Alain, Propos sur le bonheur, oral EAF

 

 

Oral EAF, Alain Propos sur le bonheur

*** Entretien préparé

 

ORAUX EAF

 

 

ALAIN – PROPOS SUR LE BONHEUR

Agir

 

Lecture du texte:

Tous ces coureurs se donnent bien de la peine. Tous ces joueurs de ballon se donnent bien de la peine. Tous ces boxeurs se donnent bien de la peine. On dit partout que les hommes cherchent le plaisir ; mais cela n'est pas évident ; il semble plutôt qu'ils cherchent la peine et qu'ils aiment la peine. Le vieux Diogène disait : « Ce qu'il y a de meilleur c'est la peine. » On dira là-dessus qu'ils trouvent tous leur plaisir dans cette peine qu'ils cherchent ; mais c'est jouer sur les mots ; c'est bonheur et non plaisir qu'il faudrait dire ; et ce sont deux choses très différentes, aussi différentes que l'esclavage et la liberté.

On veut agir, on ne veut pas subir. Tous ces hommes qui se donnent tant de peine n'aiment sans doute pas le travail forcé ; personne n'aime le travail forcé ; personne n'aime les maux qui tombent ; personne n'aime sentir la nécessité. Mais aussitôt que je me donne librement de la peine, me voilà content. J'écris ces propos. «Voilà bien de la peine » dira quelque écrivain qui vit de sa plume ; seulement personne ne m'y force ; et ce travail voulu est un plaisir, ou un bonheur, pour mieux parler. Le boxeur n'aime pas les coups qui viennent le trouver ; mais il aime ceux qu'il va chercher. Il n'est rien de si agréable qu'une victoire difficile, dès que le combat dépend de nous. Dans le fond, on n'aime que la puissance. Par les monstres qu'il cherchait et qu'il écrasait, Hercule se prouvait à lui-même sa puissance. Mais dès qu'il fut amoureux, il sentit son propre esclavage et la puissance du plaisir ; tous les hommes sont ainsi; et c'est pourquoi le plaisir les rend tristes.

L'avare se prive de beaucoup de plaisirs, et il se fait un bonheur vif, d'abord en triomphant des plaisirs, et aussi en accumulant de la puissance ; mais il veut la devoir à lui-même. Celui qui devient riche par héritage est un avare triste, s'il est avare ; car tout bonheur est poésie essentiellement, et poésie veut dire action ; l'on n'aime guère un bonheur qui vous tombe ; on veut l'avoir fait. L'enfant se moque de nos jardins, et il se fait un beau jardin, avec des tas de sable et des brins de paille. Imaginez-vous un collectionneur qui n'aurait pas fait sa collection ?

 

Deuxième partie de l'entretien : les questions à l'oral

 

ORAUX EAF

 

 

 

Questions et réponses sur l'argumentation

1) Définir l’argumentation.

Argumenter, c’est rechercher l'adhésion de la personne visée pour l'amener sur le même point de vue que lui, mais, il existe plusieurs manières d'y arriver: on peut expliquer la véracité de la position que l'on présente, lui montrer que la position que l'on présente, lui montre que c'est la meilleur position, ou emporter son adhésion.

2) Quelle est la différence entre convaincre et persuader ?

Convaincre, consiste à défendre une thèse contestable, de façon logique et rationnelle, dans le but d’amener la personne visée à adhérer à cette thèse ; tandis que persuader utilise, dans le même but, utilise les sentiments, fait appelle aux émotions de la personne visée.

3) Quels sont les éléments qui fondent un discours argumentatif ?

Tout d’abord le thème : c'est le sujet du texte argumentatif ou encore la question à laquelle le locuteur va répondre à travers sa thèse. La thèse, placée en introduction ou en conclusion le plus fréquemment, engage la position du locuteur, c'est l'idée du texte dont il s'agit de convaincre ou de persuader le destinataire. Une thèse peut être soutenue ou rejetée. Ensuite, l’argument permet de justifier sa thèse ou de la réfuter (dans ce cas on parle de contre argument). On peut définir l'argument comme une proposition donnée comme vraie. Ils s’enchaînent grâce à des liens logiques. Ils sont illustrés par des exemples, qui viennent renforcer l'argument.

