Camus, les Justes, analyse bac

 

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Camus, les justes, fiche de lecture. Les héros des justes et l'idéal de justice.

 

  • Camus, les justes
  • Les héros des justes et l’idéal de justice
  • Fiche de lecture, niveau bac toutes séries
  • Très bon niveau d'étude, document prépabac

 

Descriptif :

L’analyse proposée est une fiche de lecture sur les Justes de Camus. Les points abordés sont présentés dans le plan.

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Plan proposé :

  • Les justes
  • L’idéal des héros
  • L’absurde collectif
  • L’union sociale : l’idéal de justice
  • Mourir pour l’Idéal
  • La question de la fin et des moyens
  • Le héros : meurtrier? Homme justicier? Criminel pénitent?

 

Lecture en ligne de la fiche de lecture :

Jan se perd pour ne s’être pas nommé et tel Caligula avoir pris les traits du destin. A l’inverse, Tarrou, Rieux, Grand et Rambert maîtrisent l’absurde collectif. La lucidité des héros qui participent sans tricher à la lutte commune assure le triomphe. « Si l’homme veut être reconnu, il lui faut dire simplement qui il est. S’il se tait ou s’il ment, il meurt seul, et tout autour de lui est voué au malheur. S’il dit vrai au contraire, il mourra sans doute, mais après avoir aidé les autres et lui-même à vivre » - Camus théâtre, récits, nouvelles 1962. L’union des oranais contrairement à Jan et sa mère marque une étape vers l’union sociale. La peste en effet dépasse le stade de l’union familiale du Malentendu et s’ouvre par la compréhension à une solidarité toute fraternelle. Mais l’histoire commune qu’est la peste « n’est à son tour qu’un symbole ou un début qui doit être dépassé à nouveau pour arriver à une union des hommes de toute la terre et de toute l’histoire. Car l’homme d’une cité ou d’une nation n’est encore qu’un homme abstrait, au sens étymologique du mot, c’est-à-dire, tiré hors de son espèce. L’homme concret ne peut-être que l’homme universel. L’union sociale de l’homme doit donc atteindre sa forme planétaire ou internationale » - Pierre Nguyen-van-huy, la métaphysique du bonheur chez Albert Camus. Les héros des justes ont atteint le plus haut degré de la compréhension sociale. Ils luttent tous dans une organisation révolutionnaire socialiste.

En février 1905, à Moscou un groupe de terroristes organise un attentat à la bombe contre le grand Duc Serge, oncle du tsar. Ainsi toute la Russie saura que le grand Duc a été exécuté par le groupe de combat du parti socialiste révolutionnaire afin de hâter la libération du peuple. Au-delà de la morale de compréhension d’un Tarrou, les héros des justes combattent avec la force d’une conscience collective motivée et la foi partagée en l’idéal de la justice. La connaissance engendre la solidarité fraternelle des justes. Le degré d’union sociale s’élève proportionnellement au degré de compréhension. Voivo rétorque à Stepan : « j’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice. Il fallait donner sa vie pour la combattre ». Ainsi Dora à Kaliayev en parlant des autres frères affirme : « ils t’aiment et te comprennent » - les justes, acte I -

Ou encore dans la prison lorsque Kaliayev s’adresse à la grande Duchesse : « je l’ai compris. C’est pourquoi je vous pardonne le mal que vous et les vôtres m’avez fait » - les justes, acte IV -

Les héros s’identifient totalement avec leur idéal de justice. Ils veulent être tout ou rien s’ils se trouvent déchus par la force qui les domine. Je ne suis pas entré dans la révolution parce que j’aime la vie rétorque Stepan à Kaliayev mais parce que la justice est au-dessus de la vie. Acceptant de tuer au nom de leur révolte pour bâtir un monde où plus jamais personne ne tuera, d’être des criminels afin que la terre se couvre enfin d’innocents, ils acceptent aussi de mourir pour leur cause : je crois s’écrie Kaliayev à l’idée. Comme eux, je veux me sacrifier. Ce consentement tau mourir dans le mouvement même de la révolte dévoile la force du sacrifice au bénéfice d’un Bien dont on estime qu’il déborde notre propre destinée, valeur dont on a le sentiment qu’elle est commune avec les hommes. Il y a donc chez les justes « une identification de destinées ». « Tu ne tueras pas seul ni au nom de rien répond Kaliayev à Stepan. Tu le tueras avec nous et au nom du peuple russe. Voilà ta justification » - les justes, acte I -

L’individu n’est donc pas à lui seul la valeur qu’il veut défendre, la lutte pour l’idéal doit élever les individus vers la conviction d’une dignité commune.

