Lecture en ligne du commentaire de Baudelaire, les fenêtres, les Fleurs du mal
SPLEEN DE PARIS - LES FENETRES XXXV
Baudelaire
Le corrigé intégralement rédigé fait 3 pages word, il comprend une introduction, un développement en deux parties avec une transition et une conclusion avec une ouverture.
Lecture du texte
Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle. Ce qu'on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Par-delà des vagues de toits, j'aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j'ai refait l'histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
Si c'eût été un pauvre vieux homme, j'aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous: "Es-tu sûr que cette légende soit la vraie?" Qu'importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m'a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis?
Le corrigé intégralement rédigé fait 3 pages word, il comprend une introduction, un développement en deux parties avec une transition et une conclusion avec une ouverture.
Sujet :
Vous ferez le commentaire du poème de Baudelaire, « les fenêtres », petits poèmes en prose.
Plan proposé :
- I – Une lecture polyvalente
- 1 – De l'obscurité à la lumière : la fenêtre, un passage entre deux mondes
- 2 – La fenêtre : objet d'une introspection
- 3 – A la découverte d'un monde
- Transition
- II – Une définition de la création et ses implications
- 1 – Les implications symboliques
- 2 – Fonction de l'écriture poétique : recréation d'un monde
- 3 - Les implications philosophiques
- Conclusion
Introduction
Nous nous proposons d'analyser un poème en prose de Charles Baudelaire intitulé "les fenêtres", extrait du Spleen de Paris, section des Fleurs du Mal, en date de 1869 ouvrage essentiel du poète, peu reconnu lors de sa parution et même condamné pour immoralité. Le recueil sera pourtant consacré à sa juste valeur par les poètes de la fin du 19ème siècle ainsi que par les artistes du début du 20ème dans la mesure où l'oeuvre est considérée comme modèle précurseur de la poésie moderne. Ce petit poème en prose est la 35ème poésie de la section Spleen de Paris. Baudelaire, écrivain français héritier du romantisme est né en 1821 et mort en 1867. L'écriture poétique s'exerce ici sur un objet bien familier, "une fenêtre" mais s'élève ensuite au delà du simple statut d'objet matériel pour nourir les méditations et élévations spirituelles de l'écrivain. Le point de départ n'en reste pas moins empirique, mais un renversement des valeurs s'opère par une véritable introspection autour du mystérieux objet qu'est la "fenêtre". La vision poétique s'élargit et l'écriture se met au service de la pensée. Derrière la fenêtre, objet anodin se révèlent le spectacle de la vie, sa portée philosophique et la fonction de l'écriture poétique et du poète.
Dans le but de répondre à la question de savoir en quoi et comment par la vision d'un objet d'apparence anodine, le poète peut par la sublimation recréer un monde, nous verrons dans un premier temps la possible polyvalence de lecture du poème et, en second lieu, ses implications symboliques et philosophiques.
I – Une lecture polyvalente
1 – De l'obscurité à la lumière : la fenêtre, un passage entre deux mondes
L'apparent manque de logique entre les strophes du poème qui s'élèvent au nombre de cinq permettrait à Baudelaire de jouer sur les oppositions entre la lumière et l'obscurité. En effet, deux mondes semblent s'articuler autour de “l'objet fenêtre”. Elle laisse voir ainsi que le suggère le champ lexical de la vue et de la lumière : “regarde”, “éclaire”, mais elle peut en outre ne pas laisser voir et devenir “ce trou noir”. La périphrase regroupe à elle-seule le jeu d'oppositions entre lumière et obscurité : “Trou noir ou lumineux” faisant passage entre deux mondes.
2 – La fenêtre : objet d'une introspection
L'étroitesse du cadre évoqué par la fenêtre fermé ou encore “une vitre” se confirme laissant ainsi place à l'imagination de “celui- qui “ souhaite pénétrer la pièce qu'elle abrite secrètement et que le regard anonyme désire pénétrer et scruter. L'objet est dans ce cas de figure regardé de l'extérieur laissant la curiosité insatisfaite.