4) Quels sont ces liens logiques ?

Les liens logiques sont de différentes natures grammaticales et permettent d'organiser un texte argumentatif.

Il y a :

- la disjonction, qui autorise l’alternative

- l’addition et l’analogie, qui permettent d’ajouter un élément

- la cause et l’hypothèse, qui posent l’origine d’une idée

- la conséquence et le but. La conséquence permet de préciser l'effet, la suite logique d'une idée ou d'un fait. Le but explicite la finalité d'une idée ou d'une action, sa visée et son objectif.

- L’opposition, qui réfute une idée et introduit sa contradiction. Elle permet de proposer un contre argument.

5) Qu’est-ce qu’un schéma argumentatif ?

C'est ce qui permet de reconstituer l'agencement de la thèse, des arguments et des exemples.

6) Quels sont les différents types de raisonnement ?

Il existe logiques de raisonnement dans un texte argumentatif :

- La déduction: commence par une loi générale pour terminer sur un fait particulier. (Exemple : le syllogisme)

- L'induction est le contraire de la déduction, on part d'une action particulière pour aboutir à une loi générale.

7) Quels sont les différents types d’arguments ?

- L'argument d'autorité : s'agit d'une idée émise d'un groupe que l'on ne peut généralement pas contester.

- L'argument ad hominem qui est utilisé pour une raison personnelle pour attaquer l'hypothèse de l'adversaire.

8 -Quels sont les procédés du discours argumentatif ?

- La thèse rejetée: utilisée pour opposer deux thèses accentuée par cette opposition.

- La concession: utilisée pour faire semblant d'approuver sa thèse pour mieux soutenir la sienne. On peut la repérer facilement grâce à des connecteurs logiques.

- L'organisation logique: utilisée pour relier des arguments, grâce à des connecteurs logiques, pouvant exprimer de multiples rapports logiques. (voir question 4)

9) Quels sont les procédés de l’argumentation ?

Aussi appelées figure de style, ou de rhétoriques, voici les principales :

- Comparaison : figure dans laquelle nous avons un comparé, un comparant et un comparatif

- Métaphore : image et comparaison sans comparatif

- Métaphore filée : Suite de métaphores sur un même thème

- Allégorie : C’est le fait de représenter une idée par une image

- Prosopopée : discours direct d’un être disparu, d’une personnification, d’une allégorie

- La métonymie : C’est l’emploi d’un nom pour un autre : les planches pour dire la scène

Elle désigne le contenu par le contenant

C’est l’œuvre par son auteur

(Il y a donc trois sens possibles de cette figure de style qu’est la métonymie.)

- Synecdoque : C’est le fait de remplacer le nom d’une chose par l’une de ses caractéristiques

- Périphrase : C’est le fait de dire en plusieurs mots ce que l’on pourrait dire en un seul

- Inversion : inversion de l’ordre dans lequel apparaissent normalement les éléments syntaxiques

- Antithèse : confrontation de deux thèses opposées

- Prolepse : mise en relief d’un élément par sa mise hors proposition où il est remplacé par un pronom.

- Antiphrase : C’est le fait de dire le contraire de ce que l’on pense. (On utilise l’antiphrase pour faire valoir l’ironie)

- Oxymore : C’est le fait de relier deux mots que l’on a pas l’habitude de voir ensemble.

- Personnification : Donner des traits humains à un objet/animal.

- Hyperbole : Exagération.

- Enumération : Succession de mots sans ordre croissant ou décroissant d’intensité : j’aime les films, la musique et les peinture

- Gradation : C’est une succession de mots avec un ordre croissant ou décroissant d’intensité

- Litote : atténuation d’une idée

- Euphémisme : atténuation d’une vérité pénible

- Anaphore : répétition d’un même élément en tête de phrases, de propositions de vers se succédant

- Chiasme : C’est un croisement.