« Vous souvenez vous de qui nous sommes? Des frères confondus les uns aux autres, tournés vers l’exécution des tyrans pour la libération du pays !Nous tuons ensemble et rien ne peut nous séparer » - Les justes, acte I -

Même les sentiments que les deux amants Dora et Kaliayev nourrissent l’un envers l’autres n’ont plus rien à voir avec ceux qu’éprouvait Rambert. Leur relation ne se réduit pas à l’aspect charnel et égoïste du désir amoureux mais se sublime dans l’amour social ainsi que nous rapporte leur conversation : « tu m’aimes plus que la justice, plus que l’organisation? -je ne vous sépare pas, toi, l’organisation et la justice- M’aimes tu dan la solitude, avec tendresse, avec égoïsme? M’aimerais-tu si j’étais injuste? - si tu étais injuste, et que je puisse t’aimer, ce n’est pas toi que j’aimerais » - les justes, acte III - Mais s’écrie Dora, « nous ne sommes pas de ce monde nous sommes des justes… -Oui, rétorque Kaliayev, c’est là notre part, l’amour est impossible. Mais je tuerai le grand duo, et il y aura alors une paix, pour toi comme pour moi » - les justes, acte III - La rébellion la plus élémentaire n’exprime que l’aspiration à un ordre par conséquent, instaurer le règne unitaire de la justice n’est que « revendication d’une unité heureuse », celle d’un amour enfin possible et libéré.

En tuant le grand-duc, le héros se soumet à la discipline du groupe de combat du parti socialiste révolutionnaire. Il accepte de mourir pour l’idée car c’est la seule façon d’être à la hauteur de l’idée. C’est la justification. Mais le seul bonheur enviable n’est pas de tuer et mourir car mourir au moment de l’attentat laisse quelque chose d’inachevé alors « qu’entre l’attentat et l’échafaud, au contraire, il y a une éternité, la seule peut-être pour l’homme… c’est donner sa vie deux fois. C’est mourir deux fois » - Les juste, acte I -

Il consent à tuer en justicier et non en assassin dans le respect de l’honneur de la révolution, celui qui dit non à la mort des innocents, celui pour lequel il accepte de mourir : « Non, j’ai choisi de mourir pour que le meurtre ne triomphe pas. J’ai choisi d’être innocent ». - Les justes, acte II-

Kaliayev incarne dans son idéal du juste son idéal de justice. Contrairement à Meursault, Caligula ou Martha, il ne fait pas preuve d’indifférence à l’égard de la mort d’autrui. Tel Tarrou, nous dirons, pour reprendre les mots de Madeleine Bouches, qu’il semble surmonter la logique nihiliste issue de l’absurde. Le personnage de la peste sait qu’on ne peut faire un geste en ce monde sans risquer de faire mourir et qu’à partir du moment où on renonce à tuer, on se condamne à un exil définitif. C’est pourquoi il se propose d’être un meurtrier innocent. De même Kaliayev aspire au dessein contradictoire du révolutionnaire justicier innocent et non assassin. La souffrance et la mort des enfants seuls innocents en ce monde paraissent au héros des justes tout comme à Camus scandaleuses, c’est pourquoi, cet être passionné de justice au une répulsion manifeste pour le péché révolutionnaire, quand la fin implique le meurtre comme moyen. Si chacun ainsi que le confesse Tarrou porte en soi la peste, si personne au monde n’en est indemme le révolutionnaire n’en doit pas moins se transformer en assassin mais assumer son statut de meurtrier innocent. Dans Actuelles II, Camus confie : « il y a la mort des enfants qui signifie l’arbitraire divin, mais il y a aussi la mort des enfant qui signifie l’arbitraire humain. » Il semble que dans le cas de Kaliayev sa réticence à lancer la bombe sur le grand Duc alors que ses neveux se trouvent dans la calèche reflète une grande pureté de cœur et d’âme. L’insistance de Stepan à vanter les indispensables sacrifices pour la victoire de la Russie libérée du despotisme incite Kaliayev à s’écrier que tuer des enfants est contraire à l’honneur et que si la révolution devait se séparer du code de l’honneur, lui, se détournerait de la révolution. « J’ai choisi de mourir, insiste t-’il, pour que le meurtre ne triomphe pas. J’ai choisi d’être innocent » - les justes, acte II - Le but de la révolution est lié à des valeurs spirituelles, à une morale : « il faut aboutir à la solidarité des hommes dans le bonheur et l’innocence » affirme Madeleine Bouches, il faut aussi éviter que l’impureté des moyens n’entame la pureté de la cause. Une éthique idéaliste s’oppose à une éthique de la praxis.

