Bac 2002, français, sujets à l'étranger, Séries ES et S, objet d'étude, convaincre, persuader, délibérer, Marivaux et Schifano

DNBAC

 

 

 

 

 

 

CENTRES ÉTRANGERS
SÉRIES S - ES



Objet d'étude : Convaincre,
persuader et délibérer.
Textes :
Texte A - Marivaux, Préface à La
Voiture embourbée, 1715.
Texte B - Jean-Noël Schifano, réédition de Le
Corricolo d'Alexandre Dumas, 1984.



Texte A - Marivaux, Préface à
La Voiture embourbée, 1715.

Les premières lignes que j'adresse à mon
ami, en commençant cette histoire, devraient m'épargner une préface; mais il en
faut une : un livre imprimé, relié, sans préface, est-il un livre ? Non sans
doute : il ne mérite point encore ce nom; c'est une manière de livre, livre sans
brevet, ouvrage de l'espèce de ceux qui sont livres, ouvrage candidat, aspirant
à le devenir, et qui n'est digne de porter véritablement ce nom, que revêtu de
cette dernière formalité; alors le voilà complet. Qu'il soit plat, médiocre, bon
ou mauvais, il porte avec sa préface le nom de livre dans tous les endroits où
il court : une seule épithète le différencie de ses pareils, bon ou mauvais. A
l'égard de l'épître dédicatoire, c'est une formalité qu'il est libre de
retrancher ou d'ajouter. Or donc, Lecteur, puisqu'il faut une préface, en voici
une. Je ne sais si ce roman plaira; la tournure m'en paraît plaisante, le
comique divertissant, le merveilleux assez nouveau, les transitions assez
naturelles; et le mélange bizarre de tous ces différents goûts lui donne
totalement un air extraordinaire, qui doit faire espérer qu'il divertira plus
qu'il n'ennuiera; et... Mais il me semble que je commence bien mal ma préface;
il n'y a qu'à suivre mes conclusions : c'est un livre dont le comique est
plaisant, les transitions naturelles, le merveilleux nouveau; si cela est,
l'ouvrage est beau : mais, qui le dit ? c'est moi, c'est l'auteur. Ah !
dira-t-on, que ces auteurs sont comiques avec leurs préfaces qu'ils remplissent
de l'éloge de leurs livres ! Mais vous-même, Lecteur, que vous êtes bizarre !
Vous voulez une préface absolument, et vous vous révoltez, parce que l'auteur
dit de son livre ce qu'il pense : vous devez concevoir que, si ce livre ne lui
paraissait bon, il ne le produirait pas. Je conviens, direz-vous, qu'il ne le
met au jour, que parce qu'il l'en croit digne; mais un sentiment de modestie,
d'humilité même, doit, quand il annonce son livre, jeter, pour ainsi dire, un
rideau sur l'opinion bien ou mal fondée qu'il a que son livre est bon. Qu'il
soit vain, téméraire, je le veux; penser mal de ce qu'on a fait, et le produire,
sont deux choses impossibles, à moins que d'un dérangement de cerveau : mais
penser bien de son ouvrage, l'annoncer modestement, voilà la conduite d'un
prudent auteur, qui, ne pouvant s'empêcher d'être vain sur son livre, se sauve,
par un masque adroit de modestie, du ridicule de le paraître. Eh bien ! oui ; je
conviens que j'ai tort : j'ai dit trop naturellement ce que je pensais; je vais
donc me masquer. Or, Lecteur, sachez donc qu'en vous donnant cette histoire, je
n'ai point la vanité de penser que je vous offre rien de beau; quelques amis,
sans doute flatteurs, m'ont, par leurs importunités, obligé de la produire;
mais... Mais finissez, s'écriera peut-être un chagrin misanthrope; si vous savez
qu'en offrant votre livre, vous n'offrez rien de beau, pourquoi le produire ?
Des amis flatteurs vous y ont forcé, dites-vous : eh bien ! il fallait rompre
avec eux, ce sont vos ennemis : ou bien, puisqu'ils vous pressaient tant,
n'aviez-vous pas le secours du feu, qui pouvait faire évanouir le mauvais sujet
de leurs importunités ? Belle excuse que ces instances ! Je ne puis souffrir
cette humilité fardée, ce mélange ridicule d'hypocrisie et d'orgueil de presque
tous messieurs les auteurs; j'aimerais mieux un sentiment de présomption
déclaré, que les détours de mauvaise foi. Et moi, monsieur le misanthrope,
j'aime mieux faire un livre sans préface, que de suer pour ne contenter
personne. Sans l'embarrassant dessein de faire cette préface, j'aurais parlé de
mon livre en termes plus naturels, plus justes, ni humbles, ni vains j'aurais
dit qu'il y avait de l'imagination; que je n'osais décider si elle était bonne;
qu'au reste, je m'étais véritablement diverti à le composer, et que je
souhaitais qu'il divertît aussi les autres : mais le dessein de préface est venu
guinder mon esprit, de manière que j'ai brisé aux deux écueils ordinaires. Dieu
soit béni, me voilà délivré d'un grand fardeau; et j'avoue que je ris du
personnage que j'allais faire, si j'avais été obligé de soutenir ma préface.
Adieu; j'aime mieux mille fois couper court, que d'ennuyer par trop de longueur.
Passons à l'ouvrage.