- Ellipse : C’est la Suppression d’un mot.

10) Qu’est-ce qu’un argument de mauvaise foi ?

Les arguments de mauvaise foi n'ont pas de valeur logique mais donnent une apparence rationnelle au discours. Ce sont donc de faux arguments qui permettent de dissimuler la faiblesse de l'argumentation.

11) Quels sont-ils ?

- Le prétexte : il invoque une raison inventée pour justifier une décision ou un comportement, par exemple ce que fait le loup dans la fable de La Fontaine "le loup et l'agneau" : il prend prétexte du fait que l'agneau le gêne en buvant dans la même rivière que lui pour justifier sa décision de le dévorer.

- La tautologie : On peut traduire la tautologie par le discours du même, c'est le fait de dire deux fois la même chose, c'est un raisonnement sans fondement qui se contente de répéter la même idée et relève donc de l'évidence, exemple, je monte en haut.

- L'argument ad hominem : il consiste à discréditer la personne de l'adversaire plutôt que ses propos et ses arguments.

12) De quelle façon peut-on prendre en compte la thèse adverse, pour en tirer partie ?

On peut aussi tenir compte des arguments de l'adversaire et les intégrer dans le raisonnement, on peut le faire de trois façons.

- Le raisonnement concessif : il permet de donner raison à l'adversaire sur quelques points avant de réfuter l'essentiel de son argumentation.

- Le raisonnement par l'absurde : Il fait mine d'adopter la thèse adverse pour en tirer par déduction des conséquences ridicules : cela permet au locuteur de montrer que l'idée de départ, autrement dit la thèse adverse est illogique.

- L'ironie : La thèse adverse est prise en compte, elle feint d'adopter les arguments de l'adversaire pour mieux les tourner en dérision.

 

 

ORAUX EAF

 

 

Questionnaires, oral EAF

**** Les réponses aux questions sont dans les paragraphes d'étude qui précèdent le questionnaire

 

Introduction

Le texte que nous allons étudier est tiré des Propos sur le bonheur, ouvrage philosophique  sur l'art d'être heureux publié en 1925. l'oeuvre est à la fois caractéristique du genre littéraire et philosophique.

Les propos sont de courts articles inspirés par l'actualité du moment. Il s'inspire de Platon, Descartes, Auguste Comte mais surtout de son premier professeur de philosophie Jules Lagneau

La question du bonheur est universelle, c’est une question humaine. Il réfléchit de manière très argumentative à la notion de Bonheur  et aux moyens pour l'homme en quête de bonheur d'y parvenir.  De nombreux paradoxes sont ainsi mis en avant en particulier autour des notions de plaisir de peine et de bonheur.

Alain est un philosophe (Emile Auguste Chartier), un professeur de philosophie au lycée Henri IV ; c’est aussi un chroniqueur, un journaliste, le propos d’Alain est un texte philosophique diffusé à la radio : conversation avec tout le monde (vulgarisation).

Quel rapport entre agir et propos ? Quel est le contenu de la leçon ? Quelle argumentation utilise-t-il ?

Questions sur l'introduction:

 

De quel siècle Alain est-il?

De quel ouvrage ce passage est-il tiré?

Quand cet ouvrage a t'-il publié?

De quel genre littéraire est-il?

Quel en est le thème?

Définir «les Propos»?

De quoi sont ils inspirés?

De qui Alain s'inspire t'-il pour les rédiger?

Comment la question du bonheur est-elle perçue dans les Propos?

De quelle manière réfléchit-il?

Autour de quels paradoxes la réflexion sur le bonheur s'oriente t'-elle?

Quel est le vrai nom d'Alain?

Quelle est sa profession?

Formulez sous forme de trois questions les interrogations essentielles des Propos sur le bonheur

 

Questions sur l'analyse

 

Problématiques possibles:

 

En quoi est-ce un texte argumentatif?

