Préface de la fortune des Rougon, Zola, fiche bilan sur le réalisme et le naturalisme

ORAUX EAF

 

 

Fiche bilan « Réalisme / Naturalisme »

On dira simplement que le Réalisme, en tant que mouvement littéraire, traduit la volonté des certains romanciers de donner la représentation la plus fidèle possible du monde réel. Cette esthétique romanesque apparaît après le Romantisme, essentiellement dans la seconde moitié du XIXe siècle (avec des auteurs comme Balzac et Flaubert), et s'élève contre ses excès (primauté du « je », idéalisation du réel, …) : pour le romancier réaliste, tout élément du réel, même le plus sordide, est digne de figurer dans le roman.

En résumé, le réalisme se caractérise par une volonté de représenter dans un texte littéraire la réalité dans toutes ses dimensions : humaine, psychologique, sociale, naturelle... Le réalisme s'établit autour des principes suivants:

Le romancier doit représenter le réel, tout le réel (même le plus insignifiant ou le plus repoussant), et uniquement que le réel, en fuyant notamment toute idéalisation romanesque.

Le romancier réaliste se doit d'être objectif (comme il propose une « copie » du réel, il ne doit, en théorie, pas y avoir de place pour la subjectivité).

Son œuvre doit s'appuyer sur une recherche documentaire la plus exhaustive possible.

La science est prise comme un modèle méthodologique à suivre (rigueur et objectivité) : positivisme scientifique (c'est l'idée que la science est seule capable de permettre la connaissance du monde et de le développement du progrès humain).

L'écriture réaliste utilise certains procédés aptes à créer l'illusion du réel.

Le Naturalisme peut se définir simplement comme un prolongement du Réalisme à la fin du XIXe siècle

. C'est une forme de réalisme avec des prétentions scientifiques très marquées. Il s'agit avant tout d'une méthode et non pas d'un style, ce qui explique que l'on retrouvera fréquemment les procédés réalistes que nous connaissons déjà. Plusieurs caractéristiques sont importantes :

La documentation prend une place prépondérante : souvent, la romancier naturaliste procède à des enquêtes sociologiques approfondies avant de rédiger son roman (p. ex. Zola avec ses très épais dossiers préparatoires)

Le naturalisme s'inspire des théories du philosophe Taine pour qui l'homme est conditionné par trois facteurs : la race, le milieu et le moment. On parlera de déterminismes biologiques (hérédité / « la race ») et de déterminismes sociaux et historiques (le « milieu » et le « moment »).

La naturalisme emprunte aussi ses idées à Claude Bernard et à la biologie : le romancier n'est plus seulement un « observateur », mais devient un véritable « expérimentateur » chargé, à la manière d'un scientifique, de formuler et de vérifier des lois concernant les comportements humains, les tempéraments, la société, ...

 

 

Zola, les Rougon-Macquart et le Second Empire

1 - Émile Zola (1840-1902)

D'abord journaliste (donc familier des enquêtes de terrain et des techniques de documentation journalistiques).

Premier roman : Thérèse Raquin (1867), 1er succès : L’Assommoir (1877), son plus grand triomphe : Germinal (1885).

Chef de file du Naturalisme que l'on définira en introduction comme un prolongement du réalisme adossé à des théories scientifiques.

Écrivain engagé (notamment en faveur des idéaux du socialisme). Voir aussi la défense du capitaine Dreyfus, injustement accusé de trahison, avec l'article « J'accuse » (1898).

2 – Les Rougon-Macquart

Cycle romanesque de Zola (20 romans) qui rappelle l'ambition de la Comédie humaine de Balzac.

Histoire d'une famille sur plusieurs générations pendant le second Empire. Famille frappée par une tare héréditaire.

Arbre généalogique (cerclés de jaune : les personnages et les œuvres étudiées dans la séquence)

 

3 – Le second Empire

1852 (coup d'état de décembre 1851) - 1870 (effondrement en septembre 1870 lors de la défaite de Sedan face aux Prussiens). Napoléon III.

Régime caractérisé par :

Le développement industriel et l'essor du capitalisme entraînant de profondes mutations sociales, économiques, urbaines, … : modification du paysage urbain de Paris (grands travaux d'Haussmann), apparition des grands magasins, des banques, essor de la Bourse, essor des chemins de fer, exploitation des ouvriers de plus en plus nombreux et misérables et débuts du syndicalisme,...

