Spinoza : conférence. Les difficultés du spinozisme

 

 

Spinoza

 

 

 

 

Quelques difficultés du Spinozisme

Pierre Raymond

J'ai choisi de vous parler de points délicats dans l'œuvre de Spinoza, de Jean Cavaillès, auteur réputé pour sa difficulté, et de mathématiques. J'essaierai donc d'être très clair et progressif dans la difficulté.

L'oeuvre de Spinoza a reçu plusieurs sortes d'accueil.

Soit on l'a diabolisée : on a fait de Spinoza un auteur dangereux pour son athéisme, pour son matérialisme ou pour son fatalisme (cf. Diderot et Jacques le fataliste).

Soit on l'a encensée : il s'agirait d'une œuvre énigmatique, aux sources cachées, d'une œuvre surplombante, par son alliance d'éternité et de nécessité, d'une œuvre définitive : une philosophie enfin démontrée, dans l'Ethique ; on a parlé d'une illumination ou d'un éclair spinozistes, avec Goethe et Romain Rolland.

Les cinquante dernières années avant aujourd'hui ont donné lieu à des nouveautés.

Ont paru des explications universitaires enfin attentives et innovantes : le Spinoza de Martial Guéroult, Spinoza et le problème de l'expression et Spinoza.Philosophie pratique de Gilles Deleuze, l'Introduction à l'Ethique de Spinoza de Pierre Macherey, plusieurs opuscules d'Etienne Balibar etc., pour n'évoquer que la France.

S'est aussi fait jour un appel à Spinoza comme à une sorte de guide intellectuel et politique.

En particulier dans des milieux d'extrême-gauche, Spinoza est un peu devenu le père de la pensée révolutionnaire : chez lui, pour adapter une formule de Cavaillès à propos de son engagement dans la Résistance et de la défaite de la France, la nécessité est " un apaisement à la douleur de la défaite " du communisme. Nous avons vu cela avec Louis Althusser, Antonio Negri ou Etienne Balibar.

Et cet appel s'est assez souvent transformé en une hagiographie pesante, de la part des mêmes commentateurs parfois. D'où des âneries : Spinoza nouveau guide après Marx, Lénine, Staline, Mao ou Castro … ; Spinoza redresseur de tort, contre Descartes et les philosophies dites dominantes du sujet ; Spinoza origine de toute " bonne " philosophie, dans des rapprochements avec des auteurs innombrables.

Le " spinozisme " n'est donc pas seulement la doctrine de Spinoza, mais aussi un ensemble contemporain destiné à servir de caution ou de machine de guerre, ensemble prolifique et dans des domaines variés. De sorte que les " difficultés du spinozisme " concernent d'abord des difficultés dans l'œuvre de Spinoza lui-même : soit des choses délicates à comprendre, soit d'éventuelles impasses. Mais aussi des difficultés dans les références à Spinoza de la part d'autres doctrinaires : Spinoza peut-il être un guide pour l'action éthique et politique, un " Spinoza pratique " ? Spinoza est-il bien " l'anti-Descartes " annoncé par Althusser ou Deleuze, le chef d'une croisade contre les " philosophies du sujet " ? Spinoza est-il un des pères du matérialisme ? Est-il vraiment la source de diverses philosophies contemporaines ?

Je vais donner des exemples de chacune de ces difficultés, et en choisir deux pour les traiter devant vous. Mais, auparavant, pourquoi je le fais.

J'ai commencé à lire Spinoza avec assiduité très tôt, adolescent, et un peu par hasard, à un moment où les universitaires parlaient encore peu de lui. C'était dans une traduction de l'Ethique trouvée sur les quais, et qu'à peu près aucune bibliographie ne cite : traduction de Raoul Lentzenberg, datant de 1908 et qui n'était pas pire qu'une autre. J'ai pris des centaines de pages de notes en marge de l'Ethique. Plus tard, en hypokhâgne, j'ai eu un très bon professeur de philosophie, Maurice Marsal qui avait participé au Vocabulaire de la philosophie de Lalande ; il m'a évité l'aveuglement devant Spinoza, " un pont aux ânes que beaucoup ne parviennent pas à traverser ", comme il disait. Puis, rue d'Ulm, en 1966, Louis Althusser m'a confié le secrétariat d'un séminaire sur Spinoza, qui n'a hélas pas eu lieu du fait, en particulier, de la mauvaise santé d'Atthusser.

Pourquoi revenir là -dessus aujourd'hui ?

Sans doute par irritation devant l'accumulation des âneries dues à une véritable " mode spinoziste " … Mais surtout pour éclairer mieux la connaissance de Spinoza, obscurcie par ces âneries. Et aussi pour m'interroger sur le statut d'un éventuel guide éthico-politique, par rapport à l'autonomie du jugement moral, et sur le rôle même d'une œuvre philosophique dans la vie de ses lecteurs.

