Micromégas, Voltaire, chapitre 1, lecture analytique

DNBAC

 

 

 

Chapitre 1 :  Micromégas, Voltaire.

**** Lecture analytique

 

Chapitre 1 :

Voyage d'un habitant du monde de l'étoile Sirius dans la planète de Saturne

1.1 Dans une de ces planètes qui tournent autour de l'étoile nommée Sirius , il y avait un jeune homme de beaucoup d'esprit, que j'ai eu l'honneur de connaître dans le dernier voyage qu'il fit sur notre petite fourmilière; il s'appelait Micromégas, nom qui convient fort à tous les grands. Il avait huit lieues de haut: j'entends, par huit lieues, vingt-quatre mille pas géométriques de cinq pieds chacun. 1.2 Quelques algébristes, gens toujours utiles au public, prendront sur-le- champ la plume, et trouveront que, puisque monsieur Micromégas, habitant du pays de Sirius , a de la tête aux pieds vingt-quatre mille pas , qui font cent vingt mille pieds de roi , et que nous autres, citoyens de la terre, nous n'avons guère que cinq pieds , et que notre globe a neuf mille lieues de tour, ils trouveront, dis-je, qu'il faut absolument que le globe qui l'a produit ait au juste vingt-un millions six cent mille fois plus de circonférence que notre petite terre. Rien n'est plus simple et plus ordinaire dans la nature. Les Etats de quelques souverains d'Allemagne ou d'ltalie, dont on peut faire le tour en une demi heure, comparés à l'empire de Turquie, de Moscovie ou de la Chine, ne sont qu'une très faible image des prodigieuses différences que la nature a mises dans tous les êtres. 1.3 La taille de Son Excellence étant de la hauteur que j'ai dite, tous nos sculpteurs et tous nos peintres conviendront sans peine que sa ceinture peut avoir cinquante mille pieds de roi de tour: ce qui fait une très jolie proportion. 1.4 Quant à son esprit, c'est un des plus cultivés que nous avons; il sait beaucoup de choses; il en a inventé quelques-unes; il n'avait pas encore deux cent cinquante ans, et il étudiait, selon la coutume, au collège des jésuites de sa planète, lorsqu'il devina, par la force de son esprit, plus de cinquante propositions d'Euclide. C'est dix-huit de plus que Blaise Pascal, lequel, après en avoir deviné trente-deux en se jouant, à ce que dit sa soeur, devint depuis un géomètre assez médiocre, et un fort mauvais métaphysicien. Vers les quatre cent cinquante ans, au sortir de l'enfance, il disséqua beaucoup de ces petits insectes qui n'ont pas cent pieds de diamètre, et qui se dérobent aux microscopes ordinaires; il en composa un livre fort curieux, mais qui lui fit quelques affaires. Le muphti de son pays, grand vétillard, et fort ignorant, trouva dans son livre des propositions suspectes, malsonnantes, téméraires, hérétiques, sentant l'hérésie, et le poursuivit vivement: il s'agissait de savoir si la forme substantielle des puces de Sirius était de même nature que celle des colimaçons. Micromégas se défendit avec esprit ; il mit les femmes de son côté; le procès dura deux cent vingt ans. Enfin le muphti fit condamner le livre par des jurisconsultes qui ne l'avaient pas lu, et l'auteur eut ordre de ne paraître à la cour de huit cents années.
1.5 Il ne fut que médiocrement affligé d'être banni d'une cour qui n'était remplie que de tracasseries et de petitesses. Il fit une chanson fort plaisante contre le muphti, dont celui-ci ne s'embarrassa guère; et il se mit à voyager de planète en planète, pour achever de se former l'esprit et le coeur, comme l'on dit. Ceux qui ne voyagent qu'en chaise de poste ou en berline seront sans doute étonnés des équipages de là-haut: car nous autres, sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au-delà de nos usages. Notre voyageur connaissait merveilleusement les lois de la gravitation et toutes les forces attractives et répulsives. Il s'en servait si à propos que, tantôt à l'aide d'un rayon du soleil, tantôt par la commodité d'une comète, il allait de globe en globe, lui et les siens, comme un oiseau voltige de branche en branche. Il parcourut la voie lactée en peu de temps, et je suis obligé d'avouer qu'il ne vit jamais à travers les étoiles dont elle est semée ce beau ciel empyrée que l'illustre vicaire Derham se vante d'avoir vu au bout de sa lunette. Ce n'est pas que je prétende que Monsieur Derham ait mal vu, à Dieu ne plaise ! mais Micromégas était sur les lieux, c'est un bon observateur et je ne veux contredire personne. Micromégas, après avoir bien tourné, arriva dans le globe de Saturne . Quelque accoutumé qu'il fût à voir des choses nouvelles, il ne put d'abord, en voyant la petitesse du globe et de ses habitants, se défendre de ce sourire de supériorité qui échappe quelquefois aux plus sages . Car enfin Saturne n'est guère que neuf cents fois plus gros que la terre, et les citoyens de ce pays-là sont des nains qui n'ont que mille toises de haut ou environ. Il s'en moqua un peu d'abord avec ses gens, à peu près comme un musicien italien se met à rire de la musique de Lulli quand il vient en France. Mais comme le Sirien avait un bon esprit, il comprit bien vite qu'un être pensant peut fort bien n'être pas ridicule pour n'avoir que six mille pieds de haut. Il se familiarisa avec les Saturniens après les avoir étonnés. Il lia une étroite amitié avec le secrétaire de l'Académie de Saturne , homme de beaucoup d'esprit, qui n'avait à la vérité rien inventé, mais qui rendait un fort bon compte des inventions des autres, et qui faisait passablement de petits vers et de grands calculs . Je rapporterai ici, pour la satisfaction des lecteurs, une conversation singulière que Micromégas eut un jour avec M. le secrétaire. 

