Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, III, 13, plan pour un commentaire

Dnbac commentaires La verve poétique de Cyrano

 

  • CYRANO DE BERGERAC
  • ACTE III SCENE 13
  • EDMOND ROSTAND
  • DE GUICHE, qui entre, masqué, tâtonnant dans la nuit.
    Qu'est-ce que ce maudit capucin peut bien faire ?

    CYRANO
    Diable ! et ma voix ?... S'il la reconnaissait ?
    Lâchant d'une main, il a l'air de tourner une invisible clef.
    Cric ! Crac !
    Solennellement.
    Cyrano, reprenez l'accent de Bergerac !...

    DE GUICHE, regardant la maison.
    Oui, c'est là. J'y vois mal. Ce masque m'importune !
    Il va pour entrer. Cyrano saute du balcon en se tenant à la branche, qui plie, et le dépose entre la porte et de Guiche ; il feint de tomber lourdement, comme si c'était de très haut, et s'aplatit par terre, où il reste immobile, comme étourdi. De Guiche fait un bon en arrière.
    Hein ? Quoi ?
    Quand il lève les yeux, la branche s'est redressée ; il ne voit que le ciel ; il ne comprend pas.
    D'où tombe cet homme ?

    CYRANO, se mettant sur son séant, et avec l'accent de Gascogne.
    De la lune !

    DE GUICHE
    De la ?...

    CYRANO, d'une voix de rêve.
    Quelle heure est-il ?

    DE GUICHE
    N'a-t-il plus sa raison ?

    CYRANO
    Quelle heure ? Quel pays ? Quel jour ? Quelle saison ?

    DE GUICHE
    Mais...

    CYRANO
    Je suis étourdi !

    DE GUICHE
    Monsieur...

    CYRANO
    Comme une bombe
    Je tombe de la lune !

    DE GUICHE, impatienté. Ah çà ! Monsieur !

    CYRANO, se relevant, d'une voix terrible.
    J'en tombe !

    DE GUICHE, reculant.
    Soit ! soit ! vous en tombez !... c'est peut-être un dément !

    CYRANO, marchant sur lui.
    Et je n'en tombe pas métaphoriquement !...

    DE GUICHE
    Mais...

    CYRANO Il y a cent ans, ou bien une minute,
    - J'ignore tout à fait ce que dura ma chute ! -
    J'étais dans cette boule à couleur de safran !

    DE GUICHE, haussant les épaules.
    Oui. Laissez- moi passer !

    CYRANO, s'interposant. Où suis-je ? Soyez franc !
    Ne me déguisez rien ! En quel lieu, dans quel site,
    Viens-je de choir, Monsieur, comme un aérolithe ?

    DE GUICHE
    Morbleu !...

    CYRANO
    Tout en cheyant je n'ai pu faire choix
    De mon point d'arrivée, - et j'ignore où je chois !
    Est-ce dans une lune ou bien dans une terre,
    Que vient de m'entraîner le poids de mon postère ?

    DE GUICHE
    Mais je vous dis, Monsieur...

    CYRANO, avec un cri de terreur qui fait reculer de Guiche.
    Ha ! grand Dieu !... je crois voir
    Qu'on a dans ce pays le visage tout noir !

    DE GUICHE, portant la main à son visage.
    Comment ?

    CYRANO, avec une peur emphatique.
    Suis-je en Alger ? Êtes-vous indigène ?...

    DE GUICHE, qui a senti son masque.
    Ce masque !...

    CYRANO, feignant de se rassurer un peu.
    Je suis donc dans Venise, ou dans Gêne ?

    DE GUICHE, voulant passer.
    Une dame m'attend !...

    CYRANO, complètement rassuré.
    Je suis donc à Paris.

    DE GUICHE, souriant malgré lui.
    Le drôle est assez drôle !

    CYRANO
    Ah ! vous riez ?

    DE GUICHE
    Je ris,
    Mais veux passer !

    CYRANO, rayonnant.
    C'est à Paris que je retombe !
    Tout à fait à son aise, riant, s'époussetant, saluant.
    J'arrive - excusez-moi ! - par la dernière trombe.
    Je suis un peu couvert d'éther. J'ai voyagé !
    J'ai les yeux tout remplis de poudre d'astres. J'ai
    Aux éperons, encor, quelques poils de planète !
    Cueillant quelque chose sur sa manche.
    Tenez, sur mon pourpoint, un cheveu de comète !...
    Il souffle comme pour le faire envoler.

    DE GUICHE, hors de lui.
    Monsieur !...

    CYRANO, au moment où il va passer, tend sa jambe comme pour y montrer quelque chose et l'arrête.
    Dans mon mollet je rapporte une dent
    De la Grande Ourse, - et comme, en frôlant le Trident,
    Je voulais éviter une de ses trois lance,
    Je suis aller tomber assis dans les Balances, -
    Dont l'aiguille, à présent, là-haut, marque mon poids !
    Empêchant vivement de Guiche de passer et le prenant à un bouton du pourpoint.
    Si vous serriez mon nez, Monsieur, entre vos doigts,
    Il jaillirait du lait !

    DE GUICHE
    Hein ? du lait ?...

    CYRANO
    De la Voie
    Lactée !...

    DE GUICHE
    Oh ! par l'enfer !

    CYRANO
    C'est le ciel qui m'envoie !
    Se croisant les bras.
    Non ! croiriez-vous, je viens de le voir en tombant,
    Que Sirius, la nuit, s'affuble d'un turban ?
    Confidentiel.
    L'autre Ourse est trop petite encor pour qu'elle morde !
    Riant.
    J'ai traversé la Lyre en cassant une corde !
    Superbe.
    Mais je compte en un livre écrire tout ceci,
    Et les étoiles d'or qu'en mon manteau roussi
    Je viens de rapporter à mes périls et risques,
    Quand on l'imprimera, serviront d'astérisques !

