Sujets de français, Bac 2012, séries S et ES

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Bac 2012, français, sujets séries S et ES

 

 

Objet d’étude : Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen Age à nos jours

Corpus :

  • Texte A : Joachim Du Bellay, « Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil… », sonnet 150, Les Regrets, 1558 (orthographe modernisée)
  • Texte B : Jean de La Fontaine, « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », Fables, livre I, 6, 1668
  • Texte C : Paul Verlaine, « L’enterrement », Poèmes saturniens, 1866
  • Texte D : Arthur Rimbaud : « A la musique », Poésies, 1870

 

 

  • TEXTE A : Joachim Du Bellay, « Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil… », sonnet 150, Les Regrets, 1558

    De retour en France après son séjour à Rome où ses fonctions le conduisirent à fréquenter la cour du Pape, Du Bellay poursuit sa peinture des courtisans. 

 

  • Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon oeil
  • Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
  •  Sinon en leur marcher les princes contrefaire2,
  •  Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
  •  5 Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
  • S'il ment, ce ne sont eux qui diront le contraire,
  •  Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
  • La lune en plein midi, à minuit le soleil.
  • Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage4,
  • 10 Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage:
  • S'il le reçoit mauvais5, ils le montrent au doigt.
  • Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite6,
  •  C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
  • Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
    ___________________________
    1 Seigneur : apostrophe conventionnelle en début de sonnet ; Du Bellay adresse son poème à un puissant. 2 Contrefaire : imiter l’allure des princes quand ils marchent. 3 Appareil : d’un vêtement digne d’un cérémonial magnifique. 4 Si quelqu’un reçoit [...] un bon visage : est bien accueilli par le roi, ou par un puissant. 5 S’il le reçoit mauvais : s’il est mal accueilli. 6 Me dépite : ce qui m’irrite et me peine.

 

 TEXTE B : Jean de La Fontaine, « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », Fables, livre I, 6.

La Génisse, la Chèvre, et leur soeur la Brebis,

  • Avec un fier Lion, Seigneur du voisinage,
  •  Firent société1, dit-on, au temps jadis,
  • Et mirent en commun le gain et le dommage.
  • 5 Dans les lacs2 de la Chèvre un cerf se trouva pris.
  •  Vers ses associés aussitôt elle envoie.
  • Eux venus, le Lion par ses ongles3 compta,
  • Et dit : « Nous sommes quatre à partager la proie.»
  •  Puis en autant de parts le cerf il dépeça ; 1
  • 0 Prit pour lui la première en qualité de Sire :
  • « Elle doit être à moi, dit-il, et la raison,
    C’est que je m’appelle Lion :
  •  À cela l’on n’a rien à dire.
  • La seconde, par droit, me doit échoir4 encor :
  • 15 Ce droit, vous le savez, c’est le droit du plus fort.
  • Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
  •  Si quelqu’une de vous touche à la quatrième,
  • Je l’étranglerai tout d’abord. » 

1 Firent société : s’allièrent. 2 Lacs : cordons lacés pour tendre un piège. 3 Par ses ongles : avec ses griffes. 4 Me doit échoir : doit me revenir. 

 

  • TEXTE C : Paul Verlaine, « L'enterrement », Poèmes saturniens 
  • Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
  • Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
  • La cloche, au loin, dans l’air, lançant son svelte trille1,
  • Le prêtre en blanc surplis2, qui prie allègrement,
  • 5 L’enfant de choeur avec sa voix fraîche de fille,
  •  Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement,
  • S’installe le cercueil, le mol éboulement
  • De la terre, édredon du défunt, heureux drille3,
  • Tout cela me paraît charmant, en vérité ! 10
  • Et puis, tout rondelets, sous leur frac4 écourté,
  •  Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,
  • Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
  •  Et puis, coeurs élargis, fronts où flotteune gloire,
  • Les héritiers resplendissants ! 

1 Trille : note musicale, sonorité qui se prolonge.

 2 Surplis : vêtement à manches larges que les prêtres portent sur la soutane.

 3 Drille : homme jovial.

4 Frac : habit noir de cérémonie.

 

TEXTE D : Arthur Rimbaud, « A la musique », Poésies 

Place de la Gare, à Charleville. 

  • Sur la place taillée en mesquines pelouses,
  • Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
  • Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
  • Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses. 5 –
  •  L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
  • Balance ses schakos1dans la Valse des fifres :
  • – Autour, aux premiers rangs, parade le gandin2 ;
  • Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
  • Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
  • 10 Les gros bureaux3 bouffis traînent leurs grosses dames
  • Auprès desquelles vont, officieux cornacs4,
  • Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
  • Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
  • Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme, 15
  •  Fort sérieusement discutent les traités,
  • Puis prisent en argent5, et reprennent : "En somme !..."
    Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
  • Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
  • Savoure son onnaing6 d'où le tabac par brins
    20 Déborde – vous savez, c'est de la contrebande ;
  • – Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
  • Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
    Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious7
  • Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
  •  – Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
  •  Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
  • Elles le savent bien ; et tournent en riant,
  • Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
    Je ne dis pas un mot : je regarde toujours 30
  • La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
  •  Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
  • Le dos divin après la courbe des épaules. J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
  •  – Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
    35 Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
  • – Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres... 

 

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1 Schakos : coiffure militaire rigide. 2 Gandin : jeune élégant plus ou moins ridicule. 3 Bureaux : personnes qui travaillent dans les bureaux. 4 Cornacs : au sens premier, conducteur d’éléphant.

 

 

ÉCRITURE 

I – Vous répondrez d’abord à la question suivante (4 points) :
En quoi les quatre textes du corpus relèvent-ils de la poésie satirique ? 

II – Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants (16 points) :

1. Commentaire : 

Vous ferez le commentaire du texte de Paul Verlaine, « L'enterrement » (texte C). 

2. Dissertation : 

Dans quelle mesure la poésie est-elle un genre efficace pour présenter une critique de la société ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles. 

3. Invention : 

Vous imaginerez un dialogue entre deux critiques littéraires au cours d'un débat sur la poésie. L'un pense que la poésie doit être utile et éveiller l'esprit critique du lecteur ; l'autre estime que l'on ne saurait la réduire à cette seule fonction. Chacun des points de vue devra comporter plusieurs arguments, illustrés par des références précises à des poèmes.

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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