Otto Dix, Courbet l'homme blessé, Prévert, Barbara, C. D'Orléans, Agrippa d'Aubigné. Dénonciation de la guerre

 

 

 

L'Homme blessé

The Wounded Man.jpg
Artiste
Gustave Courbet
Date
1844-1854
Technique
Huile sur toile
Dimensions (H × L)
81.5 × 97.5 cm

 

 

 

Gustave Courbet, après des débuts dans le romantisme, il s’est tourné vers le réalisme avec de grands tableaux consacrés à la vie quotidienne sans le dramatiser ni l’enjoliver. Ce tableau s’intitule « l’homme blessé », qui constitue un autoportrait, fut peint d’abord en 1844 : une femme s’appuyait alors sur l’épaule de l’homme. Puis en 1854, à la suite d’une rupture, Courbet remplaça la femme par l’épée et rajouta une tache de sang sur la chemise.

Dans ce tableau, Courbet joue sur l’ambigüité entre le sommeil et la mort. La tache n’est pas visible immédiatement et on a tendance à croire que le jeune homme est simplement endormi au pied de l’arbre. L’effet de surprise est moins grand que dans le poème de Rimbaud car les teintes sont assez sombres, aucun contraste visible avec une nature exubérante et vivante du sonnet de Rimbaud.

 

 

OTTO DIX , DANSE MACABRE

 

C’est un peintre et graveur allemand qui s’engage en 1914 comme artilleur. Il a été traumatisé par cette expérience. Il a réalisé en 1924 un cycle d’eaux fortes à partir des dessins qu’il a réalisés au front. Son œuvre sera en partie détruite par les autorités nazies , qui le feront figurer à l’exposition des « arts dégénérés ».

Dans cette œuvre on observe des fragments de corps humains : des bras des jambes qui se mêlent à des armes. Les tons du tableau sont sombres et sinistres. Aucun espoir n’est visible pour ces pauvres soldats entrainés vers une mort certaine.

 

Aragon

 

LA DENONCIATION DE LA GUERRE DANS LES CHANSONS DU XX SIECLE

La dénonciation de la guerre est un thème qui revient régulièrement dans la chanson du xx et xxI siècle dans le monde entier :

  • En France : Barbara « Perlimpinpin », Yves Montand « la Butte rouge », Renaud et Axel Red (Manhattan Kaboul), Boris Vian (le déserteur »

  • En Allemagne : Rosa Holt « Giroflé , Girolfa » contre le nazisme

  • En Grande Bretagne : John Lennon « Imagine »

  • Aux USA : Metallica « One »

 

BARBARA

JACQUES PREVERT 1949

Après la seconde guerre mondiale les poètes se révoltent contre la guerre et les ruines qu’elle a occasionnées. Pour eux, rien ne justifie les millions de morts englouties dans les tranchées. Jacques Prévert fait partie de ces poètes, il a écrit ce poème après le grand bombardement sur la ville de Brest en 1944 qui a été repris en chanson par les Frères Jacques avec le compositeur Joseph Kosma.

