Etude de l'opuscule kantien : qu'est-ce que les lumières?

 

DNBAC

 

Les Lumières Qu’est-ce que Les Lumières ?

Première approche : rappel des notions

L’expression « les Lumières » désigne un courant de pensée du XVIII°siècle et des philosophes qui représentent ce courant. C’est un mouvement qui fait valoir la raison pour comprendre le monde. La devise kantienne à cet égard est la suivante : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement » Nous sommes au tournant de la querelle des Anciens et des modernes mais il s’agit à présent de mettre en avant une nouvelle méthode d’envisager le monde : il faut pour cela prendre en compte les travaux de Newton et les nouvelles méthodes de connaissances sans oublier l’essor économique de la classe de la bourgeoisie qui va s’inscrire dans la contestation par les penseurs de la société basée sur privilèges.
Image des lumières : métaphore d’origine religieuse contre les ténèbres de l’ignorance et de la superstition. Il s’agit de combattre la superstition, le fanatisme et l’intolérance de la religion. On retrouve ce combat chez Voltaire, Candide, Montesquieu, De l’esprit des lois….. La réflexion s’oriente vers la quête d’un bonheur terrestre. Biensûr les penseurs du 18ème vont se heurter à la censure et l’opposition de l’Eglise ainsi que de celle des Jésuites. La lutte devient dès lors synonyme d’une quête de liberté. D’une manière générale, les Lumières sont essentielles dans le déclenchement de la Révolution française. 

Un extrait : Qu’est-ce que les lumières? Kant
Les lumières, c’est pour l’homme sortir d’une minorité qui n’est imputable qu’à lui. La minorité, c’est l’incapacité de se servir de son entendement sans la tutelle d’un autre. C’est à lui seul qu’est imputable cette minorité dès lors qu’elle ne procède pas du manque d’entendement, mais du manque de résolution et de courage nécessaires pour se servir de son entendement sans la tutelle d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement : telle est donc la devise des Lumières. La paresse et la lâcheté sont causes qu’une si grande partie des hommes affranchis depuis longtemps par la nature de toute tutelle étrangère, se plaisent cependant à rester leur vie durant des mineurs ; et c’est pour cette raison qu’il est si aisé à d’autre de s’instituer leurs tuteurs. Il est si commode d’être mineur. Si j’ai un livre qui a de l’entendement pour moi , un directeur spirituel qui a de la conscience pour moi, un médecin qui pour moi décide de mon régime etc., je n’ai pas besoin de faire des efforts moi-même. Je ne suis point obligé de réfléchir, si payer suffit ; et d’autres se chargeront pour moi l’ennuyeuse besogne. […] Il est donc difficile pour tout homme pris individuellement de se dégager de cette minorité devenue comme une seconde nature. Il s’y est même attaché et il est alors réellement incapable de se servir de son entendement parce qu’on ne le laissa jamais en fait l’essai. Préceptes et formules, ces instruments mécaniques destinés à l’usage raisonnable ou plutôt au mauvais usage de ses dons naturels, sont les entraves de cet état de minorité qui se perpétue.
Mais qui les rejetterait ne ferait cependant qu’un saut mal assuré au-dessus du fossé même plus étroit, car il n’a pas l’habitude d’une telle liberté de mouvement. Aussi sont-ils peu nombreux ceux qui ont réussi, en exerçant eux-mêmes leur esprit, à se dégager de cette minorité tout en ayant cependant une démarche assurée. Qu’un public en revanche s’éclaire lui-même est davantage possible ; c’est même, si seulement on lui en laisse la liberté, pratiquement inévitable. Car, alors, il se trouvera toujours quelques hommes pensant par eux-mêmes, y compris parmi les tuteurs officiels du plus grand nombre, qui, après voir rejeté eux-mêmes le joug de la minorité, rependront l’esprit d’une estimation raisonnable de sa propre valeur et de la vocation de chaque homme a penser par lui-même. […] Mais ces Lumières n’exigent rien d’autre que la liberté ; et même la plus inoffensive de toutes les libertés, c’est-à-dire celle de faire un usage public de sa raison dans tous les domaines.