Sur la question de la fin et des moyens, Camus s’inscrit en faux contre la formule d’Ivan Karamasov, si Dieu n’existe pas tout est permis. En effet confesse t’il « je ne puis croire qu’il faille tout asservir au but que l’on poursuit. Il est des moyens qui ne s’excusent pas » - Lettres à un ami allemand - ou encore par les paroles d’Annenkov, « des centaines de nos frères sont morts pour qu’on sache que tout n’est pas permis » - les juste, acte IV - De sorte que finalement le problème posé dans cette pièce de théâtre se résout dans la mort.

Dans sa cellule dans la tour Pougatchev à la prison Boutirki, Ikaliayev attend sa mort par amour pour l’homme et la paix car ceux qui s’aiment aujourd’hui doivent mourir ensemble s’ils veulent être réunis. L’injustice sépare, la honte, la douleur, le mal qu’on fait aux autres, le crime séparent. Vivre est une torture puisque vivre sépare, affirme t’-il. Mais s’il désire sa propre mort, il refuse la grâce dépassant ainsi l’organisation et sa solidarité sociale pour atteindre la solidarité métaphysique. Le héros refuse de vivre et de consentir à être un meurtrier pour disparaître en homme justicier et non en criminel pénitent. Il faut mourir tout entier car Dieu ne peut rien justifier. Il ne réunit pas sur cette terre, il n’y a pas d’amour près de Dieu mais seulement pour la créature. « Je ne compte plus sur le rendez vous avec Dieu, mais en mourant, je serai exact au rendez vous que j’ai pris avec ceux que j’aime, mes frères qui pensent à moi en ce moment; Prier serait les trahir. » Les justes - Acte IV -

On retrouve en ce révolutionnaire socialiste qui après l’attentat du grand Duc se tourne vers l’échafaud le « juge pénitent » à la manière de Clamence. Kaliayev refusant d’être gracié, sa condamnation rachètera son innocence. Ne rejoignons-nous pas ici, interroge Madeleine Bouches l’idée d’expiation, le thème du meurtre rédempteur? Le christ lui-même, si l’on en croit Camus, fut aussi indirectement responsable d’un crime « un certain massacre des innocents ». Il y a, dans la Chute, tout un passage qui éclaire.. La situation et les sentiments des justes. Comme il ressemble à Kaliayev, ce christ lui-même vu à travers Jean Baptiste Clamence ce christ qui ne pouvait oublier les soldats sanglants, les enfants coupés en deux. Il entendait au long des nuits la voix de Rachel refusant toute consolation comme Kaliayev devait aussi, dans sa cellule, continuer à entendre les plaintes de la grande Duchesse. « Il valait mieux en finir, ne pas se défendre, mourir », poursuit Clamence. La phrase pourrait s’appliquer à Kaliayev tout comme au Christ de la chute. Le meurtre ici s’identifie au suicide, il est l’inexcusable et le nécessaire ainsi que le confesse Camus dans les « meurtriers délicats » : «Une vie est alors payée de par une autre vie et de ces deux holocaustes, surgit la promesse d’une valeur… ainsi celui qui tue n’est coupable que s’il consent encore à vivre ou si, pour vire encore, il trahit ses frères. Mourir au contraire, annule la culpabilité et le crime lui -même affirme Camus dans L’Homme révolté.

Date de dernière mise à jour : 28/01/2020

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