Victor Hugo, Hernani, lecture analytique

Victor Hugo, Hernani

 

Notes pour un commentaire en vue d'une préparation orale

 

TEXTE 

Ah ! Le peuple ! océan ! Onde sans cesse émue, Où l'on ne jette rien sans que tout ne remue !
Vague qui broie un trône et qui berce un tombeau ! Miroir où rarement un roi se voit en beau ! Ah ! Si l'on regardait parfois dans ce flot sombre, On y verrait au fond des empires sans nombre, Grands vaisseaux naufragés, que son flux et reflux
Roule, et qui le gênaient, et qu'il ne connaît plus ! - Gouverner tout cela ! - Monter, si l'on vous nomme, A ce faîte ! - Y monter, sachant qu'on n'est qu'un homme ! Avoir l'abîme là ! … Pourvu qu'en ce moment Il n'aille pas me prendre un éblouissement ! Oh ! D’états et de rois mouvante pyramide,
Ton faite est bien étroit ! - Malheur au pied timide ! A qui me retiendrai-je ? … - Oh! Si j'aillais faillir En sentant sous mes pieds le monde tressaillir En sentant vivre, sourdre et palpiter la terre ! - Puis, quand j'aurai ce globe entre mes mains, qu'en faire ? Le pourrai-je porter seulement ? Qu'ai-je en moi ? Être empereur ! Mon dieu ! J'avais trop d'être roi !
Certes, il n'est qu'un mortel de race peu commune Dont puisse s'élargir l'âme avec la fortune. Mais moi ! Qui me fera grand ? Qui sera ma loi ? Qui me conseillera ? … - Il tombe à genoux devant le tombeau. Charlemagne ! C'est toi ! Ah ! Puisque Dieu, pour qui tout obstacle s'efface, Prend nos deux majestés et les met face à face, Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau, Quelque chose de grand, de sublime et de beau ! Oh ! Par tous ses côtés fais-moi voir toute chose !
Montre-moi que le monde est petit, car je n'ose Y toucher. Montre-moi que sur cette Babel Qui du pâtre a César va montant jusqu'au ciel, Chacun en son degré se complaît et s'admire,
Vois l'autre par-dessous et se retient d'en rire. Apprends-moi tes secrets de vaincre et de régner, Et dis-moi qu'il vaut mieux punir que pardonner ! - N'est-ce pas ? S'il est vrai qu'en son lit solitaire Parfois une grande ombre, au bruit que fait la terre, S’éveille et que soudain son tombeau large et clair
S'entrouvre, et dans la nuit jette au monde un éclair ; Si cette chose est varie, empereur d'Allemagne, Oh ! Dis-moi ce qu'on peut faire après Charlemagne ! Parle, dût en parlant ton souffle souverain Me briser sur le front cette porte d'airain !
Ou plutôt, laisse-moi seul dans ton sanctuaire Entrer ; laisse-moi voir ta face mortuaire ; Ne me repousse pas d'un souffle d'aquilons ; Sur ton chevet de pierre accoude-toi. Parlons.

 

PLAN

I. D'un personnage inquiet...

1) Un personnage agité

langage saccadé avec vers disloqués, entrecoupés (!,?-,...) → effet d’incohérence le roi est sur le faite de la pyramide sociale mais il est "étroit" → instabilité peuple perçu comme un "océan" qui contamine le pouvoir → empire = "vaisseaux naufragés"
On passe du faite a l’abîme → chute terrifiante. Les points de suspension accentuent l'image de l’abîme, l’idée de profondeur suite d 'actions : verbes a l'infinitif ("gouverner") pas de je donc il ne domine pas ces actions

2) Un personnage incertain quant a sa légitimité

monologue délibératif qui n'aboutit pas il est élu empereur

II. ...a un personnage qui médite

1) convocation d'une figure tutélaire (=exemplaire)

il s'adresse a Dieu avec les impératifs comme "montre-moi" et "donne-moi" didascalie : "il tombe a genoux"

2)Un langage qui mime la progression du roi

il est beaucoup plus stable, phrases moins coupées, plus amples

3)Un appel a l'illumination

amplification, si Charlemagne lui répond ce sera une voix d'outre-tombe. Sublime et beau

III. Un appel a une nécessaire transcendance

1)Une remise en question de la figure royale

le peuple vision hugolienne, post-revolutionnaire image du roi négative → permet a Don Carlos d’évoluer

2)Une posture de l’écoute

il se met a genoux pour entendre éventuellement Charlemagne → cela lui permet d’être a l’écoute plus tard, il grandit son âme, il se surpasse

3) Capable d'entendre un message d'outre-tombe

"souffle souverain" "souffle d'aquilons"

Conclusion On a affaire a une méditation suivie d'une ample vision épique et métaphorique avec l'image de la pyramide sociale. Ce monologue propose une vision vertigineuse du pouvoir qui engendre le doute de l'homme. Don Carlos se rend compte qu'il est monte trop haut et il a peur de cette hauteur. Il finit ainsi a genoux suppliant Charlemagne de l'aider et de le guider. Agitation intérieure, épopée d'une grande vision collective. Ce changement de tonalité entre la scène d'exposition et ce passage n'est pas vraisemblable dans le théâtre classique

BAC

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Date de dernière mise à jour : 27/07/2021

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