•En quoi le Détour par l'Autre est-il un bon moyen de dénoncer les travers de notre société ?

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" En quoi le Détour par l'Autre est-il un bon moyen de dénoncer les travers de notre société ? "

Le détour par l’Autre possède une multitude de facettes, c’est de part ce procédé de l’argumentation que des auteurs, tels que Jean de La Bruyère, Voltaire et Jacques Sternberg font valoir les travers de leur société, par le biais de personnages fictifs. Il faut aussi prendre en compte l’idée que nous sommes un Autre pour l'Autre, et que par conséquent, on n’est jamais aussi objectif à propos de soi qu'à propos d'une personne étrangère. Ce procédé permet avant tout d’avoir un avis objectif de notre société, par le biais d’un point de vue extérieur, voire étranger, et ce de manière convaincante et efficace. C’est ainsi que le détour par l’Autre permet de faire passer une critique implicite, se traduisant par l’emploi d’un personnage fictif, qui nous rend compte de la réalité des failles de notre société que nous ne voulions pas prendre en compte. Le détour, permet avant tout d’atteindre le but fixé par l’auteur, de manière indirecte,  par l’utilisation d’un « Autre », véritable porte parole des idées de l’auteur. C’est ainsi que, nous nous intéresserons aux moyens employés pour que l’utilisation de l’Autre soit efficace pour dénoncer indirectement les travers de notre société.
 

 

 " En quoi le Détour par l'Autre est-il un bon moyen de dénoncer les travers de notre société ? "

INTRODUCTION I) Le détour par l'autre est un moyen de dénonciation habile parce qu'il permet d'abord de plaire au lecteur. 

1. Parce qu'il surprend, dépayse, suscite la curiosité -> référence : Micromégas / Les Jumeaux, par le fait que nous ayons des " étrangers ", explicitant leur propre point de vue sur notre société.
-> Le détour par l’Autre, mis à sa part sa principale fonction qui est de dénoncer, par le biais d’un personnage fictif, possède aussi la capacité de dénoncer de manière habile, permettant au lecteur de ressentir un dépaysement total, attisant sa curiosité, et le surprendre. On peut aussi noter que la fiction peut être un outil de séduction : plaire et instruire. C’est ainsi que dans Micromégas, Voltaire met en scène Micromégas, un habitant de la planète Syrius, ce dernier rencontre les habitants de la Terre. C’est par le biais de Micromégas, en d’autres termes, d’un extraterrestre que Voltaire va faire passer sa critique, par deux procédés bien distincts : la satire et l’ironie, c’est par ces deux derniers que Voltaire rend la lecture de son conte plaisant, son objectif principal est de faire penser les lecteurs. Voltaire critique durement la société de son époque, mais pour échapper à la censure et les procès contre ses contes, il utilise le merveilleux, dépaysant ainsi le lecteur. Ceci permet de déguiser la réalité et la critiquer, c’est ainsi que le conte : « Micromégas » devient un moyen plaisant pour faire réfléchir sur la place de l’homme dans l’univers, pour le lecteur. Voltaire n’est pas le seul à utiliser le procédé qu’est le détour par l’Autre, en effet, Jacques Sternberg lui aussi, dans 188 contes à régler, les Jumeaux. Ainsi, c’est cette fois par le biais d’une race extraterrestre nommé les Adrèles, que Jacques Sternberg va attirer la curiosité du lecteur ; en effet, ils sont trop différents de nous pour qu'une quelconque communication soit possible, ou trop semblables à nous pour exciter notre curiosité. C’est donc par le biais des Adrèles que la critique se fait sentir, et ce par 3 procédés, le comique, l’humour noir et le sarcasme, pour ainsi dire, Jacques Sternberg dans 188 contes à régler dresse un portrait dépréciatif de l’homme, démontrant toutes ses bassesses et ses penchants pour l’avidité, belliqueux et profiteur. Ce qui rend néanmoins le conte plaisant, en effet, l’image dressée par Jacques Sternberg, des hommes, le tout dans un univers de science-fiction rend le tout plaisant.

