Boris Vian (1920-1959),

L’Écume des jours

(1947)

L’écume des jours, Boris Vian

« Le plus poignant des romans d’amour contemporain » (Queneau)

Vian introduit le surréel de l'histoire en indiquant qu'elle « est entièrement vraie, puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre ».

L’Écume des jours

est un roman de Boris Vian, écrivain français mais aussi poète, parolier, chanteur, scénariste, critique et musicien de jazz.  Ce roman publié en 1947 est un roman plein de fantaisies et d’une philosophie pessimiste mais il ne connut pas un grand succès.

Cette œuvre retrace la rencontre amoureuse entre Colin et Chloé puis la mort de cette dernière qui va être emportée par la maladie détruisant ainsi Colin.

L'écume des jours

STRUCTURE GLOBALE

1 -

Quelle est la structure du roman?

Nombre important de chapitres, importance des dialogues : ce roman est écrit comme un film, comme un scénario de cinéma.

Chaque chapitre correspond à une séquence et à un évènement particulier. Ex, chapitre I, entrée en scène du héros. Le chapitre XI est consacré à la rencontre Colin et Chloé.

2 -

Combien y a t’-il de chapitre?

68. Si on divise ce chiffre par 2 = 34 : chapitre dans lequel le lecteur apprend la maladie de Chloé.

3 -

Quand ce roman commence t’-il?

En hiver

4 -

Quand se termine t’il?

Au printemps

5 -

Est-ce paradoxal?

Oui car la rencontre et le mariage de Colin et Chloé se font en hiver, l’hiver est ainsi associé aux moments heureux et le printemps aux moments malheureux. La mort de Chloé arrive au printemps.

6 -

Quel est l’élément perturbateur du livre?

La maladie de Chloé

LE JAZZ

1 -

Quelle place le jazz occupe t’-il dans l’œuvre de Boris Vian?

Le jazz est un élément important qu'on retrouve d'abord au début et à la fin du livre à travers trois lieux: La Nouvelle-Orléans (fin de l'avant-propos), Memphis (lieu supposé du début de l'écriture du livre) et Davenport (lieu supposé de l'écriture du livre).

2 -

Que marquent ces villes?

Lieux importants concernant la naissance du jazz

3 -

Quel est le rapport entre le jazz et l’histoire de l’écume des jours?

Chloé : ce prénom est le titre d’une chanson de Duke Ellington, compositeur célèbre de jazz dont le style était appelé «　Moody　» ou «　sultry tune　» qui signifie, triste.

Ces termes pourraient refléter l’état d’esprit du livre ainsi que son registre.

4 -

Quelles sont les allusions au jazz?

avant-propos :

« la musique de La Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington »

avant-propos :

« La Nouvelle-Orléans. 10 mars 1946 »

ch I :

« La pièce, de quatre mètres sur cinq environ, prenait jour sur l'avenue Louis-Armstrong »,l'un des grands noms des débuts du jazz style « New Orleans »

ch VI :

« ... l'une d'elles consisterait à danser le biglemoi sur un rythme de boogie-woogie »

ch VI :

« Je conseille à Monsieur un tempo d'atmosphère, dans le style de Chloe, arrangé par Duke Ellington, ou du Concerto pour Johnny Hodges ... dit Nicolas. Ce qu'outre-Atlantique on désigne par moody ousultry tune. »

ch XI :

« ...êtes-vous arrangée par Duke Ellington ? Demanda Colin ... »

Il s'agit d'une deuxième allusion à la chanson Chloe d'Ellington.

ch XII :

« Chick écouta. C'était Chloe, dans l'arrangement de Duke Ellington. » Troisième allusion à cette chanson.

ch XXI :

« L'Ouverture et le Cérémonial étaient écrits sur des thèmes de blues. »

ch XXI :

« Pour l'Engagement, Colin avait demandé que l'on jouât l'arrangement de Duke Ellington sur un vieil air bien connu, Chloe. »Quatrième allusion à cette chanson.

ch XXVI :

« Colin et Chloé, l'un près de l'autre, se laissaient insoler sans rien dire et leurs coeurs battaient tous deux sur un rythme de boogie » (cf. point N°7).