    DE GUICHE
    À la parfin, je veux...

    CYRANO
    Vous, je vous vois venir !

    DE GUICHE
    Monsieur !

    CYRANO
    Vous voudriez de ma bouche tenir
    Comment la lune est faite, et si quelqu'un habite
    Dans la rotondité de cette cucurbite ?

    DE GUICHE, criant.
    Mais non ! Je veux...

    CYRANO
    Savoir comment j'y suis monté ?
    Ce fut par un moyen que j'avais inventé.

    DE GUICHE, découragé.
    C'est un fou !

    CYRANO, dédaigneux.
    Je n'ai pas refait l'aigle stupide
    De Regiomontanus, ni le pigeon timide
    D'Archytas !...

    DE GUICHE
    C'est un fou, - mais un fou savant.

    CYRANO
    Non, je n'imitai rien de ce qu'on fit avant !
    De Guiche a réussi à passer et il marche vers la porte de Roxane. Cyrano le suit, prêt à l'empoigner.
    J'inventai six moyens de violer l'azur vierge !

    DE GUICHE, se retournant.
    Six ?

    CYRANO, avec volubilité.
    Je pouvais, mettant mon corps nu comme un cierge,
    Le caparaçonner de fioles de cristal
    Toutes pleines des pleurs d'un ciel matutinal,
    Et ma personne, alors, au soleil exposée,
    L'astre l'aurait humée en humant la rosée !

    DE GUICHE, surpris et faisant un pas vers Cyrano.
    Tiens ! Oui, cela fait un !

    CYRANO, reculant pour l'entraîner de l'autre côté.
    Et je pouvais encor
    Faire engouffrer du vent, pour prendre mon essor,
    En raréfiant l'air dans un coffre de cèdre
    Par des miroirs ardents, mis en icosaèdre !

    DE GUICHE, fait encor un pas.
    Deux !

    CYRANO, reculant toujours.
    Ou bien, machiniste autant qu'artificier,
    Sur une sauterelle aux détentes d'acier,
    Me faire, par des feux successifs de salpêtre,
    Lancer dans les prés bleus où les astres vont paître !

    DE GUICHE, le suivant, sans s'en douter, et comptant sur ses doigts.
    Trois !

    CYRANO
    Puisque la fumée a tendance à monter,
    En souffler dans un globe assez pour m'emporter !

    DE GUICHE, même jeu, de plus en plus étonné.
    Quatre !

    CYRANO
    Puisque Phoebé, quand son arc est le moindre,
    Aime sucer, ô boeufs, votre moelle... m'en oindre !

    DE GUICHE, stupéfait.
    Cinq !

    CYRANO, qui en parlant l'a amené jusqu'à l'autre côté de la place, près d'un banc.
    Enfin, me plaçant sur un plateau de fer,
    Prendre un morceau d'aimant et le lancer en l'air !
    Ça, c'est un bon moyen : le fer se précipite,
    Aussitôt que l'aimant s'envole, à sa poursuite ;
    On relance l'aimant bien vite, et cadédis !
    On peut monter ainsi indéfiniment.

    DE GUICHE
    Six !
    - Mais voilà six moyens excellents !... Quel système
    Choisîtes-vous des six, Monsieur ?

    CYRANO
    Un septième !

    DE GUICHE
    Par exemple ! Et lequel ?

    CYRANO
    Je vous le donne en cent !…

    DE GUICHE
    C'est que ce mâtin-là devient intéressant !

    CYRANO, faisant le bruit des vagues avec de grands gestes mystérieux.
    Houüh ! houüh !
    DE GUICHE
    Eh bien !

    CYRANO
    Vous devinez ?

    DE GUICHE
    Non !

    CYRANO
    La marée !...
    À l'heure où l'onde par la lune est attirée,
    Je me mis sur le sable - après un bain de mer -
    Et la tête partant la première, mon cher,
    Car les cheveux, surtout, gardent l'eau dans leur frange ! -
    Je m'enlevai dans l'air, droit, tout droit, comme un ange.
    Je montais, je montais, doucement, sans efforts,
    Quand je sentis un choc !... Alors...

    DE GUICHE, entraîné par la curiosité et s'asseyant sur le banc.
    Alors ?

    CYRANO
    Alors...
    Reprenant sa voix naturelle.
    Le quart d'heure est passé, Monsieur, je vous délivre
    Le mariage est fait.

    DE GUICHE, se relevant d'un bond.
    Çà, voyons, je suis ivre !...
    Cette voix ?
    La porte de la maison s'ouvre, des laquais paraissent portant des candélabres allumés. Lumière.
    Cyrano ôte son chapeau au bord abaissé.
    Et ce nez !... Cyrano ?

    CYRANO, saluant.
    Cyrano.
    - Ils viennent à l'instant d'échanger leur anneau.

    DE GUICHE
    Qui cela ?
    Il se retourne. - Tableau. Derrière les laquais, Roxane et Christian se tiennent par la main. Le capucin les suit en souriant. Ragueneau élève aussi un flambeau. La duègne ferme la marche, ahurie, en petit saut-de-lit.
    Ciel !
  • Problématique :
  • Comment Cyrano procède t-il pour manipuler le comte de Guiche dans le but de lui faire perdre le quart d’heure essentiel?
  • Plan possible pour un commentaire 
  • Introduction
  • I - L'habileté dramaturgique
  • Transition
  • II - La verve poétique de Cyrano
  • Conclusion
  • Ouverture

 

 

 

 

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