agrément quand on se rencontre ensuite dans le monde. Le temps de leurs études était sur le point de finir, quand un tailleur apporta à Jeannot un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût ; le tout était accompagné d'une lettre à M. de La Jeannotière. Colin admira l'habit, et ne fut point jaloux ; mais Jeannot prit un air de supériorité qui affligea Colin. Dès ce moment Jeannot n'étudia plus, se regarda au miroir, et méprisa tout le monde. Quelque temps après un valet de chambre arrive en poste, et apporte une seconde lettre à monsieur le marquis de La Jeannotière ; c'était un ordre de monsieur son père de faire venir monsieur son fils à Paris. Jeannot monta en chaise en tendant la main à Colin avec un sourire de protection assez noble. Colin sentit son néant, et pleura. Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire. Les lecteurs qui aiment à s'instruire doivent savoir que M. Jeannot, le père, avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les affaires. Vous demandez comment on fait ces grandes fortunes ? C'est parce qu’on est heureux. M. Jeannot était bien fait, sa femme aussi, et elle avait encore de la fraîcheur. Ils allèrent à Paris pour un procès qui les ruinait, lorsque la fortune, qui élève et qui abaisse les hommes à son gré, les présenta à la femme d'un entrepreneur des hôpitaux des armées, homme d'un grand talent, et qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an que le canon n'en fait périr en dix. Jeannot plut à madame ; la femme de Jeannot plut à monsieur. Jeannot fut bientôt de part dans l'entreprise ; il entra dans d'autres affaires. Dès qu'on est dans le fil de l'eau, il n'y a qu'à se laisser aller ; on fait sans peine une fortune immense. Les gredins, qui du rivage vous regardent voguer à pleines voiles, ouvrent des yeux étonnés ; ils ne savent comment vous avez pu parvenir ; ils vous envient au hasard, et font contre vous des brochures que vous ne lisez point. C'est ce qui arriva à Jeannot le père, qui fut bientôt M. de La Jeannotière, et qui, ayant acheté un marquisat au bout de six mois, retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à Paris dans le beau monde.

 

Commentaire et questionnaires EAF

Introduction

Voltaire n'est pas son vrai nom, C'est François-Marie Arouet, né dans une famille aisée de commerçants, il fait ses études chez les jésuites dans un collège réputé, il aura une solide formation de rhétorique (d'argumentation). C'est quelqu’un d’insolent et d’indépendant. Il écrit contre le régent, ce qui l'enverra en prison très jeune. Dès qu'il en sort il écrit une pièce de théâtre dramaturge : Œdipe  1718 ( succès honorable). Il sera embastillé ( prisonnier politique). A sa sortie il s'exile durant deux ans en Angleterre et y connaîtra un autre type de monarchie parlementaire et libérale : Le roi n'est pas tout seul à décider. Il y découvrira la tolérance notamment religieuse( libre choix) en France c'est impossible. Il a envoyé plus de 20000 lettres tout au long de sa vie. Il continue à écrire des pièces de libertés politiques et religieuses sur ses thèmes préférés. En France il publie pour la prospérité et le progrès, des livres philosophiques. Les livres seront interdits et Voltaire est donc menacé d'expulsion et s'exile en Lorraine. Il y aura une certaine libéralisation à la cours de France à cause des liaisons entre Louis XIVI et Mme de Montespan, il lui faudra  revenir à Versailles, il  devient ensuite  à sa demande historiographe. Et reconnaissant de son talent à l’académie Française ( crééé par Richelieu) il continue d' écrire ( Micromégas, Zadig). En 1747, il part en Prusse suite au décès de Madame du Chatelet son amie, et y restera 5 ans car il se disputera avec l'empereur. La France lui refuse l'asile et il se réfugie à Genève, on lui demandera de la quitter car il écrira contre sa politique . Voltaire ne cesse de dénoncer  ce qui lui semble être injuste ex: affaire Callas. Il ne fut plus jamais invité à Versailles, il  meurt à Paris le 30 Mai 1778, il sera enterré clandestinement car l'église lui refuse les obsèques. 13 ans plus tard, son corps est enterré au Panthéon et est reconnu. C' est un écrivain dramaturge philosophe et conteur incontournable du XVIII.

Questions sur l'introduction: Réponses dans l'introduction

Quelle fut la première pièce de théâtre écrite par Voltaire? Œdipe

Est-elle écrite en vers ou en prose? En alexandrins

Quand et où fut-elle présentée pour la première fois? A la comédie Française en 1718

Quelle est la caractéristique de cette pièce de théâtre?

Œdipe ne souffre pas de culpabilité. La responsabilité est rejetée sur la barbarie des Dieux.

A quel moment Arouet prend t'-il le nom de Voltaire? Lorsqu'il écrivit Œdipe

Comment cette tragédie fut-elle accueillie? Avec enthousiasme au point de marquer le commencement du succès de l'auteur.

Quel âge avait Voltaire lorsqu'il composa Œdipe? 19 ans

Pourquoi Voltaire fut-il embastillé?

 

Prise de position de Voltaire pour l'affaire Calas;

L'affaire Cals est une affaire judiciaire, 18ème siècle rendue célèbre par Voltaire. Le suspect est devenu la victime expiatoire. Le fils aîné de la famille Cals est retrouvé pendu. Le père et le fils cadet sont accusés du meurtre. La famille Calas était protestante. Nous sommes dans un climat de fanatisme et d'intolérance religieuse. La rumeur est la suivante: un meurtre calviniste aurait été perpétré. Le fils Marc Antoine Calas aurait été assassiné par ses propres parents qui tout d'abord affirment avoir trouvé le cadavre allongé par terre, puis avouent avoir découvert Marc Antoine pendu et l'avoir dépendu pour accréditer la thèse du meurtre et cacher un suicide qui l'aurait empêché d'être enterré religieusement. Le mensonge se retourne contre eux. Jean Calas aurait pour l'accusation tué son fils pour l'empêcher de suivre son frère aîné converti au catholicisme.  Le père fut condamné à mort le 10 mars 1762; Mais un autre fils, Pierre, après s'être rendu à Genève, ville calviniste, rencontre Voltaire. Convaincu par Pierre de l'innocence de Jean Calas, Voltaire tente de rétablir la justice dans le but de réhabiliter la mémoire de Calas en demandant une révision du procès.

