Bac 2002, français, sujets séries technologiques, objet d'étude, le théâtre : Molière, Ionesco, Feydeau

 

DNBAC

 

 

 

SÉRIES TECHNOLOGIQUES  :  BAC 2002



Objet d'étude : Le théâtre.
Textes :

Texte A - Molière, Le Bourgeois gentilhomme , 1670 (II,4)
Texte B - E.
Ionesco : La Leçon, 1951 (extrait)
Texte C - G. Feydeau : On purge bébé,
1910 (extrait).



Texte A - Molière, Le Bourgeois Gentilhomme,
Acte II, scène 4, 1670.

Monsieur Jourdain est un bourgeois enrichi qui
rêve d'imiter la noblesse de la cour du roi. Il prend toutes sortes de leçons.


MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Que voulez-vous donc que je vous apprenne ?

MONSIEUR JOURDAIN. - Apprenez-moi l'orthographe.
MAITRE DE PHILOSOPHIE.
- Très volontiers.
MONSIEUR JOURDAIN. - Après, vous m'apprendrez l'almanach,
pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a point.
MAITRE DE
PHILOSOPHIE. - Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en
philosophe, il faut commencer selon l'ordre des choses, par une exacte
connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les
prononcer toutes. Et là-dessus j'ai à vous dire que les lettres sont divisées en
voyelles, ainsi dites voyelles parce qu'elles expriment les voix ; et en
consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu'elles sonnent avec les voyelles, et
ne font que marquer les différentes articulations des voix. Il y a cinq voyelles
ou voix : A, E, I, O, U.
MONSIEUR JOURDAIN. - J'entends tout cela.

MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A.

MONSIEUR JOURDAIN. - A, A. Oui.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix E se
forme en rapprochant la mâchoire d'en bas de celle d'en haut : A, E.

MONSIEUR JOURDAIN. - A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela est beau !

MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Et la voix I en rapprochant encore davantage les
mâchoires l'une de l'autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les
oreilles : A, E, I.
MONSIEUR JOURDAIN. - A, E, I, I, I, I. Cela est vrai.
Vive la science !
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix O se forme en rouvrant
les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas :
O.
MONSIEUR JOURDAIN. - O, O. Il n'y a rien de plus juste. A, E, I, O, I, O.
Cela est admirable! I, O, I, O.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - L'ouverture de la
bouche fait justement comme un petit rond qui représente un O.
MONSIEUR
JOURDAIN. - O, O, O. Vous avez raison, O. Ah ! la belle chose, que de savoir
quelque chose !
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix U se forme en rapprochant
les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors,
les approchant aussi l'une de l'autre sans les joindre tout à fait : U.

MONSIEUR JOURDAIN. - U, U. Il n'y a rien de plus véritable : U.
MAITRE
DE PHILOSOPHIE. - Vos deux lèvres s'allongent comme si vous faisiez la moue :
d'où vient que si vous la voulez faire à quelqu'un, et vous moquer de lui, vous
ne sauriez lui dire que : U.
MONSIEUR JOURDAIN. - U, U. Cela est vrai. Ah !
que n'ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela ?
MAITRE DE PHILOSOPHIE.
- Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes.




Texte B - Eugène Ionesco, La Leçon, 1951.

[Dans La Leçon
(1951), Eugène Ionesco met en scène un professeur qui tente d'enseigner son
savoir à une jeune élève. Très patient et doux au début, il perd peu à peu son
calme.]

LE PROFESSEUR - Toute langue, Mademoiselle, sachez-le,
souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort...
L'ELEVE - Oh ! Oui,
Monsieur, jusqu'à l'heure de ma mort... Oui, Monsieur...
LE PROFESSEUR -
...et ceci est encore un principe fondamental, toute langue n'est en somme qu'un
langage, ce qui implique nécessairement qu'elle se compose de sons, ou...

L'ELEVE - Phonèmes...
LE PROFESSEUR - J'allais vous le dire. N'étalez
donc pas votre savoir. Ecoutez, plutôt.
L'ELEVE - Bien, Monsieur. Oui,
Monsieur.
LE PROFESSEUR - Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol
par les ailes pour qu'ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds. Par
conséquent, lorsque vous vous décidez d'articuler, il est recommandé, dans la
mesure du possible, de lever très haut le cou et le menton, de vous élever sur
la pointe des pieds, tenez, ainsi, vous voyez...
L'ELEVE - Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR - Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez pas... Et
d'émettre les sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à
celle de vos cordes vocales. Comme ceci : regardez : "Papillon", "Euréka",
"Trafalgar", "papi, papa". De cette façon, les sons remplis d'un air chaud plus
léger que l'air environnant voltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber
dans les oreilles des sourds qui sont les véritables gouffres, les tombeaux des
sonorités. Si vous émettez plusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci
s'agripperont les uns aux autres automatiquement, constituant ainsi des
syllabes, des mots, à la rigueur des phrases, c'est-à-dire des groupements plus
ou moins importants, des assemblages purement irrationnels de sons, dénués de
tout sens, mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une
altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification,
alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s'écrouler...