Commentaire étudié en classe :
Micromégas, Voltaire Au 18eme siècle, de nombreux philosophes cherchent à lutter contre l’obscurantisme (fondé sur les préjugés, la religion : quand on ne comprenait pas quelque chose, on disait que c’était Dieu ou le Diable : cela empêche la science d’avancer). Esprit positiviste, intellectuels promulgateurs de l’esprit de la science au lieu de se fonde seulement sur la religion : raison au lieu du surnaturel, observations au lieu des préjugés ; Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau… vont lutter pour les droits des hommes sur la Terre. Voltaire qui est un bourgeois et qui a un esprit frondeur va participer a cette lutte et va utiliser des procédés divers comme les contes, les romans, des pamphlets, des lettres, des poèmes, des tragédies = polymorphe  Sarcastique, ironique, plume habile « une arme efficace ». Voltaire vit très longtemps, il couvre donc une grande partie du 18eme siècle, il a prit des risques (exiler, embastiller, malade il s’achète un domaine a la frontière franco suisse pour se cacher lorsqu’il était en danger). En 1752, Voltaire publie Micromégas qui est la réécriture d’une version initiale envoyée à Fréderic II de Prusse sous le titre Voyage du baron de Gangan (1739). Cela apparait comme une fantaisie tant par sa brièveté que par sa légèreté. Nous avons ici un conte philosophique, il s’agit d’un récit de voyage entre deux extraterrestre, cela s’intègre bien dans le regard sur l’autre (Saturne/Venus/Terre). Les philosophes du 18ème utilisent le regard des étrangers/ extérieurs pour critiquer la France. C’est une stratégie exotique de transposition (de ma vie à l’extérieur).

Problématique : En quoi cet incipit répond à ses fonctions ? (conte) En quoi cet incipit nous montre qu’il appartient à un conte philosophique ? Par quels moyens le narrateur attise t-il la curiosité du lecteur ?

 Plan :

 I- En quoi est-ce un conte ?

 II- En quoi est-ce un conte philosophique ?

I- Indice spatiotemporel :