Notes pour un commentaire
Kant est l’auteur de cet opuscule dans lequel il tente de répondre à la question de savoir : Qu’est-ce que les Lumières? L’idée centrale est de faire valoir l’intelligence humaine pour qu’elle parvienne à une sorte de majorité. C’est à un niveau individuel que cette raison essaye de se libérer des pouvoirs de la tradition et de la superstition. Kant est le dernier et plus grand représentant des lumières. Il écrit le texte « qu’est-ce que le lumières ? » avec une visée didactique quelques années avant la Révolution française et quelques années après la Révolution américaine, deux événements qui affectent beaucoup sa pensée il affirme deux principes fondamentaux de la philosophie morale, c'est-à-dire la liberté et la raison critique. Ces deux principes sont liés par une relation à double sens: la liberté est la condition qui permet à l'homme d'utiliser sa raison, alors que la raison permet à l'homme d'exercer sa liberté

 

la thèse de son analyse : « les lumières, c’est pour l’homme sortir d’une minorité qui n’est imputable qu’à lui. »
Paragraphe 1 : Le philosophe essaye de définir les Lumières comme une tentative de sortir d’une minorité. Il procède ensuite à une analyse de cette même minorité. Il constate la difficulté pour l’homme d’en sortir.
Paragraphe 2 : Opposition « mais qui... » ligne 23 : Opposition marquée par « cependant » : nous avons une opposition qui souligne l’espoir d’une libération qui soulèverait de nouveaux échec. Kant donc semble avoir une conception pessimiste en ce qui concerne la possibilité de l’homme de sortir de la minorité : il peut être libéré, mais il y a encore des échecs, c’est un « saut mal assuré au dessus du fossé ».
Il faut bien reconnaître que très peu d’hommes parvienne à penser par eux-mêmes.
Paragraphe 3 : Ce paragraphe s’apparente à une conclusion. L’idéal des lumières est celui de la liberté, de la liberté intellectuelle celle qui permet à l’homme de penser par lui-même. Une liberté qui serait synonyme de libération avec l’idée de libre arbitre que cela suppose. Les lumières seraient donc l’exercice de la raison en tant qu’indépendance d’esprit et de libre examen mais aussi le courage et la volonté d’accompagner cette liberté de penser. “sapere aude”, aie le courage d'utiliser ton entendement librement “dans tous les domaines”.
Cet opuscule répond donc à la question : Qu’Est-ce que les lumières au sens d’un Idéal des Lumières, liberté et Raison sont les deux concepts autour desquels la réflexion Kantienne s’articule. Libre en raison. la conception qui est à la base de la philosophie des Lumières : la liberté. Elle est perçue comme la condition de l’action humaine exercée par la raison. Malheureusement peu d’hommes sont capables d’exercer leur raison et de penser par eux-mêmes. Il faut avoir le courage de se servir de son propre entendement sans la tutelle des systèmes de pensées précédents. « Sapere aude » : exhortation : avoir le courage de penser par soi-même sans peur et sans préjugés la difficulté de sortir de la minorité : « il est si commode d’être mineurs». Kant parle d’obéissance volontaire qui produit une minorité intellectuelle.
La paresse et la lâcheté sont les causes pour lesquelles l’homme décide de laisser aux autres la possibilité de devenir leurs tuteurs. Les hommes préfèrent accepter les dogmes déjà existants sans jamais se servir de leur sens critique. après longtemps la minorité devient comme une seconde nature. Il est très difficile de se libérer car elle devient une habitude