Avant de me livrer à l'examen de " quelques difficultés du spinozisme ", je veux juste indiquer deux généralités qu'il me paraît utile de se rappeler : la forme démonstrative en philosophie non seulement ne va pas de soi, mais encore peut masquer des difficultés d'argumentation ou de cohérence. D'autre part, et cela concerne plutôt les relations de Spinoza avec d'autres philosophes, la critique est facile, parfois trop facile : Aristote critique de Platon, Leibniz critique de Descartes, Hegel critique de Kant, Marx critique de Hegel, Heidegger critique de Husserl, et, dans cette suite, Spinoza critique de Descartes, tous ces critiques nous en apprennent peut-être plus sur eux-mêmes que sur l'objet de leur critique.

1 - Quelques difficultés du spinozisme

J'évoquerai trois difficultés propres à l'œuvre de Spinoza lui-même, puis trois concernant les rapports de Spinoza avec d'autres philosophies. Dans le premier cas, je traiterai la première et mentionnerai seulement les deux autres ; dans le deuxième cas, je mentionnerai les deux premières et traiterai la troisième.Une constellation de notions centralesA propos de l'œuvre de Spinoza lui-même, je veux d'abord traiter une difficulté qui est propre à une constellation de notions centrales : la causalité, la liberté et la nécessité, la raison et l'éthique.

Spinoza a identifié la causalité et la consécution ; il s'agit bien d'une identification et non seulement d'un lien plus lâche, comme le montrent, par exemple Ethique, I, 16, et bien d'autres passages. D'habitude les philosophes différencient les deux rapports, de cause à effet et de principe à conséquence : la consécution est à la fois sans cause et sans effet, puisque les axiomes ne démontrent pas les théorèmes sans l'intervention des mathématiciens, et que le théorème est déjà implicitement contenu dans les axiomes.

Chez Spinoza, quel est le sens de cette identification ? Nous pouvons en voir deux : d'un côté, la cause n'est rien d'autre que l'expression d'elle-même, dans un acte pur éternel, sans " en puissance " préalable ; c'est la cause rabattue sur le principe ; de l'autre côté, la relation d'idée à idée est causale, la pensée est causale ; c'est la conséquence rabattue sur la cause.

Guéroult, dans son Spinoza, a longuement étudié cette identification, en particulier dans I, ch. X, par.XV , mais aussi passim. Il s'y est dit, avec clarté, réfractaire ; ce qui signifie au moins que cette identification ne va pas de soi, qu'il convient de la remarquer, la thématiser, sans ne faire que la noter, ou en être seulement fasciné comme Deleuze. Car elle entraîne à sa suite de nouvelles difficultés en série, et qu'il faut traiter aussi, sans bien sûr y voir aussitôt des objections, mais des points délicats à mieux connaître.

Spinoza, dans Ethique, I, Déf. 7, définit la liberté comme nécessité causale d'une nature par elle-même. Dans Ethique, III, Déf. 1 et 2, il distingue la cause partielle et la cause totale, adéquate, active. A partir de là, nous comprenons que nul homme ne semble pouvoir être libre, ni rien hors Dieu, puisque toute chose est toujours entraînée par une nature plus puissante. Mais la raison intervient ici : dans la mesure où elle procède par idées adéquates et où, comme nous l'avons signalé auparavant, la pensée est causale, on peut passer des idées adéquates à la causalité adéquate, de sorte que la raison permet une pensée causale totale, libre.

Au passage, nous voyons que deux interprétations du spinozisme sont exclues : que la liberté soit la conscience de la nécessité ou la connaissance du déterminisme (ce qui ne signifierait du reste rien quand le déterminisme concerne aussi celui qui a sa connaissance). La doctrine de Spinoza, à tout prendre, ressemble plutôt à celle de Platon dans Gorgias : la raison du sage suppose un autre genre de vie, celui du juste. Chez Spinoza, à pensée nouvelle, corps nouveau, du fait du parallélisme - même si, contrairement à ce que dit Deleuze, nous ne saurons guère davantage dans l'œuvre de Spinoza ce que peut le corps.

Dans Ethique, I, Déf. 7, la liberté est donc associée à une nécessité sans contrainte, et dans Ethique, IV, 54, scolie, associée explicitement à la raison. C'est là qu'intervient une nouvelle difficulté : n'est-on pas en présence de ce que Kant, dans Critique de la Raison pratique, Examen de l'analytique, appellera un " misérable subterfuge ", qui offre comme liberté celle d'un " tournebroche qui … accomplit de lui-même ses mouvements " ? Kant vise alors Leibniz, mais cela pourrait aussi toucher Spinoza. Et l'expression d' " automaton spirituale ", que Spinoza utilise avant Leibniz dans le Traité de la Réforme de l'entendement , et que pointe Kant, laisse voir son ambiguïté : ce qui fait effort par soi-même, ou ce qui est mû automatiquement. Nous apercevons bien alors le statut délicat, chez Spinoza, des nombreux " si … alors ", qui sont censés annoncer, en particulier dans Ethique, V, 2 et suivantes, des pas dans la libération : ils ne font que dire : " quand on fait ceci, alors on est libre " ; il s'agit d'une situation de liberté et non d'un moyen de libération. J'avais dit cela d'une autre manière dans une conférence sur " La générosité " (in Dissiper la terreur et les ténèbres) : la philosophie de Spinoza, par différence avec celle de Descartes, ne fait pas appel au levier.