« il était une fois » Lieu : dans une de ces planètes autour de l’étoile nommé Cyrus  Domaine extraterrestre, voyage « il se mit à voyager de planète en planète » p.32, outil du voyage : « commodité d’une comète », « aller de globe en globe », « parcouru la voie lactée » = voyage interstellaire et arrive sur Saturne et rencontre son interlocuteur qui deviendra son compagnon de voyage  En pleine science fiction, mais il y a déjà eu Cyrano, on ne trouve donc pas cela bizarre. Fantastique : loi de gravitation, rayon de soleil, comme un oiseau voltige de branche en branche = facilitée, tout semble accessible = exotique, fantastique, irréel (même si on se sert du réel). Le fait de voyager partout rend ce voyage intéressant pour rencontrer des gens Allusion au temps : durée par rapport aux personnages, on ne peut pas dater le voyage pourtant, il y a des allusions qui nous montre que ce voyage se situe après Blaise Pascal (17eme siècle), M. Dérame (après 1715, Lulli (début 18ème : musicien de Louis XIV)  au début du 18ème siècle = le narrateur évoque des relations entre un tel et un tel. Si on regarde les durées, elles sont extraordinaires, temps invraisemblable du conte « 220ans », « vers les 450a ans au sortir de l’enfance ». Décor : dans l’espace, le globe, dans l’immensément grand « saturne n’est guère que 900 fois plus gros que la Terre. N’a-t-on que des éléments extraordinaires dans ce conte ? personnages : un jeune homme : ayant des qualités de héros ?  Il a plus de 450 ans (très âgés), cela n’a rien de commun avec l’âge que peuvent avoir les humains. Taille : « 8lieux de haut » (1lieu = 4,8km) le narrateur détaille la taille = par rapport nous, c’est disproportionne, dans l’invraisemblable « les saturniens sont des nains »  par rapport a lui. Micromégas est un éponyme « micro » = petit, « mégas » = grand : oxymore, le héros est un petit grand.
Ils ont des qualités extraordinaires, son esprit est grand : un des plus cultivé c’est un savant, un mathématicien .Il a aussi des qualités artistiques, de l’humain, il est curieux. C’est un physicien, il a le sens de l’aventure et va dans l’inconnu. Caractéristiques du conte par le temps, l’espace, les personnages, tout est hors des limites humaines. Formule introductrice des contes : traditionnelle « il était une fois », ici « il y avait » = Mimétisme puis dans le 1er paragraphe on rentre dans l’extraordinaire Temps : alternance imparfait et passé simple « il avait », « il s’appelait », « il ne fut », il composa »… éléments de l’aventure : passé simple Elément perturbateur : il est condamné à l’exil donc il voyage : le héros connait des éléments perturbateur pour accéder au dénouement = on retrouve le même schéma (itinéraire) des contes. On se rend compte qu’il y a le même ordre chronologique que le conte qui va permettre au héros d’évoluer positivement. Le narrateur fait un voyage rétrospectif en passant vers la fin (il aurait donc rencontré le personnage). Le rythme narratif : rapide : avec la succession des actions, des événements (600ans en 15lignes), vivant et on peut voir qu’il y a des titres aux chapitres (comme dans Candide), continuité logique (dernière phrase chap1, elle ouvre le chapitre
 2), facilité pour le lecteur (conte traditionnelle = pour les enfants). Présence du narrateur : le conteur (l3) = témoin « j’ai eu l’honneur de le connaitre » pour rendre crédible le récit même s’il semble fantastique. Incise « dis je », « je prétend », « je rapporterai », « je suis obligé d’avouer », « je ne veux contredire personne ». Il fait des commentaires sur son récit, les personnages. Le conteur doit intéresser son lecteur, il doit se sentir concerné : « notre », « nos », complicité avec son lecteur, narrateur omniscient car il sait tout du personnage Qui sont les lecteurs ? Aux terriens « nous autres sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au delà de nos usages » pour qu’ils se remettent en question = il faut des lecteurs avec un minimum d’ouverture d’esprit : amener les lecteurs a une réflexion métaphysique étendue sur l’univers et non plus sur leur « petit tas de boue » Récit merveilleux (faits extraordinaire) et cela porte à la réflexion et on s’attend a aller au delà du conte traditionnelle. Passage du fantastique au réaliste, du rêve a la réalité, du conte a la philosophie

II- Dans le titre :