En quel sens peut-on parler d'une philosophie du bonheur?

 

Plan de l'étude analytique:

 

Introduction/Problématique

I – L'argumentation du texte

Stratégie et procédés de l'argumentation

II – La philosophie du bonheur selon Alain

L'idée du bonheur et  sa réalisation

Conclusion

 

 

ORAUX EAF

 

 

 

 

I – L'argumentation du texte

Stratégie et procédés de l'argumentation

Trois termes importants : victoire difficile, c’est bonheur et non plaisir qu’il faudrait dire, le plaisir rend triste.

Lorsqu’on observe le texte, il y a des répétitions : 7 fois le mot « peine », contraste avec « peine » « plaisir » : paradoxe.

En plus du paradoxe, il y a une gradation : il utilise des exemples qui parlent à tout le monde et il fait référence à Hercule. Diogène (5ème, 6ème siècle vit dans un tonneau, ne mâche pas ses mots, est cynique.

Objection : ligne 2 et 3 « on dit partout..on dira là-dessus » : une volonté d’inclure tout le monde.

Topos :Topoi : a priori en latin. Il prend des idées et les objecte. La thèse fonctionne en deux temps : raisonnement binaire.

Cela permet d’être mieux compris. La première partie du raisonnement, est un postulat, une idée défendue. : les hommes aiment la peine car c’est un élément nécessaire pour le bonheur : peine = labeur.

Pas à pas il mène l’auditeur à sa pensée. Une thèse en deux points : référence à Hercule paradoxale : homme fort mais il est montré comme un faible. Paradoxe, donc l’effet est de montrer que tout le monde a une faiblesse.

Exemple très utilisé :  Il allège la phrase. Allure hachée ; lien logique, discours très logique, très clair.

Ce texte utilise l’énumération, antipode de la période oratoire. Longues phrases comportant différentes rhétoriques. Le billet d’humeur marque le ton.

I - Questionnaire : Stratégie et procédés: Étude de l'argumentation

 

A quel paradoxe le concept de plaisir est-il associé?

Comment le contraste entre le plaisir et la peine est-il souligné?

Combien de répétitions avons-nous du mot «peine»?

Relevez et analysez une gradation du texte

Relevez le passage du début du texte qui trahit la volonté d'Alain d'inclure tout le monde

Quelle est la thèse d'Alain?

Comment met-il en place son raisonnement?

Quel rapport existe t'-il  entre le bonheur et la peine?

Que met en avant la référence à Hercule?

Expliquez le paradoxe de cette référence?

Relevez les indices du discours logiques

Alain essaye t'-il de convaincre ou de persuader?

Relevez deux antithèses dans le premier paragraphe

Que traduisent les effets de symétrie des deux premiers paragraphes?

 

 

II – La philosophie du bonheur selon Alain

 

L'Idée du bonheur et sa réalisation

J’écris ces propos : l’écrivain vit de sa plume.

Il apostrophe le lecteur, il le touche, inclusion de l’interlocuteur.

Thèse : ligne 26, 27

Le bonheur est difficilement accessible  ainsi que le suggère le syllogisme : bonheur = poésie, poésie= action, action=bonheur.

Le bonheur est action, il doit se faire, se constuire. Nous reprendrons pour l'illustrer la citation d'Alain, «Penser c'est vouloir». L'action délivre l'homme, le libère de la tristesse.

L’effort est le moyen de rentrer en soi. Bonheur et plaisir ne sont pas synonymes car le plaisir se reçoit selon lui. Le plaisir ne dépend pas de nous d’après Epictète, philosophe stoïcien.

Plaisir amoureux : regards,

Collectionneur : objet

On ne maîtrise pas le plaisir, le bonheur est intrinsèque, à l’intérieur de soi.

Le bonheur nécessite une action, et il nous rend autonome.

Principe Nietzsche : tout ce qui ne tue pas rend plus fort.

Le paradoxe : bonheur et peine sont indissociables.

