Clotilde, Apollinaire, commentaire

 

 

Clotilde, Apollinaire

  • L´anémone et l'ancolie
  • Ont poussé dans le jardin
  • Où dort la mélancolie
    Entre l´amour et le dédain

 

  • Il y vient aussi nos ombres
  • Que la nuit dissipera
  •  Le soleil qui les rend sombres
  • Avec elles disparaîtra
     
  • Les déités des eaux vives
  • Laissent couler leurs cheveux
    Passe il faut que tu poursuives
  •  Cette belle ombre que tu veux

 

 

Commentaire

Écrit en vers pairs et impairs (chaque strophe compte trois heptasyllabes, suivis d'un octosyllabe), dans cette veine élégiaque mélodique qui fait le succès du poète auprès d’un public toujours avide d’émotions sentimentales et de vers faciles à réciter de mémoire, ce « lied » charmant est à la fois transparent et mystérieux. Ce poème à nom de femme (il peut évoquer l’ombre de Marie Laurencin), comme d’autres, reprend le thème du verger d’amour du ‘’Roman de la rose’’ de Guillaume de Lorris. Le poète y évoque un jardin mélancolique (strophe 1) que deux ombres éphémères hantent (strophe 2), qu'agrémente une fontaine dont les statues prennent, sous l’eau, un air penché (strophe 3, première moitié). Mais, alors même que le poète semble ne vouloir écouter que les sollicitations de la mélancolie, il décide brusquement de se ressaisir (fin de la strophe 3). L'anémone et l'ancolie, deux fleurs qui sont comme deux soeurs, évoquent sans doute, dans l'esprit du poète, la belle Clotilde elle-même. Tapie dans un recoin de ce jardin, voici la rêveuse mélancolie : une autre fleur, croirait-on (musicalement, «la mélancolie» fait écho à «L'anémonélancolie»). Cette mélancolie est celle du poète qui ne se sent ni tout à fait aimé, ni tout à fait dédaigné ; en un mot, il est mal aimé.
Dans ce jardin viennent «aussi» deux ombres : celles du couple que forment Clotilde et le poète. «Viennent»-elles comme on vient se promener? Ou bien comme une plante «vient», c'est-à-dire pousse dans un jardin, à l'instar des fleurs réelles et des fleurs allégoriques, tout à l'heure aperçues? En tout cas ces ombres, ces reflets impalpables sont terriblement éphémères. Elles disparaîtront avec la nuit. Le soleil, qui ne fait d'ailleurs qu'accuser leur caractère sombre, s'en ira avec elles : plus de lumière, plus de vie, plus d'amour (en effet, le poète dit, non pas que «l'ombre disparaîtra avec le soleil», mais que «le soleil disparaîtra avec l'ombre» ; il juge que, cette femme, cette «belle ombre», s'en allant, tout s'en ira). Les statues de la fontaine en eau, une eau dont le bruit léger et monotone porte à la mélancolie, ont un air penché et «laissent couler» leurs cheveux. Mais le poète se ressaisit : «Laisse ce jardin et cette mélancolie. Cette CIotilde a peut-être une ombre, mais elle a un corps aussi ; elle est: belle, tu la veux et elle n'est pas insaisissable.»

 

  • Source
  • Comptoir littéraire

Pour aller plus loin 

Date de dernière mise à jour : 08/10/2018

Commentaires

  • kemkeng joel
    bnsr a tous svp jaimerai en avoir une lecture methodique du poeme appeler clotilde dans l oeuvre alcool de guillaume apollinaire
    • prepabac
      • prepabacLe 16/01/2018
      Bonsoir Voici le lien du répertoire littéraire sur Apollinaire. Toutes les études et oraux du site y sont mentionnés. https://www.dubrevetaubac.fr/page/repertoire-litteraire/dossier-apollinaire.html Bonne lecture
  • Baptiste
    Bonjour, très intéressante cette analyse. Moi même, j'avais interprété ce poème d'une toute autre façon. Pour moi, l'anémone, fleure de l'amour passionnel et l'ancolie, fleure du trouble amoureux reflétaient sa situation avec la prénommée Clotilde. Ainsi, leur situation amoureuse avait été passionnée mais, certains troubles transformaient petit à petit l'amour en dédain.
    Pour les strophes qui suivent, les ombres représentent leurs amants respectifs venant s'immiscer dans leur relation et donc causer des troubles. Pourtant, ces amours éphémères disparaîtrons bientôt, aussi vite que le jour passe.
    Les déités représentent alors les femmes que le poète courtise (les amants de Clotilde restent des ombres puisqu'il ne connaît pas leur tête... Peut être en connaît il la silhouette ? ...). Il dit alors à Clotilde de partir rejoindre ses amours, que lui aussi en a. Ainsi, le poète l'incite à partir avant qu'ils ressentent l'un en vrai l'autre un sentiment de dédain, avant que les ombres de dissipe, avant qu'elle devienne vieille ?
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