Rédaction de son ouvrage, Traité sur la Tolérance. L'affaire illustre l'iniquité de la justice royale. 1765, Calas est déclaré innocent. L'affaire Calas est une des causes les plus célèbres d'erreurs judiciaires.

 

Petit questionnaire sur l'affaire Calas: questions de connaissance

Faire une résumé de 4 ou 5 lignes de l'affaire Calas

En quoi cette affaire est-elle révélatrice de l'engagement de Voltaire contre toutes les formes d'iniquités et en particulier de l'iniquité de la justice royale?

Quel ouvrage le philosophe écrit-il dans ce but?

 

Problématiques possibles:

  • Cet incipit répond t-il aux codes traditionnels ?
  • En quoi cet incipit est-il original ?
  • En quoi s'agit-il d'un conte philosophique ?

 

  • Plan de l'étude:
  • I – Un début de conte philosophique
  • 1 – En quoi est-ce un conte?
  • 2 – Portrait psychologique des personnages
  • Des stéréotypes
  • 3 – Structure narrative du conte
  • II – L'ironie voltairienne

 

- Un début de conte philosophique

 

1- En quoi est-ce un conte?

Cadre spécifique réaliste car Issoire existe réellement. Mais ce cadre est caractérisé de façon fantaisiste « Ville fameuse dans tout l'Univers pour son collège et par ses chaudrons » : ironie perceptible dans cette expression, antithèse entre adj qualificatif, le complément de lieu et de circonstance de cause. « Fama, ae, f »= la renommée ( au fin fond de l'Auvergne) hyperbole : exagération ironique. Chaudrons : éléments de chute comique. Impôts de l'époque de l'ancien régime « payé taille, taillon[...] » Aucune indication temporelle donc l’essentiel du propos est atemporel : Il s'agit d'un conte destiné à illustrer une morale.  les impôts évoqués ayant été supprimés à la révolution Française nous savons que ce texte se passe sous l'ancien régime.

  • I-  Questionnaire : les réponses sont dans le commentaire. Les questions respectent les axes d'étude
  • 1 -
  • Quel événement fait du cadre du conte, un cadre réaliste?
  • Relevez l'expression qui montre l'aspect fantaisiste du cadre
  • Voyez-vous dans cette citation une marque d'ironie de la part de Voltaire?
  • Analysez l'aspect antithétique de la citation
  • Relevez et analysez l'élément de la chute comique
  • Le lecteur a t'-il des indications temporelles
  • Quel est le genre littéraire de cet incipit?
  • Proposez une définition de l'incipit
  • Quelles sont ses fonctions essentielles?

 

2- Portrait psychologique  des personnages simplifiés : ils sont des stéréotypes :

Les personnages sont situés socialement, caractérisés par leur profession : on parle de marchands, de laboureurs, ils  portent des prénoms  courants. Ces personnages s'opposent de manière très nette et de façon caricaturale, Jeannot est le fils d'un marchand très renommé alors que Colin est le fils d'un brave laboureur qui n'est pas riche. Leur psychologie est évoquée de façon sommaire= caractéristique du genre du conte. Jeannot est l'incarnation de la vanité donc toutes les actions de ce personnage ne servent qu'à illustrer ce défaut et nous n'avons aucune autres informations sur sa profondeur psychologique.

Champs lexical de la vanité  « puis un air de supériorité ;méprisa tout le monde ;  sourire de protection assez noble » = Condescendance ( supériorité

bienveillante avec du  mépris. ). Gradation : Jeannot ( diminutif enfantin) à Mr. De la Jeannotière à Marquis de la Jeannotière= Ridicule par le choix du nom, un diminutif anobli ne peut que faire sourire, Marquis> + bas titre de noblesse.

Le personnage du père autre gradation : marchand de mulets à Monsieur son père. Colin incarne la bonté, la fidélité, l'amitié indéfectible. Le bon Colin point jaloux s'oppose au vaniteux Jeannot, sa sensibilité est mise en avant « affligeât » « pleura »

  • 2 - Questionnaire
  • Comment les personnages sont-ils présentés?
  • Quelle est leur caractéristique la plus évidente?
  • Qui est Jeannot?
  • Qui est Colin?
  • Leur psychologie est-elle évoquée?
  • Est-ce caractéristique du conte?
  • Que symbolise Jeannot?
  • Relevez le champ lexical de la vanité
  • Relevez une gradation dans le texte faîte à partir du diminutif Jeannot
  • Que symbolise Colin?
  • Citez le texte pour justifier votre réponse

 

3- Structure narrative du conte

Passé composé « plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot » (pas de passé simple) ce passé donne au texte l'aspect d'un récit oral(  le présent de narration : peinture de la scène comme si elle se déroulait sous nos yeux et cela donne un ton + vivant au récit. On a également la syntaxe qui ajoute à la vivacité. En effet dans les phrases complexes les propositions sont souvent reliées par coordination ou juxtaposition. On n'a pas de subordination donc le rythme est rapide grâce aux nombreux signes de ponctuations « , » « ; ».

 élément perturbateur (passé simple) l'élément en lui-même est l'habit, c'est l'objet maléfique qui va rompre l'harmonie initiale. L'enchaînement des péripéties très rapides  est comme dans un conte. + connecteurs temporels « quand » , « dès ce moment » ; et succession de verbes d'action + ellipses temporelles fréquentes dans les contes « quelques temps après », quelque chose de très caractérisé.

