La Fontaine, le loup et le chien, analyse

 

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Les fables,

La Fontaine

« Le loup et le chien », I, 5.

 

Nous allons étudier une fable de La Fontaine intitulée, « Le loup et le chien ». Le fabuliste nous enseigne que la vie confortable s’accompagne souvent de compromissions et se révèle donc incompatible avec la liberté. Il faut parfois choisir, mais en fait, chacun trouve son compte dans la solution qu’il adopte. Nous retrouverons dans cet apologue les deux fonctions de la fable, faire passer un message, c’est-à-dire, instruire et au-delà du but didactique, plaire, divertir. Dans un premier temps, nous étudierons, l’art de la composition ou le plaisir de raconter, puis en second lieu, l’argumentation imagée avant de nous intéresser à la moralité et à l’enseignement destiné à l’homme.

 

I – Un art certain de la composition ou le plaisir de raconter

1 – Le récit

Il se situe au début des vers 1 à 12 puis vers la fin, aux vers 30, 32 et 41, il encadre donc la fable sinon le dialogue. On le distingue grâce aux verbes de parole dans le dialogue. L’écriture allusive reflète l’expression de la rapidité. Au vers 4 par exemple, nous n’avons pas d’explication quant à l’allusion du chien fourvoyé. L’abondance de verbes 1, 2 et 3 par vers renforce cette idée, par exemple au vers 5. La progression immédiate et logique se devine au vers 41. Concernant les temps verbaux, nous avons de l’imparfait, du passé simple et du présent de narration indispensable à la description de la rencontre.

2 – La description et le dialogue

Nous sommes en présence de deux animaux antithétiques. Le chien, « Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde », vers 4 et le loup, « qui n’avait que les os et la peau ». Le dialogue est cher à la Fontaine, il permet de rendre vivant le passage. Le style direct domine ainsi que le suggèrent les guillemets, les tirets qui marquent le changement d’interlocuteur, les verbes de parole en incise. Des vers 10 et 11, le dialogue est intégré dans le récit, le discours est narrativisé, les paroles sont résumées, mais il n’y a pas de contenu. Le chien a une réelle importance, il parle de sa condition des vers 13 à 29. Il doit convaincre et persuader le loup. Nous constatons qu’aux vers 16 à 18, le présent est utilisé pour plaindre le loup, le futur sert à lui montrer la situation bien meilleure à laquelle il pourrait aspirer, vers 13. L’impératif des vers 15 et 21 lui font prendre conscience de la nécessité et de l’urgence de changer. Nous avons ainsi un schéma à trois niveaux, le présent qui reflète la situation actuelle du loup, du futur qui correspond à sa projection dans le temps et de l’impératif qui permet au fabuliste d’orienter l’animal vers un meilleur chemin, il lui suffit de suivre le chien, vers 21.

A l’art certain de la composition ou le plaisir de raconter s’ajoute une argumentation imagée qui nous révèle une réalité peu avantageuse.

 

II – Une argumentation imagée

1 – La condition du loup

Sa condition est celle des animaux sauvages, vers 16 à 21, la condescendance du chien est mise en avant et c’est au vers 18 que sont annoncées les conséquences de la démonstration, mourir de faim, survivre. La nourriture est au centre de la discussion, la question de la survie apparait aux vers 19 et 20. L’animal doit même risquer sa vie pour se nourrir, le chien n’évoque pas sa condition d’animal domestique, il se contente d’une promesse et de flatteries, vers 13 et 14. Le ton reste poli, voire respectueux mais nous notons également l’ironie du chien concernant l’apparence du loup. Le chien se montre persuasif, il prend le loup par les sentiments sachant qu’il a besoin de se nourrir, il va jusqu’à faire rimer « la faim », vers 18 avec « destin », vers 21, qui est intensifié par l’expression « bien meilleur ».

2 – la condition du chien

Le chien commence à parler de sa condition seulement à partir du vers 22, c’est-à-dire, lorsque le loup lui pose la question, « que me faudra-t’il faire ? ». Les éléments de réponse sont donnés par le chien qui des vers 21 à 29 les expose méthodiquement en mettant bien en évidence sa condition de salarié privilégié au vers 26. Nous avons une opposition très claire entre le labeur des vers 23, 24 et 25 et les récompenses, vers 26, 27 à 29 en nourriture et en abondance. Le labeur est résumé par trois verbes à l’infinitif aux vers 23 et 25, la facilité de la tâche est suggérée par la position finale du verbe du vers 25. Il suffit donc de « donner la chasse », « flatter », et « complaire », le chiasme renforce la facilité du travail à exécuter. L’animal se trahit par des marques physiques de servitude, vers 32, nous voyons dès lors le chien perdre de l’assurance au fur et à mesure que le loup le questionne, il tente d’éluder les interrogations et de minimiser les choses, vers 33. Le loup doit s’y prendre à trois fois pour avoir une réponse, vers 34. Le chien essaye d’atténuer les causes de sa servitude, « peut-être la cause ». Il tente ainsi vainement de retarder les aveux. La litote du vers 37, « pas toujours », pour dire jamais, est un moyen de ne pas dévoiler sa condition d’esclave.

3 – Les réactions du loup

L’animal est tout d’abord tenté, il intervient pour la première fois au vers 22, mais il n’est pas près à suivre le chien aveuglément. Puis, dans un second temps, aux vers 30 et 31, nous avons un retour au récit, le lecteur comprend que le bonheur n’est pas parfait, nous assistons en outre à une réaction surprenante du loup, il pleure de tendresse. Enfin, la fuit est sa dernière réaction. Bien que comblé par des rêves de félicité, il garde sa curiosité et sa méfiance. L’enjambement des vers 36 et 37 fait ressortir l’attachement du loup à sa liberté et c’est cette valeur essentielle qu’il va refuser de perdre. Il préfère mourir de faim que de perdre sa liberté, vers 38, 39 et 40. Il reste maître de ses choix jusqu’au bout comme le suggère le vers 41, « Maître loup ».

 

Conclusion

La morale de cette fable est implicite, c’est un enseignement destiné à l’homme car il y a une personnification de l’animal du début à la fin de l’apologue. Les animaux parlent, ils sont affectés d’un titre et capables de sentiments divers. Du fait de cette personnification, nous pouvons dire que La Fontaine s’adresse à l’homme. Le fabuliste met en avant la parole du loup, c’est aussi lui qui tire la leçon de sa propre aventure en refusant « tous vos repas ». Le loup ne renonce pas à sa liberté, seule valeur digne de tous les sacrifices. La morale de cette fable est la suivante, mieux vaut vivre pauvre mais indépendant que dans une cage dorée.

Date de dernière mise à jour : 16/05/2019

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