•Questions sur corpus corrigées, EAF, série littéraire, objet d'étude,l 'épistolaire, Voltaire, Sévigné

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Questions sur corpus corrigées, EAF, série littéraire, objet d'étude,l 'épistolaire, Voltaire, Sévigné

 

 
 
   

Questions sur corpus corrigées, EAF, série littéraire, objet d'étude,l 'épistolaire, Voltaire, Sévigné

 

Série littéraire

Objet d’étude : l’épistolaire

TEXTES

  • A. Guilleragues [1628-1685], Lettres portugaises, quatrième lettre, 1669.
  • B. Madame de Sévigné [1626-1696], Correspondance, 5 octobre 1673.
  • C. Voltaire [1694-1778], Correspondance, 18 décembre 1752.

A. Présentation du sujet

La confrontation de ces trois textes, couvrant une période de deux siècles correspondant à

l’âge d’or de l’épistolaire, présente un triple intérêt problématique car elle permet de dégager

certains enjeux paradoxaux du genre.

- La diversité du genre

Un roman épistolaire (texte A) où la lettre est un gage d’authenticité et joue sur la frontière

réel/fiction ; une lettre authentique (texte B) et une lettre adressée autant à son destinataire

réel, d’ailleurs fort effacé, qu’à la postérité (texte C).

- Place du lecteur-destinataire dans la lettre

(Réflexion amorcée à partir des questions initiales et qui offrent des pistes intéressantes

pour traiter les trois sujets). Un bref repérage des marques de l'énonciation permet de

distinguer plusieurs fonctions de l’écriture épistolaire.

Le texte C est sans doute davantage écrit pour la postérité (références à L’Encyclopédie)

comme le suggère la rareté des occurrences désignant le destinataire de la lettre. Un tel

déséquilibre souligne les ambivalences profondes de l’échange épistolaire. A rapprocher de la

lettre ouverte et de l’écriture comme arme dans le combat des philosophes.

Le texte B semble plus classique et atteint une sorte d’équilibre entre les marques du « je »

et celle du « vous » ; ce qui laisse à penser que la lettre fonctionne d’une part comme l’aveu

lyrique du manque (dimension d’introspection), d’autre part comme tentative d’incarner l’absent,

de le rendre présent à travers l’acte même de l’écriture. La lettre remplit pleinement une

fonction de catharsis.

Le texte A présente l’écart le plus grand et souligne la parenté de la lettre avec le journal

intime (une sorte « d’autobiographie morale fragmentée » selon Fumaroli) puisque le moi

scripteur finit par prendre une place prépondérante, se livrant à une introspection du moi intime,

le destinataire n’étant alors perçu que comme une écoute privilégiée. La lettre, par nature

dialogale ou dialogique, se fait ici miroir narcissique et tourne au monologue, au lamento où

l’autre finit par n’être qu’une altérité fantasmée.

- La lettre mise en abyme en tant qu’objet

Il est remarquable que les trois lettres, à des degrés différents, fassent mention de l’objet

lettre afin d’en souligner les enjeux paradoxaux. Le problème de la transparence et de

l’hypocrisie est posé à la fin du texte C. Le texte B (ligne 26) montre la vanité de l’écriture

épistolaire qui tente d’abolir la distance et de rendre présent l’absent alors que paradoxalement

c’est cette absence même qui est le moteur premier de la communication épistolaire. Quant au

texte A, en montrant que l’envoi de la lettre et sa réception restent secondaires, il confirme la

parenté de l’épistolaire avec le journal intime.

B. Questions

Analysez la place qui est dévolue au destinataire dans chacune de ces lettres.

Quel est d’après vous l’enjeu de chaque lettre ?

Proposition de corrigé

L’originalité de chaque missive s’affiche dans la manière dont la lettre, expression du moi,

crée non seulement un message mais dessine également la figure du destinataire. Les trois

lettres offrent chacune un rapport spécifique au récepteur de la lettre. Dans le texte de

Guilleragues, la présence du destinataire est explicite à travers un ensemble de questions,

d’apostrophes, d’ordres, qui confère à l’amant un caractère tangible (on pourrait parler de

dimension performative du langage ; un énoncé performatif est un énoncé qui accomplit l’acte

qu’il énonce) ; la lettre affirme par ailleurs l’omniprésence d’un moi qui se livre au lecteur. Le

texte de Madame de Sévigné atteint une sorte d’équilibre entre les marques du « je » et celles

du « vous » ; la lettre fait l’aveu du manque, mais simultanément elle comble par l’acte d’écrire

l’absence du destinataire chéri. Le texte de Voltaire se caractérise par la rareté des occurrences

désignant le destinataire de la lettre ; la lettre perd ici son caractère privé et intime.

Dans le roman épistolaire de Guilleragues, la lettre s’apparente au journal intime ; elle

permet au destinataire de livrer son moi profond sous la forme dialogale du lamento. La lettre

de Madame de Sévigné - correspondance réelle inscrite dans les conventions sociales du

XVIIème siècle - permet d’exprimer dans une parole mi-publique mi-privée la souffrance de la

séparation, mais dans le même temps de l’objectiver et donc de l’épurer. Le texte de Voltaire

utilise la lettre pour mener une véritable explication des conventions de la vie de cour. Voltaire

dénonce le mensonge des mots et inscrit sa lettre bien au delà d’une communication privée ; il

vise le combat philosophique et d’une certaine façon la postérité.

 

français  2018
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