Première partie de l'entretien : Saint-John Perse, Le mur, Image à Crusoé, Éloge. Comment l'image de l'île surgit-elle?

 Saint-John Perse, "Le mur", Images à Crusoé, Éloge

Texte du commentaire

Le pan de mur est en face, pour conjurer le cercle de ton rêve.

Mais l’image pousse son cri.

La tête contre une oreille du fauteuil gras, tu éprouves tes dents avec ta langue : le goût des graisses et des sauces infecte tes gencives.

Et tu songes aux nuées pures sur ton île, quand l’aube verte s’élucide au sein des eaux mystérieuses.

C’est la sueur des sèves en exil, le suint amer des plantes à siliques1, l’âcre insinuation des mangliers2 charnus et l’acide bonheur d’une substance noire dans les gousses.

C’est le miel fauve des fourmis dans les galeries de l’arbre mort.

C’est un goût de fruit vert, dont surit3 l’aube que tu bois; l’air laiteux enrichi du sel des alizés…

Joie ! Ô joie déliée dans les hauteurs du ciel ! Les toiles pures resplendissent, les parvis invisibles sont semés d’herbages et les vertes délices du sol se peignent au siècle d’un long jour.

Commentaire:

Problématique ;

Comment l'image de l'île surgit-elle ?

Introduction:

Saint-John-Perse a obtenu le prix nobel de la littérature en 1960, le recueil image à Crusoé a été publié bien avant qu'il ne devienne célébre. S-J-P a subit l'influence du symbolisme. Le symbolisme oppose le monde visible à l'invisible. C'est pourquoi nous pourrions nous demander de quelle façon le poète fait apparaître le monde insulaire dans lequel a vécu Robinson c'est-à-dire comment l'image de l'île surgit-elle ? Pour répondre à cette question nous allons voir que Robinson est obsédé par le souvenir de sa vie passée dans l'île. Nous verrons tout d'abord les circonstances dans lesquels surgit l'image et 2ème nous verrons comment le rêve se libère de la réalité.

I) Situation de malaise

a) Sensation gustative

- On passe du rêve à la réalité

-"graisses" et " sauces" connotent la maladie, on le voit avec le verbe "infecter" Robinson ce sent lourd et sale.

-Les sensations pour l'île sont positives.

-Robinson aime ce qui n'est pas arrivé à maturité ("fruit vert", "aigre salés")

-En passant d'une sensation gustative négative à une positive on parle de synesthésie (=correspondance horizontale=les sens s'associent entre eux)

b)Sensation visuelle

-Il voit un pan de mur :

*pan de mur= réalité et symbole de la ville

*pan de mur= empêche Robinson d'entrer dans son rêve

-Verset 4 "songer": l'île apparaît comme un tableau vivant d'où le verbe "se peindre"

-Couleur abondante

-Vert: *l'aube verte (vert lumineux de plus en plus clair)

*la fleur aquatique qui se reflète dans le ciel : "eau verte"

*"fruit vert", "vertes délices"

*"fruit de l'arbre noir"

*air laiteux= pas sucré , couleur blanche= pureté

*"Miel fauve": synesthésie

*Crusoé voit l'île et ce qui est invisible c'est un voyant

c) La lourdeur

-Ville espace de la pesanteur

-Verset 1 "fauteuil gras" symbolise l'immobilité de la ville

-Si la ville est associée à la lourdeur, la ville va renvoyer à la légèreté

-Envol: "nuée pure"; "hauteur du ciel"

-On entend la légèreté à travers des allitérations [s] et [f] consonnes fluides vers 5 et 7

On peut considérer que l’état d'âme de Robinson est traduit de 2 façons : le malaise pour la ville et le bien-être pour l'île.

II) Bien-être pour l'île

A) Espace fermé

-Verset 1 renvoie à l'emprisonnement, le mur donne son titre au poème

-Le rêve est une menace pour le mur

-Métaphore: solitude de Robinson= le mur

-Il va être remplacé par le tableau de l'île notamment par "les toiles"

-On passe de la rigidité à la souplesse

B) Libération de l'image

-Verset 2 : l'image surgit puis le souvenir au verset 4

-Anaphore qui montre une explosion d'image, anaphore "c'est" qui montre une explosion des sensations gustatives et visuelles

-Libération s'exprime par une association du concret à l'abstrait

-"Joie déliée" : à partir de ce moment bonheur absolu; plénitude par les exclamations

C) Réalité de l'image

-Personnification au dernier vers de l'image

-Bonheur insulaire appartient au passé de Robinson mais le poème est écrit au présent de l'indicatif

-Vision de l'île acquiert une durée d'où l'hyperbole au dernier verset

-Points de suspension : on a l'impression que l'image ne va pas s'effacer

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