Le positivisme (foi inébranlable dans le Progrès et la science supposés capable d'améliorer la marche de l'humanité)

Ordre sévère et moral en apparence : censure (procès de Baudelaire et de Flaubert), refus de l'opposition politique (exil de Victor Hugo) ; mais en réalité, moeurs dissolues des classes au pouvoir (luxe démesuré des « fêtes impériales », ambition, vénalité, règne des demi-mondaines, …)

Zola veut décrire fidèlement la réalité du second Empire : le romancier s'appuie ainsi sur un travail important de documentation et d'enquête. Les textes de la séquence parcourent trois univers :

le demi-monde des courtisanes : réalité sociale incontournable du second Empire. Les prostituées de haut-vol, officiellement entretenues par des hommes de pouvoir, connaissent une période faste  :  Nana

le monde misérable des ouvriers exploités, notamment dans les mines : la révolution industrielle génère une inégalité sociale croissante, les ouvriers (hommes, femmes et enfants), privés de droits, travaillent 14 heures par jours, six jours sur sept, pour des salaires misérables (cf. : La découverte du « Voreux »).

 

 

Zola, l'argent

 

 

Émile Zola - La Fortune des Rougon - 1871 - Préface

 

        Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d'êtres, se comporte dans une société, en s'épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus qui paraissent, au premier coup d'œil, profondément dissemblables, mais que l'analyse montre intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur.

        Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d'un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j'aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l'œuvre comme acteur d'une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j'analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l'ensemble.

        Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d'étudier a pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d'une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils s'irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le second empire à l'aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d'état à la trahison de Sedan.

        Depuis trois années, je rassemblais les documents de ce grand ouvrage, et le présent volume était même écrit, lorsque la chute des Bonaparte, dont j'avais besoin comme artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser l'espérer si prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et nécessaire de mon œuvre. Celle-ci est, dès aujourd'hui, complète; elle s'agite dans un cercle fini; elle devient le tableau d'un règne mort, d'une étrange époque de folie et de honte.

        Cette œuvre, qui formera plusieurs épisodes, est donc, dans ma pensée, l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire. Et le premier épisode : la Fortune des Rougon, doit s'appeler de son titre scientifique : Les Origines.

 

Émile Zola, Paris le 1er juillet 1871

 

 

Questions concernant la préface de La Fortune des Rougon

1. Reformulez le projet romanesque de Zola à partir de la lecture du 1er paragraphe et du deuxième paragraphe. [Zola se propose de raconter l'histoire d'une famille sur plusieurs générations en étudiant les influences conjuguées de l'hérédité (forme de déterminisme biologique) et du milieu (déterminisme social).]

2. Dans le 3ème paragraphe, quel portrait Zola donne-t-il de la famille Rougon-Macquart dont il veut raconter l'histoire ? [D'un point de vue héréditaire, les Rougon-Macquart se caractérisent par la transmission d'une tare héréditaire de génération en génération à partir d'une tare originelle. D'un point de vue historique et social, les Rougon-Macquart sont issus du peuple et illustrent le mouvement d'ascension sociale revendiquée par les classes populaires au XIXe et la soif de jouissance de ce siècle. D'un point de vue symbolique, les Rougon-Macquart incarnent le second Empire.]

3. Expliquez la formule « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire » qui formera le sous-titre du cycle romanesque des Rougon-Macquart. [La formule renvoie à l'analyse de l'évolution d'une même famille selon trois aspects : l'hérédité (déterminisme biologique : adjectif « naturelle »), le milieu (déterminisme social) et le moment (déterminisme historique : le « second Empire »).]

Questions sur Le Roman expérimental

1. Expliquez les termes d'« observateur » et d'« expérimentateur » ? [Le terme d'observateur renvoie à l'idée d'un romancier réaliste qui observerait la réalité de son temps pour la reproduire le plus fidèlement possible (voir le terme « photographe »). Le terme d'expérimentateur ajoute une dimension supplémentaire : à partir de l'observation du réel, le romancier formule des hypothèses (notamment concernant les lois qui régissent l'homme et la société) puis réalise une expérience (le roman en est le « procès-verbal ») pour les vérifier.]

2. En quoi  le contenu d'un roman devient-il une véritable expérience scientifique pour Zola ? [Le roman est une sorte de laboratoire qui permet au romancier expérimentateur de vérifier la validité des lois qui déterminent les hommes et régissent les comportements en société. Les personnages du roman naturaliste seraient donc des sortes de cobayes.]

3. Quels sont les objectifs de cette « expérience » ? [La connaissance de l'homme.]

 

 
   

 

BAC

Pour aller plus loin : consultez les documents du site 

Date de dernière mise à jour : 30/07/2021

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