Rappelle-toi Barbara

Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là

Et tu marchais souriante

5 Épanouie ravie ruisselante

Sous la pluie

Rappelle-toi Barbara

Il pleuvait sans cesse sur Brest

Et je t’ai croisée rue de Siam

10 Tu souriais

Et moi je souriais de même

Rappelle-toi Barbara

Toi que je ne connaissais pas

Toi qui ne me connaissais pas

15 Rappelle-toi

Rappelle-toi quand même ce jour-là

N’oublie pas

Un homme sous un porche s’abritait

Et il a crié ton nom

20 Barbara

Et tu as couru vers lui sous la pluie

Ruisselante ravie épanouie

Et tu t’es jetée dans ses bras

Rappelle-toi cela Barbara

25 Et ne m’en veux pas si je te tutoie

Je dis tu à tous ceux que j’aime

Même si je ne les ai vus qu’une seule fois

Je dis tu à tous ceux qui s’aiment

Même si je ne les connais pas

30 Rappelle-toi Barbara

N’oublie pas

Cette pluie sage et heureuse

Sur ton visage heureux

Sur cette ville heureuse

35 Cette pluie sur la mer

Sur l’arsenal

Sur le bateau d’Ouessant

Oh Barbara

Quelle connerie la guerre

Qu’es-tu devenue maintenant

40 Sous cette pluie de fer

De feu d’acier de sang

Et celui qui te serrait dans ses bras

Amoureusement

Est-il mort disparu ou bien encore vivant

45 Oh Barbara

Il pleut sans cesse sur Brest

Comme il pleuvait avant

Mais ce n’est plus pareil et tout est abimé

C’est une pluie de deuil terrible et désolée

50 Ce n’est même plus l’orage

De fer d’acier de sang

Tout simplement des nuages

Qui crèvent comme des chiens

Des chiens qui disparaissent

55 Au fil de l’eau sur Brest

Et vont pourrir au loin

Au loin très loin de Brest

Dont il ne reste rien.

 

 

Le terme « Barbara » revient souvent dans le poème, ses sonorités sont frappantes : deux b, trois a, deux r. L’interjection « Oh » donne beaucoup d’émotion au poème qui se transforme comme un cri de désespoir.

Le terme « Brest » se répète aussi cinq fois dans le poème. Il fait écho à celui de Barbara (b et r). Il matérialise la deuxième victime de la guerre tout comme la jeune fille qui a perdu son amant paut être. Brest était « une ville heureuse » et qui se retrouve « abimée » et « désolée ».

Le souvenir revient aussi souvent dans ce poème « rappelle-toi » sept fois, « n’oublie-pas » deux fois. On dirait que l’auteur cherche dans le souvenir un certain réconfort.

Le terme « pluie » est très évocateur dans ce poème puisqu’elle était associée au bonheur avant la guerre « cette pluie sage et heureuse » pour se transformer en « pluie de fer » à l’image des obus.

Ce poème est lyrique, le poète est très impliqué à travers le pronom personnel « Je ». Il décrit beaucoup de sensibilité et d’émotion face à l’absurdité de la guerre « Oh, Barbara » et « quelle connerie la guerre ».

La mise en chanson de ce poème a été réussie car le compositeur a mis en valeur les répétitions sur un même motif musical. Le lyrisme est aussi bien mis en évidence grâce à l’alternance entre les parties chantées par le soliste et qui reproduisent la voix du poète et celles chantées par la chorale. Le changement de rythme est aussi remarquable puisque le début de la chanson est calme et régulier puis il s’accélère lors de la rencontre des amoureux pour finir sur des tons graves qui expriment bien l’atmosphère de désolation. La chute du poème avec le terme « rien » est frappante à travers le son sec de la musique et les voix des chanteurs qui ont su exprimer la révolte du poète.

 

 

Charles d orleans

EN REGARDANT VERS LE PAYS DE FRANCE

CHARLES D’ORLEANS

XV SIECLE

Charles d’Orléans était un grand prince de France. Il s’est fait prisonnier par les Anglais lors de la bataille d’Azincourt. Il restera vingt -cinq ans en captivité en Angleterre car aucun membre de sa famille ne pouvait payer sa rançon. Pendant qu’il fut prisonnier, il écrivit beaucoup de poésie ayant pour thème l’amour et la mélancolie.

En regardant vers le pays de France,

Un jour m’advint, à Douvres1 sur la mer,

Qu’il me souvint de la douce plaisance2

Que soulois3 audit pays trouver ;

Si4 commençai de coeur à soupirer,

Combien certes que5 grand bien me faisoit6

De voir France que mon coeur aimer doit.

Je m’avisai que c’était non savance7

De tels soupirs dedans mon coeur garder,

Vu que je vois que la voie commence

De bonne paix8, qui tous biens peut donner ;

Pour ce9, tournais en confort mon penser10.

mais non pourtant mon coeur ne se lassoit

De voir France que mon coeur aimer doit.