La raison permet-elle, telle que Spinoza la conçoit, d'échapper à ce subterfuge et d'autoriser une éthique ?

Une nouvelle difficulté intervient alors, car nous voyons d'abord deux sortes de raison, chez Spinoza.

Dans le Traité Théologico-politique, ch.16, Spinoza distingue une raison selon la nature entière, neutre, et une raison " humaine ", selon l' " intérêt véritable ". Dans un cas, ni bon ni mauvais, dans l'autre du bon et du mauvais, mais parce que " notre connaissance " est " trop partielle ". Dans Ethique, IV, Préface, Spinoza reprend cette distinction : après avoir écarté " le bon et le mauvais ", qui " n'indiquent rien dans les choses " mais sont des " fictions ", il écrit : " mais il nous faut bien conserver ces termes ". Gilles Deleuze a imaginé avec talent que Spinoza récusait le Bien et le Mal, mais gardait le bon et le mauvais ; hélas cette lecture nietzschéenne ne s'appuie sur rien dans le texte spinoziste : les termes latins sont constamment " bonum et malum ".

Que devons-nous comprendre ? Une première possibilité serait de dire que Spinoza fait intervenir un nouveau critère, celui de " suum utile ", comme il l'écrit dans Ethique, IV, 18, scolie ; c'est la voie qu'ont suivie Deleuze puis Balibar. Mais elle est inexacte, car Spinoza après avoir dit, dans Ethique, IV, 24, que la raison se conduit selon l'utile propre, retourne d'une manière fondamentale la situation en montrant, dans Ethique, IV, 26 et 27, que l'utile propre n'est rien d'autre pour la raison que " comprendre ". Rien ne sert de dire que cela est utile à la nature de la raison dans son conatus : l'utile n'a plus lieu d'intervenir dans la définition du conatus, qui relève de la seule nécessité naturelle.

Une seconde possibilité serait de remarquer que Spinoza conserve bien des différences de perfection ou réalité entre les choses, et qu'il y a donc bien des comparaisons envisageables, donc du meilleur et du pire. Mais ces différences de puissance ne concernent que des essences, par définition, et n'enveloppent aucun jugement de valeur entre elles, car tout se produit selon la nécessité. En outre la comparaison éthique suppose des différences entre le bon et le mauvais à propos " d'une seule et même chose ". La difficulté est maintenant celle-ci : comprendre selon la nécessité permet-il une éthique ?

Depuis Aristote, nous savons qu'une éthique n'est possible que s'il y a des futurs contingents qui laissent place à un choix humain autonome. C'est cette question de la possibilité de l'éthique même chez Spinoza que pose la fameuse correspondance entre celui-ci et Blyenbergh, les lettres sur le mal. Spinoza avait du reste vu tout seul la difficulté puisque dans Ethique, IV, Préface, il écarte la notion de " modèle " (exemplar) puis la réintroduit pour autoriser une éthique qui compare le même homme à lui-même. Deleuze, encore une fois avec beaucoup d'ingéniosité, a proposé une explication à ce propos - j'y renvoie, sans la résumer ici (cf Spinoza et le problème de l'expression, ch. 15 et Spinoza .Philosophie pratique, ch. III). Mais je la pense en définitive confuse.

La difficulté tient à ceci : Spinoza, en éliminant le " en puissance " au profit du " en acte ", fait que, même s'il y a des augmentations ou diminutions de la même puissance d'agir dans la durée de l'existence, cela n'échappe pas à la nécessité et ne permet aucune comparaison éthique. La difficulté peut être dite d'une autre manière : dans la Lettre 23, Spinoza parle d'un voleur qui agit en tant que voleur et d'un homme de bien qui agit en tant qu'homme de bien ; l'un est moins parfait que l'autre ; mais la comparaison n'est pas éthique, puisque la seule référence qui le permettrait, c'est-à-dire que le voleur et l'homme de bien sont tous deux des hommes, est absente de cette lettre ; nous comprenons bien alors pourquoi Spinoza écrit juste après :

" Demandez-vous, en outre, quelle force peut bien vous presser à accomplir cette œuvre qu'on appelle vertu, plutôt qu'une autre ? Je réponds que je ne sais pas de quel moyen, parmi une infinité d'autres, Dieu use, en vue de vous déterminer à cette œuvre ".

Et nous comprenons aussi pourquoi il va interrompre avec irritation cette correspondance avec Blyenbergh à propos des " fondements de l'éthique ".

A ce point de l'examen, cette difficulté ressemble à une impasse.