2. Parce qu'il amuse, fait rire, divertit -> référence : Les Caractères, par le procédé d'animalisation, et Dyrcona (procès de Guillemette la Charnue), par l'accusation d'une société volatile envers un homme. -> Le détour par l’autre, de par ses effets de dépaysement, de surprise et de curiosité, permet aussi d’amuser, de faire rire et de divertir le lecteur ; en effet, dans Les Caractères de Jean de la Bruyère, le procédé d’animalisation dont sont victimes les hommes fait rire le lecteur, de par son argumentation habile, comme par exemple le parallélisme humanité/animalité, l’homme admire l’habilité de certains animaux à chasser, mais utiliser les techniques de ces derniers pour se chasser entre eux. Qui plus est, l’ironie employée par la Bruyère discrédite l’homme dans l’art dans la Guerre, il se dit « raisonnable » mais a usé de son intelligence pour créer des armes. De plus, l’homme se prétend supérieur, mais reprend ses instincts naturels lors de la guerre, déraison de l’homme, il se moque des animaux pour au final, finir comme eux. C’est donc par le biais de l’animalisation, de l’absurde et de l’ironie que le lecteur est diverti, et s’amuse par les nombreuses contradictions dans les paroles des hommes. Qui plus est, dans Cyrano de Bergerac - Histoire comique des états et empires du soleil, le procès de Guillemette la Charnue, Dyrcona, est mis en accusation par le Peuple Oiseaux. C’est par le biais du Geai que la mise en accusation du genre sera fait, et ce, toujours par le procédé de l’ironie, tenant une place importante dans son discours, le Geai dresse en effet une image dépréciative de l’homme, ce qui n’en est pas moins divertissant ! Le Geai ne connaissant pas toutes les coutumes et manières de l’homme le décrit ainsi, citons par exemple : « L’homme est plumé comme un gâleux » ou mieux encore « une quantité de petits grès carrés dans la bouche ». C’est  par le point de vue de l’oiseau que toute son accusation devient à la fois divertissante, et amuse, voire fait rire le lecteur, les mots employés, les tournures de phrase du Geai témoignent de son incapacité à décrire clairement les faits. Par ce fait, durant sa lecture, le lecteur ne peut s’empêcher de tourner en dérision les propos de ce dernier, ce qui rend le tout à la fois amusant et divertissant. Mais le détour par l’Autre ne sert pas exclusivement à rendre une lecture plaisante, mais permet aussi de poser un regard objectif, passant par l « Autre ». 

II) Et parce qu'il propose un regard extérieur amusé ou indigné sur notre société.
1. Qui permet de découvrir d'autres mœurs, d'autres conceptions, d'autres opinions, à des époques différentes ou dans des lieux différents. -> Référence : Discours du vieux Tahitien (Supplément au voyage de Bougainville) remise en question de la société Occidentale, Candide l'Eldorado, comparaison de deux sociétés opposées.
-> Le Détour par l’Autre permet, par le procédé du détour de faire passer un avis plus ou moins objectif par l’Autre, ainsi, dans Supplément au voyage de Bougainville, par le discours du vieux Tahitien- ce dernier juge les mœurs des Occidentaux, en utilisant le procédé de comparaison, il dénonce tous les vices d’une société. Le Tahitien, est considéré comme sauvage, pourtant, il se montre plus hospitalier, plus libre. Au contraire les européens sont des usurpateurs qui pervertissent ceux qu’ils approchent. Diderot dénonce une société colonisatrice, injuste, immorale et violente face à un monde libre, simple et tolérant. C’est par le biais du Vieux Tahitien que Diderot dresse un portrait dépréciatif, voire indigné de la société Occidentale, en comparaison aux mœurs Tahitiennes. Voltaire dans Candide, durant la péripétie de l’Eldorado va dresser une véritable société utopique (but de l’utopie, image d’une société sans aucun défaut). C’est par cette vision utopique d’une société « parfaite » et de par les artifices employés, la simplicité des habitants et de leurs mœurs. C’est par le biais de Candide que l’Eldorado est décrit, permettant au lecteur d’avoir un point de vue simpliste et naïf, cela permet de porter un regard amusé, extérieur par la même occasion. Mais l’avis objectif de l’ « Autre » permet aussi de confronter, et de remettre en cause certains principes, par la confrontation des idéaux. Nous vivons constamment dans nos travers ; auxquels nous sommes habitués. 