  • 3 -  Questionnaire
  • Quel est le temps dominant du texte?
  • Cela s'accorde t'-il avec un récit oral?
  • Comment le texte est-il rendu plus vivant?
  • Relevez tous les indices, les expressions et procédés utilisés et analysez les
  • Quel est l'élément perturbateur dans cet incipit?
  • Que peut dire le lecteur des péripéties?
  • Montrez en citant que les péripéties se déroulent comme dans un conte

 

II- L'ironie Voltairienne :

Formule initiale « plusieurs personnes digne de foi » , cela semble attester de l'authenticité de l'histoire mais la suite de la phrase montre bien qu'il ne faut pas croire à ces témoignages. C'est un jeu ironique avec le lecteur et correspond au ton  et fantaisiste du conte de plus, on est dans l'affaire Calas : il faut se méfier des témoignages.

Narrateur omniscient n'intervient pas dans l'histoire mais il a  un regard moqueur sur ses personnages + présent de vérité générale  lorsqu'il dévoile les sentiments des personnages. Cependant pas de jugements du narrateur. Antithèse ironique  « marchand de mulets très renommé ». Concernant la vanité de Jeannot, il préfère laisser le lecteur condamner lui-même cette attitude méprisante. Ainsi, l'air de supériorité est la conséquence d'un élément dérisoire, un habit de velours. De même, la conjonction de coordination « et » a une valeur conséquente. C'est parce qu'il se regarde dans le miroir, qu'il maîtrise  le monde= ridiculise. De même « c'était un ordre... » rien d'explicite qui montre qu'il trouve ridicule leur prétention mais c'est une lourdeur du style pour attirer l'attention du lecteur, sur les grands airs que prennent les personnages. Cependant, il y a une relation de complicité avec le lecteur « on » pronom perso indéfini. Répétition de « petite », « petites privautés », « petites alités » en « t »> impression que le narrateur chuchote des informations au lecteur.

énonciation sociale : -les nobles, les inégalités sociales .

  • injustices sociales (impôts) qui accable les + démunis, accumulation, litote « ne se trouvait pas puissamment riche ... ».

  • II - Questionnaire
  • Analysez la formule initiale
  • Quel est le contexte historique de l'histoire?
  • Comment et en quoi la formule initiale reflète t'-elle le ton ironique de Voltaire?
  • Quel est le point de vue du narrateur?
  • Intervient-il dans l'histoire?
  • Quel regard a t'-il sur ses personnages?
  • A quel moment utilise t'-il le présent de vérité générale? Dans quel but?
  • Relevez une antithèse ironique relative au père de Jeannot et analysez la
  • A quoi la vanité et l'attitude méprisante de Jeannot sont-elles associées?
  • Comment Voltaire parvient-il à mettre en valeur le ridicule de la situation?
  • Quelle est la place laissée au lecteur?
  • Relevez une accumulation, une litote qui traduisent l'injustice sociale
 

Conclusion -

Seulement 19 lignes  nous renseignent

* Début de récit qui correspond bien au genre du conte, pour la présentation simplifiée des caractères des personnages et des situations + rapidité du récit.

* Début du conte philosophique , pour les dénonciations sociales + ironie de l'auteur

  • Jeu avec le lecteur qui suscite, le plaisir de ce dernier et qui évite le seuil de la fable trop visiblement didactique.

  • Questions sur la conclusion:
  • Cet incipit remplit-il ses fonctions?
  • Citez deux autres contes philosophiques de Voltaire
  • Quelle est la morale du conte?

 

Voltaire- Jeannot et Colin. Étude et oral EAF

Commentaire et préparation orale "Monsieur voulait que son fils.... son avis" : Document 2

Oral EAF

*** Lecture  du texte

Monsieur voulait que son fils apprît le latin, madame ne le voulait pas. Ils prirent pour arbitre un auteur qui était célèbre alors par des ouvrages agréables. Il fut prié à dîner. Le maître de la maison commença par lui dire d'abord: "Monsieur, comme vous savez le latin, et que vous êtes un homme de la cour... - Moi, monsieur, du latin! je n'en sais pas un mot, répondit le bel esprit, et bien m'en a pris; il est clair qu'on parle beaucoup mieux sa langue quand on ne partage pas son application entre elle et les langues étrangères. Voyez toutes nos dames, elles ont l'esprit plus agréable que les hommes; leurs lettres sont écrites avec cent fois plus de grâce; elles n'ont sur nous cette supériorité que parce qu'elles ne savent pas le latin.

- Eh bien! n'avais-je pas raison? dit madame. Je veux que mon fils soit un homme d'esprit, qu'il réussisse dans le monde; et vous voyez bien que, s'il savait le latin, il serait perdu. Joue-t-on, s'il vous plaît, la comédie et l'opéra en latin? Plaide-t-on en latin quand on a un procès? Fait-on l'amour en latin?" Monsieur, ébloui de ces raisons, passa condamnation, et il fut conclu que le jeune marquis ne perdrait point son temps à connaître Cicéron, Horace, et Virgile. "Mais qu'apprendra-t-il donc? car encore faut-il qu'il sache quelque chose; ne pourrait-on pas lui montrer un peu de géographie? - A quoi cela lui servira-t-il? répondit le gouverneur. Quand monsieur le marquis ira dans ses terres les postillons ne sauront-ils pas les chemins? ils ne l'égareront certainement pas. On n'a pas besoin d'un quart de cercle pour voyager, et on va très commodément de Paris en Auvergne, sans qu'il soit besoin de savoir sous quelle latitude on se trouve.

- Vous avez raison, répliqua le père; mais j'ai entendu parler d'une belle science qu'on appelle, je crois, l'astronomie. - Quelle pitié! repartit le gouverneur; se conduit-on par les astres dans ce monde? et faudra-t-il que monsieur le marquis se tue à calculer une éclipse, quand il la trouve à point nommé dans l'almanach, qui lui enseigne de plus les fêtes mobiles, l'âge de la lune, et celui de toutes les princesses de l'Europe?"

Madame fut entièrement de l'avis du gouverneur. Le petit marquis était au comble de la joie; le père était très indécis. "Que faudra-t-il donc apprendre à mon fils? disait-il. - A être aimable, répondit l'ami que l'on consultait; et s'il sait les moyens de plaire, il saura tout: c'est un art qu'il apprendra chez madame sa mère, sans que ni l'un ni l'autre se donnent la moindre peine."

Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit: "On voit bien, monsieur, que vous êtes l'homme du monde le plus savant; mon fils vous devra toute son éducation: je m'imagine pourtant qu'il ne serait pas mal qu'il sût un peu d'histoire. - Hélas! madame, à quoi cela est-il bon? répondit-il; il n'y a certainement d'agréable et d'utile que l'histoire du jour. Toutes les histoires anciennes, comme le disait un de nos beaux esprits, ne sont que des fables convenues; et pour les modernes; c'est un chaos qu'on ne peut débrouiller. Qu'importe à monsieur votre fils que Charlemagne ait institué les douze pairs de France, et que son successeur ait été bègue?

- Rien n'est mieux dit! s'écria le gouverneur: on étouffe l'esprit des enfants sous un amas de connaissances inutiles; mais de toutes les sciences la plus absurde, à mon avis, et celle qui est la plus capable d'étouffer toute espèce de génie, c'est la géométrie. Cette science ridicule a pour objet des surfaces, des lignes, et des points, qui n'existent pas dans la nature. On fait passer en esprit cent mille lignes courbes entre un cercle et une ligne droite qui le touche, quoique dans la réalité on n'y puisse pas passer un fétu. La géométrie, en vérité, n'est qu'une mauvaise plaisanterie."

Monsieur et madame n'entendaient pas trop ce que le gouverneur voulait dire; mais ils furent entièrement de son avis.

 

Commentaire et questionnaires pour l'oral EAF

 

  • Problématique:
  • En quoi cet extrait reflète t'-il l'idéal des lumières en ce qu'il incite l'homme à bien penser?

 

Plan de l'étude:

  • I – l'art d'animer le récit
  • 1 – Le discours direct
  • 2 – L'opposition des personnages donne une dynamique au récit
  • 3 – Le comique permet aussi d'agrémenter la lecture du texte
  • II – Voltaire défend la culture
  • 1 – Les commentaires du narrateur
  • 2 – Voltaire met en garde les beaux parleurs qui manipulent les esprits
  • 3 – Voltaire critique une société où l'art de plaire prend le pas sur l'art de bien penser

 

I-L'art d'animer le récit

1- Le discourt direct

Style vivant avec ponctuation importante : 5 points d’exclamation et 10 points d'interrogation. Extrait facile à transposer en scène de théâtre, indications scéniques avec didascalies L° 65/66 «  le petit marquis était au comble de la joie », «  le père était très indécis ». Allègement du style avec parataxe (juxtaposition de 2 propositions sans connecteurs logiques ou temporels) «  Monsieur voulait que son fils appris le latin, madame ne le voulais pas. » = 2 verbes conjugués donc juxtaposition, aucun connecteur logique marquant l'opposition des 2 propositions, la même thèse est développée tout au long de l'extrait mais étant donnée la variété des sciences proposées, ils doivent à chaque fois trouver de nouveaux arguments.

I -  Questionnaire : toutes les réponses sont dans le commentaire

1 -

  • Montrez que le style direct contribue à bien mettre en évidence la vivacité du récit
  • Étudiez la ponctuation
  • Que renforce t'-elle?
  • Cet extrait pourrait-il être facilement transposable en scène de théâtre?
  • Que met en avant la parataxe?
  • Citez le texte pour justifier votre réponse
  • Analysez la première phrase du passage

 

2- L'opposition des personnages donne une dynamique au récit

L'invité contredit le père sur le latin, le gouverneur contredit le père sur l'astronomie et la  géographie,et le gouverneur contredit la mère sur l'histoire. Élément important : Père et mère se contredisent entre eux, cette opposition est marquée par l'antithèse présente dès le début du récit avec la répétition du verbe «  voulait» à la forme affirmative puis négative ( là où réside l'antithèse) + et -. La mère entend imposer son point de vue à son mari «  je veux que mon fils » : reprise du verbe vouloir, à la première personne, et tête de phrase. Forme interrogative employée par le père et la mère ce qui révèle leur opposition. Phrases interrogatives de la mère sont toutes des questions rhétoriques, ce qui montre qu'elle est sure d'elle et qu'elle ne se pose en vérité aucune question  « Joue-t-on[...] amour en latin ? ». Contrairement au père qui pose de vraie questions «  qu'apprendra-t-il donc ? », le père n'affirme rien, ses réactions montrent qu'il se remet en question «  il passa condamnation » : il reconnaît ses torts «  il était très indécis ». La mère est sure d'avoir raison et pose de fausses questions, le père doute et pose donc de vraies questions. Preuve de la timidité du père qui n'ose rien affirmer «  ne pourrait-on pas lui... » : question+ conditionnel= timidité. L'attitude du gouverneur et celle de l'invité aussi qui montrent une forte assurance : 4 questions rhétoriques, expression assertive «  il est claire que », et tournures restrictives «  la géométrie n'est qu'en vérité une mauvaise plaisanterie » ( négation restrictive) Emploi du présent de vérité générale comme une vérité universelle «  se conduit-on par les astres

I -  Questionnaire

2 -

  • Quels sont les personnages en présence?
  • Quelles sont les matières évoquées?
  • Quelles sont les oppositions des personnages relativement aux différentes disciplines?
  • Relevez une antithèse caractéristique de cette oppositions
  • Analysez l'impact du verbe vouloir tout au long du récit
  • Que traduisent les questions rhétoriques de la mère?
  • De quelle nature les questions du père sont-elles?
  • Se remet-il en question?
  • En quels termes la géométrie est-elle évoquée?
  • Que traduit le présent de vérité générale?

 

3 – Le  comique permet aussi d’agrémenter la lecture du texte

Comique de situation : l'auteur invité et le gouverneur sont censés être des intellectuels or ils dénigrent toutes les sciences, cela engendre un comique de répétition. Dès que les parents  proposent une science, leur proposition est rejetée. Ils soutiennent que l'ignorance est  supérieure au savoir= Paradoxe. Et associent dans leur discours des termes contradictoires aux yeux du narrateur « on étouffe l'esprit » or le savoir devrait le développer. « inutile » « géométrie » sont associés à « sciences ridicules » et « mauvais plaisanterie »= termes contradictoires. Leur réaction consternée lorsqu'on leur parle d'une science est comique «  quelle pité », « hélas » interjection exclamative.