Alors chargeai en la nef d’Espérance

Tous mes souhaits, en leur priant d’aller

Outre11 la mer, sans faire demourance12,

Et à France de me recommander.

Or nous doint Dieu13 bonne paix sans tarder !

Adonc aurai loisir, mais qu’ainsi soit14,

De voir France que mon coeur aimer doit.

ENVOI

Paix est trésor qu’on ne peut trop louer.

Je hais guerre, point ne la dois prisier15 ;

Destourbé16 m’a longtemps, soit tort ou droit,

De voir France que mon coeur aimer doit

Ce poème constitue une ballade qui est une forme lyrique très appréciée au Moyen Age. Il est constitué de trois strophes identiques et terminée par une strophe de quatre vers appelée envoi. Toutes les strophes se terminent avec le même refrain « De voir France que mon cœur aimer doit. Le système de rimes est assez complexe. A part les deux derniers vers qui comportent des rimes plates , toutes les strophes sont organisées selon le schéma ABABB. Ce qui donne au poème une grande unité sonore mais exige du poète une grande virtuosité.

Le poète joue beaucoup dans ce poème sur la rime en « ance, ence » qui exprime sa nostalgie vers son pays la France qui est cité six fois dans le texte. Il exprime sa haine pour la guerre qui l’a rendu prisonnier pendant vingt-cinq ans « je hais la guerre, point ne la dois prisier ». En même temps on sent dans son poème un grand appel pour la paix qui va garantir le « confort » et l’espérance. Il en donne une vision méliorative « bonne paix » citée deux fois. Il la trouve comme étant un don de Dieu et un trésor.

 

 

Agrippa d aubigne

LES TRAGIQUES

AGRIPPA D’AUBIGNE (17 SIECLE)

Engagé très jeune dans le camp protestant et plusieurs fois blessé, il publie clandestinement cette œuvre poétique qui est d’une extrême violence et qui évoque la guerre civile à travers des visions hallucinées et une écriture expressive et inventive à l’image de l’époque baroque. Ce passage est tiré du premier livre du recueil qui s’intitule Misère, il y décrit sa révolte contre cette guerre sanguinaire. Il y déplore qu’en tant que poète lyrique, il fut obligé de dénoncer cette guerre dans son poème au lieu de se consacrer à la poésie amoureuse nourrie de l’Antiquité.

Je n’écris plus les feux d’un amour inconnu

Mais par l’affliction plus sage devenu,

J’entreprends bien plus haut car j’apprends à ma plume

Un autre feu auquel la France se consume.

5 Ces ruisselets d’argent que les Grecs nous peignaient17,

Où leurs poètes vains18 buvaient et se baignaient,

Ne courent plus ici ; mais les ondes si claires

Qui eurent les saphirs et les perles contraires19,

Sont rouges de nos morts ; le doux bruit de leur flots,

10 Leur murmure plaisant, heurte contre les os.

Telle est en écrivant ma non-commune image ;

Autre fureur qu’amour reluit en mon visage.

Sous un inique20 Mars, parmi les durs labeurs

Qui gâtent le papier et l’encre de sueurs,

15 Au lieu de Thessalie21 aux mignardes22 vallées,

Nous avortons ces chants, au milieu des armées

En délassant nos bras de crasse tout rouillés,

Qui n’osent s’éloigner des brassards23 dépouillés.

Le luth24 que j’accordais avec mes chansonnettes

20 Est ores25 étouffé de l’éclat des trompettes.

Ici le sang n’est feint, le meurtre n’y défaut26,

La mort joue elle-même en ce triste échafaud27.

Le juge criminel tourne et emplit son urne28 ;

D’icy, la botte en jambe, et non pas le cothurne29,

25 J’appelle Melpomène30, en sa vive fureur,

Au lieu de l’Hypocrene31, éveillant cette soeur 32

Des tombeaux rafraichis, dont il faut qu’elle sorte,

Eschevelée, affreuse, et bramant en la sorte

Que fait la biche après le faon qu’elle a perdu.

Pour aller plus loin 

Date de dernière mise à jour : 08/10/2018

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