L’urgence est de sortir d’une condition de minorité dans laquelle l’homme est enfermé, il ne se sert donc pas de son entendememt puisqu’il vit passivement sans penser: Dans ce texte Kant fait allusion à des tuteurs précis, il s’agit des savants de la Scolastique : les connaissances Aristotéliciennes et les préceptes de l’Eglise. Ces derniers souhaitent que les gens restent dans leur ignorance pour mieux exercer le pouvoir et les contrôler. Qualité intellectuelle et qualité morale : l’homme doit examiner la réalité avec la raison pour passer de la minorité à la majorité. “sapere aude”, aie le courage d'utiliser ton entendement librement “dans tous les domaines”. Pour que cela soit possible, il faut faire confiance à la raison car elle rend les hommes égaux et dignes. Les philosophes des Lumières se sont intéressés de très près aux mouvements politiques et ils essayent d’émanciper les hommes car la liberté intellectuelle aura un impact révolutionnaire. Il s’agit donc d’utiliser la raison dans tous les domaines en vue d’un progrès moral : émancipation religieuse, naissance de l’industrie, révolution scientifique…….; La minorité doit s’émanciper, remettre en cause la tradition et ses préjugés. La liberté est donc entendue comme un refus des traditions, des préjugés, des anciennes convictions
Kant soutient aussi que « On se trouvera toujours des hommes pensant par eux-mêmes » si on leur laisse la liberté, qui est la condition qui permet d’utiliser la raison : majorité et parcours qui arrive au progrès de l’humanité. La question importante est donc la liberté intellectuelle qui se traduit dans les droits civils de l’homme. Il lui faut donc une liberté de penser, de s’exprimer, d’exercer son libre arbitre et les qualités morales rendant possible cette émancipation : les qualités morales supportent les qualités intellectuelles.
Conclusion
Texte à visée didactique : « qu’est-ce que le Lumières ? » : sortir de la minorité grâce au courage et à la volonté de liberté. Optimisme conclusif : avoir le courage de sortir de la minorité et de se servir de sa raison
Les Lumières aspirent donc à une remise en question de la société, celle de la minorité pour permettre le libre examen des connaissances anciennes. Il s’enracine dans l’humanisme de la Renaissance, celui d’Erasme, de Thomas More, de Rabelais ou de Montaigne il se poursuit avec Descartes par exemple.
On retrouvait déjà au XVI avec la révolution scientifique et Descartes, cette même volonté de comprendre et d’expliquer la réalité par la raison. Bacon et Descartes, au XVII siècle, avaient déjà anticipé une « tabula rasa » des systèmes philosophiques classiques envers une nouvelle et libre recherche.
Le processus d’émancipation de l’homme par la raison trouve son expression la plus haute dans cet opuscule kantien. Le XVIII siècle est donc le siècle des « combats » de nombreux savants pour l’universalité de la connaissance et de la liberté

Notes pour un commentaire du paragraphe 3 :
Il est donc difficile pour chaque individu en particulier de travailler à sortir de la minorité qui lui est presque devenue une seconde nature. Il en est même arrivé à l’aimer, et provisoire ment il est tout à fait incapable de se servir de sa propre intel ligence, parce qu’on ne lui permet jamais d’en faire l’essai. Les règles et les formules, ces instruments mécaniques de l’usage rationnel, ou plutôt de l’abus de nos facultés naturelles, sont les fers qui nous retiennent dans une éternelle mi norité. Qui parviendrait à s’en débarrasser, ne franchirait en core que d’un saut mal assuré les fossés les plus étroits, car il n’est pas accoutumé à d’aussi libres mouvementé. Aussi n’arrive-t-il qu’à bien peu d’hommes de s’affranchir de leur minorité par le travail de leur propre esprit, pour marcher ensuite d’un pas sûr. Mais que le public s’éclaire lui-même, c’est ce qui est plutôt possible ; cela même est presque inévitable, pourvu qu’on lui laisse la liberté.

Le paragraphe 3 s’ouvre sur un constat : celui d’une minorité. Qu’est-ce que la minorité? Que signifie l’expression « être mineur »? Une minorité qui serait devenue pour l’homme comme une seconde nature : une minorité synonyme de dépendance d’une tutelle. L’homme mineur est devenu esclave, prisonnier de certaines entraves l’empêchant de penser par lui-même : cet être asservi à un système de penser est rendu faible. Une minorité intellectuelle qui s’accompagnerait d’une méconnaissance de notre minorité morale : peu d’homme s’avouent ignorants. Sens moral de cette dépendance car il s’agit de rendre possible une certaine autonomie non de rester sous tutelle. Nous pensons communément que nos pensées sont les nôtres. L’homme s’estime libre en pensée là ou au contraire ses pensées ne sont que le fuit d’une tutelle. La minorité s’ignore elle-même comme état de servitude. Pour pressentir la minorité, il faut donc ressentir de la défiance envers soi même. L’intelligence suppose une humilité à l’égard de soi et la remise en question. D’où la nécessaire violence contre soi qui est à l’origine de tout esprit critique.
La nécessité de sortir de la minorité de la minorité suppose une notion de puissance car penser c’est être capable de penser par soi-même et une notion de responsabilité, d’exigence : sortir de la minorité : devenir majeur et donc libre car nous devons considérer nos pensées comme nos œuvres et nos tâches.
Aucune pensée ne vaut si elle est déterminée par des tutelles et des préjugés. Sans liberté de penser, sans liberté de l’esprit aucune liberté de vaut. Pour qui est dominé et esclave en ses propres pensées, toutes les libertés ne seront jamais que des dérisions.
Entraves : minorité : seconde nature. = l’homme privé de la liberté de penser par lui-même n’est plus conscient des préceptes et formulés qui le guident et dont-il se croit l’auteur = une seconde nature = l’homme s’ignore lui-même.
L’homme n’est pas sot mais les préceptes, formules, instruments mécaniques ne lui permettent qu’un mauvais usage de ses dons naturels. L’expression « opinion personnelle » devient contradictoire, l’homme mineur prend ses sottises pour des vérités. Il faut se connaître soi-même et suivre le modèle socratique de la critique de soi. L’homme doit s’élever à l’autonomie du jugement à la maturité de la personne humaine.
Paradoxe : Rejet des entraves : constat « Celui-là même qui les rejetterait ne franchirait le plus étroit fossé que d’un saut encore mal assuré »
La minorité n’est pas un défaut d’intelligence mais défaut de liberté et de courage. Nos faiblesses et servitudes nous maintiennent dans cette minorité, hommes sous tutelle et ignorants de leur état. La bonne résolution de rejeter les entraves ne suffit donc pas il faut avoir conscience de l’illusion et lutter contre cette seconde nature : trouver le courage de combattre cette mauvaise habitude de penser.

