Bac 2010, français, sujets séries technologiques

DNBAC

 

Séries technologiques



Objet d'étude : L'argumentation directe et indirecte.


Corpus :


Texte 1 : Rabah Belamri, Mémoire en archipel, « Conte arabe »,1990.
Texte 2 : La Fontaine, Fables, I. 6 « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », 1668.
Texte 3 : La Fontaine, Fables, I. 10 « Le Loup et l'Agneau », 1668
Texte 4 : Diderot, Encyclopédie, article « Autorité politique » (extrait), 1751-1772. 



Texte 1 : Rabah Belamri, Conte arabe, Mémoire en archipel, 1990.

- Raconte-nous l'histoire de l'éléphant du roi, mère ! 
- Mais vous la connaissez déjà. 
- Ça ne fait rien. Raconte encore. 

  Et nous ne la laissions en paix que lorsqu'elle commençait à nous raconter l'histoire de l'éléphant du roi. 
  Il y avait un roi qui possédait un gros éléphant. Il l'aimait beaucoup et le laissait libre de ses mouvements. L'éléphant allait partout : traversant les champs et les jardins, causant sur son passage des dégâts considérables. La population se taisait, n'osant protester auprès du souverain par peur de le contrarier. Or, un jour, Jeha, qui venait d'assister au saccage de son champ de blé, son bien unique, dit à ses compatriotes : 
- Mes frères, soyons courageux et allons voir le roi tous ensemble pour lui dire que son éléphant nous fait du mal. Il nous ruinera. Nous finirons par mourir de faim. 
  - Mais lequel d'entre nous sera assez fou pour s'adresser au roi ? dirent les gens, craintifs. 
  Jeha réfléchit un instant et déclara : 
- Puisque vous avez peur, je parlerai le premier. Je dirai : Sire, sauf ton1 respect, ton éléphant...et vous à l'unisson, vous poursuivrez : nous fait du mal. Ainsi, personne ne sera mis à l'avant. Et si nous devions encourir la colère du roi, nous la subirions tous. 
  Quand le roi apparut sur son balcon et fit signe au peuple rassemblé à ses pieds de présenter ses doléances, Jeha prit la parole : 
- Sire, sauf ton respect, ton éléphant... 
  Le peuple demeura muet, et la suite de la phrase ne vint pas. 
- Qu'a-t-il donc, mon éléphant ? s'enquit le roi, les yeux posés sur Jeha. 
  Jeha ne perdit pas contenance. 
- Sire, sauf ton respect, ton éléphant...reprit-il en se retournant vers ses compagnons qui, tête basse, semblaient avoir perdu l'usage de la parole. 
- Parle donc Jeha ! Qu'as-tu à reprocher à mon éléphant ? 
  Jeha se gratta la tête, embarrassé, soupira avec découragement.
- Sire, sauf ton respect, ton éléphant... 
  Il attendit un moment. Le peuple refusait de parler. Le peuple avait peur de son roi. 
- Alors Jeha veux-tu bien parler ! lança le roi avec impatience. 
- Oui, Sire ! dit Jeha d'une voix raffermie. Nous sommes venus te dire que ton éléphant nous fait le plus grand bien. Nous l'aimons et nous souhaitons avoir d'autres éléphants pour lui tenir compagnie, une dizaine, Sire. Ça égayera notre pays et nos existences. Et tes sujets, Sire, sont disposés à participer à leur achat. 

1. Le vouvoiement n'existe pas dans les langues arabes. 



Texte 2 : La Fontaine, « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », Fables, I, 6, 1668.

La Génisse, la Chèvre et leur sœur la Brebis, 
   Avec un fier Lion, Seigneur du voisinage, 
   Firent société1, dit-on, au temps jadis, 
Et mirent en commun le gain et le dommage. 
Dans les lacs2 de la Chèvre un Cerf se trouva pris. 
   Vers ses associés aussitôt elle envoie3. 
Eux venus, le Lion par ses ongles compta, 
Et dit : « Nous sommes quatre à partager la proie. » 
Puis en autant de parts le Cerf il dépeça, 
Prit pour lui la première en qualité de Sire : 
« Elle doit être à moi, dit-il, et la raison, 
      C'est que je m'appelle Lion : 
      A cela l'on n'a rien à dire. 
La seconde, par droit, me doit échoir4 encor :
Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort. 
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième5. 
Si quelqu'une de vous touche à la quatrième 
      Je l'étranglerai tout d'abord6. » 

1 - Firent société : se réunirent.
2 - Lacs : les filets, c'est-à-dire le piège tendu par la Chèvre. 
3 - Elle envoie : elle envoie des messagers. 
4 -  Me doit échoir : doit me revenir. 
5 - Comme le plus vaillant, je prétends la troisième : comme je suis le plus vaillant, je prétends avoir droit à la troisième part. 
6 - Tout d'abord : immédiatement, tout de suite. 