I -  Questionnaire

3 -

  • Le comique a t'-il son importance dans ce passage?
  • Analysez  le comique de situation
  • Quel est le paradoxe mis en évidence dans le passage?
  • Analysez en citant le texte les termes contradictoires

 

II- Voltaire défend l'importance de la culture

1-Les commentaires du narrateur

Élément 1= antithèse «  il fut conclu que le jeune marquis ne perdrait point son temps à connaître Cicéron, Horace, et Virgile. ». Le narrateur utilise les auteurs les plus connus pour designer le latin et c'est pour en fait valoriser le latin. Élément 2= Antiphrase «le bel ésprit » pour celui qui ne sait pas un mot de latin. Élément 3= Oxymore «  le gracieux ignorant ». Element 4= Ironie perceptible dans l'expression « un auteur célèbre par des ouvrages agréables » ( ouvrages intellectuels) + ironie «  Monsieur et Madame n'entendaient pas trop ce qu'il voulait dire ; mais ils furent entièrement de son avis. « . Le lecteur est donc mis en garde contre le discours des deux charlatants. La thèse énoncée est la suivante : IL  ne faut pas enseigner des sciences exactes ou Humaines sous prétexte qu'elles  sont  utiles. Cette thèse énoncée est donc écartée. Champs lexical de l'utilité : « besoin ; importe ... » dénonce une vision utilitariste de la culture. Voltaire nous fait comprendre par l'antiphrase ce qui permet à un homme de s’élever et de s'épanouir, c'est le savoir et la capacité d'abstraction.  Cela permet de ne pas dépendre d’autrui, ce que vient enseigner la fin du conte : Les Jeannotière sont ruinés pour ne pas avoir su gérer leur argent.

II - Questionnaire

1 -

  • Concernant les commentaires du narrateur: relevez les et analysez 
  • -Les figures de style: antithèse, antiphrase, oxymore
  • -Proposez une définition pour chaque figure de rhétorique et expliquez l'impact voulu dans le passage
  • Étudiez toutes les marques de l'ironie
  • Comment le narrateur procède t'-il?
  • Quel est l'effet désiré?
  • Quel est le message?
  • Contre quoi le lecteur est-il mis en garde?
  • Quelle est la thèse énoncée?
  • Relevez le champ lexical de l'utilité
  • Que dénonce t'-il?
  • Quel est le message de Voltaire?
  • La culture et le savoir sont-ils aussi assimilés à l'indépendance pour l'homme?
  • Est-ce la morale du conte?
  • Cela est-il confirmé par le fait que les Jeannotières soient ruinés?

 

2- Voltaire met en garde les beaux-parleurs qui manipulent les esprits

-Madame de la J° est d'abord manipulée an tant que femme «  nos dames ont l’esprit + agréable que nos hommes »= basse flatterie. «  Plus...que »= comparatif de supériorité.  « lettres écrites avec cent fois plus de grâce »= grosse exagération, hyperbole.

-Flatterie en tant que mère ( passage où elle parle de l'éducation)

-Faletterie à propos de leur snobisme « madame sa mère », «  monsieur votre fils » « monsieur le marquis ».

II - Questionnaire

2 -

  • Relevez tous les arguments propres à la flatterie dans le but de manipuler les esprits
  • Analysez la phrase «nos dames  sont l'esprit... hommes»
  • Quelle autre phrase reflète selon vous le même esprit de manipulation?
  • Relevez les expressions caractéristiques de la flatterie relativement au snobisme

 

3- Voltaire critique une société où l'art de plaire prend le pas sur l'art de bien penser :

La mère rejette le latin (art grammatical) car elle lui préfère la vie mondaine, les sorties théâtrales ou à l'opéra. Sachant que le  latin est un passage obligatoire lorsqu'on devait faire des études à cette époque). Champs lexical de l'art de plaire : « agréable » *2 ; « bel esprit » ; « gracieux »... la mère nous dit même «  un homme d’esprit est un homme qui réussisse dans le monde »= qui brille en société. Encore une fois la seule valeur est le paraître au détriment de l'être.

II -  Questionnaire

3 -

  • La société dépeinte est-elle selon vous dramatiquement superficielle?
  • L'art de plaire prend t'-il le pas sur l'art de bien penser?
  • Comment cela se traduit-il? Relevez le champ lexical de l'art de plaire
  • A quoi le latin est-il préféré?

 

Conclusion

Ce texte est une très belle illustration de l'écriture Voltairienne qui défend sa thèse par des arguments contraires. Le lecteur à une certaine satisfaction à comprendre entre les lignes et  à se  sentir complice du narrateur, Voltaire. Et de ce fait se sentir supérieur aux personnages de cette scène. C'est un débat sur la vision utilitaire de la culture et c'est toujours d'actualité ( ex:diminution des options, on se pose la question sur celle du latin ; diminution de l'enseignement : histoire-géo... C'est la rentabilité contre l'utilité)

Questions sur la conclusion:

  • En quoi ce passage peut-il être perçu comme une belle illustration de l'écriture voltairienne?
  • Le lecteur est-il complice du narrateur?
  • Faire un rappel des idéaux des lumières sous forme d'un tableau (voir pour vous aider l'exposé joint sur le siècle des lumières)
  • Faire un récapitulatif et montrez en quelques phrases que l'on retrouve dans l'extrait la volonté d'élever l'homme à la raison, de l'inciter à bien penser.
  • Cette question est-elle toujours d'actualité?
  • Le passage est-il annonciateur de la vision utilitariste de la culture propre à notre société d'aujourd'hui?