ch XXX :

« Ils tournèrent dans la rue Sidney-Bechet »

ch XXXIII :

« -C'était The Mood to be Wooed ... dit Colin. Chanson de Johnny Hodges et Duke Ellington dont le titre pourrait être traduit par : « l'envie d'être courtisée ».

ch XXXIV :

« -Qui est malade ? / - Chloé, dit Colin. / - Ah! Dit le professeur, ça me rappelle un air ... / - Oui, dit Colin, c'est celui-là. » Sixième allusion à la chanson Chloe d'Ellington.

ch XLV :

« Je vais vous jouer le Blues du Vagabond

ch XLV :

« ... l'air qui ressortit de lui ressemblait beaucoup plus à Chloequ'au Blues du Vagabond. » Septième et dernière allusion à la chanson Chloe d'Ellington.

ELEMENTS PROLEPTIQUES

1 -

Quels sont les éléments proleptiques : ayant une valeur d’anticipation et préparant le lecteur à accepter la mort de Chloé?

Les souris dansent dans les rayons du soleil qui entrent dans le couloir de la cuisine.

Evocation du Spectre de la rose dansé par deux embryons de poulet dans du formol et entourés de branches de mimosa.

Colin évoque les boutiques de fleuristes qui n'ont pas de rideau de fer car personne ne songe à les dévaliser.

Colin cueille une orchidée orange et grise et qu'il dit avoir la couleur de la souris à moustaches noires.

Colin a comme une musique militaire allemande au milieu du thorax quand il voit Chloé.

Pendant les préparatifs du mariage il y a du brouillard et des nuages gris en flocons dans l'église.

Fin du mariage. Le couple et douze invités regardent les fleurs de l'autel et sentent le froid les frapper au visage.

Chloé se met à tousser.

Chloé a du mal à se tenir debout.

le coeur de Chloé bat trop vite.

Chloé joue avec un tas de neige qui ne fond pas.

Sous la neige, il y a des primevères, des bluets et des coquelicots.

Chloé tousse comme une étoffe de soie qui se déchire.

Le lendemain matin, dans la chambre d'hôtel, Chloé s'est réveillée la poitrine recouverte de neige.

Pendant la conférence de Jean-Sol Partre, Alise dit à Isis que Chloé n'est pas bien portante.

Les éléments fantastiques

1 -

Relevez 4 éléments fantastiques

Colin a le coeur en forme d'orange.

La souris à moustaches noires est soignée et marche avec des béquilles.

Des soucis s'amassent au pied de la plate-fome du lit.

Le coeur de Colin tient toute la place dans sa poitrine.

Une structure  narrative :

Repérage de la loi narrative du récit :

1 -

Quelle est la structure narrative du récit? Faire un repérage en fonction des chapitres du livre

- la période heureuse

- Le déclin de Chloé

La période heureuse s’étend sur deux phrases distinctes avant et après l’apparition de Chloé, ch 1 à 10 et 11 à XXII jusqu’au mariage.

Le déclin : le voyage de noces et ses incidents, puis la maladie, ch. 23 à 32

Le diagnostic : ch XXXIII à XL

Rétrécissement de l’espace : Ch XLI à XLVI

Folie de Chick, assassinat de Partre, Ch XLVII à LIX

Mort de Chloé, enterrement, suicide de la souris, ch LX à LXVIII

Un versant ascendant et descendant pour restituer le merveilleux

Le merveilleux transparait sur deux versants. 

1 - Ex : jeux anti-logiques dans la vie des personnages

Ex : Le repas qui réunit Colin et Chick dans le cadre du pianocktail

Ex : Rencontre avec Chloé : Naissance de leur désir réciproque

2 - Le second versant se retrouve dans l’espace rétréci, l’aspect noir du roman ainsi que le traduit le fait que les fenêtres ne laissent plus passer la lumières : connotation d’une mort menaçante dans un appartement glauque et inhabitable

Le désir de Colin et Chloé ne s’accordent plus.