Texte B - Jean-Noël Schifano, 4ème de
couverture pour une réédition de Le Corricolo 1 d'Alexandre Dumas, 1984.


Ce livre, c'est d'abord le grand rire éclatant de l'aventure vécue dans
la ville la plus surprenante du monde. Sévèrement mis en garde par la police,
Alexandre Dumas jette le gant du défi et se met en tête de séjourner à sa façon,
rapide et gaillarde, l'intelligence affûtée, dans la bouillonnante Naples au
million de faces, dont il se voit proscrit. Le voilà, palpitant clandestin, dans
la ville de lave, accompagné de sa maîtresse, de son ami peintre et d'un petit
chien - oui, comptez sur vos doigts, bonnes gens, les trois mousquetaires sont
bien quatre ! -, pour sentir battre au plus près le cœur en feu et en folie des
Napolitains. Transgressant les interdits, l'œil vif et plein de jeu, Dumas se
trouve, dès le premier instant de sa chasse à l'insolite et à l'émotion, dans la
peau d'un Napolitain; et, à un train d'enfer, il s'initie et nous initie, comme
aucun écrivain de nos aînés n'a su le faire - pas même Stendhal - au bonheur
napolitain. Qui est le bonheur tout court. Jamais Alexandre Dumas ne nous a tant
amusé en nous instruisant. Et ce mystérieux Corricolo a été tellement oublié
depuis cent quarante ans, que nous pouvons considérer sa publication actuelle
comme un événement majeur dans la production littéraire de l'année 1984. Livre
du rire et de l'amour, où le talent de l'observateur et le génie du conteur
dessinent l'arabesque volcanique d'une vie audacieuse confrontée au destin de la
Cité fatale.

1. Corricolo : voiture napolitaine tirée par deux chevaux.




I - APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES, VOUS
RÉPONDREZ D'ABORD A LA QUESTION SUIVANTE. (4 points)

En relevant des indices précis, vous montrerez comment chaque texte incite de manière différente
à la lecture du livre qu'il présente.

Il - VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES
TROIS SUJETS SUIVANTS AU CHOIX. (16 points)

Commentaire :
Vous commenterez le passage de la préface de Marivaux de: « Je ne sais si ce roman
plaira... » à « ... se sauve par un masque adroit de modestie, du ridicule de le
paraître. »().
Dissertation :
Dans sa préface, Marivaux s'interroge : «
... un livre imprimé, relié, sans préface, est-il un livre ? » (ligne 2). Vous
répondrez à cette question en vous interrogeant sur le rôle d'une préface ainsi
que sur celui de l'ensemble du paratexte (quatrième de couverture,
illustrations, titre...).
Vous prendrez appui sur les textes du corpus, les
œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles.
Invention :
En vous adressant au lecteur, vous ferez la préface d'un livre qui vous a marqué.

 

 

DNBAC

 

 

Date de dernière mise à jour : 28/07/2021

Les commentaires sont clôturés