2. La confrontation entraine une remise en question. -> référence : Discours de VH contre la pauvreté, Procès de Miss Polly Baker => Réquisitoire.
-> C’est de par l’utilisation méthodique de l’« Autre » que les meilleures confrontations et par conséquent, les meilleures remises en question se font, pour être plus clair, l’œuvre référence qui pourrait s’apparenter à cela est le discours contre la misère des peuples, de Victor Hugo. C’est par la confrontation des idéaux pacifistes de Victor Hugo, et devant la passivité de l’assemblée que la remise en question est d’autant plus intense, l’Assemblée connait les problèmes de la société, mais ne s’en préoccupe pas, les représentants restent passifs, indifférents, c’est pourquoi Hugo se révolte, il fait une complète remise en question de la société de son temps, de par ses interventions, son engagement personnel, et par sa rhétorique que ce dernier cherche à impliquer son auditoire, et ainsi, remettre en cause leur passivité, mais aussi les travers de la société. Cependant, Victor Hugo n’est pas le seul auteur à vouloir faire changer la société de son temps, en effet, toujours dans le Supplément du Voyage de Bougainville, par Diderot, par l’épisode du procès de miss Polly Baker, va par le détour de l’ « Autre » confronter une mère fille, et une injustice qui condamne cette dernière pour avoir mis au monde des enfants. elle va s’arranger pour renverser la situation, elle inverse le rôle accusateur / victime, ce n’est plus Miss Polly Baker qui est accusé, mais c’est elle qui va accuser la société toute entière, et l’Homme en général qu’elle va remettre en question. La justice ici, abuse de son pouvoir qui résulte de l’absurdité des lois. C’est par cette phrase que Miss Polly Baker va remettre en question toute une société, régie par la justice et le pouvoir : "Si vous faites des lois qui changent la nature des actions et en font des crimes". C’est donc par le biais de l’ « Autre », et de par la mise en relation / confrontation des différentes mœurs des sociétés, que cette dernière est remise en question. Mais le détour par l’ « Autre » connait aussi un autre atout, c’est celle d'une dénonciation déguisée, par l’ « Autre », permettant aux auteurs de juger, et par conséquent de critiquer et dénoncer.