 

II -Questionnaire : L'idée de bonheur et sa réalisation

 

Comment Alain s'adresse t'-il au lecteur?

Relevez un syllogisme et analysez le

Proposez une définition du syllogisme: recherche personnelle

Expliquez la citation d'Alain:

«Pensez, c'est vouloir»

Quel effet cathartique l'action a t'-elle sur l'homme?

A quoi l'action est-elle assimilée?

Comment le concept d'effort se traduit-il?

Estimez-vous que la philosophie du bonheur selon Alain rendre l'homme responsable?

Le bonheur doit-il se mériter?

Être le fruit de nos actes?

Dicter notre conduite?

Quel serait après relecture du passage le meilleur synonyme de bonheur?

Le meilleur antonyme?

Quel rapport peut-on établir entre Alain et Épictète?

Entre Alain et Nietzsche?

 

 

Conclusion:

Il nous donne une leçon concrète sur le bonheur. Il y a un discours traditionnel (La Fontaine : « travailler, se donner de la peine, c’est le fond qui manque le moins »). Il faut dépasser l'idée reçue du bonheur pour le mériter dans le but de le vivre. Un vrai discours philosophique qui s'adresse au lecteur. Le bonheur est une conquête et l'homme doit se battre y goûter et dépasser les idées préconçues relatives à ce concept. Ce propos a donc une portée philosophique, sa portée  est didactique.

Le but de ce propos est d'apprendre au lecteur à réfléchir et à penser rationnellement en évitant toutes les formes de préjugés. On voit qu'Alain est un humaniste cartésien soucieux de toucher l'homme dans sa conscience et sa soif de bonheur et de liberté.

 

Questions sur la conclusion:

 

Peut-on parler d'une leçon de vie?

Le discours d'Alain est-il traditionnel?

A qui pourriez-vous le comparer?

Cette quête du bonheur par l'action s'insurge t'-elle contre les idées reçues et préjugés?

Adhérez-vous à cette philosophie pratique et méritoire?

Etes-vous touché en tant que lecteur?

Alain est-il selon vous un humaniste cartésien?

 

ORAUX EAF

 

 

 

 

Pour aller plus loin :  Travail personnel pour élargir vos connaissances et travailler la conclusion et l'ouverture

Après relecture du commentaire d'Alain, Propos sur le bonheur, lire l'étude et le texte du Discours sur le bonheur, la passion d'Emilie du Châtelet.

Faire une étude comparative des deux. Points communs et différences entre ces deux philosophies du bonheur

 

Discours sur le Bonheur

 

Dans la première édition de 1779, une note adjointe au titre, précisait:

 

Gabrielle-Émilie de Breteuil, marquise du Chatelet, née en 1706,

 

et morte en 1749: de toutes les femmes qui ont illustré la France, c'est celle

 

qui a eu le plus de véritable esprit et qui a le moins affecté le bel esprit.

 

 

Il faut, pour être heureux, s'être défait des préjugés, être vertueux, se bien porter, avoir des goûts & des passions, être susceptible d'illusions, car nous devons la plupart de nos plaisirs à l'illusion, & malheureux est celui qui la perd. Loin donc de chercher à la faire disparaître par le flambeau de la raison, tâchons d'épaissir le vernis qu'elle met sur la plupart des objets; il leur est encore plus nécessaire que ne le sont à nos corps les soins & la parure.

Il faut commencer par se bien dire à soi-même & par se bien convaincre que nous n'avons rien à faire dans ce monde qu'à nous y procurer des sensations & des sentiments agréables. Les moralistes qui disent aux hommes: réprimez vos passions, & maîtrisez vos désirs, si vous voulez être heureux, ne connoissent pas le chemin du bonheur. On n'est heureux que par des goûts & des passions satisfaites; [je dis des goûts], parce qu'on n'est pas toujours assez heureux pour avoir des passions, & qu'au défaut des passions, il faut bien se contenter des goûts. Ce seroit donc des passions qu'il faudroit demander à! Dieu, si on osoit lui demander quelque chose; & Le Nôtre avoit grande raison de demander au pape des tentations au lieu d'indulgences.