Sans doute existe une interprétation vitaliste du conatus rationnel qui cherche à l'éviter et qu'on trouve parfois chez Deleuze ou d'autres : il y aurait une nécessité, une urgence, de la poussée vitale du conatus, sans que ses suites se déploient forcément selon une nécessité déterministe. Interprétation appuyée sur Nietzsche ou sur Bergson. Mais, outre qu'il y a là sans doute des contresens sur Nietzsche aussi bien que sur Bergson, c'est payer trop cher en termes de rationalisme et de politique la critique de la philosophie classique prêtée confusément à Spinoza, et au nom d'arguments récents et confus aussi.

Convient-il d'abandonner cette difficulté à ce point ? Non, car proposer, comme Spinoza, de concevoir l'éthique sur le modèle d'une pensée rationnelle, c'est-à-dire d'un déploiement de la pensée sans aucune autre limite que les impasses de l'erreur, est une extraordinaire libération pour l'action en général, à distance de l'ordre moral des préjugés dus à la passivité et à l'impuissance. Mais il faut alors noter que :

1- cette conception de l'éthique s'inscrit dans une belle tradition philosophique à laquelle participent pleinement Aristote et Descartes, et d'autres après ;

2- que la disposition théorétique n'est pas la seule à prendre en compte pour estimer une pensée autonome ;

3- que le seul modèle nécessitariste des démonstrations scientifiques risque de fourvoyer l'éthique dans les impasses d'un scientisme, au détriment du " en puissance " et du " virtuel " (cf. mon article " L'homme, animal par nature politique ", in Dissiper la terreur et les ténébres).

J'indique en annexe ici que cette difficulté entraîne des problèmes en série dans l'œuvre de Spinoza. Ils concernent la notion d'essence aux sens multiples, mais d'où paraissent exclus ceux de " en puissance ", au contraire d'Aristote, et de " possible ", au contraire de Leibniz : l'essence est toujours en acte et réelle (cf. Ethique, II, 8, scolie, puis V, 30) ; la notion d'existence soit sensible, soit éternelle ; la notion d'être (esse) à propos du conatus etc.. Ils concernent d'autre part la notion de droit, oscillant entre la simple relation de puissances de fait et le conatus rationnel. Deux autres difficultésJ'avais annoncé deux autres difficultés que je ne ferais que mentionner. Elles touchent l'une à des questions politiques, l'autre à des questions sociales.

Dans l'Ethique, Spinoza traite longuement de l'imagination, et dans les Traités politiques de ce que Balibar a appelé l' " imaginaire politique ", avec en particulier le couple de termes civis/hostis tel qu'il fonctionne dans les passions nationalistes. Or il convient de noter que ces deux formes d'imagination ne sont pas homogènes : la première, générale, fonctionne à trois termes (bon, mauvais ou neutre, qui permet bien sûr l'information et la connaissance scientifique, comme le disait déjà Aristote dans le Traité de l'Ame), et suppose des motifs ; la seconde, politique, fonctionne à deux termes exclusifs et sans motifs, a priori, car d'autres causes que l'imagination interviennent. Difficulté à suivre.

Dans l'Ethique, III, Spinoza développe une longue théorie des passions sociales. Or il convient de noter que, essentielle, elle est en entier appuyée sur la notion d'imitation telle que précisée dans Ethique, III, 27 et scolie. Mais la démonstration de cette proposition est loin d'aller de soi.

A propos des rapports de Spinoza avec d'autres philosophies, ou la réciproque, je veux d'abord mentionner deux difficultés. L'anti-Descartes Althusser, Deleuze puis bien d'autres ont fait de Spinoza l'anti-Descartes par excellence. Il est vrai que Spinoza a été très moqueur vis-à-vis du Descartes du Traité des Passions de l'âme et du thème de la glande pinéale par exemple. Mais Spinoza est aussi un des premiers à avoir répandu une confusion à ce propos : il n'a pas vu la distinction essentielle que Descartes propose entre le fait que " l'âme exerce ses fonctions dans la glande pinéale ", organe centralisateur du corps, et le fait que " l'âme est jointe à tout le corps, à tout l'assemblage de ses organes " (articles 30 et 31).

D'autre part, Spinoza est redevable à Descartes d'une théorie très riche et nuancée du parallélisme (de l' " accompagnement ") de l'âme et du corps. Il convient de mieux connaître Descartes avant d'en faire le porte-parole d'une philosophie simpliste du sujet - et mieux Spinoza avant d'en faire celui d'une lutte contre cette philosophie (cf. Conclusions, in fine).

Un père du matérialisme

De nombreux auteurs contemporains ont aussi voulu faire de Spinoza un des pères du matérialisme. Les choses ne sont toutefois pas aussi simples. Pour être matérialiste, il faut au moins deux exigences. Qu'il y ait d'une part des rapports entre la pensée et la matière, de sorte que la question soit d'expliquer les processus de la pensée à partir de mouvements matériels. Qu'il soit d'autre part admis que la pensée est un mode matériel original et non une autre réalité spirituelle. Or Spinoza paraît rendre difficiles ces deux exigences : le corps matériel et l'esprit étant la même chose sous deux attributs parallèles, il n'y a pas de rapport ; et l'esprit, mode de la pensée, ne peut être tenu pour un mode corporel. Le matérialisme de Spinoza ne peut pas être affirmé aussi vite.