3 – A la découverte d'un monde
L'ouverture sur le monde abrité et caché par la fenêtre qu'elle peut malgré tout suggérer et qu'elle pourrait tout à fait dévoiler se précise. Le regard du poète se pose sur une femme “toujours penchée sur quelque chose” qu'il aperçoit et dont on sait seulement qu'elle est “mûre” et “ridée”. La vision du “Je” s'oriente, se focalise et prend forme en imagination. L'observation est dépassée et le monde évoqué par delà la métaphore spatiale “des vagues de toits” trouve ses limites dans l'imaginaire du contemplateur. Il s'amuse à refaire en pensée l'histoire d'une vie “j'en refait l'histoire de cette femme, ou plutôt sa légende...”. L'image donnée par le personnage aperçu et recréé devient symbole d'une vie imaginée depuis l'apparence physique, vestimentaire et par les gestes répétés. Une vie de ce fait est recrééé “avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien”. La réalité est dépassée par l'interprétation grandissante du regard associé à la réflexion et à l'affection portées à cette femme .
Transition :
L'objet n'est plus perçu pour lui-même. Le monde caché par la fenêtre et laissant transparaître l'histoire de cette femme devient recréation d'un monde en imaginaire et en pensée avec des implications symboliques et philosophiques essentielles à l'écriture poétique.
II – Une définition de la création et ses implications
1 – Les implications symboliques
L'écriture poétique se charge d'une mission symbolique, il s'agit de recréer par l'intermédiaire du quotidien l'histoire d'une vie lourde de sens et de connotations. Le poète se fait le témoin et le messager mystérieux du quotidien sublimé. Cet aspect de la fonction poétique est mis en évidence par les adjectifs qualificatifs révélateurs à cet égard, “profond/mystérieux/fécond/ténébreux”.
2 – Fonction de l'écriture poétique : recréation d'un monde
Si la fenêtre est inspiratrice, le génie poétique à l'imagination débordante se met au service de la recréation d'un monde. Il semblerait que créer ne soit pas autre chose que recréer ce qui existe déjà au détriment de toute objectivité ainsi que le suggère la question : “es-tu sûr que cette légende soit la vraie? “ La véracité est ici écartée pour nourir en éloge le pouvoir infini de cette faculté qu'est l'imagination. L'artiste recrée la vie des personnages.
3 - Les implications philosophiques
L'effet de théâtralisation est évident et accentué par les allitérations et les rythmes ternaires, mais l'effet voulu n'est plus mis en relation avec l'objet fenêtre du début mais avec un univers magique et révélateur du “Moi” et de “l'Autre”. Le “Je” du poète en mal de sublimation se découvre par les mots dans sa fonction première : “je crée donc je suis”. Nous retrouvons en fin de texte une terminologie philosophique : “Qu'importe ce que peut être la réalité placée hors de moi si elle m'a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis”. La dialectique de l'existence et de l'essence domine et cette réflexion permet à Baudelaire de conclure et de poser la nécessité de créer au sens d'une survie de son “Je créateur”. Les connotations philosophiques et existentielles sont manifestes dans l'invitation à la spiritualité “vit la vie, rêve la vie, souffre la vie”. Nous pourrions la ramener à l'opposition dominante des Fleurs du Mal du Spleen et de l'Idéal : l'élan vers l'Idéal et son contraire, la détresse, le mal de vivre. Deux mondes interférant du Spleen à l'anti-Spleen nous renvoyant ainsi à la nécessaire réflexion sur la condition humaine et le tragique du temps qui passe au delà de toute création sublimée.
Conclusion
Nous retrouvons ainsi au-delà de cet objet familier et anodin qu'est la fenêtre, l'écriture poétique en quête de sublimation dans sa fonction cathartique, libératrice des maux par les mots. Derrière le monde du spleen et de l'anti-spleen, l'Idéal, le poète trouve en lui la force salvatrice de recréer le monde, l'histoire d'une vie, la légende des hommes.
Nous pourrions faire un rapprochement avec la puissance infinie de l'imagination chez Pascal qui dans les Pensées l'affirme en puissance et supériorité sur la raison. Baudelaire s'approprie fort bien cette force infinie propre à cette faculté en mettant en pratique l'équation : “je crée donc je suis”.
Date de dernière mise à jour : 29/07/2017