Mais, me dira-t-on, les passions ne font-elles pas plus de malheureux que d'heureux? Je n'ai! pas la balance nécessaire pour peser en général le bien & le mal qu'elles ont faits aux hommes; mais il faut remarquer que les malheureux sont connus parce qu'ils ont besoin des autres, qu'ils aiment à raconter leurs malheurs, qu'ils y cherchent des remèdes & du soulagement. Les gens heureux ne cherchent rien, & ne vont point avertir les autres de leur bonheur; les malheureux sont intéressants, les gens heureux sont inconnus.

Voilà pourquoi lorsque deux amants sont raccommodes, lorsque leur jalousie est finie, lorsque les obstacles qui les séparoient sont surmontés, ils ne sont plus propres au théâtre; la pièce est finie pour les spectateurs, & la scène de Renaud à d'Armide n'intéresseroit pas autant qu'elle fait, si le spectateur ne s'attendoit pas que l'amour de Renaud est l'effet d'un enchantement qui doit se dissiper, & que la passion qu'Armide fait voir dans cette scène rendra son malheur plus intéressant. Ce sont les mêmes ressorts qui agissent sur notre ame pour l'émouvoir aux représentations théâtrales & dans les événements de la vie. On connoît donc bien plus l'amour par les malheurs qu'il cause, que par le bonheur souvent obscur qu'il répand sur la vie des hommes. Mais supposons pour un moment, que les passions fassent plus de malheureux que d'heureux, je dis qu'elles seraient encore à désirer, parce que c'est la condition sans laquelle on ne peut avoir de grands plaisirs; or, ce n'est la peine de vivre que pour avoir des sensations & des sentiments agréables; & plus les sentiments agréables sont vifs, plus on est heureux. Il est donc à désirer d'être susceptible de passions, à je le répète encore: n'en a pas qui veut.

C'est à nous à les faire servir à notre bonheur, & cela dépend souvent de nous.

 

 

 

Mme du Châtelet (1706-1749)

Nous allons étudier un extrait du Discours sur le bonheur de Mme du Châtelet, la passion.

Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, communément appelée Émilie du Châtelet, 1706, 1749.

Les femmes scientifiques à cette époque sont très rares. Emilie du Chatelet travaille à sa passion pour Newton ; elle a traduit ses ouvrages. Elle fréquente d’autres philosophes comme Voltaire qui sera son amant pendant 15 ans.

C’est un auteur qui se pose des questions philosophiques mais cet extrait ne devait pas être publié. Le discours n’était peut-être pas d’elle. Elle ne voulait pas le publier et elle est morte en accouchant.

 

 

I. Apologie des passions

A.L'argumentation du texte

L’expression d’un but, cela s’énonce avec une anaphore : « il faut »

Manière pragmatique de raisonner : elle fait un bilan. Au quotidien, le scientifique prend des notes ; c’est une thèse optimiste, hédoniste, vivre avec intensité.

Discours structuré : « il faut commencer par » ; « ce serait donc » ;  Des connecteurs logiques s'ajoutent à l'organisation du discours. « Mais » ; « on connaît donc » ; « or » ; « il est donc à désirer ».

Les figures de style contribuent à mettre en valeur les idées de l'auteur, nous pouvons mettre ainsi en évidence des antithèses comme «le bien et le mal» ou encore «malheureux» et «heureux», un oxymore, « bonheur obscur ». Deux thèses sont alors en présence, celle du bien et celle du mal. Le discours se construit de manière très méthodique autour de la question du bonheur, il s'agit de poser l'idée que les passions vécues intensément sont la seule façon pour l'homme d'être heureux. Les arguments se multiplient et les citations récurrentes sur cet aspect sont nombreuses, on peut lire, «se bien dire et se bien convaincre», «on n'est heureux que...»,.......