 

 

Voltaire- Jeannot et Colin. Étude de l'explicit

Commentaire et préparation orale de l'explicit : Document 3

Oral EAF

 

Lecture du texte

Comme il était plongé dans l'accablement du désespoir, il vit avancer une chaise roulante à l'antique, espèce de tombereau (1) couvert, accompagné de rideaux de cuir, suivi de quatre charrettes énormes toutes chargées. Il y avait dans la chaise un jeune homme grossièrement vêtu ; c'était un visage rond et frais qui respirait la douceur et la gaieté. Sa petite femme brune et assez grossièrement agréable était cahotée à côté de lui. La voiture n'allait pas comme le char d'un petit-maître : le voyageur eut tout le temps de contempler le marquis immobile, abîmé dans sa douleur. « Eh ! mon Dieu ! s'écria-t-il, je crois que c'est là Jeannot. » A ce nom, le marquis lève les yeux, la voiture s'arrête : « C'est Jeannot lui-même, c'est Jeannot. » Le petit homme rebondi ne fait qu'un saut, et court embrasser son ancien camarade. Jeannot reconnut Colin ; la honte et les pleurs couvrirent son visage. « Tu m'as abandonné, dit Colin ; mais tu as beau être grand seigneur, je t'aimerai toujours. » Jeannot, confus et attendri ; lui conta en sanglotant une partie de son histoire. « Viens dans l'hôtellerie (2) où je loge me conter le reste, lui dit Colin ; embrasse ma petite femme, et allons dîner ensemble. » Ils vont tous trois à pied, suivis du bagage. « Qu'est-ce donc que tout cet attirail ? vous appartient-il ? - Oui, tout est à moi et à ma femme. Nous arrivons du pays ; je suis à la tête d'une bonne manufacture de fer étamé (3) et de cuivre. J'ai épousé la fille d'un riche négociant en ustensiles nécessaires aux grands et aux petits ; nous travaillons beaucoup ; Dieu nous bénit ; nous n'avons point changé d'état ; nous sommes heureux, nous aiderons notre ami Jeannot. Ne sois plus marquis ; toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un bon ami. Tu reviendras avec moi au pays, je t'apprendrai le métier, il n'est pas bien difficile ; je te mettrai de part, et nous vivrons gaiement dans le coin de terre où nous sommes nés. » Jeannot, éperdu, se sentait partagé entre la douleur et la joie, la tendresse et la honte ; et il se disait tout bas : « Tous mes amis du bel air m'ont trahi, et Colin, que j'ai méprisé, vient seul à mon secours. Quelle instruction ! » La bonté d'âme de Colin développa dans le cœur de Jeannot le germe du bon naturel, que le monde n'avait pas encore étouffé. Il sentit qu'il ne pouvait abandonner son père et sa mère. « Nous aurons soin de ta mère, dit Colin ; et quant à ton bonhomme de père, qui est en prison, j'entends un peu les affaires ; ses créanciers, voyant qu'il n'a plus rien, s'accommoderont pour peu de chose ; je me charge de tout. » Colin fit tant qu'il tira le père de prison. Jeannot retourna dans sa patrie avec ses parents, qui reprirent leur première profession. Il épousa une sœur de Colin, laquelle, étant de même humeur que le frère, le rendit très heureux. Et Jeannot le père, et Jeannotte la mère, et Jeannot le fils, virent que le bonheur n'est pas dans la vanité (4).

Notes : 1 - Tombereau : voiture faite d’une caisse montée sur deux roues que l’on peut décharger en la basculant. 2 - Hôtellerie : Maison où les voyageurs peuvent être logés et nourris, en échange d’une rétribution. 3 - Étamer : recouvrir un métal d’une couche d’étain (on recouvre ainsi les casseroles, les poêlons, les glaces...) 4 - La vanité : ce qui est vain, futile, illusoire, fragile, insignifiant.

 

  • Plan de l'étude:
  • I – En quoi ce texte est-il une parodie de conte de fées?
  • 1 – L'amitié inopinée de Colin
  • 2 – La fin du conte dépeint une situation finale heureuse
  • II – La visée morale du conte
  • 1 – L'opposition des personnages
  • 2 – Comment est annoncée la morale du conte?

 

  • Problématiques possibles:
  • En quoi cette dernière page peut-elle être considérée  comme la visée morale du conte?
  • Cet explicit a t'-il une visée morale ou philosophique?

 

Jeannot et Colin – Lecture analytique et questionnaires EAF

Les parents de Jeannot ont perdu toute leur fortune, et le père a été emprisonné pour dettes. Jeannot a tenté d'obtenir de l'aide auprès de sa fiancée, puis auprès d'un prêtre, en vain. Il a donc le sentiment d'avoir mieux appris « à connaître le monde dans une demi-journée que dans tout le reste de sa vie ». L'extrait qui nous intéresse va retrouver une position sociale sans prétention mais tout de même appréciable, et il va surtout devenir plus sage et comprendre que « le bonheur n'est pas dans la vanité ». Le conte de voltaire remplit donc bien sa visée morale, didactique, mais Voltaire se plaît aussi à jouer avec le genre du conte par de nombreux effets parodiques.

  • Questions sur l'introduction du commentaire:
  • *** Les réponses sont dans l'introduction de l'étude proposée
  • De quoi s'agit-il dans ce passage?
  • Faire une courte synthèse de l'histoire jusqu'à la dernière page et situer l'extrait dans son contexte
  • Quelle définition du bonheur sera tirée de ce conte?

 

I- En quoi ce texte est-il une parodie de conte de fées ?

1- L'arrivée inopinée de Colin

Colin surgit comme par miracle au moment où Jeannot est « plongé dans l'accablement du désespoir » : hyperbole qui fait paraître Colin comme un sauveur. Idem pour le présent de narration qui va souligner l'impact de son arrivée : « à ce nom, le marquis lève les yeux, la voiture s'arrête. » ; et le miracle consiste dans des gestes simples mais qui prouvent que Colin n'a gardé rancune envers son ancien ami « le petit homme rebondit, il  ne fait qu'un saut et court embrasser son ancien camarade ». C'est pour Jeannot la sortie du cauchemar.