 

Complément d'étude

Qu'est-ce que les Lumières ? est une œuvre du philosophe allemand Emmanuel Kant datant de 1784. Son titre complet est Réponse à la question : qu'est ce que les Lumières ? (Beantwortung der Frage : Was ist Aufklärung?).
Kant écrit ce texte en expliquant combien il est bénéfique à l'Homme de penser par lui-même, sans préjugés. Pour ce faire, il reprend ainsi la maxime de l'Aufklärung, « Sapere aude ! » (Aie le courage de savoir ! / Ose savoir !), empruntée au poète latin Horace. Cette maxime est commune à la métaphysique dogmatique wolffienne, objet de la critique kantienne, et à Kant lui-même parce qu'elle est l'expression d'une volonté de raison qui caractérise toute philosophie comme telle. Le dogmatisme métaphysique est l'illusion d'une raison qui présume de ses propres forces, illusion rationaliste qui est philosophique, tandis que l'extravagance (Schwärmerei) et le mysticisme sont une renonciation à la raison qui met en cause la liberté : en effet, si nous n'écoutions pas notre raison, que croirions-nous ? Et, sous prétexte d'institution ou de génie, ne risquerions-nous pas de nous assujettir à la loi d'un autre, quand obéir à la raison est obéir à la loi qu'on s'est prescrite ?

Les Lumières sont l'émancipation de l'homme de son immaturité dont il est lui-même responsable. L'immaturité est l'incapacité d'employer son entendement sans être guidé par autrui. Cette immaturité lui est imputable non pas si le manque d'entendement mais la résolution et le courage d'y avoir recours sans la conduite d'un autre en est la cause. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! voilà donc la devise des Lumières.
Kant distingue entre deux états de:Unmündigkeit et de:Mündigkeit, la minorité et la majorité dans le sens légal des termes. Devenir majeur est pour lui la définition même des lumières. Mais comment devient-on majeur ? Kant considère que la plupart se laissent guider par des "tuteurs" autoproclamés, qui au delà de dicter la conduite et les décisions de chacun, les rendent dépendants en prétendant que toute décision prise sans consultations est dangereuse. Les "adultes mineurs" se complaisent dans cet état parce qu'ils sont "lâches" et "paresseux" ou parce qu'ils n'osent plus prendre leurs propres décisions suite à une mauvaise expérience. Cet état de minorité devient alors une seconde nature, on n'ose plus faire usage de son "propre entendement", d'où « Sapere aude ! » (Aie le courage de savoir ! / Ose savoir !). Il est indispensable selon lui de vivre sa propre expérience et de subir des échecs, tel un enfant qui apprend à marcher et qui trébuche et tombe au début, afin d'apprendre à les éviter et d'atteindre la majorité.
Kant admet ensuite qu'il est difficile de sortir de la minorité à l'échelle individuelle. Mais il est possible d'atteindre "l'âge de majorité" grâce à l'usage public du raisonnement. Afin d'assurer cela, la liberté d’expression devient une condition fondamentale. Mais l'effet de celle ci reste limité si les idées exprimées n'atteignent pas le plus grand nombre. Elle ne devient efficace que si elle est combinée à la liberté de publication afin de couvrir un terrain plus large.

 

Le bac de français

Date de dernière mise à jour : 22/10/2019

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