III) Enfin, c'est un moyen de former un jugement critique et autocritique.
1. Comme la dénonciation est indirecte, le lecteur doit interpréter, découvrir par lui-même ce qui est critiqué. Références : Candide / La Fontaine (l’huitre et les plaideurs).
-> La dénonciation a très souvent été indirecte, très souvent dans le cas de la censure, comme par exemple au XVIIe siècle, avec des auteurs tels que Montesquieu, Diderot, et bien évidemment Voltaire. C’est par le biais du détour par l’Autre que ces différents auteurs cachent leur critique par subterfuge,  par l’utilisation du Détour par l’Autre. C’est ainsi que dans Candide, Voltaire dénonce par le biais de l’ « Autre », Candide lui-même, les travers de sa société. De plus, Candide étant un roman d’apprentissage il met en scène l’évolution du personnage qui, après avoir subi nombre de péripéties, est passé d’un état d’immaturité et de naïveté à un état de conscience de soi et de ses actes. C’est  par le détour de l’autre, et une lecture au second degré, qui peut toutefois s’avérer être minutieuse et méthodique. Ainsi le lecteur arrivera à dégager les diverses cibles dénoncées par Voltaire, tels que la Religion, la critique de l’Optimisme (par le biais de Pangloss, et indirectement Leibniz), le pouvoir, puis l’intolérance et la discrimination. Voltaire atteind des cibles situées bien au-delà des adversaires qu’il prétend combattre. C’est le monde tout entier qui semble ne pas avoir de sens. Qui plus est, notons que La Fontaine érige une dénonciation indirecte, lui aussi, utilise le procédé du détour par l’Autre, par l’utilisation d’animaux, ainsi, ce n’est pas Jean de la Fontaine qui dénonce, mais les « Animaux ». C’est ainsi que dans Les Huitres et les Plaideurs, Jean de La Fontaine dénonce le système judiciaire de son époque, de par ses dysfonctionnements. La fable, L’huitre et les Plaideurs fonctionne comme une scène où l'on voit en acte la naissance de la justice, qui est impliquée par la sottise des hommes et le désordre dans la capacité de ce dernier à avoir besoin de l’avis de la Justice, qui parfois, s’avère plus rémunérateur pour les Juges que pour les plaignants. Pour ainsi dire Jean de La Fontaine propose une véritable réflexion juridique sur le droit de la justice de son époque par le biais de Pierre Dandin, référentiel au Juge, utilisant, et en abusant de son statut. La fonction de la justice est de voler les hommes, de s'accaparer des biens d'autrui. Par conséquent, nous ne sommes jamais aussi objectifs à propos de soi qu'à propos d'une personne étrangère. Ainsi, les auteurs ont trouvé un moyen de critiquer cette société tout en se protégeant. Ce moyen est le détour par l'Autre, être fictif qui retranscrit les pensées et le point de vue de l'auteur lui-même, qui, par ailleurs est aussi un miroir dans lequel le lecteur peut s’identifier.

2. L'autre est un miroir dans lequel le lecteur se réfléchit : prise de conscience de ses propres travers. Référence -> Zadig de Voltaire / Gavroche dans Les Misérables.
-> L’ « Autre », c’est le porte-parole des idées de l’auteur. Ce dernier possède deux aspects : il permet, de par son statut fictif de pouvoir faire passer indirectement une critique déguisée, et laisser au lecteur, le plaisir de l’identification . C’est grâce au processus de l’identification du lecteur par le biais de l’ « Autre » qu'il arrive à prendre conscience de ses propres travers. C’est ainsi que Victor Hugo, dans les Misérables, laisse libre cours à ses idéologies pacifistes par le biais de Gavroche, jeune parisien à la rue. Malgré son statut, Victor Hugo l’a tout particulièrement humanisé, en effet, Gavroche représente à lui seul les idéaux de tout un peuple, de par son combat pour la liberté des peuples, Gavroche est un symbole, un « Autre », permettant une prise de conscience directe. L’identification du lecteur / l’ « Autre » accentue la remise en cause, et par conséquent, la compréhension des travers, par le biais de la société à laquelle le lecteur se réfère. Victor Hugo n’est  pas le seul auteur à avoir imaginé un personnage ayant une portée allégorique, en effet, Zadig de Voltaire, porte en lui aussi des idéaux d’une société meilleure. C’est par la philosophie des Lumières que Voltaire va entrainer Zadig dans différentes péripéties. Ce dernier fera l'expérience du monde dans un Orient de fantaisie qui est un miroir de la société française. Zadig est une satire : le conte dénonce l'intolérance des hommes, l'hypocrisie religieuse et le despotisme des puissants. L'humour et l'ironie y tiennent une place importante. Plutôt que de dénoncer les injustices de manière directe (et aussi pour essayer d'éviter la censure), Voltaire utilise le rire et l'émotion qui sont des instruments critiques beaucoup plus efficaces. Le détour permet au lecteur de s'identifier au héros éponyme (Zadig) et de prendre conscience, avec lui, des abus de la société contemporaine véhiculés par les différents personnages que ce dernier aura l’occasion de rencontrer. De plus, le détour par l’Autre cherche à prouver que nous vivons constamment dans nos travers 

 

 

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