A propos des rapports d'autres philosophies avec Spinoza, j'avais annoncé une difficulté que je traiterais. Puisqu'il ne saurait être question de traiter tous les cas, j'en choisis un : Cavaillès et Spinoza, où j'utiliserai quelques thèmes déjà indiqués.

2 - Cavaillès et Spinoza

L'idée de l'idéeCavaillès a fait appel au thème spinoziste de l' " idée de l'idée " à propos de l'histoire des mathématiques.

Cette expression, chez Spinoza, est à la fois connue et un peu énigmatique. Son utilisation par Cavaillès est assez rare et très allusive. Mais deux commentateurs récents, de Spinoza et de Cavaillès, ont repris ce lien et essayé de montrer que Spinoza serait à l'origine d'une " philosophie du concept " avec usage répété du mot " dialectique " chez Cavaillès.

Chez Spinoza, on rencontre l'expression " idée de l'idée " dans le Traité de la Réforme de l'entendement, puis dans l'Ethique.

Ses sources historiques sont peu claires. Dans sa traduction du Traité, Alexandre Koyré notait que l'expression vient d'Aristote, Traité de l'Ame, III, 4, 429b, 430a. En fait l'expression ne s'y trouve pas d'un seul tenant, et surtout, Aristote parle d' " idée des idées " et non " de l'idée ", ce qui est différent. Il est seulement vrai que ce genre de redoublement est aristotélicien si l'on songe à " pensée de la pensée ". Malgré cette imprécision, la référence est reprise dans le volume de La Pléiade sans autre vérification. Guéroult de son côté, in Spinoza, II, ch. XII, par. IX, dit que Chrysippe " semble avoir été le protagoniste … de la définition de l'idée comme identité primordiale de l'idée de l'objet et de l'idée de l'idée ". Mais, outre que le texte de Chrysippe invoqué ne comporte pas le mot " idée ", Spinoza, in Ethique, II, 43, scolie, que Guéroult commente alors, ne parle pas de cette identité mais de celle de l'idée et de l'idée de l'idée, sans intervention d'un autre objet que l'idée pour l'idée de l'idée.

Le thème de l' " idée de l'idée " est d'emblée délicat. Bien sûr l'expression a d'abord un sens réflexif : " la méthode n'est rien d'autre que la connaissance réflexive ou idée de l'idée " (T.R.E., par. 3. Mais les choses sont compliquées : l'idée vraie précède le savoir de l'idée vraie (ibid., par. 34) et " il n'est pas besoin, pour que je sache, de savoir que je sais " (ibid., par. 35), ce qui signifie que la méthode, ou idée de l'idée, ne fonde pas la vérité, mais part de la vérité. C'est ce qui fait que, in Ethique, II, 21 : " dès qu'on sait quelque chose, on sait par la même qu'on le sait ", l'idée de l'idée est contemporaine de l'idée (Ethique, II, 43). Nous voyons que cette complication, qui n'est pas du tout une contradiction mais où il est facile de s'embrouiller (un peu comme Guéroult dans son commentaire de cette proposition), tient au double sens de " idée de l'idée " : d'une part réflexif, avec deux niveaux d'idées différents, comme pour la tradition depuis Aristote, d'autre part causal, selon Spinoza en particulier : c'est parce que l'idée se présente dans l'enchaînement causal nécessaire d'une pensée productrice que, dans le cas de l'idée de l'idée, où " idée " et " idée de l'idée " sont sous le même attribut pensée, le lien est d'identité entre les deux (Ethique, II, 21, scolie), l'idée et sa forme, car la connaissance n'est vraie que par la cause sous le même attribut, la puissance de penser pour ses œuvres.

C'est seulement la certitude cognitive causale qui fait l'idée vraie, et sa priorité sur ses réflexions. Et cette certitude, c'est la forme du vrai, c'est-à-dire l'idée de l'idée (Ethique, II, 21, scolie). Le tout est de s'expliquer lentement, comme le dit Spinoza lui-même …