Mais contrairement aux contes de fées où le sauveur surgit avec la vivacité de l'éclair, l'arrivée de Colin est lente et lourde : La proposition qui dépeint son arrivée est elle-même alourdie par 3 appositions, Colin est dans une chaise roulante à l'antique « espèce de tombereau couvert », « accompagné de cuir », « suivi de quatre charrettes énormes toutes chargées » : gradation syllabique renforce l'effet ainsi que le parallélisme de construction « accompagné de... suivi de . ». La comparaison refusée « la voiture n'allait pas comme le char d'un petit maître » ( =jeune élégant à l'allure prétentieuse) et l'expression « le voyageur eut tout le temps de contempler le marquis » ironisent aussi sur cette arrivée pesante .

L'équipage de Colin est aussi loin des chevaux blancs d'un héros de conte, c'est un équipage désuet et « à l'antique » qui veut dire à l'ancienne mode, c'est « une espèce de tombereau couvert », c'est une voiture de charge, donc un transport rural loin d'être héroïque. En outre, l'expression « une espèce de » à une valeur dépréciative, et sous-entend que l'objet est difficile à définir précisément, comme s'il ne ressemblait à rien de connu. Le carrosse de conte de fées est remplacé par la « chaise roulante » et « quatre charrette énormes toutes chargées », les rideaux de velours par des « rideaux de cuir » = tous ces éléments montrent que le narrateur cherche à parodier l'arrivée du sauveur.

Le physique de Colin et sa femme est sympathique, le visage de Colin « respire la douceur et la gaieté », mais ne ressemble pas à celui des princes. Il est « grossièrement vêtu » et son visage est « rond et frais », l'adverbe « grossièrement » est répété 2x de façon ironique dans l'expression « grossièrement agréable » concernent sa femme, cette oxymore prouve qu'elle n'est pas d'une beauté exceptionnelle. Le geste affectueux qu'il accomplit spontanément « il court l'embrasser », va, par sa gentillesse opérer la métamorphose du « marquis » en « Jeannot », mais ce geste est familier et quotidien. Il emploie toujours un vocabulaire très simple, répétant avec une joie naïve « c'est Jeannot ». Et lorsqu'il dépeint sa situation, Colin se perd dans des détails inutiles qui alourdissent la phrase « je suis à la tête d'une bonne manufacture de fer étamé et de cuivre », « j'ai épousé la fille d'un riche négociant en ustensiles nécessaires aux grands et aux petits ». Les personnages s'inscrivent donc dans un quotidien banal et tout sublime est donc écarté.

  • I- Questionnaire
  • 1 -
  • A quel moment Colin surgit-il?
  • Relevez une hyperbole valorisante pour Colin
  • Que traduit le présent de narration relativement à l'arrivée de Colin?
  • Quel est l'état des deux amis?
  • En quoi la notion de «sauveur» contraste t'-elle avec celle des contes de fées?
  • Relevez les trois appositions qui soulignent la lenteur de son intervention
  • Relevez et analysez la gradation syllabique et le parallélisme de construction
  • Repérez les traces d'ironie pus ou moins manifestes traduisant l'arrivée pesante. Expliquez et citez pour justifier votre réponse.
  • La parodie du conte de fées se poursuit-elle avec l'équipage désuet de Colin?
  • En quoi? La description de l'équipage a t'-elle des connotations héroïques?
  • Relevez une expression dépréciative justificative et révélatrice de la volonté de parodier
  • Par quel objet, le carrosse des contes de fées est-il remplacé?
  • Quelle image le narrateur donne t'-il finalement du sauveur?
  • Comment le personnage de Colin est-il dévoilé?
  • Avons-nous l'image d'un prince?
  • Quelles sont ses caractéristiques physiques?
  • Que traduit l'adverbe de manière «grossièrement»?
  • Relevez l'oxymore représentatif de la femme de Colin. Quelle portée a t'-elle?
  • Quel portrait moral de Colin avons-nous? Citez le texte
  • Comment qualifieriez-vous le quotidien dans lequel les personnages évoluent?

 

2- La fin du conte dépeint une situation finale heureuse

Comme c'est l'usage dans un conte, grâce à l'intervention de Colin, Jeannot est métamorphosé, il retrouve son « bon naturel », comprend instantanément ses torts, et rentre chez lui avec ses parents, et se marie. « Ils se marièrent... » devient « il épousa une sœur de Colin qui le rendit très heureux ». Mais ici encore, Voltaire met une touche d'ironie par la répétition et le parallélisme rythmique « et

Jeannot le père (5), et Jeannotte la mère (5), et Jeannot le fils... (5)»(Jeannotte= ridicule).

De plus, la morale est un peu niaise, ce que nous fait sentir la façon appuyée dont elle est énoncée : « toutes les grandeurs de ce monde , ne valent pas un bon ami » ( noter parallélisme rythmique) . Elle se résume, finalement, à de bons sentiments. La phrase de Jeannot « Tous mes amis du bel air m'ont trahi, et Colin que j'ai méprisé, vient seul à mon secours » n'énonce rien de bien compliquer : il faut se méfier de l'attitude doucereuse de ceux qui ont de l'intérêt à nous fréquenter. Le commentaire « Quelle instruction ! » qu'ajoute Jeannot, montre qu'il lui a fallu toutes ces aventures pour réaliser une telle évidence, Voltaire semble donc se moquer gentiment du personnage.

  • 2 - Questionnaire
  • La fin du conte est-elle heureuse?
  • En quoi? Citez pour justifier votre réponse
  • Le bonheur mis en avant par Voltaire dans cette situation finale est-il matière à ironiser?
  • Comment Voltaire met-il en avant sa touche d'ironie? Citez le texte
  • Quelle est la morale?
  • Que souligne les parallélismes rythmiques de la phrase énonçant la morale?
  • Comment l'amitié et au-delà, la nature humaine sont-elles perçues par Voltaire? Quel est le message?