 Micromégas, histoire philosophique (=sous titre qui annonce la couleur) « histoire »= genre littéraire, récit « philosophie » = aspect sérieux  On connait le projet de l’auteur des Lumières (met l’accent sur la raison, la réflexion, le savoir, la tolérance, les droits, les expériences, l’esprit) = faire réfléchir. Y a-t-il des allusions aux terriens, à la France de l’époque ? le narrateur met l’accent sur les qualités intellectuels de son personnage « beaucoup d’esprit », « un des plus cultivés », « il sait beaucoup de choses », « la force de son esprit », « se défendu avec son esprit » = occurrence du mot esprit ; capacités, Voltaire se caractérise par son esprit. Allusion à la religion : thème de la nature  thème de la création, pose des questions (= suspecté d’hérésie). Le personnage peut par ce qu’il fait, vit ou subit faire allusion à des réalités du 18ème siècle  Il existe de nombreuses allusions aux réalités terrestre (plus dans le rêve) Dimension : « nous autres citoyens de la terre », « notre globe », « notre petite terre ». Politique : « les états de quelques souverains d’Allemagne », « empire », énumération de différents pays, rappel aux français a ne pas se prendre pour le centre du monde, « le muphti de son pays » « cour du roi » (homme religieux qui gouverne) = système politique non tolérant. Juridique : « juriste consulte », « homme de loi » = la justice est dépendante du religieux et de l’exécutif si le muphti est aussi un responsable politique. Censure : « fit condamner le livre »
Science et religion : blaise pascal « 18 ans de plus que blaise pascal », Euclide = état des sciences a l’époque, M. Dérame écrivain Croyance : qui y a-t-il après la mort ? Art : « nos sculpteurs, nos peintres », Lulli le musicien italien parallélisme entre les réactions des extraterrestres et des français quand il passe d’un espace, d’une culture a un autre. Académie : allusion a Fontenelle avec qui voltaire était en mauvais thème = occasion de se moquer du personnage et allusion a l’académie des sciences avec une majuscule au mot « Académie » Les jésuites : sur Cyrus prouve qu’il fait allusion a la terre Chanson contre le muphti : pamphlet contre le régent (organise les affaires de l’état dans que le roi n’a pas le pouvoir de gouverner) = problème avec la justice
On sort du cadre du conte avec des allusions juridiques, artistiques, religieuses, politique… Le conte n’est qu’un prétexte à une satire.
Satire : Politique : régime dictatoriale avec une alliance du politique, juridique et religion. Blâme « grand vétillard et fort ignorant » = Paranoïa/ Suspicion, incapacité intellectuel du personnage « fort ». Allusion fondé sur la censure : répétition de la racine « hérétique », énumération avec gradation ascendante du contenue du livre (infrastructure pour la censure des livres au 18ème : l’auteur peut être victime de prison, d’amende : condition des auteurs difficiles). A l’époque on ne pouvait pas faire de satire sur la religion et sur la poésie Longueur de la justice Condamnation : plusieurs verdicts : du bannissement à la peine de mort. La cour : a travers la négation restrictive « qui n’était remplie que de… », « fracasserie et petitesse et bassesse » = terme péjoratif qui montre que voltaire est contre les menées secrètes
Prétendu scientifique : religieux « illustre vicaire » antiphrase, « se vanter » dépréciation. Il aime l’humour, le sarcasme et la plaisanterie. Jeu d’antithèse entre petit et grand  Attitude des terriens en général : manque de connaissance : pas le sens de la relativité (au départ voltaire croit a la providence et ensuite, avec tous les malheurs, il perd la foi en dieu), de ceux qui voyage peu Role des femmes : « se défendait avec bcp d’espriteet » les femmes dans les qsalons qui diffusent les idees des lumières puis les femmes qui sont autour du roi (pompadour maitresse officielle de Louis XV qui l’influence)  ambiguite de l’attitude des femmes Probleme autorr de la comdie : comedia del arte : relations entre l’Italie et la France

 Conclusion

Ce 1er chapitre souscrit aux lois du conte traditionnel et de la réflexion philosophique et type d’argumentation. Il s’agit d’une narration ancrée dans un temps et dans lieux qui evoquent des personnages avec de faits fantastiques et loin des mesures humaines. Maisb ce n’est qu’un pretxte pour voltaire pour évoquer son siècle affecter de nombreuses tares et sa propre vie. Il reinvestie donc les contextes de l’apologue qui consiste a plaire pour instruire. Le conte philosophique présente de nombreux avantages pour faire passer des idées nouvelles.

 

 

 

BAC

Pour aller plus loin : consultez les documents du site 

Date de dernière mise à jour : 11/11/2018

Commentaires

  • jeannette
    • 1. jeannette Le 15/04/2018
    Très bonne analyse.
  • Marie-Nicole
    • 2. Marie-Nicole Le 15/12/2015
    Très bonne lecture analytique.
  • bigleu
    • 3. bigleu Le 18/11/2015
    Merci, super sympa pour l'analyse
Les commentaires sont clôturés