Le syllogisme, argument logique basé sur trois propositions, une majeure, une mineure et une conclusion. L'argument par syllogisme est le suivant: «Mais supposons... passions».

L'ensemble des procédés oratoires sont encore mis en avant par des questions rhétorique comme «les passions ne font-elles pas plus de malheureux que d'heureux? Et des répétitions qui ont valeur d'un rappel:  «et je le répète encore».

B. L'énonciation et l'adhésion de l'auteur

- Elle a une nouvelle conception des passions. L’énonciation nous fait remarquer un glissement ; elle dit « je », «je le répète encore»... Nous pouvons en outre mettre en évidence la figure de style qui lui permet de valoriser son jugement sous la forme d'une métaphore, «je n'ai  pas la balance nécessaire pour peser le bien et le mal».

. Elle s’implique ligne 17. C’est un discours intime ; on sent le vécu. Réflexion qui s’appuie sur une expérience personnelle.

Elle cherche à généraliser son propos. On note en outre des tournures plus impersonnelles comme «il faut et «on»

C -A qui s'adresse Mme du Chatelet?

-Les hommes en général, la portée de ce discours en ce sens est universelle tout comme la quête du bonheur. «le chemin du bonheur»

Les moralistes et en particulier ceux qui disent aux hommes de «réprimer leurs passions», ceux qui mettent un frein à la recherche et à la quête du bonheur.

A tous ceux qui cherchent le bonheur et à ceux qui ne l'ont encore jamais approché, les malheureux ignorants des bonheurs de ce monde, nous le voyons dans la citation suivante: «qu'ils ont besoin des autres, qu'ils aiment à raconter leurs malheurs...»

II. L'idéal des lumières et le discours sur le bonheur

A. Se libérer par l'esprit

On retrouve  l'idéal du siècle des lumières dans le discours de Mme de Chatelet, en effet, on y voit l'invitation pour l'homme à penser par lui-même et à se libérer des préjugés par la force de l'esprit. L'homme doué d'intelligence doit se défaire des stéréotypes et accéder à une indépendance intellectuelle et une autonomie de penser de façon à mieux gérer sa vie. L'urgence de penser par soi-même se traduit par la formule «il faut commencer par se dire à soi-même et par se bien convaincre que..... «.

B – Se libérer de la religion et des stéréotypes moralistes

- Le bonheur recherché n'est pas céleste mais terrestre. Le salut n'est pas recherché, il ne s'agit pas non plus d'une forme d'ascétisme, de rachat des fautes etc. Les connotations religieuses sont absentes si ce n'est à travers l'antiphrase et le procédé ironique de cette formule: «Il faudrait demander à Dieu, si on osait lui demander quelques chose, et le Nôtre avait grande raison de demander au pape des tentations au lieu d'indulgences».  On retrouve la force ironique des textes dénonciateurs comme ceux de Voltaire, très copieux en antiphrases, figure de rhétorique qui permet de mettre en avant le ironique. Il faut dans la quête du bonheur se soucier de vivre ses passions. Nous avons donc une critique de la religion et une dénonciation des raisonnements moralistes des chrétiens ainsi que des stoiciens qui cherchent toujours à gérer les choses en les maîtrisant ainsi que le suggère la formule « réprimez vos passions et maîtrisez vos désirs».  

C. la  philosophie de L’épicurisme

- L'épicurisme est la philosophie mise en avant dans cet extrait. Il s'agit d'une quête et recherche de plaisirs sous toutes ses formes, proposés par la vie terrestre. Cette philosophie n'est donc pas soucieuse de religion ni de morale, mais simplement de la quête possible d'un bonheur pour l'homme qui vit dans le respect le plus total de sa nature humaine et des plaisirs que cela suppose.

Nous remarquons le champ lexical des plaisirs qui contribue à cet effet d'insister sur le thème récurrent du discours. Nous pouvons citer: «bonheur», «amour», «goût», «sensations et sentiments agréables», «désirs», «désirer»....

 

 

Date de dernière mise à jour : 16/05/2019

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