 

II- La visée morale du conte :

1- L'opposition des personnages :

Colin demeure un personnage sympathique et peu attentif à son aspect extérieur , il est « grossièrement vêtu ». La synecdoque « c'était un visage rond et frais qui respirait la douceur et la gaieté » insiste sur la bonhomie du personnage par le parallélisme. Ses qualités, « sa bonté d'âme » sont illustrées par des propos (« je t'aimerais toujours ») , mais surtout par des actions concrètes, telles l'hébergement et l'aide qu'il apporte à Jeannot. C'est un être pragmatique qui prend les initiatives qu'il faut. Il prend les choses en main, comme le montre le futur à la valeur injonctive ( d'ordre) « tu revendras.. je t'apprendrais » ou l’impératif « Ne sois plus marquis », ou bien la phrase « je me charge de tout ». Sa vivacité est d'ailleurs mise en valeur par des termes « ne fait qu'un saut » et « court » qui contrastent avec la passivité de Jeannot « immobile ». Le passé simple vient aussi valoriser l'énergie de Colin « Colin fit tant qu'il tira le père de prison », la locution « tant que » insistant sur ses efforts.

Le champs lexical de l'humilité montre que malgré sa relative fortune il a su rester simple : « nous n'avons point de change d'état » , « nous vivrons gaiement dans le coin de terre où nous sommes nés » : la périphrase désignant Issoire insiste bien sur la modestie de ses ambitions.Le rejet de la comparaison » n'allait pas comme le char d'un petit maître » montre qu'il a volontairement fait le choix d'un transport certes peu prestigieux mais efficace. Sa simplicité est également perceptible par la syntaxe « nous travaillons beaucoup » à « nous aideront notre ami Jeannot », les propositions s'enchaînent, et la parataxe accentue l'impression de simplicité. Concernant le langage aussi, l'essentiel pour lui n'est pas de briller par son vocabulaire ou des tournures de phrases compliquées, mais de partager ce que l'on a avec ses amis.

Au début de l'extrait, on voit que Jeannot est toujours préoccupé par le matériel. En effet, c'est Jeannot qui voit « avancer une chaise roulante », nous sommes en focalisation interne. La description de l'arrivée de Colin suit donc le regard de Jeannot qui est attiré par les « quatre charrettes » les richesses extérieurs, avant de regarder les occupants de la voiture. Le narrateur a rapporté les propos de Jeannot au discours narrativisé ligne 194« lui conta en sanglotant une partie de son histoire ». Mais les premiers propos de Jeannot qui sont rapportés au discours direct sont une question sur les processions de Colin « qu'est-ce donc que tout cet attirail ? Vous appartient-il ? », le narrateur veut donc encore une fois insister sur le défaut qu'il représente.

  • II - Questionnaire
  • 1 -
  • Quelles seraient selon vous les caractéristiques essentielles de Colin?
  • Donnez quelques adjectifs représentatifs du personnage.
  • Citez le texte pour justifier votre réponse
  • Que traduit la synecdoque «visage rond et frais»
  • Quels sont ces points forts? Citez le texte pour justifier vos arguments
  • Quelles sont les oppositions des deux personnages?
  • Relevez le champ lexical et la périphrase propres à l'humilité de Colin
  • En quoi les propositions et la parataxe renforcent-elles davantage la simplicité du personnage?
  • La description de l'amitié de Colin suit-elle le regard de Jeannot?
  • Quelle focalisation avons-nous?
  • Comment les premiers propos de Jeannot sont-ils rapportés?
  • Comment les suivants le sont-ils?

 

2- Comment est annoncée la morale du conte ?

C'est Colin qui l'énonce et ses propos donnent la recette du bonheur : le mariage, le travail, l'amitié, la bonté, la simplicité. Pour lui le partage est une valeur fondamentale, il emploie d'ailleurs 6 X le pronom « nous » ou le possessif « notre », ce qui montre que pour lui, le noyau autour duquel ont doit vivre est le couple vivant en harmonie et qui reste néanmoins généreux avec les autres. Le champs lexical de la famille est d'ailleurs très développé dans les 7 dernières lignes : on trouve 4 fois « père », 3 fois « mère » et une fois « parents », « sœur », « frère », « fils ».

Jeannot, déjà conscient qu'il s'est leurré sur le compte de ses soi-disant amis, est touché par la générosité de Colin qui lui apparaît comme celui qui sera le « seul à son secours » . Les antithèses

évoquant ses réactions ( « confus et attendri », « partagé entre la douleur et la joie, la tendresse et la honte ») montrent qu'il s'en veut , enfin d'avoir été si vaniteux et qu'il est reconnaissant à Colin d'être resté malgré tout si constant dans son amitié. Il en arriveà déduire lui-même la morale de son aventure, conscient que l'apparence n'est rien, ce qui compte ce sont les preuves d'amitié qu'on donne : « tous mes amis du bel air m'ont trahi, et Colin que j'ai méprisé, vient seul à mon secours. Quelle instruction ! »

Jeannot, retrouvant son bon naturel , se tourne lui aussi vers les autres : « il sentit qu'il ne pouvait abandonner son père et sa mère »

L'objet maléfique « l'habit de trois couleur » a donc cessé d'agir, et tous les personnages s'accordent sur la morale « le bonheur n'est pas dans la vanité .

  • 2 -  Questionnaire
  • Qui énonce la morale du conte?
  • Quelle est la recette du bonheur?
  • Le partage est-il perçu comme une valeur fondamentale?
  • Quels sont le pronom et le possessif propres à accentuer cette valeur du partage?
  • Relevez et analysez le champ lexical de la famille
  • Relevez les antithèses trahissant les regrets et la vanité de Jeannot
  • Expliquez «Quelle instruction». Cette parole a t'-elle une portée importante dans la visée morale du conte?
  • Que pensez-vous de la morale du conte?
  • La fin du conte est-elle conforme à la visée morale?
  • Quelles sont les valeurs de la morale?

 

Conclusion :

Fin du conte est conforme à sa visée morale, mais finalement l’intérêt de ce conte se trouve davantage dans la façon dont Voltaire joue avec les clichés du conte.

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 17/05/2019

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