Chez Cavaillès, dans Sur la logique et la théorie de la science, il y a deux allusions à l' " idée de l'idée ". Cavaillès y fait appel pour concevoir l'histoire des mathématiques comme interne, autoproduction sans référence à des phénomènes extérieurs. Mais ces allusions sont très rapides ; une première fois, Cavaillès parle de la " superposition spinoziste de l'idée de l'idée ", mais sans dire qu'il adopte cette conception ; une seconde, il dit que " l'idée de l'idée manifeste sa puissance génératrice ", mais la référence à Spinoza n'est plus explicite. Bruno Huisman, dans une conférence intitulée " Cavaillès et Spinoza " (in Spinoza au XX ème siècle, sous la direction d'Olivier Bloch), puis Hourya Sinacoeur, in Jean Cavaillès.Philosophie mathématique, ont cru pouvoir rapporter à Spinoza la doctrine de Cavaillès. Ils ont appuyé cette affirmation sur le fait que Cavaillès a fait des cours sur Spinoza, et été l'élève de Brunschvicg, spécialiste de Spinoza. Mais nous ne connaissons pas ces cours de Cavaillès ; celui-ci a aussi été critique vis-à-vis de son maître ; ni Cavaillès ni même Brunschvicg ne sont aujourd'hui tenus pour des autorités sur Spinoza - et, somme toute, Spinoza n'a jamais parlé d'histoire des mathématiques.

Et surtout, il faut prendre garde : l'association directe de l' " idée de l'idée " et de l'histoire des mathématiques risque un contresens sur Spinoza. En effet " idée " n'a pas, chez Spinoza, le sens commun du mot " idée ", et ne peut d'abord signifier ni idéologie, ni théorie, ni science ; est " idée " toute chose sous l'attribut pensée, toute chose qui, sous l'attribut étendue, est corps ; de sorte que " idée " correspond aussi bien aux phénomènes matériels, infrastructurels au sens marxien du mot, sensibles, de l'histoire qu'aux seules idées au sens commun. " Idée de l'idée " ne peut donc pas renvoyer sans précaution à une histoire interne de théories.

Il vaut alors mieux préciser d'abord ce que Cavaillès seul a voulu dire, et ne se demander qu'après quel intérêt peut avoir cette référence à Spinoza.

Cavaillès, dans Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles, Transfini et continu, Méthode axiomatique et formalisme, La Pensée mathématique, et Sur la logique et la théorie de la science, a donc exposé une conception de l'histoire des mathématiques comme interne, sans référence à l'extérieur, surplombant les consciences des mathématiciens et selon un devenir heurté, nécessaire et imprévisible à la fois, dont la poursuite dans l'avenir est nécessaire pour assurer le présent.

Mais il faut aussitôt comprendre qu'une force unique, matérielle ou spirituelle, qui serait ainsi créatrice d'un devenir autonome, serait un mystère pour un rationalisme ; pour qu'il y ait un devenir, il faut une pluralité de termes et des rapports. Aussi bien Cavaillès a précisé quels processus peuvent être moteurs, et au fil de ses textes, il parle successivement des abstractions, qui dégagent de nouveaux niveaux théoriques, des passages à l'universel, qui traitent différemment des exemples d'abord plus concrets, des modifications toujours ouvertes des propriétés conceptuelles, des contradictions, qu'il appelle éclatements, ruptures ou échecs.

Ces divers processus qui ont lieu dans des développements théoriques donnés entraînent des concepts-problèmes ou des méthodes qui travaillent ces théories, les " font éclater " et en produisent de nouvelles. Toutefois, Cavaillès indique que l'origine de ces concepts-problèmes, si elle participe du mouvement nécessaire des mathématiques, reste " obscure " et " vague " si l'on veut la faire apparaître dans la généralité.

A titre aussi général, on peut donner des exemples de cette histoire interne. Ainsi depuis le milieu du 19ème siècle, le concept de groupe n'est pas seulement une suite d'axiomes qui le définissent, mais une vaste réorganisation des mathématiques classiques, arithmétique, géométries, etc. selon les types de groupe, des déplacements, des similitudes, etc .

Ainsi encore depuis la fin du 19ème siècle, la théorie des ensembles n'est pas seulement un système formalisé de connaissances acquises, mais aussi une méthode axiomatique qui restructure l'architecture des mathématiques. Car une méthode, quelle qu'elle soit, pour

être féconde doit être pour une part décalée par rapport aux objets qu'elle vise, et faire

"appel d'air ".

J'avais essayé dans deux livres de 1973 et 1975, le Passage au matérialisme et l'Histoire et les sciences, d'utiliser à ma manière ces indications de Cavaillès. J'avais distingué deux fonctions dans les mathématiques, tenues à tour de rôle par des secteurs théoriques divers : le mathématique, fonction conceptuelle de problèmes, et le mathématisé, fonction symbolisée que le premier fait connaître. De sorte que les mathématiques vivantes, en recherches, sont toujours au pluriel, et qu'il s'agit bien d'une science, qui fait connaître ses secteurs les uns par les autres, et d'une science expérimentale, puisque le succès n'est jamais assuré d'avance, sans être directement empirique puisque le connu doit au moins être symbolisé.