Texte 3 : La Fontaine, Fables, livre I, fable 10, 1668.

« Le Loup et l'Agneau » 

La Raison du plus fort est toujours la meilleure 
Nous l'allons montrer tout à l'heure1. 

     Un Agneau se désaltérait 
  Dans le courant d'une onde pure. 
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure 
  Et que la faim en ces lieux attirait. 
« Qui te rend si hardi2 de troubler mon breuvage ? 
    Dit cet animal plein de rage : 
Tu seras châtié de ta témérité3. 
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté 
   Ne se mette pas en colère ; 
   Mais plutôt qu'Elle considère 
   Que je me vas4 désaltérant 
        Dans le courant 
Plus de vingt pas5 au-dessous d'Elle ; 
Et que par conséquent, en aucune façon, 
  Je ne puis troubler sa boisson. 
– Tu la troubles, reprit cette bête cruelle ; 
Et je sais que de moi tu médis6 l'an passé. 
– Comment l'aurais-je fait si7 je n'étais pas né ? 
Reprit l'Agneau ; je tète encor ma mère. 
– Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. 
– Je n'en ai point. – C'est donc quelqu'un des tiens ; 
   Car vous ne m'épargnez guère, 
   Vous, vos bergers, et vos chiens. 
  On me l'a dit : il faut que je me venge. » 
Là-dessus, au fond des forêts 
Le Loup l'emporte, et puis le mange, 
   Sans autre forme de procès.  

1 - Tout à l'heure : tout de suite.
2 - Si hardi : aussi hardi, aussi audacieux. 
3 - Tu seras châtié pour ta témérité : tu seras puni pour ton audace. 
4 - Vas : forme possible au XVIIème siècle pour « vais ». 
5 - Pas : mesure de distance, un pas équivaut à une enjambée. 
6 - Médire : dire du mal. 
7 - Si: puisque.



Texte 4 : Diderot, Encyclopédie, Article « Autorité politique ».

Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d'en jouir aussitôt qu'il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c'est la puissance paternelle : mais la puissance paternelle a ses bornes ; et dans l'état de nature elle finirait aussitôt que les enfants seraient en âge de se conduire. Toute autre autorité vient d'une autre origine que la nature. Qu'on examine bien et on la fera toujours remonter à l'une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s'en est emparé ; ou le consentement de ceux qui s'y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux et celui à qui ils ont déféré1 l'autorité.
  La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation2 et ne dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte sur celle de ceux qui obéissent ; en sorte que si ces derniers deviennent à leur tour les plus forts, et qu'ils secouent le joug3, ils le font avec autant de droit et de justice que l'autre qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait l'autorité la défait alors : c'est la loi du plus fort. 

1 - Déférer : céder, donner.
2 - Usurpation : fait de s'approprier quelque chose (ici la puissance) sans en avoir le droit.
3 - Joug : image pour désigner ce qui entrave la liberté.



I- Vous répondrez aux deux questions suivantes (6 points) :

1. Montrez en quoi les textes 1, 2 et 3 mettent en œuvre une série d'oppositions (personnages, lieux,...). (4 points)
2. Quel est le seul texte du corpus qui développe une argumentation directe ? Quels sont ses points communs et ses différences avec les trois autres textes ? (2 points)

II- Vous traiterez ensuite, au choix, l'un des sujets suivants (14 points) :

Commentaire
Vous commenterez le « Conte arabe », extrait de Mémoire en archipel de Rabah Belamri, en vous aidant du parcours de lecture suivant :
- vous montrerez en quoi ce texte a les caractéristiques d'un conte ; 
- vous dégagerez les critiques que formule indirectement ce conte.

Dissertation
Essai, conte, fable sont autant de formes que peut prendre l'argumentation. Laquelle vous paraîtrait la plus appropriée si vous deviez écrire une argumentation et pourquoi ?

Invention 
En vous appuyant sur le texte 2 « La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion » de La Fontaine, imaginez sous forme de dialogue en vers ou en prose, les réponses de la Génisse, de la Chèvre et de la Brebis au Lion. Vous ne signerez pas votre texte.

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 28/07/2021

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