L'ELEVE - ... dans les oreilles des sourds.
LE PROFESSEUR - C'est ça,
mais n'interrompez pas... et dans la pire confusion...Ou par crever comme des
ballons. Ainsi donc, Mademoiselle...(L'Elève a soudain l'air de souffrir).
Qu'avez-vous donc ?
L'ELEVE - J'ai mal aux dents, Monsieur.
LE
PROFESSEUR - Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu
de chose. Continuons...
L'ELEVE, qui aura l'air de souffrir de plus en plus.
- Oui, Monsieur.
LE PROFESSEUR - J'attire au passage votre attention sur les
consonnes qui changent de nature en liaisons. Les f deviennent en ce cas des v,
les d des t, les g des k et vice versa, comme dans les exemples que je vous
signale : "trois heures, les enfants, le coq au vin, l'âge nouveau, voici la
nuit".
L'ELEVE - J'ai mal aux dents.
LE PROFESSEUR - Continuons.

L'ELEVE - Oui.



Texte C - Georges Feydeau, On purge bébé,
1910.

Rose est femme de ménage chez les Follavoine.

FOLLAVOINE -
Au fait, dites donc, vous ...!
ROSE - Monsieur ?
FOLLAVOINE - Par
hasard, les ... les Hébrides1 ... ?
ROSE, qui ne comprend pas - Comment ?

FOLLAVOINE - Les Hébrides ? ... Vous ne savez pas où c'est ?
ROSE,
ahurie - Les Hébrides ?
FOLLAVOINE - Oui.
ROSE - Ah ! non ! ... non !
(Comme pour se justifier). C'est pas moi qui range ici ! ... C'est Madame.

FOLLAVOINE, se redressant en fermant son dictionnaire sur son index de façon
à ne pas perdre la page - Quoi ! quoi, "qui range" ! Les Hébrides ! ... des îles
! bougre d'ignare2 ! ... de la terre entourée d'eau ... vous ne savez pas ce que
c'est ?
ROSE, ouvrant de grands yeux - De la terre entourée d'eau ?

FOLLAVOINE - Oui ! de la terre entourée d'eau, comment ça s'appelle ?

ROSE - De la boue ?
FOLLAVOINE, haussant les épaules - Mais non, pas de
la boue ! C'est de la boue quand il n'y a pas beaucoup de terre et pas beaucoup
d'eau ; mais quand il y a beaucoup de terre et beaucoup d'eau, ça s'appelle des
îles !
ROSE, abrutie - Ah ?
FOLLAVOINE - Eh ! bien, les Hébrides, c'est
ça ! c'est des îles ! par conséquent, c'est pas dans l'appartement.
ROSE,
voulant avoir compris - Ah ! oui ! ... c'est dehors !
FOLLAVOINE, haussant
les épaules - Naturellement ! ... c'est dehors !
ROSE - Ah ! ben, non ! non,
je les ai pas vues.
FOLLAVOINE, quittant son bureau et poussant
familièrement Rose vers la porte. - Oui, bon, merci, ça va bien !
ROSE,
comme pour se justifier. - Y a pas longtemps que je suis à Paris, n'est-ce pas ?

FOLLAVOINE - Oui ! ... oui, oui !
ROSE - Et je sors si peu !

FOLLAVOINE - Oui ! ça va bien ! Allez ! ... Allez retrouver Madame.
ROSE
- Oui, Monsieur ! (Elle sort).
FOLLAVOINE - Elle ne sait rien, cette fille !
rien ! qu'est-ce qu'on lui a appris à l'école ? "C'est pas elle qui a rangé les
Hébrides" ! Je te crois, parbleu ! (Se replongeant dans son dictionnaire).
"Z'Hébrides ... Z'Hébrides ...". C'est extraordinaire ! je trouve zèbre, zébré,
zébrure, zébu ! ... Mais les Z'Hébrides, pas plus que dans mon œil ! Si ça y
était, ce serait entre zébré et zébrure. On ne trouve rien dans ce dictionnaire
!

1. Les Hébrides sont des îles situées à l'ouest de l'Ecosse.
2.
Bougre d'ignare : ignorante.



I - APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES, VOUS RÉPONDREZ D'ABORD AUX QUESTIONS SUIVANTES. (6 points)

1) Comparez les relations entre les personnages mis en scène
dans ces extraits.
2) Qu'est-ce qui rend ces trois textes comiques ? Vous
justifierez votre réponse en vous appuyant sur des éléments précis.

Il - VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS SUIVANTS AU CHOIX. (14 points)


Commentaire :
Vous commenterez l'extrait de La Leçon d'Eugène
Ionesco à partir du parcours de lecture suivant :
a) Expliquez en quoi le
professeur est un personnage ridicule.
b) Montrez que cette scène n'est pas
seulement comique mais qu'elle comporte aussi un aspect inquiétant.

Dissertation :
Les aspects comiques d'une pièce de théâtre (texte et
représentation) ne servent-ils qu'à faire rire ? Vous vous appuierez pour
répondre à cette question sur les textes du corpus ainsi que sur les pièces que
vous aurez lues ou dont vous aurez vu une représentation.
Écriture d’invention :
Vous écrirez un dialogue de comédie dans lequel un Monsieur
Jourdain contemporain se vante devant un ami d'un savoir récemment acquis. Vous
pourrez utiliser certains procédés comiques présents dans les textes du corpus.
Vous veillerez à employer un niveau de langue approprié aux personnages et à la
situation.

 

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Date de dernière mise à jour : 28/07/2021

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