Personnages stéréotypes, clichés mais sans profondeur psychologique

Personnages toujours en décalage, stéréotypés mais dont le mode d’expression reste conventionnel. Le statut du personnage est remis en question par Boris Vian car si l’on prend l’exemple de Colin, ce dernier apparait au lecteur sans traits distinctifs particuliers, sans profondeur psychologique -

Colin : « Il était assez grand, mince avec de longues jambes, et très gentil » . Même le  héros n’a pas de passé de sorte que le lecteur reconnaît et s’identifie de façon plus directe à la manière des héros de bandes dessinées.

La construction romanesque :

Un espace particulier

Au retour du voyage de Noces, l’appartement commence à vivre

Une construction romanesque

Les étapes du début du roman sont assez vite réduites ensuite à des actions violentes comme la folie, le crime, destructions, assassinat de Partre par Alise, exécution de Chick.

Roman dominé par une fatalité tragique, un déterminisme qui accélère l’histoire et se reflète dans l’aspect glauque et réduit d’un appartement quasi vivant.

Reflet d’une conception tragique de la vie.

Thème central : le désir

Le désir de Colin :

Le désir de Colin est au centre du roman, c’est un moteur décisif. Colin est habité par un désir interne qui trouve ses propres limites mais il y a aussi les causes externes du désir qui vont devenir pour lui de véritables contrariétés.

Le désir de Colin est né d’un blues de Duke Ellington qui donne sa mesure à sa relation avec Chloé mais ses besoins et désirs sont ensuite contrariés par les projections sur Alise ainsi que par la tentation de l’interdit. Il y a donc un miroir du désir qui suppose un refoulement des désirs projetés sur les autres couples du roman

Le désir de Colin sera ensuite mis à l’épreuve par la maladie de Chloé et nous assistons en tant que lecteur à l’usure de son désir de manière progressive. Le besoin d’amour de Colin sera tour à tour satisfait et contrarié.

L’humour et humour noir

L’humour est présent tout au long du roman dans l’univers de fantaisie signé par Boris Vian.

Des exemples de manifestation de l’humour :

- Les hommes se taillent les paupières en biseau : fantaisie de l’auteur et humour latent

-  Jeu sur les conventions : portrait d’Alise : «　Elle comportait en outre un foulard de soie vert vif…　».

L’humour noir est présent malgré tout :

- Le pharmacien exécute les ordonnances de Chloé à l’aide «　d’une petite guillotine de bureau　»

L’humour noir met en avant la dérision de la situation et renforce son aspect inhumain et cruel.

Les valeurs humaines sont inversées :

Ex : non respect de l’enterrement de Chloé avec les fossoyeurs qui balancent le cercueil en chant «　A la salade　».

Les personnages :

Colin:

jeune homme aisé qui n’aime pas le travail et préfère le jazz . Au début du livre il est insouciant et riche.

C’est un jeune garçon insipide et sans consistance, sans spiritualité et sans vie intérieure. Il est en proie à des problèmes existentiels; Nous savons de lui qu’il est gentil mais tout ce qui le détermine dès l’incipit est l’absence de personnalité et son narcissisme. On peut noter des analogies avec Boris Vian qui aime le jazz, la vie facile,, déteste la violence…En fait, c’est un stéréotype d’emblée ridiculisé, incapable d’agir seul, faible, narcissique, superficiel, assisté, snob. Son seul trait distinctif : la fossette au menton.

Colin nous est présenté sans famille, sans parents, sans biographie, sans origine.

Ses activités sont restreintes (dormir, manger, boire), ou superficielles (tourner en rond sur la glace, écouter son cuisinier lui lire une recette). Son esprit est vide

Il trouve l’amour en la personne de Chloé qui tombera malade. La maladie le poussera à travailler pour lui sauver la vie et son premier emploi consiste à faire pousser des fusils, le second à surveiller une réserve d'or et le dernier à annoncer les malheurs la veille de leur arrivée. Il devient un  héros et perd sa superficialité au fur et à mesure des épreuves endurées. On le voit perdre son insouciance, partager le sort de Chloé pour qui il se met à travailler. A la fin du livre il est pauvre et lucide.