Ainsi, par exemple, dès l'Antiquité et jusqu'à la fin du 19ème siècle, les nombres (arithmétique) travaillent sur les figures pour les mesurer (géométrie) ; comme cela ne fonctionne pas facilement (nombres irrationnels), on fait de larges détours dès Platon par le calcul des segments, ou géométrie des proportions ; et tout cela, tant que la mesure ne tombe pas

"juste", jusqu'aux nombres réels, avec des extensions conceptuelles dans les deux domaines, nouveaux nombres ou nombres figurés. Il y a bien sûr quantité d'autres exemples (certains avaient été suivis dans la collection " Algorithme " chez Maspero). C'est cela l'histoire interne des mathématiques.

Qu'il y ait ou non des références à l'extérieur (autres sciences, techniques, formes idéologiques, philosophiques ou politiques des recherches, etc .) est une autre question. De même pour les interventions des sujets mathématiciens dans cette histoire.

Quels rapports ces conceptions ont-elles avec l' " idée de l'idée " chez Spinoza ?

Il y a sans doute un aspect souvent réflexif dans les mathématiques, et donc une analogie avec le premier sens de " idée de l'idée ". Des opérations sont ainsi abstraites de développements concrets, et prises comme objets de développements nouveaux. Ce que Cavaillès appelait " surperpositions de réflexions " et dont il notait le caractère innovant. Mais il ajoutait aussi que ce n'est qu'un des procédés, certes important, des mathématiques.

L'essentiel est ailleurs : dans les rapports entre deux fonctions des mathématiques.

Il s'agit de rapports causaux où l'une manifeste sa puissance de production d'une connaissance nouvelle de l'autre. Il y a bien là une analogie avec le second sens de " idée de l'idée " chez Spinoza : sa cause formelle produit l'idée. L'activité de pensée n'est pas réductible aux résultats démontrés, la pensée produit de la pensée.

Ainsi la démonstration n'est pas seulement un processus formel rigoureux qui expose le connu, mais aussi une activité qui démontre, qui connaît, une science. C'est du reste le sens classique du mot " démonstration ". Les mathématiques sont une connaissance démontrée de leurs secteurs les uns par les autres, et cela va jusqu'à l'empirie à condition que celle-ci soit symbolisée, mathématisée, dans des calculs, un arpentage etc.. Ce mathématisé, commun à la plupart des sociétés, n'est pas mathématique par lui-même, mais est un premier objet propre à cette activité scientifique. C'est explicitement ce que Cavaillès dit à propos des mathématiques et du sensible, et cela n'est pas du tout une concession peu satisfaisante à l'air de son temps.

Conclusions

Je voudrais présenter enfin quelques conclusions de méthodologie sur le danger qu'il y a à chercher un guide en philosophie.

Il est bon de garder l'esprit critique et libre.

Cavaillès a fait référence certes au spinozisme, mais aussi à diverses autres philosophies. A d'autres, malgré son éventuelle défiance à leur égard. Au spinozisme, mais sans obédience à son égard.

Il paraît difficile, même si Cavaillès était défiant vis-à-vis de Hegel, de gommer une tonalité hegelienne, du reste banale à l'époque de Cavaillès (qu'on en juge sur les rapports entre Einstein et Newton vus par Bachelard), dans des expressions comme " philosophie du concept " et le vocabulaire abondant de Cavaillès autour du mot " dialectique " : position, négation, contradiction, suppression, conservation comme particularité, dépassement, etc..

Il paraît intéressant de rappeler aussi l'intérêt de Cavaillès pour le marxisme, qu'Henri Mougin signale longuement dans son article dans la Pensée, 4, 1945. Et de ne pas l'écarter à cause d'un jugement caricatural de Canguilhem sur le marxisme " qui [ferait] naître du monde sensible toute pensée ".

Du reste, Cavaillès, critique à l'égard de Husserl ou de Brunschvicg, leur emprunte aussi beaucoup.

C'est dans ce contexte qu'il convient de placer les références de Cavaillès à Spinoza. Allusions célèbres de Cavaillès à Spinoza pour expliquer son engagement de Résistant, mais aussi ses travaux sur les mathématiques. Allusions toujours brèves et parfois énigmatiques. Nous pouvons supposer que Spinoza a été alors utile à Cavaillès pour penser la nécessité d'un engagement malgré les perspectives alors improbables d'une victoire, pour penser la nécessité d'un devenir hors l'histoire sensible et la conscience. Mais l'addition de Hegel ou d'autres n'était pas inutile pour penser le mouvement et les contradictions du devenir, que Cavaillès désigne souvent et explicitement. Un devenir contradictoire ici ne serait pas forcément compris avec des formules à la Engels. Le vocabulaire de Hegel, de Marx ou de Spinoza, et de bien d'autres, était courant chez les gens avec qui Cavaillès parlait alors.

C'est là plus précisément qu'il convient de placer la référence à l' " idée de l'idée ", encore une fois sans obédience à Spinoza. Mais, je l'ai expliqué, seulement après avoir écarté un contresens sur " idée ", avoir éclairé les allusions par une attention précise aux textes, avoir noté que le motif d'analogie est très général, puisque l'expression de Spinoza concerne toute idée, celle qu'on est ou celle qu'on a, et que Spinoza ne précise jamais beaucoup cette causalité. Alors on peut en effet dire, mais en se méfiant des incantations, qu'il y a une parenté entre ce que Cavaillès dit sur l'histoire des mathématiques et Spinoza sur la puissance de penser.