Chloé:

Elle incarne la beauté et la féminité. Boris Vian la présente comme une jeune femme charmante, élégante, jolie, attirante mais fragile. Le lecteur sait que le choix de son prénom vient d’un morceau de Jazz de Duke Ellington «　Chloé «　 la chanson du marais, or Chloé meurt d’un nénuphar dans les poumons. Tout au long du livre elle apparait davantage comme l’objet de l’amour de Colin qu’un sujet. Elle ne brille pas par son intelligence, aime rire, l’amour. Elle semble parfois rire de Colin. Elle tombe malade après son mariage, Colin pour la sauver doit lui offrir des fleurs pour apaiser son mal mais en vain car elle dépérit et finit par mourir. Elle est la seule raison de vivre de Colin. Tout comme Colin au début du roman, elle n’a aucune consistance psychologique, pas de passé, pas d’avenir.

Chick:

meilleur ami de Colin, et passionné de la philosophie de Jean-Sol Partre (Jean-Paul Sartre) . Il se ruine pour acheter ses œuvres. Il travaille pour vivre et est le petit ami d’Alise, cependant sa raison de vivre est Jean-Sol Partre.

Alise:

Elle est une jeune femme sentimentale, amoureuse de Chick  au point de commettre un meurtre.

Nicolas:

Il est l'oncle d’Alise et le cuisinier de Colin dont il est aussi l’ami.

Isis:

Elle est issue de la haute bourgeoisie; De tout les autres personnages, elle est la seule à avoir une famille et un patronyme : de Ponteauzanne. Elle aime Nicolas

Jean-Sol Partre:

C’est un penseur et auteur de Le Vomi : modèle de Jean Paul Sartre, la Nausée.

La souris grise à moustaches noires:

elle habite chez Colin. Au fur et à mesure que la maison rétrécira et deviendra de plus en plus obscure , elle essaiera de la rendre aussi lumineuse qu'au début de l'histoire. Elle se suicide en mettant sa tête dans la gueule d’un chat.

Thèmes

L'amour :

Le thème de l’amour domine le roman, il y a tout d’abord l’amour entre Colin et Chloé, l’amour impossible entre Chick et Alise et l’amour physique entre Nicolas et Isis. Les amours sont le plus souvent malheureuses, c’est le cas de Colin et Chloé ainsi que de Chick et Alise. Ces amours conduisent à la mort et au désespoir.

Le monde du travail :

Notre héros est au début du roman un nanti, puis à la fin il travaille pour pouvoir soigner Chloé pour lui sauver la vie. Dans son ouvrage, Vian dénonce les conditions de travail souvent inhumaines en associant le travailleur à une machine.

La religion :

La dénonciation de la religion est manifeste dans ce roman. On le voit très clairement dans le cadre du mariage et de l’enterrement, cérémonies pendant lesquelles l’église dévoile son avidité. Le curé lui-même est ravi de n’avoir pas à payer les musiciens du fait de la mort du chef d’orchestre. Dans le cadre de l’enterrement, la cérémonie est expédiée sans aucun souci ni respect pour le défunt. Le cercueil est balancé par des porteurs indifférents et l’esprit en fête car ils chantent. Le christ prend vie dans l’église pour demander à Colin la raison pour laquelle il n’a pas donné plus d’argent;

Le marécage :

« écume »  : fait référence à l’humidité et à la mousse dans la dernière moitié du roman de Boris Vian. Nous avons en effet beaucoup d’allusions au marécage, l’appartement de Colin lui-même s’apparente à un marécage.

La maladie :

La maladie est incarnée par Chloé qui finira par trouver la mort à la fin du livre. Elle est tout d’abord atteinte de toux après la cérémonie du mariage, à la sortie de l’église. La neige tombe sur sa poitrine lors de la nuit de noces. Chloé devient ensuite porteuse de la maladie, le nénuphar. Du fait que le nénuphar pousse dans l’eau, Chloé ne doit absolument pas boire d’eau au risque de faire grandir le nénuphar, symbolique de la maladie. Autre remède pour lutter contre sa maladie, être entourée de fleurs non aquatiques. Associé à la maladie, l’espace qui se rétrécit pour connoter l’évolution du mal dans le corps de Chloé. L’appartement rétrécit en proportion de la maladie.