Je voudrais pour terminer insister sur l'avantage qu'il y a à se méfier des modes dans la philosophie.

Cavaillès s'est élevé contre Husserl et le thème du sujet fondateur et maître de son activité théorique, dans Sur la logique et la théorie de la science. Il a opposé à Husserl et à sa " philosophie de la conscience " une " philosophie du concept " imprévisible. De son côté, Spinoza s'est élevé contre Descartes et n'a pas suivi sa philosophie du Cogito. On en a vite conclu que Spinoza était un des premiers polémistes d'une lignée contre les philosophies " du sujet ". Mais c'est en bonne part un effet de mode dû aux polémiques contemporaines contre les philosophies dites du sujet, et qui ne fait pas mieux connaître Spinoza, au contraire. En effet, nous disposons dans la correspondance de Spinoza de ses échanges avec Oldenburg à propos des travaux de l'anglais Robert Boyle : contre une première naissance de la chimie, Spinoza argumente longuement, dans les Lettres 6 et 13, au nom d'une philosophie de ce qu'on pourrait appeler une conscience physicienne, physicaliste à la manière antique en l'occurrence puisque Spinoza explique les propriétés chimiques par des figures géométriques de solides. Il fait preuve, sur le terrain, de ce que Cavaillès condamnera comme " philosophie de la conscience ".

Il est donc bon de dissiper les apparences dialectiques, au sens kantien de l'expression, où Spinoza devient le père de (Cavaillès), après coup, grâce au miracle de (l'idée de l'idée) ou de (…). Et de garder l'esprit critique et libre contre les sectarismes.

J'ai évoqué aujourd'hui quelques difficultés seulement du spinozisme, comme occasion de mieux connaître Spinoza et Cavaillès. Je traiterai d'autres difficultés, et plus longuement, ailleurs.

QUESTIONS

Q. - En dehors du couple civis/hostis, où hostis désigne l'ennemi, ne peut-on pas

proposer, avec Spinoza en particulier dans le Traité politique, un statut de

l'étranger ?

R - Sans aucun doute. Mais encore faut-il qu'une instance l'aménage - laquelle ? -.

Et si non, dans la passion nationaliste, le tiers est exclu. Et cette passion, c'est

ce que j'ai voulu dire, ne fonctionne pas à partir de la seule imagination, il a

aussi fallu qu'elle soit instaurée, comme Spinoza lui-même l'indique.

Q - Le rapport entre la causalité et la consécution ne peut-il pas être de seule

analogie rhétorique ? Par exemple, Spinoza dit que l'idée de l'affection subie par

un homme est comme une conclusion sans prémisses.

R - Ce cas, où Spinoza veut noter l'incomplétude de l'affection, ne me paraît pas

aller contre la thèse de l'identification qui est, à mon avis, bien générale.

Q - Ne peut-on pas concevoir un corps qui pense ?

R - Certes oui, tout matérialiste du moins l'espère. Mais Spinoza ne permet pas

évidemment de le concevoir. A tout prendre, Descartes davantage.

Q - Spinoza parle de libération, du devenir citoyen. N'en offre-t-il pas les moyens ?

R - C'est précisément ce dont je ne suis pas sûr, en tout cas pas à partir des textes

qu'on présente d'habitude à ce propos.

Q - Vous avez évoqué des difficultés du spinozisme, ne voulez-vous pas en

proposer des solutions ?

R - J'en ai déjà, par endroits, suggérées aujourd'hui à propos de l'éthique par

exemple. Je ne veux pas y insister davantage : je l'ai fait ailleurs, hors de

Spinoza ; et, à son propos, j'y reviendrai.

Q - Ne peut-on donner à l'éducation le rôle de médiation qui améliore la

communication entre les citoyens, sert donc le projet éthique et en particulier

évite de recourir à un guide-éducateur ?

R - Spinoza n'est pas disert à propos de l'éducation. En outre, je songe à la place

que Montesquieu donnait à l'éducateur pour réformer la société et à la réponse

de Marx dans la III ème Thèse sur Feuerbach : qui éduque l'éducateur ?

Marx répond à la question éthico-politique par la praxis révolutionnaire - mais

cela envoie à un autre débat.

Q - Ne peut-on pas bâtir une éthique autour de la notion d'émulation, telle que

Spinoza, mais aussi Descartes ou Aristote en parlent ?

R - Cette notion était chère aux régimes du communisme " réel ". Mais, en laissant

cela de côté, on peut se dire que Descartes lui donne une place plus

considérable que Spinoza qui n'en fait qu'une passion sociale parmi d'autres.

Conférence du site Lycée Henri IV

 

Pour aller plus loin 

Date de dernière mise à jour : 31/10/2018

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